Le sable vous accueille ; vous qui vous êtes l’un et l’autre mis à genoux. Ainsi positionnée, tu te questionnes. N’est-ce pas de trop, ce genoux poser à terre ? Tu n’as toi-même pas l’habitude de fouler le sol de cette façon ; et les personnes qui le font ont cette habitude de supplier ou de se lamenter. Mais rien de tel de sort ni de ta bouche, ni de celle de visage d’or.
Alors pourquoi ? Tu aurais aussi pu rester debout.
Voulais-tu regarder visage d’or ? Il n’y a pourtant à observer rien que des yeux qui se cachent derrière une peinture écaillée par les rudesses du désert. C’est un étrange miroir qu’il t’offre là; tu as cette impression qu’il te ressemble.
C’est un beau mirage, tu sais déjà que personne n’est comme toi.

Lorsque son rire si joli, si précieux, perce de derrière son masque, tu as envie de t’en emparer et de le mettre dans une boîte. Une jolie boîte que tu ouvrirais quand tu le voudrais. C’est ton rêve, ça une boîte. Un jour peut-être tu aurais cette boîte, et tu pourrais le lui voler ce joli rire. Mais tu n’as pas cette boîte, Linn. Un jour peut-être, mais sur toi, tu n’as rien pour capturer ce rire; alors tu le laisses partir.
Un jour peut-être tu auras une boîte pour voler les émotions et tu - « Est-ce que tu me laisseras capturer ton rire ? »

Mais déjà ces paroles s’alignent. Fragile Tu ne comprends pas ce qu’il dit, Linn. Ou tu ne veux pas comprendre. Tu fais semblant. Cela fait longtemps que tu n’as pas entendu ce mot. Les autres évitent de l’employer pour te décrire. Ils n’aiment pas et tu n’es pas sûre d’apprécier non plus.
Fragile « Comme une poupée ? » ta pensée t’as échappé, c’est quelque chose qui arrive souvent. Fragile comme une poupée. Tu ne voulais pas être une poupée.
Fragile Qu’est-ce que ce mot cachait-il ? Trop forte, trop cruelle. C’est ce que visage d’or aurait dû employer. Tu as l’habitude de ces mots-là; ils te rassurent presque car tu sais comment les dompter. « Je suis trop grande pour me retrouver à terre. » C’est la seule différence que tu vois entre toi et cette poupée qui se cache derrière fragile.

Tu devrais être contente, Linn car voilà que ta main touche ce masque qui t’attire tant. Mais tu ne l’es pas, contente. Tu sens ce grondement dans ton ventre et ce frisson sur ta peau. Tu sens la chaleur de sa main remonter sur tes doigts, sur ta paume et s’infiltrer sous ta manche pour souffler sur les brûlures de ton bras.
Et ta mâchoire se crispe.
Et ton dos devient rond alors que tu as ce mouvement de recul.
Tu récupères cette main que l’on t’a volé, la pose tout contre ton torse, comme pour la bercer d’un choc trop grand pour elle.
Ton autre main, elle, n’a pas lésiné, et empoche déjà ce poignard qui restera pourtant dans son socle. Si ton cœur bat à toute vitesse, tu as ce bribe de mémoire qui revient à la surface: sans ton masque tu dois rester discrète. Pas de meurtres inutiles, pas de bagarres futiles. Et lui, lui aussi il a un masque. Il a un masque, comme les faux-visage. Mais son masque n’est pas… non, il a un masque, c'est un faux-visage.
Tu l’aides à se calmer, ton petit cœur, tu lui chochottes des pensées douces. Et tu y arrives, car même si visage d’or t’a touché, tu restes là, les lames scellées.

« Moe- » -bius. Que ce nom est familier. Il titille ce coin de ton esprit, ce coin dans le brume caché derrière d’autres souvenirs. Tu as envie d’y aller, de brasser le brouillard pour aller dans ce petit coin. Moe.. bius? Qu’est-ce que ce nom? Pourquoi le prononçais-tu à l’instant ? Ah oui, c’est vrai. Moebius c’est le nom de visage d’or. Et il te demande ton nom. Et il te regarde.
Il est poli, Moebius. C’est la première qu’on est poli avec toi. Non c’est faux, les faux visages sont toujours polis avec toi. Certains disent que c’est la peur mais toi tu ne sais pas, tu n’as pas le droit de les disséquer pour mieux les comprendre.

Tu ne te souviens pas encore que vous ne donnez pas vos noms chez les faux visages. C’est à cause de ce coin dans la brume. « Bonjour Moebius. » Tu as dû le rencontrer, tu rencontres toujours tes compagnons à un moment ou à un autre. Parfois, juste parce que leader à besoin de leur faire peur. « C’est Linn. » Lui aussi devrait s’en souvenir de ton nom, non ? C’est ce que tu penses, mais il y a ce coin de brume. Ah maudit coin de brume, tu voudrais te frapper la tête au sol.

« Je dois t’aider. » Oui tu dois les aider, les faux visages. Tu ne sais pas grand-chose, mais ça tu le sais. C’est ta façon à toi de te rapprocher d’eux, d’être avec eux. « Je dois t’aider, mais si tu me cherches moi je t’ai déjà aidé. »  Ta conclusion est sans appel. Tu es plus utile que tu ne le pensais, Linn. Peut-être même qu’il est content maintenant. Tu ne sais pas, tu ne sais jamais à moins de demander.
« Est-ce que cela te rend heureux ? »