T’as hésité avant de te diriger vers les laboratoires de Requiem. L’un des médecins qui t’a annoncé la nouvelle, ta maladie, t’as parlé d’un homme qui pourrait aider. Aider qui, tu ne sais pas trop, mais ça semblait une bonne idée. Peut-être que tu pourrais participer à trouver un remède à la maladie, ouais, ça doit être ce que le médecin avait en tête. Tu ne sais pas trop quoi en penser, une part de toi, celle qui est un peu plus rationnelle, doute qu’un remède sera trouvé avant que ton état se détériore. Ça te fait peur, ça te prend par les tripes lorsque tu t’attardes sur cette éventualité. Sauf que tu ne le fais pas souvent, pas longtemps. Même alors que tu cherches le bon laboratoire, tu t’efforces de penser à autre chose. Ouais t’allais passer des tests, oui ça ne faisait que confirmer un peu plus ton état de malade, mais ça ne peut t’affecter que si tu laisses ta situation t’affecter.

Suffit d’être optimiste.

Ouais. C’est facile ça. Ce n’est pas comme si tu as une mort prochaine à prévoir. Non, une occasion de faire ce que tu veux. Et semblerait-il que ce que tu veux, c’est aider ton prochain en servant de cobaye. À croire que ta situation te rend plus noble que tu l’aurais cru. Tu chasses tout ça de ton esprit lorsque tu tu trouves le bon laboratoire. T’envoies un message à ton patron pour lui rappeler que tu ne pourrais probablement pas rentrer aujourd’hui. Parfois t’as l’impression qu’il vit plus mal la chose que toi, ça devrait peut-être te fait chaud au coeur. Puis tu cognes, assez fort pour qu’on t’entende à l’intérieur, et t’attends qu’on t’ouvre. Dès que la porte se décale, tu n’attends pas : « Bonjour, je suis votre nouveau cobaye. » Et tu forces un rire à travers tes lèvres. Autant prendre toute cette histoire avec légèreté. Si ça se trouve, c’est juste une grosse blague.  

Enfin une excellente nouvelle ! Quelqu'un de vivant, à un stade pas trop avancé, qui veut bien se proposer comme cobaye pour différentes expérimentations ? C'est exactement ce qu'il te faut. On t'a prévenu il y a à peine quelques heures et pourtant, tu es presque aussi impatient que le soir de Noël. Quelqu'un toque. Tu ouvres, elle entre, elle blague déjà.

"Bien ! Enfin quelqu'un qui bouge. Je commençais à en avoir marre de disséquer des transcendés."

C'est dit sur le ton de la plaisanterie, bien évidemment. Un sourire aux lèvres, tu fais signe à la demoiselle de venir s'installer sur un siège, en face de toi.

"Bien, je crois que je suis légalement obligé de vous demander de remplir ce formulaire. Les questions classiques, hein. Si vous souffrez d'autres maladies que la transcendance, si quelqu'un dans votre entourage proche présente des symptômes, ce genre de choses."

Tu fais glisser un formulaire vers elle avec un stylo, puis tu te lèves. Tu files te laver les mains pendant trente secondes, c'est important faut pas déconner avec ça, puis tu enfiles des gants.

"Une fois que c'est rempli, venez vous allonger ici. Nous allons commencer les tests. Oh, et ne vous en faîtes pas, j'ai de quoi vous soigner, évidemment. Si je pique trop fort, ce genre de choses."

Si t’arrives à te forcer pour rire de la situation, autant dire que tu ne t’attendais pas à ce que celui qui s’occupe de tes tests en fassent de même. Tu restes donc silencieuse un bref instant, incertaine de comment réagir à ça. Puis tu forces un nouveau rire, une réponse aussi. « il va falloir attendre un peu avant de me disséquer. » Tu pourrais espérer que ce temps ne vienne jamais, mais tu n’es pas si optimiste que ça. Peut-être qu’aider ses recherches sont ta seule option pour améliorer tes chances. Tu comptes donc te prêter au jeu autant que possible, peu importe ce qu’il demande. Commencer par remplir un formulaire est une bonne entrée de jeu, parce que ce n’est pas terrifiant, parce que c’est facile d’écrire quelques trucs sur une feuille de papier. Tu le fais assez rapidement, n’ayant pas grand chose à noter.

