L'écouter alors qu'elle déprime. Mais si seulement elle savait.. vous vous étiez rencontré à un moment étrange de votre existence. Le pacte avec le diable était déjà scellé lorsque tu t'es retrouvé charmé par ses drames.
La raison de ses torpeurs tu en fais parti. La source de ses malheurs, tu y as contribué. Et si tu arrives à dormir tranquille le soir, tu crains de tout foutre en l'air, tu crains la vérité du Juge : celle qu'elle ne pourra pas pardonner.

La tête seulement hors de l'eau, tu braques tes yeux sombres dans les siens si clairs et si lumineux, tu te sens happé par la chaleur qu'elle dégage. Tu as si froid Caprice, même sous le soleil tapant d'une après-midi dans le désert, tu es glacé par les chaines qui te retiennent. Tu excelles dans la faiblesse, et étires un sourire qui laisse échapper un petit rire amusé. Qu'elle était pure même dans la haine de ses propres péchés.

— « Avec plaisir, après tout ce n'est pas grand chose. Des chouineuses, j'en ai connu. Je te trouve plutôt courageuse pour tout ce que tu as vécu. »

L'expression de ton regard change brutalement lorsqu'elle mentionne Andy. Tu n'avais nullement l'envie ni ressentait le besoin de rencontrer son amie. Pire, ça te serait sûrement défendu par le Leader lui-même. Ta présence d'esprit et ta logique imparable semblaient trouver cela évident : ce serait un risque à ne pas courir. Si on te perçait à jour, tu mettrais à mal toute l'organisation et l'anonymat des cadres battait déjà assez de l'aile ces derniers temps.
Pendant de longues secondes, tu avais gardé les yeux mi-clos, l'air un peu dans le vague.
Tu te reprends finalement comme si de rien n'était.

— « Apprendre à me connaitre ? » C'était là que ça devenait épineux. Comment aller plus loin sans mentir ? Comment apprécier le lien qui se tissait entre vous en mentant ? « Qu'est-ce que tu veux savoir ? Tu sais, ce n'est pas très intéressant. »

Et merde, et merde.
Tu savais pertinemment de quoi elle parlait. Votre chef avait révélé son vrai visage aux révolutionnaires lors de la restitution de sa dite amie (que tu n'avais pas vraiment eu le temps de connaitre au passage, étant arrivé quelques jours après son enlèvement).
Si tu lui posais des questions, tu pouvais paraitre trop insistant et donc suspect.
Mais paraitre désintéressé par la question était suspect aussi.

— « Les gens sont rarement ce qu'ils disent être. Ils vont toujours modeler leur personnalité selon la personne qu'ils ont en face d'eux. » Comme toi avec elle, par exemple. Une démonstration par l'absurde. « Si je peux te donner un conseil : ne me fais pas particulièrement confiance, tu auras moins de chance d'être déçue. »

Tu sens qu'une légère tension s'installe... Cette mélodie c'est celle des illusions évanouies, des déceptions mélancoliques. Si seulement c'était aussi simple avec Kiana, si seulement tu pouvais lui parler et lui confier tes ambitions, si seulement tu pouvais l'embrigader dans ton univers, dans ta guerre. Mais malheureusement, elle s'était engagée dans une autre : celle du camp ennemi, et tu tentais tant bien que mal de les analyser... rien ne te faisait penser à une organisation solide comme la vôtre. Leurs attitudes étaient beaucoup plus sincères, instinctives. Tu comprenais mieux pourquoi elle intéressait particulièrement votre chef. Sa naïveté était une force d'apparence facile à contrer mais et pourtant difficile à anticiper.

— « Et bien... Je erre dans le désert. Je tente de m'habituer à cette nouvelle vie. J'offre mes services au plus ... offrant ? »

Tu tentes de dériver la conversation, n'ayant pas encore bien réfléchi à ce que ferait Caprice dans le désert quand il enlevait le masque du juge.

— « J'ai retrouvé mon frère. Il est tombé aussi en mars. Je pensais qu'il était mort.. »

Tu lèves le menton vers elle et étires un rictus ému.

— « Je pensais honnêtement que toute ma famille était morte, mais il est bien vivant. Il a tellement changé. »

Tu fronces les sourcils et t'approches d'elle, bravant l'eau qui tente de te retenir en son sein. Tu lèves la main vers sa joue et penche ta tête (et ton buste) au dessus d'elle. Tes lèvres ne sont pas très loin mais pourtant tu gardes la distance d'un souffle comme une sécurité. Ça serait à elle de faire le deuxième pas, si jamais elle souhaite poursuivre celui que tu as déjà fait.

— « Il a tellement changé que même lui je ne... Crois en toi Kiana, il ne s'agit plus de faire confiance à qui que ce soit mais de suivre ton instinct. »

Tu t'étais laissé aller aux confidences, aux philosophies médiocres alors que tu fixais ses lèvres. Ses yeux d'un bleu profond, ça n'a plus d'importance, tu te noies déjà dans l'oasis de vos fantasmes.
Elle parle de coeur et tu hausses les épaules ; peut-être bien. C'est pas la tête qui gouverne les battements de ton palpitant, mais c'est ton corps qui chauffe de plus en plus à mesure que le soleil tape sur les flots.

Elle approche son visage et si tu n'as pas le reflexe de fermer les yeux tout de suite, tu glisses tout de même tes doigts sur ses pomettes pour effleurer son épiderme chair de poule et déposer des grains de sable sur son grain de peau. C'est si bon que tu veux mourir à la seconde où vos bouches se frôlent.

Elle recule et se mord la joue - regrette-elle ? - tu ne dévies pas ton regard du sien. Tu t'imposes comme une idée fixe. Elle a fait le premier pas.
Tu ferais le deuxième.
Plus brutal.

— « Reviens-là. »

Tu brises le vide qui sépare vos corps et plaque le tien contre le sien. Les poignets bloqués au dessus de la tête par une main, l'autre vient caresser la pointe de son menton. Tes lèvres viennent chercher les siennes, passionnément. Les mordre nerveusement pour ne pas les dévorer - complètement.

A vos souffles déchaînés, tu murmures les doigts sur ses côtes décharnées. « Avec toi c'est différent. »

Le seul et véritable aveu que tu peux lui faire, sans déguisement et sans contrefaçon. Mais le rappel à la réalité est plus assomant que cette envie de tout abandonner pour elle, tu libères sa cambrure humide pour te lever et t'éloigner de la rive.

Tu cherches tes affaires, cette fois beaucoup moins confiant.

— « Qu'est-ce que je fous... »