Reniflant un bon coup tu viens attraper un mouchoir pour t’essuyer le nez. Il fait putain de froid ici et tu en as payé les frais, tu n’as qu’une hâte rentrer chez toi pour pouvoir savourer un bon truc chaud pour ensuite t’endormir devant la télé comme une grosse merde. Même si c’est un peu ton quotidien, aujourd’hui tu en as particulièrement besoin. T’as passé une sale journée, plus stressée que d’habitude et le métro de Polaris n’arrange rien à cette heure-là, c’est toujours bondé de monde et quand bien même tu as l’habitude, cet amas de populace a tendance à sucer toute ton énergie.

Soupirant tu te mets dans un coin du métro arrivé et tu ne bouges plus. De toute façon, ça va encore se remplir à une station populaire. Le train démarre, s’arrête, et ça s’enchaîne sur des stations jusqu’à ce que ce soit plus possible. Obligé de ranger ton holokit tu fermes les yeux et tu encaisses la foule qui vient se coller et se pousser. C’est vraiment gênant, tu en déglutis un peu mais tu laisses faire, c’est ton train-train quotidien.

« Ouf… », dis-tu en t’étouffant un peu. Il y a des jours où l’air est un peu plus respirable, mais là ce n’est plus possible. Et tu râles en te sentant écrasé comme si tu n’étais rien. Il n’y a vraiment rien de pire que des adolescents qui se disent que c’est une bonne idée de rentrer au dernier moment. Et ça galère, encore et encore, tu tentes de pousser l’homme qui vient de t’écraser les sourcils froncés. Tu insistes, encore, décidément il ne veut pas te laisser tranquille.

Mais ah, c’est une tête connue qui se tourne vers toi.

Ton sang se glace l’espace d’un instant, tu ne sais pas quoi dire. Ton regard se détourne pour voir autre chose de plus intéressant sur le coup, c’est ce qu’ils font beaucoup à Polaris pour ne pas se parler, mais finalement tu es pris au piège.

« Aaah Moebius. Non, ça va pas trop je vais être honnête. C’est toujours galère par là… »

Prenant une bonne inspiration tu as l’impression que c’est la dernière avant un moment. Ça ne désemplit pas et quand deux personnes descendent, il y a le double qui monte. Tes mains tremblent tu ne sais même pas où t’appuyer pour ne pas tomber bousculer tout ce beau monde. Alors quand le métro ralentit de nouveau brusquement tu viens t’accrocher à Moebius. Pas le choix, il va être ta barre de métro les microbes en moins (tu l’espères).

« Qu’est-ce que tu fais là ? Et tu descends où d’ailleurs ? C’est pas vraiment un bon endroit pour discuter… »

Tu fermes les yeux un moment, t’es encore un peu loin de chez toi. Oh la galère.

« Je m’attendais vraiment pas à te revoir là. Et désolé si je t’ai pas recontacté… J’ai été pris par le temps, le travail et d’autres conneries. », tu cherches à justifier ton incapacité à garder contact avec les gens. Dans un métro bondé.

Tu essayes d’hausser les épaules mais c’est difficile quand on est pris au piège dans un wagon bondé. « Un peu des deux. Mais le métro est mon souci actuel. » Ce n’est personnellement pas ton délire de te retrouver au beau milieu de tout le monde. Tu veux juste te détendre, et là rien n’y fait, il n’y a rien de plus stressant, même avec la présence d’un ami.

Embarrassé tu te contentes de rire nerveusement et tu essayes de bien te replacer. Tu t’accroches à la seule barre qui est à ton niveau, et tant pis si tu embêtes quelqu’un, c’est comme ça il faut s’habituer à ce qu’on vienne poser ses sales pattes un peu partout dans le métro bondé.

« Sérieux ? Trois arrêts ? C’est vrai que les bars sont sympas dans le coin. » Tu hésites à sa proposition, tu penses à Abi qui doit t’attendre pour pouvoir se détendre et devoir prendre la relève sur le petit monstre chez vous. « Je sais pas trop… J’ai ma femme qui m’attend et- »

Pas le temps de finir ta phrase, tu n’es que plus gêné par les événements. Le marchand de sable qui essaye de te prendre par les sentiments ; c’est vraiment mesquin, mais inconsciemment ça marche. C’est vrai que tu lui as promis de revenir, et la vie a fait que tu n’es pas retourné au désert. Tu réfléchis, trois arrêts ça te laisse le temps de dire oui ou de trouver une excuse en béton pour ne pas le blesser.

Et puis finalement, ça t’a vraiment touché. Tu te vois déjà prévenir Abi qu’elle va devoir endurer les cris d’un petit enfant encore quelques heures, et tu connais déjà sa réaction ou presque. Mais bon… Ce n’est pas grave, ça arrive que tu ne sois pas dispo.

« Bon d’accord. Je vais pas souvent au bar mais j’en connais un sympa qui fait des mélanges un peu exotiques. »

Tu soupires, de toute façon tu es coincé avec lui, et ce serait vraiment gênant de rester dans tes pensées jusqu’à ce qu’il doive descendre. Ah d’ailleurs, c’est déjà l’arrêt. C’est vrai que le métro va très vite, il enchaîne les arrêts et vu que c’est un coin plutôt populaire, ça se vide rapidement. Tu suis un peu la foule et tu tires Moebius avec toi pour qu’il ne reparte pas.

« C’est mieux. Mais je comprends pas… Qu’est-ce que tu entends par rattraper les événements ensemble ? La vie a été un peu chamboulée certes mais… Mais t’as eu la vie paisible toi, hein ? »

Tu ne le caches pas, tu t’inquiètes un peu. Quand tu te rappelles de tout le bordel que t’as vécu jusqu’à maintenant, on ne peut pas dire que tu t’es beaucoup reposé ces derniers temps. Un peu de boisson ça devrait te soulager.