Parfois tu te demandes si t’as oublié de lire une partie du contrat quand t’as eu ta promotion au rôle de cheffe de la sécurité de Requiem. Non, parce que quand même, il faut noter que tu fais un peu plus que ce qu’on pourrait attendre de ta part. Est-ce que c’est parce que t’es trop soucieuse de bien faire ? Incapable de déléguer ? Peut-être, mais t’as quand même l’impression d’avoir été trompée dans l’histoire. Parce que bon, entre diriger des groupes d’expédition dans Perdition - ce qui ne s’est pas exactement bien passé les deux fois - et ce voyage à l’Entre-Guerre pour des discussions officielles. C’est loin d’assurer la sécurité de la capitale de ton pays. Mais bon, est-ce que tu pouvais vraiment dire non ? Non. Est-ce que t’en avais envie d’ailleurs ? Non plus. Il faut dire que t’es bien contente de pouvoir quitter la capitale, même si ce n’est que l’histoire d’une rencontre. L’oeil au beurre noir qui colore ton visage te rappelle que tu n’as pas réussi à ramener Raeb et Jessica en parfaite forme. Tu ne peux pas nier que t’as aucune envie de les croiser, pire de croiser la mère de Jessica au détour d’une rue.

Donc non, c’est très bien en fait ces responsabilités supplémentaires.
Même si ça implique d’attendre de l’autre côté d’une porte en compagnie d’un homme qui t’est inconnu. C’est celui qui est venu avec le représentant de Caer - un des nouveaux ministres tu penses ? - celui à qui tu adresses un signe de tête. « C’était ce que tu avais en tête en prenant le job ? » Tu sais pas trop comment il en est arrivé là, t’as pas eu l’énergie de t’intéresser complètement à ce qui s’est passé à Caer outre les informations primordiales. « J’imagine que ce n’est pas simple en ce moment. » Ou tout court, mais il faut voir là, l’effort maximal que tu peux faire pour paraitre sympathique avec quelqu’un qui doit être… ton homologue, quelque chose comme ça. T’es pas douée pour les discussions légères ou qui ne sont pas beaucoup trop axées sur ton travail. Oui, t’es vraiment plaisante comme personne.

Peut-être qu’il était pas d’humeur à parler en fait, il a l’air surpris que tu lui adresses la parole. Si ça se trouve, t’avais même pas besoin de faire un effort pour socialiser. Enfin, il est trop tard pour revenir en arrière, t’as droit à des réponses à tes questions. T’hoches la tête à la première vrai réponse, c’est certain que Caer Hrid s’est mieux porté, mais ça fait déjà quelque temps que le (feu) Royaume est sur le déclin. Un commentaire que tu gardes pour toi, tu sais pas vraiment à quel point ton interlocuteur a la fibre patriotique.

Peut-être pas tant que ça s’il n’a rien d’un soldat. Même si au fond, tu ne peux que comprendre, tu crois pas être faite pour la guerre non plus. « Vu comme ça, c’est certain que c’est plus plaisant de faire le piquet. » Ça ne te plait pas beaucoup, t’estimes pouvoir être plus utile ailleurs qu’à attendre qu’une rencontre soit terminée. « Mais avec le siège du château ce n’était pas loin. Vous devez avoir vu des pires choses que moi. » Vraiment t’es d’une compagnie fabuleuse, tu le sais ça Jill ? Parce qu’il doit pas avoir envie que tu lui rappelles ce qui s’est passé pendant le siège. Mais tu devais faire le commentaire, c’était plutôt un signe de respect pour quelqu’un qui a du vécu des choses pas simple avec la mort du roi et l’incendie du château.

Tu te racles la gorge, comme pour rattrapée un surplus de franchise peut-être pas nécessaire. « Mais au moins vous êtes sur la bonne voie. » Enfin pas lui spécifiquement, mais son pays. Toi t’as pas ce genre de problème à la Vallée, même s’il faut admettre que t’aimerais bien voir Donovan déposé. Tu ne peux pas dire une telle chose de vive voix alors tu te taies, jetant plutôt un regard vers la porte dans l’espoir que la rencontre se termine rapidement.

Pas cool. Ça doit être assez descriptif de ce qui s’est passé dans une certaine simplicité. Une part de toi est curieuse et aurait presque envie d’en savoir plus, mais le reste de ta personne - plus posé - se dit que ce n’est définitivement pas un sujet à aborder avec quelqu’un que tu ne connais pas. Alors tu le prends simplement au mot et hoche la tête distraitement. « Vous étiez où avant ? » Seule chose sur laquelle il te semble correct de rebondir. Tu te doutes un peu de la réponse, il n’était certainement pas de la Vallée des Constellations et tu doutes que la politique de Caer Hrid à l’égard des Oubliés a été si rapidement changée - mais en même temps tu ne sais rien de son lien avec l’ex-Princesse.

T’es prise de court lorsque le jeune homme ramène le roi sur le tapis. T’as pas vraiment pris le temps de réfléchir à tes propres sentiments sur la question, sur les révélations de Cassandra. Non, t’étais trop occupée à te demander ce qui était pire entre un meurtrier avéré et quelqu’un qui a caché un tel secret pendant six ans (spoiler : tu ne le sais toujours). « C’est sur que ça ne ramènera personne. » Malheureusement, tu sais que ça aurait apaisé bien des coeurs si ça avait été possible - peut-être même le tien. « C’est difficile de savoir ce qui serait le plus juste dans une telle situation. » Qui est-ce qui détermine ce qui est juste face à de telles horreurs ? T’en sais rien. T’es bien contente de ne jamais avoir eu à décider.