Reste donc le plus difficile : les tests en tant que tel. Tu ne t’y opposes pas - ce serait bien inutile après tout - et viens t’installer où on te l’indique. « Ça vous arrive souvent de piquer trop fort ? » Tu ne sais pas si tu dois être rassurée par l’information comme quoi il pourrait te soigner en cas de besoin, parce que t’as pas tellement envie de te rendre au point où tu en aurais besoin. « Qu’est-ce que je dois faire ? Rien et vous laisser piquer ? » Ça semble être la possibilité la plus probable, mais bizarrement t’espères que la réponse sera autre. Autant parce que tu préfères être active, que passive. Mais bon à défaut d’avoir vraiment quelque chose à faire, tu peux te permettre de poser des questions et satisfaire ta curiosité : « Vous avez découvert beaucoup de choses en disséquant les transcendés ? » Que tu saches avec quoi tu dois te mesurer. Quoi que… qui sait si tu pourrais vraiment être plus utile qu’un cadavre.  

Oups, on dirait que ta blague est un raté. Elle est peut être un peu moins calme que ce que tu pensais, avec cette histoire de transcendance. Il ne faut pas oublier que la maladie rend les gens un peu déprimés, il faudrait éviter l'humour glauque.

"Oh, promis, si je pique trop fort, je vous mettrais un joli pansement avec un papillon dessus."

Sourire en coin. Tu n'as pas pu te retenir, pas vrai ? Tu maintiens doucement son bras alors que tu tamponnes de l'alcool sur un coton sur le bras de Claire, pour désinfecter. Tu approches l'aiguille.

"Attention, je pique à un, deux.."

Pas de trois, tu as déjà enfoncé l'aiguille. La veine était simple à trouver, coup de bol (non, de talent). Tu commences à tirer du sang pour les analyses.

"Pour l'instant, pas grand chose, officiellement. Ils étaient humains, avec ou sans cristaux. Qu'ils viennent d'ici ou de là haut, le traitement est le même."

C'est un peu sombre, surtout qu'elle est malade.

"Mais c'est grace à des gens comme vous qu'on fait progresser la science et qu'on trouvera un remède, si ça peut vous rassurer. L'humanité compte sur nous."

Encore une fois, un sourire. Mais honnête.

Si la première blague du scientifique t'as prise de court (et pas nécessairement dans le bon sens) la mention d'un pansement papillon a tôt fait de te faire rire, de façon plus sincère cette fois. Est-ce que ça fonctionnait vraiment comme promesse ? Tu doutes que le pansement change grand chose à la douleur que tu ressentirais s'il piquait de travers, mais qu'importe. Tu penses déjà plus à cette éventualité et c'est peut-être le signe qu'il a réussi. « J'espère que j'y aurai droit dans tous les cas. » Est-ce que ça t'importe ? Non, mais t'es curieuse de savoir s'il allait te laisser des caprices. Il pourrait, t'es condamnée à une mort future après tout.

Mais tu n'insiste pas, en partie parce que tu te fais surprendre par la piqure et en partie parce que t'es plutôt curieuse de savoir s'il y a des progrès dans la recherche d'une solution. Tu n'as pas tant d'espoir sur la question, mais ça ne coute rien de demander. La réponse du scientifique ne te surprend pas le moins du monde. Il n'y a rien d'encourageant dans ce qu'il dit, mais tu te permets quand même de rire à nouveau. C'est un peu plus jaune cette fois, mais ce n'est pas encore empli de désespoir. « L'humanité compte plus sur vous que sur moi. Je fais juste me faire piquer, ça demande pas beaucoup d'effort. » Juste que tu tombes malade et t'acceptes d'être un cobaye c'est pas très difficile. « C'est mieux comme ça vous me direz, je pense pas que j'aurais la patience de chercher une solution à un aussi gros problème. » Raison pour laquelle tu comptes surtout profiter du temps qu'il te reste plutôt qu'essayer de combattre ou quoi que ce soit du genre. Ce qui doit arriver arrivera, c'est hors de ton contrôle de toute façon. 

