Posté le Mar 17 Mai - 12:55
Elle ne veut pas qu'il pense qu'elle a l'intention de détrôner le Leader. Si le Leader disparaît, elle disparaîtrait automatiquement, qu'est-ce qu'un Apôtre sans son message ? Elle ne formait pas la relève du Leader, elle formait sa propre relève, elle testait sans s'arrêter tous les rampants, tous les masqués importants, pour savoir si elle pouvait arrêter d'aboyer pour le Leader, si elle pouvait continuer tranquillement, l'esprit soulagé de savoir qu'il était entouré par des rampants qui ne le trahiraient jamais.
Ils pouvaient penser ce qu'ils voulaient d'elle, ils pouvaient la mettre sur le piédestal de la loyauté, première médaille, toute brillante et incroyablement lourde. Elle restait malgré tout Hailey, peu importe quel masque d'Apôtre elle porterait. C'était son masque qui était interchangeable, pas celui du Leader. Hailey, elle, n'était qu'un visage destiné à flétrir, à redevenir ce qu'elle ne pouvait s'empêcher de faire craquer sous ses dents, le sable, le verre, les cendres. Si près du feu, tout fond, mais rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, et même si elle pouvait boire le liquide brûlant, en feu, elle ne sentirait rien. Elle ne serait pas satisfaite.
Elle tendait le bras tous les jours dans les flammes du four où elle faisait fondre son sable pour le transformer en attrapes-rêves miroitant sous le soleil de plomb du désert. Chaque jour un peu plus, comme si elle cessait petit à petit de ressentir la chaleur et qu'elle oubliait un peu plus son bras dans un trou de serpent au milieu du désert. Attendant de se faire piquer, pour pouvoir ressentir quelque chose – la douleur.
« Je n'aime pas ton air arrogant, je te propose de te prendre en charge ton évolution dans l'organisation et tu penses déjà à remplacer le Leader ? C'est ce que tu sous-entends ? Les grains de sable ne sont que des ratés au fond de la chaussure. Ils sont un handicap facilement curable, on les enlève comme un pansement, vlan. Et les traîtres... Tu n'ignores pas ce qu'on leur fait. Chacun vit son enfer différemment. » Elle se lève de son tabouret, le bec de sa canne de souffleuse pointé vers le ciel, un amas de matière transparente en fusion écrasé sur le sable. Pas besoin de paillettes quand on marche dessus en permanence. « Tu sais, depuis le jour de notre naissance, c'est comme si on se battait pour ne pas mourir. Les gens ne sont pas des combats, ils ne devraient pas être en conflits avec eux-mêmes. Tu peux m’idolâtrer si ça t'aide à te centrer sur le véritable combat, mais je ne le remplacerai jamais, ce combat. »
Elle soulève d'un bras la canne et la rejette dans le feu, le dos tourné.