Mais visiblement, là où toi t’as un peu trop l’habitude de te perdre dans tes pensées sur des grandes questions philosophiques de justice - oui t’es une compagnie presque agréable parfois - ton interlocuteur n’a pas perdu son sens de l’humour. Ça te fait sourire - un peu malgré toi. « Vous voulez dire que Caer Hrid a manqué une opportunité en or. » Tu n’es pas sérieuse, t’as aucune ambition expansionniste pour ton pays. « Au moins ça nous aurait éviter de faire le piquet pendant qu’ils discutent d’on ne sait trop quoi. C’est mieux qu’une guerre pour sur, mais ce n’est pas le plus plaisant. » Parce que toi t’as autre chose à faire en fait. Des responsabilités qui t’attendent à Requiem et qui nécessitent un peu plus d’effort que fixer une porte.

Tu ne sais pas trop quoi répondre à cet homme qui a vu le roi mourir devant ses yeux. T’aimerais ça avoir de sages paroles à lui offrir, mais t’as la chance d’avoir jamais vécu ce genre d’événements. Tu peux enquêter sur des morts, mais jamais t’as du assister impuissante à une telle horreur. « Au moins il semble être parti selon ses propres volontés. » C’est mieux que ce que beaucoup de gens ont eu droit. Tu te doutes que c’est une piètre réponse, mais s’il peut trouver du réconfort dans ce fait, si tout le monde qui était proche du feu roi pouvait se rattacher à cette idée, ce serait déjà pas mal. Toi tu restes indifférente au fond, mais tu te gardes bien de le dire.

À la place, tu t’intéresses à lui, la curiosité faisant son travail. T’hoches la tête à ses dires. Est-ce que tu changerais de pays si l’occasion se présentait ? Probablement pas. T’as tes problèmes avec la Vallée - son dirigeant surtout - mais tu ne te verrais pas ailleurs. Peut-être que tu n’as pas assez changé pour ça. « De toute façon, les chances d’unité ont disparu à partir du moment où tout le monde s’est séparé. » Tu pourrais blâmer les dirigeants, ceux qui ont décidé de faire des pays plutôt que s’unir dans l’adversité, mais il est trop tard pour ça. « Mais j’imagine que vivre sans soleil ce n’est pas pour tout le monde. » Que tu finis par ironiser. C’est une raison banale, mais tu ne te caches pas que ça doit rendre la Vallée bien particulière pour bien des gens, assez pour qu’ils ne veulent pas y vivre.

Et ça t’arrange bien au fond, sinon t’aurais encore plus de travail.

« Jill. » Tu te gardes de préciser le de la Vallée, il doit bien le savoir. « En théorie mon rôle, c’est plutôt d’assurer la sécurité de Requiem, mais faut croire que mes responsabilités sont extensibles. » Entre ça et les expéditions dans Perdition en tout cas. « Peut-être qu’ils pensent qu’ils ont besoin de plus de protection maintenant. » Après tout, il ne serait pas si étonnant que plus qu’Alexander finisse par subir la colère des gens. Peut-être que ce n’est pas plus mal que Cassandra ne soit plus à la tête de la Vallée.

Tu ne peux pas t’empêcher d’hausser légèrement un sourcil lorsqu’il lâche le nom d’Isadora. N’est-ce pas le nom de l’ancienne princesse de Caer Hrid ? Tu n’as jamais été très intéressée à la royauté de l’autre royaume, mais tu connais au moins les noms. « Vous connaissez bien l’ancienne princesse ? » Enfin, question un brin inutile, considérant qu’il a référé à elle en utilisant son prénom, mais au fond, c’est plutôt histoire de savoir comment. Ça ne t’intéresse pas complètement, mais il faut admettre que t’es plutôt curieuse. Est-ce qu’il est sur une base de prénom avec tous les membres du conseil ? Ce serait étonnant.


Pour ce qui est du niveau de sécurité… c’est difficile à dire. « C’est sur que le gros de la colère était dirigée cotre Alexander. » Et peut-être un peu envers les autres qui étaient au courant de cette histoire, Cassandra et Kazuki, mais ils ne sont plus dirigeants. « Mais c’est difficile de prédire ce qui va se passer à partir de maintenant. » Entre le Maitre des Rêves, les reliques mentionnées dans les aveux de Cassandra… et tout en fait. Si la situation semble encore plus précaire à Caer Hrid, un gouvernement temporaire est toujours un risque, tu doutes que ce soit tellement mieux ailleurs.

Même à la Vallée d’ailleurs. T’es loin d‘être certaine que Donovan soit une grande amélioration par rapport à Cassandra, mais il est vrai que les gens risquent moins de se soulever contre quelqu’un qui n’était pas mêlé à l’apocalypse. « Pas beaucoup. J’ai eu une promotion au poste de cheffe de la sécurité à peu près en même temps qu’il y a eu le changement de leadership. » Un changement qui ne semble pas te plaire si on se fie à tes sourcils froncés. « Pourquoi cette question ? » Peut-être qu’il est juste un peu curieux, comme toi, peut-être qu’il vaut savoir quelque chose en particulier. Quoi qu’il en soit tu lui ouvres la porte.