"Si vous êtes sage."

Tu termines la piqûre et tu attrapes un coton que tu viens coller sur l'endroit ou l'aiguille à percé la peau. "Tenez ça rapidement, s'il vous plaît." Pendant ce temps, tu récupères les fioles de sang pour les ranger dans des bacs, après les avoir étiquettés.

"Non, grâce à nous. Si vous n'étiez pas là, je serais obligé de piquer un transcendé. Et vous n'avez pas idée à quel point ces bêtes n'aiment pas être retenues par des cordages."

Et qu'ils n'aiment pas non plus qu'on les pique, cela dit. Il pouffe un peu de rire puis attrape le pansement promis. Il l'ouvre, retire doucement le coton et vient coller le papillon sur le bras de la blonde.

"Ne vous en faîtes pas, tout a été stérilisé depuis leur passage."

Tu attrapes ton bloc notes pour y cocher deux trois cases sur la procédure à suivre. Elle semble en forme, malgré la maladie. C'est terrible de se dire que peut être, elle n'aura pas la chance de voir le vaccin ou le remède.

"A ma place, vous auriez la patience, je vous assure."

Peut être que tu ne veux pas lui montrer, mais ça te plaît. Savoir que les gens ont besoin de toi. Que c'est un besoin vital. Alors tu caches ça avec un sourire un peu hypocrite.

Tu ne peux que rire à ses mots, tout de suite plus détendue. « Je suis toujours sage. » Et franchement, le seul fait que ce soit ta réponse devrait indiquer que c'est loin d'être le cas. Mais qu'importe, tu comptes bien te comporter aujourd'hui, peut-être parce que c'est une bonne cause, peut-être parce que t'es tout de suite plus fatiguée ces temps-ci. Tu ne saurais le dire. Tu ne veux peut-être pas le savoir en fait. Tu t'exécutes en mettant de la pression à l'endroit indiqué. Est-ce que ton sang contient vraiment une quelconque réponse ? Est-ce qu'il pourrait contaminer quelqu'un ? Tu ne sais pas, ça non plus tu ne veux pas le savoir.

De toute façon, ton attention est vite captée par le jeune homme à nouveau. Tu rigoles à nouveau lorsqu'il évoque les transcendés et le fait qu'ils n'aiment pas être retenus. « Contente de savoir que je suis une patiente plus agréable qu'eux. » Que ton avenir, ajoute une voix pernicieuse dans ton esprit. Toi tu ne t'y attardes pas, tu regardes plutôt le pansement papillon avec un sourire. Semblerait-il que tu aies vraiment été sage. « Puis c'est pas comme s'ils pouvaient me refiler quoi que ce soit. » T'apprécies le fait que ça a été désinfecté depuis le passage d'un transcendé, mais tu n'oublies pas que t'es l'une des leurs à présents.

T'observes le jeune homme un bref instant, silencieuse. Est-ce que tu aurais vraiment la patience à sa place ? T'en doutes, ça a jamais été ta grande force. « J'aurais le temps surtout. » T'es réaliste sur ce point après tout, tu verras probablement pas les solutions à la transcendance. « Mais je vous laisse la patience. Vous êtes sans doute plus qualifier que moi et je dois avouer ne pas avoir envie de piquer du transcendé. » Un petit haussement d'épaule pour ponctuer ta phrase, l'air de rien dire. Ça t'importe peu au fond, c'est lui le scientifique, pas toi. Tu serais jamais dans ses chaussures alors autant être confortable dans les tiennes : « Est-ce qu'il y a d'autres tests à passer ? » Ça ne te dérange pas vraiment de rester et discuter, mais autant tout subir maintenant.

