Face au silence des brumeuses s'élèvent les soupires et les travers. Il t'est de plus en plus difficile de le cacher Eliott, notamment à ton équipe avec laquelle tu travailles. Et pourtant chaque jour qui passe tu bénies le ciel d'être encore au dessus de ta tête, malgré que tu y sois tombé - car tu n'es pas un ange déchu, seulement un monstre perdu.

Assis au bord de la rivière, tu as ramené un genou contre ton torse. Tu observes le courant filer avec sérénité, alors que ta tête tourne et que tes muscles se tendent. Tu ne devrais pas être ici, tu le sais pertinemment. Ta place est entre quatre murs, une prison que tu as choisi pour bureau - alors que tu as juré de consacrer ta nouvelle vie à aider les autres, à trouver un remède pour soigner la transcendance (avant qu'elle ne te condamne).

Une silhouette rousse émerge des fourrées et tu restes sur tes gardes, un sourire doux et clément sur les lèvres. Quand elle se dessine, ton coeur se tord face à une familiarité cruelle. Pourquoi ressemble t-elle autant à Meredith ?
Tu fronces les sourcils, hésite à l'interpeller malgré la certitude que ce n'est pas elle.
Elle est morte, elle. Alors qui est-elle ?

— « Vous êtes-vous perdu, douce enfant ? »

Ta voix est grave, mais reste douce et apaisante.
Tu étires un demi-sourire, qui se veut rassurant. Mais dans l'ombre de ton regard clair obscure s'éclaire à demi-teinte tes véritables intentions. Non pas malveillantes, mais clairvoyantes.

— « À la vue de votre visage confus et de votre tenue, vous me voyez de faire cette terrible conclusion. Vous ne devriez pas être ici, n'est-ce pas ? »

Elle semble surprise par le surnom de politesse que tu lui as affublé. Tu fermes les yeux et lèves la main pour lui faire signe de résilience. L'air de dire que ce n'est pas grave, concèdes trop rapidement que les termes employés ne sont pas les bons.
Tu n'as aucun remords Eliott, et joue presque du malaise que tu as instauré pour voir en elle la vérité qu'elle tente de lui dissimuler. Tu l'as piqué volontairement pour qu'elle trouve en toi le réconfort nécessaire pour être rassurée et se sentir en confiance.

— « Je n'ai pas l'autorité ni la légitimité ici pour vous arrêter, ni même pour vous interpeller. »

Tu étires un demi sourire et lui fais signe de s'asseoir, si elle le souhaite. Tu te permets d'ajouter, comme si cela pouvait faire pencher la balancer pour la faire rester.

— « S'ils passent par ici pour des contrôles, vous ne paraitrez pas suspecte à mes côtés. Alors n'ayez crainte, et n'hésitez pas à vous joindre à moi. »

Tes yeux sont cruels, car ils décèlent sans efforts les faussetés qu'on tente de t'imposer. Tu la déshabille de toute autre option, alors que le mystère de son identité te rend fou.
Pourquoi lui ressemble t-elle autant ? Est-elle vraiment Meredith ? Le ciel aurait été vil de te piéger ainsi.

— « Viendriez-vous de la Terre ? »

Fait mine de considérer ses options alors que la solution est toute trouvée. C'est qu'il ne faudrait qu'on te cède facilement, tu vois. C'est qu'il ne faudrait qu'elle te donne l'impression de se jeter dans la gueule du loup sans en avoir conscience. Ne veut plus donner l'impression d'être sotte ou naïve, ne veut plus être dans ce rôle parce que ça a tant coûté la dernière fois. Mais elle n'a aucune idée, Ama, douce Ama, du genre de prédateur que tu es. N'a aucune conscience des points communs que tu as avec lui.

Soupire, s'assoit un peu brusquement à tes côtés. Son regard parle pour elle, c'est le choix qu'elle a fait, ce n'est pas à cause de toi. À d'autres, Amaryllis.

— Comme tout le monde ici, non ?

Provoque, toujours un peu brutale, car elle transpire la méfiance. Mais enchaîne tout aussi rapidement, parce qu'elle n'a pas l'intention de se montrer plus idiote qu'elle ne l'est, tu sais ?

— Mais si votre question est "est-ce que je viens d'arriver de la Terre", la réponse est oui. Ça va faire quelques semaines.

Et quelles semaines, tu n'as pas idée. Enfin peut-être que si ? As-tu connu le désert, Cher Inconnu ?

— Et vous ? Vous avez l'air d'être dans votre élément.

amaryllis et pseudo
petit mot doux

Tu ne sais pas trop Eliott - après tout tu joues au même jeu dangereux qu'elle. Celui où tu te fais passer plus innocent que tu ne l'es vraiment.
Alors oui, ta question n'était pas claire et tu hausses un sourcil sans casser ton sourire lorsqu'elle fait mine de ne pas comprendre son véritable sens.
Tu la laisses faire, suit le mouvement de son corps qui se plie gracieusement pour s'assoir. Sa méfiance est légitime, même si elle te blesse.

