Quand le monde que l’on s’est construit toute une vie, pour respirer, pour exister, pour ne pas craquer;
Quand la joie semble s’éclipser au profit d’une maladie incurable; qu’on ne peut plus cacher qu’il n’y a personne qui attend à la maison, qu’est-ce qu’il reste ?
Qu’est-ce qu’il lui reste ?
De cette fatigue chassée à l’aide de prescriptions obtenues par mensonges, par cafés et boissons énergisantes, de cette fatigue épuisante, écrasante et de cette étincelle éteinte dans son regard;
Qu’est-ce qu’il reste de celle qu’elle était ? Qu’est-ce qu’il reste de la douce Lizzie, la joyeuse Lizzie, de cette étincelle dans les journées sombres ? Une image, une apparence; de cette difficulté à se lever le matin et cette terrible envie de tout abandonner qui grimpe en elle et consume tout - effacer d’un geste de la main et prétendre.
Toujours sourire, toujours parler, laisser entendre que rien n’a changé - encore une fois parler de Lux comme si son coeur battait encore; parce qu’elle s’était bien trop enfoncée dans ce mensonge pour s’en sortir aujourd’hui et elle allait s’y noyer. Ça semblait bien trop évident; elle allait s’y noyer.

Encore une fois, Lizzie se trouvait au laboratoire; elle se trouvait au travail parce que jamais elle ne manquerait une journée de travail - jamais elle n’oublierait les heures supplémentaires. Chasser le sommeil pour oublier que celui-ci affirme sa serre autour d’elle jusqu’à l’étrangler, ne jamais vouloir la laisser partir. Prisonnière de l’étreinte de Morphée, s’y débattre, hurler - en vain.
Tous les jours, constamment, la fatigue s’imposait dans les membres de son corps, buvant café après café en oubliant le nombre de tasses ingurgitées pour ne pas s’endormir. Assurer son travail comme toujours, échanger avec les collègues, des banalités, des histoires et des blagues; rire pour oublier que le quotidien n’est plus le même.

Mais pour une fois et depuis quelques temps, Lizzie ne rentrait plus sur un appartement froid et vide; pour une fois, elle ne craignait plus le retour au bercail. Elle ne craignait plus le silence, l’absence qui s’étendait partout et le répondeur sans appels retournés.
Elle a déménagé, elle s’est éloignée de Polaris pour respirer, pour oublier. Quand elle a perdu de vue sa collègue de travail et qu’elle n’a plus oser y remettre les pieds de peur que sa présence ne soit plus désirée, Lizzie n’avait plus supporté son appartement.

Australis ayant été récemment construite - Lizzie y avait jeté son dévolu. Si elle devait partir plus tôt le matin et qu’elle revenait plus tard le soir, ça ne la dérangeait pas, elle pourrait même inviter Mackenzie à faire un tour chez elle (Australis permettant aux Oubliés d’entrer). Elle avait cherché une tranquillité d’esprit qu’elle n’avait qu’en partie trouvée le jour où elle avait vu que le gouvernement était à la recherche de familles d’accueil pour des jeunes. Quand elle avait décidé d’appeler, de se proposer.
Lizzie avait été seule depuis si longtemps que l’amour de son coeur débordait - qu’elle avait tellement d’attention à donner. Elle n’avait jamais eu la chance d’être mère, ni même y avait pensé. Son travail avait toujours passé avant toutes les relations possibles et pourtant, le vide dans son entourage avait continué de se creuser.

Aujourd’hui, Lizzie rentrait chez elle en ayant la certitude que l’appartement serait occupé. Elle ne reviendrait pas sur le vide et le froid d’un appartement où il n’y avait qu’elle.
Alors c’était un sourire sincère sur les lèvres qu’elle avait salué ses collègues en désinfectant la portion de table sur laquelle elle travaillait. C’était en sifflotant distraitement la chanson qui résonnait dans ses écouteurs qu’elle avait attendu le bus pour se rendre à Australis. Presque sautillante quand elle approchait de l’appartement, son gros manteau sur le dos ainsi que ses écharpes et ses hautes bottes chaudes pour ne pas avoir froid. Parce qu’il allait de soi que les vêtements légers portés par la scientifique n’allait pas la protéger du froid d’Australis - mais ça ne l’avait jamais dérangé.

Devant l’appartement; quelques instants, Lizzie hésita. Lizzie hésita parce qu’elle avait peur de ne pas suffire, de ne pas être assez présente, de ne pas être aimée de la jeune femme qui se trouvait sans doute entre les murs. Ces peurs qui venaient parfois, qui épuisaient, qu’elle ne pouvait contrôler. Mais elle finit par rentrer tout de même et alors qu’elle enlevait son manteau et ses bottes, elle fut rejointe par Ophelia qui semblait… troublée. « Bonjour ! » Lizzie souriait.
Lizzie souriait toujours. Ce n’était pas nouveau. Mais elle souriait sincèrement à Ophelia, contrairement aux autres. Puis, ce fut ses sourcils qui se froncèrent, tentant de comprendre qui se passait. Mais les excuses la dissuadèrent d’essayer davantage, tant qu’elle n’aurait pas rassurer Ophelia. Sans se faire prier, elle serra doucement la jeune femme dans ses bras, souriant légèrement. « Je ne sais pas pour quoi tu es désolée, mais je suis convaincue que ce n’est rien qui ne s’arrange pas alors, ne t’en fais pas sweetie ! On va tout réparer ensemble. »
Lizzie s’écarta d’elle pour attraper sa main et aller dans la cuisine, d’où l’odeur semblait s’échapper - pour comprendre la raison des excuses d’Ophelia. La scientifique ne put étouffer un petit rire. « Prenons un torchon et nettoyons tout ça ! Ensuite, on pourra terminer de préparer le repas, tu en penses quoi ? »
Ophelia était un peu la sauveuse de Lizzie, à vrai dire