Ah, si seulement tout les patients pouvaient être aussi calmes. Il faut dire qu'habituellement, les tiens sont plus poilus, plus griffus et plus.... plus animaux, quoi.

"Vous seriez sincèrement surprise de ce qu'ils peuvent refiler comme maladies. Après tout, les bactéries se développent vraiment bien dans leurs gueules. Surtout quand ils viennent de prendre un encas."

Peut être que c'est un peu déplacé de faire ce genre de remarques devant quelqu'un qui est malade, mais elle, elle semble étonnement calme. Tu hoches la tête et t'installes derrière mon bureau.

"Juste quelques questions. Avez vous croisé un autre malade de la transcendance avant l'annonce de votre maladie ? Avez vous été mordue, piquée, empoisonnée ?"

Tu sais que ça n'a rien à voir avec tout ça. Que ce n'est pas comme ça qu'elle se propage. Mais ce sont les questions reglementaires.

"Vous souvenez vous de vos repas ? Avez vous mangé quelque chose d'étrange ?"

Tu l'enchaînes de question, prêt à cocher toutes les cases "non", comme d'habitude.

Tu peux pas t’empêcher de froncer les sourcils légèrement au commentaire (à la blague ?) de ton interlocuteur. C’est tout un avenir qui se profile devant toi, le genre qui te pousse à te demander si tu ne préférerais pas mourir avant d’en arriver là. Bien sur, t’es loin de te lancer dans cette direction dans le cadre de votre discussion, préférant poser une question qui ne se veut pas sérieuse - malgré le sujet en question : « Il y en a déjà un qui a réussi à prendre une bouchée ? » Et par là, tu veux savoir si un transcendé l’a déjà mordu. Il parle des microbes, et de tout le reste, c’est peut-être bien pour une raison.

Puis bon, autant le dire, il est plus simple de te concentrer sur l’homme plutôt que de vraiment faire attention au fait que c’est ton avenir. C’est aussi plus agréable que de répondre aux questions, peu importe à quel point elles sont routinières. « J’en ai croisé à la tour quand il y a eu une tentative de remontée. J’ai manqué de crever ensevelie par du sable, mais aucun contact direct avec les bêtes je crois. » Ça commence à remonter maintenant que t’y penses. Est-ce que ça a vraiment un quelconque rapport avec ton état de santé ? C’est la question que tu te poses avant de chasser la chose de ton esprit. T’as pas à te casser la tête non plus. Surtout quand il y a une question plus imprévisible qui est posée. « Bizarre comment ? Parce que j’essaie toujours des trucs nouveaux, mais de là à me transformer en monstre… » Après tout, t’es une cuistot, c’est ton rôle que de tenter de développer de nouvelles recettes, même si bon… on ne peut pas dire que ça marche souvent (ou même tout court). Tu supposes que c’est donc un non à sa question, même si c’est de façon transformée.

"Heureusement, j'ai encore tout mon corps. Certains de mes collaborateurs au laboratoire n'ont pas eu cette chance."

Tu coches, coches et coches. Ce n'est pas la partie la plus intéressante et tu aurais même voulu l'éviter, si tu avais pu. Mais tu dois suivre la procédure, si tu veux pouvoir continuer tes petites expériences privées en paix.

"Honnêtement, c'est parce qu'ils veulent savoir si c'est un truc qui se transmet par la nourriture, par une morsure, un crachat, ce genre de choses. Si vous voulez mon avis, c'est stupide. Si c'était ça, on l'aurait trouvé sur Terre."

Peut être que c'est une remarque que tu ne devrais pas faire devant un patient, mais tu t'agaces un peu d'entendre certains malades te dire que c'est sûrement le kebab sans gluten qu'ils ont mangé il y a trois semaines qui est responsable de ça.

"Oui, j'ai cru comprendre que la petite fête pour la remontée ne c'était pas passé exactement comme prévue. Voyez le bon côté de la chose, vous avez probablement sauvé la vie de beaucoup d'entre nous là haut."