— « Il en est de même pour moi, si cela peut vous rassurer. Novembre, New York City. »

Tes yeux ne laissent rient transparaitre. Tu es devenu un maitre dans la simulation d'informations. Impossible de discerner si tu mens, quand bien même tu dis la vérité, pour le coup.

— « N'est-ce pas trop indiscret de demander d'où vous venez, vous ? »

Tu ne saurais pas dire si cette terre d'accueil est ton élément, du moins parce que tu en l'as pas totalement apprivoisé.
Tu hausses les épaules avec délicatesse et tes yeux se portent sur deux agents de police qui passent de l'autre côté de la rivière.
Froncent les sourcils dans votre direction avant de continuer leur route sur le petit chemin de cailloux.

— « Pourquoi diable avez-vous atterri au désert ? Aucune nation n'eut de grace à vos yeux ? »

On hausse un sourcil, on t'avait imaginé là depuis le début. Tu n'as pas l'air déboussolé ou perdu comme tous les gens qu'on a pu rencontrer. Tu n'as pas la folie furieuse qui prend aux types de certains nouveaux. Non, tu as l'air... Affreusement normal. Et on ne sait pas si ça dit toi quelque chose de dangereux ou non. Les gens qui gèrent trop bien l'imprévu, qui s'en acclimate facilement, sont souvent ceux qui tirent leurs épingles du jeu. Est-ce que t'es un joueur compulsif ? Ça aussi, ça peut être dangereux. Mais puisque tu poses la question, elle lâche l'info, après tout quelle importance ça peut avoir puisqu'en haut, il n'y a plus rien.

— Pasadena, fin j'étais pas là-bas quand c'est arrivé. J'étais à Los Angeles et ensuite....

On fronce les sourcils, on se souvient de tout, des tremblements, de la panique, d'elle qui nous serrait dans ses bras comme elle ne l'avait jamais fait avant. On s'était senti démunie, terrifiée, impuissante. C'est peut-être pour ça qu'on l'avait rejoint aussi facilement, peut-être pour ça qu'on l'avait aimé aussi. Il était calme et sûr de lui, il comblait toute la force et l'assurance qui nous faisait défaut.

— Ensuite j'ai survécu.

Tellement bien que même la chute jusqu'ici ne nous avait pas tuée. Sourire désabusé sur nos lèvres. Paraît-il que les pires partent en dernier. Vu comment on est increvable, on doit vraiment être terrible. On tourne le regard, on a vu les soldats nous aussi. On se raidit, mais on ne bouge pas, manquerait plus qu'on attire l'attention alors reste assise, on prend même la peine de rire histoire de signaler que tout va bien, qu'on n'est pas en train de fomenter un coup d'État ou de faire une réunion anarchique sur la prochaine vendetta à mener.

— Aucune nation n'est venue me chercher. Pas assez bien, je suppose. Faudrait vraiment être fou pour choisir le désert, d'ailleurs des fous, il n'y a que ça là-bas.

amaryllis et pseudo
petit mot doux

Pasadena, ok.
Los Angeles, Ah ! Très bien. Tes yeux la scrutent avec un soudain intérêt nouveau. Tu te demandes pendant combien de temps deux aussi gros poissons que vous n'ont pas pu se croiser dans une aussi petite marre. La même ville, à l'échelle du monde ! C'est incroyable mais du coup tu doutes encore plus. Pourquoi as-tu l'impression que c'est elle si ça ne l'est pas ? Elle vient pourtant du même endroit.

— « Il est curieux que nous venions de la même ville. Je jurerai de vous connaitre. Et je ne me suis pas cogné la tête, ce matin. »

Tu aimerais qu'elle t'explique, qu'elle même partage ce sentiment de familiarité qui t'étreint mais à son petit jeu tu devines qu'elle ne feint pas l'ignorance aussi facilement, et qu'elle n'est pas femme à vouloir te torturer l'esprit volontairement.

— « Vous avez survécu ! Et j'ai peut-être tort d'imaginer qu'à votre tête, vous vous demandez bien pourquoi. Il n'y a que les êtres exceptionnels que le Seigneur épargne. Alors soyez rassurée et jouissez de cette vie qu'il vous a offerte. »

Tu penches la tête sur le côté, sourire doux.
Presque inquiétant.
Les gardes passent et tu profites d'être de nouveau intime avec elle.

— « Aah... Les fous. Je suis triste qu'aucun ne vous ait proposé quoi que ce soit. C'est étrange je n'ai pas l'impression de parler avec une folle. Ou alors, votre folie est ravissante. »

Elle gangrène le ventre et l'esprit.