Lizzie, elle avait souri.
Tellement longtemps, elle avait offert un sourire à ceux qui l’entouraient, elle l’avait dessiné sur son miroir pour ne pas l’oublier; Lizzie, elle avait souri jusqu’à oublier pourquoi. Jusqu’à en oublier comment ne pas sourire et quand son esprit s’est égaré dans quelques brumes lointaines, elle a continué à offrir aux autres les rayons de soleil dont son univers était autrefois composé.

Lizzie, elle était ce soleil qui illuminait les ciels sombres des autres; de son entourage, le soleil autour duquel on tournait en orbite - et Lizzie, toujours, souriait. Lizzie, toujours, était elle-même (mais elle ne savait plus qui elle était) - elle avait perdu l’essence de sa propre existence.
Dans un brouillard qui semblait désirer d’épaissir plus les journées s’écoulaient, Lizzie se perdait. Elle ne parvenait plus à retrouver le chemin de la maison - mais, encore, elle souriait.
Elle n’avait jamais su faire autrement. Pour sa famille qui n’était plus là, pour Lux qu’elle ne pouvait plus serrer dans ses bras, pour tous ceux qui avaient péri au combat, Lizzie affichait un sourire sans failles.

Elle s’accrochait à ce désir de vivre qu’elle avait toujours eu; aux rêves de découvertes, de nouveaux horizons, au travail qui avait toujours fait battre son coeur. Elle s’accrochait aux souvenirs qui revenaient la nuit et au rire qui résonnait quand elle fermait les yeux, au pendentif qu’elle pouvait frôler de ses doigts tremblants dans les moments de doutes. Elle s’accrochait Ophélia qui se trouvait désormais dans son appartement, appartement à Australis, bien loin des anciens fantômes de sa vie - loin de ce qu’elle avait cherché à éviter, cette solitude glaciale qui avait pris pas sur son sourire par moments, quand elle ne parvenait plus à sourire au reflet du miroir.

« Ce n’est pas grave, je t'assure. » Elle lui sourit doucement, elle lui sourit chaleureusement. Devant elle, le sourire de la scientifique est vrai, sincère, son sourire revit et les étincelles dans ses yeux aussi. Parce que Lizzie avait tellement d’amour à donner et avait tellement besoin de quelqu’un auprès d’elle - parce que Lizzie avait déjà pensé être mère, une fois, quand elle aurait trouvé la bonne personne, quand elle serait posée après son travail (son travail passerait toujours avant tout). Alors maintenant, Lizzie ferait tout pour que l’adolescente se sente à sa place, soit heureuse - Lizzie avait continuellement peur de ne jamais être assez. Et qu’Ophélia se décide de partir.
Elle avait secoué sa tête quand la jeune femme lui proposa de tout faire tout seul. « Hors de question, je t’aide ! » Et puis, même si c’était un moment à nettoyer un dégât, ça leur faisait du temps ensemble, non ? Lizzie savait qu’elle n’était pas souvent présente, mais elle faisait de son mieux. Peut-être même qu’elle pourrait lui proposer une soirée de film, ou de jeux de sociétés ou peu importe ce qu’elle voulait faire ! Passer du temps ensemble.

« D’ailleurs… Peu importe ce qui va se passer Ophélia. » Douceur qui s’imposait dans tous les gestes de la scientifique, dans sa voix, dans son regard, quand elle s’était approchée de la cuisine pour se tourner vers l’adolescente qui habitait chez elle. Sa main avait légèrement frôlé, frotté affectueusement l’épaule d’Ophélia. « Je veux que tu saches qu’on règlera toujours tout ensemble. Peu importe à quel point ça te semble insurmontable, je serais là pour t’aider à essayer de réparer les erreurs. Personne n’est parfait et... Je ne veux pas te voir partir… » Quelques pointes de tristesse et de solitude dans ses yeux, dans son sourire - parce que Lizzie avait été seule tellement longtemps qu’elle ne savait plus trop comment faire. Elle ne savait plus comment laisser quelqu’un entrer dans son intimité, mais elle craignait de perdre cette personne qui y était présentement. Elle voulait tout faire pour être une mère merveilleuse - même si Ophélia n’était pas sa fille biologique.

« Allez, nettoyons ! » La légèreté qui lui était caractéristique était revenue alors qu’elle avait mouillé son torchon pour s’attaquer au “carnage”. « Qu’est-ce que tu essayais de faire ? Et tu as envie de manger quoi ce soir ? »

would you rescue me
would you get my back ?
would you take my call when i start to crack ?