Bon, peut-être que t’avais été un poil trop agressif avec lui. Peut-être. Assez, du moins, pour qu’il semble craindre lever son regard vers toi, se contentant d’avoir un rire presque mal à l’aise à cette insulte que tu avais eu la décence de ne pas articuler. Tu roules des yeux, sans doute pas la meilleure réaction à avoir si tu voulais le mettre en confiance, ou, tout du moins, qu’il se détende en ta compagnie, mais bon, t’es pas vraiment connue pour tes talents en relations sociales. T’es assez brusque, un peu trop franche, pas très patiente et tolérant difficilement la médiocrité (ainsi que la stupidité et la maladresse, oups), ce qui faisait de toi quelqu’un qui était peut-être à éviter dans des moments comme celui-ci. Parce que t’es pas méchante, t’es juste (vraiment) pas très patiente. T’as d’autres qualités (on y croit), elles se reflètent juste pas lorsqu’on vient jouer avec tes nerfs.
Tu retiens un réplique un peu plus acide face à ce qu’il te dit, parce que t’as conscience que t’aurais peut-être perdu moins de temps si tu t’étais pas énervée comme tu venais de le faire. Tu te contentes d’hocher de la tête, le regard moins flamboyant, moins dur à son égard, peut-être juste encore un peu agacée. Parce que ça te demandait de refaire quelque chose que t’avais déjà fait et t’aimais pas spécialement (un euphémisme) les pertes de temps, surtout si celles-ci auraient pu être évitées. Car oui, tu considères ta petite crise où t’as manqué de le faire brûler vif comme étant légitime.
- Je m’assurerai de ne pas perdre ça.
Tu désignes la carte que tu tiens encore, que tu glisses finalement dans une poche de ton jeans. Ce serait plus facile pour le recontacter, pas certaine d’avoir envie de contacter ses collègues pour ça. Puis, t’en connaissais pas beaucoup des fonctionnaires, plus souvent qu’autrement coincée entre ton bureau et chez toi. T’avais, certes, accepté de faire ta vie ici, même que tu t’y plaisais, et pourtant, t’en profitais pas vraiment. T’avais pas vraiment le coeur à profiter de ce qu’offrait la ville sans Ridley à tes côtés.
- Bonne journée.
T’aurais bien aimé lui dire que c’était réciproque, que ça avait été pour toi aussi un plaisir de le rencontrer mais la vérité c’est que t’aurais bien aimé ne jamais croiser sa route et ainsi éviter qu’il renverse du café sur tes documents. Tu le regardes partir avant de laisser entendre un profond soupir las, en revenant vers tes documents ruinés. T’essaies de récupérer ce que tu peux, tentes de sécher le reste en constatant l’étendu des dégâts et préparant déjà mentalement tout ce que t’allais devoir faire en plus des tâches que t’avais déjà. Et bien, tant pis. C’est pas comme si t’étais vraiment attendue quelque part, tu pouvais bien passer plus de temps que prévu ici et te tuer à la tâche. Ce que tu faisais depuis quelques années déjà.