Les lois sont les lois, Eirik. Tu les connais fort bien et si tu te permets de les outrepasser, c'est que tu sais le faire discrètement. Ce sont des actions muettes que peu remarquent, c'est pour cette raison qu'Alexander n'a pas encore mis ta tête sur un pique. Il n'est pas rare que tu sois la cause d'une cacophonie à Caer ou ailleurs, mais ton nom n'est jamais cité. Or, d'autres semblent parfois vouloir en faire autant. Tout comme ces deux imbéciles qui pensent être des gardes. Ils en portant les vêtements, mais non pas les actions.

Tu étais décidé à intervenir, Eirik, avant que les choses ne tournent mal pour cette pauvre demoiselle. Tu t'étais approché par derrière elle, bien visible pour les deux hommes qui pourtant ne semblaient pas te voir. S'ils n'étaient pas capables de faire attention à ce qui se passait autour d'eux, ils n'avaient en rien le droit de porter cet uniforme. Il allait les démonter. Pour sûr, s'ils n'avaient pas entendu parler de la fine lame, ils allaient la découvrir.

Tu arrêtas ta marche, te demandant avant combien de temps ils allaient t'apercevoir. Tu voulais savourer leur visage. Peut-être allaient-ils te proposer, comme deux bouffons, de participer à cet acte d'humiliation. La pauvre ne t'avait pas remarqué, elle non plus, elle aurait peut-être été d'autant plus apeurée.

Néanmoins, elle vient d'elle même s'écraser contre ton torse. Tu n'osais pas imaginer sa peur. Pourtant, tu n'étais pas là pour la consoler. Pas encore. Tu préféras savourer le visage des deux idiots qui commençaient à se décomposer.

- Cette femme représente t-elle un danger quelconque, messieurs ?

Et s'ils étaient trop sourds pour attendre ta colère, elle était tout aussi visible sur les traits de ton visage.

Tu vois flou, Eirik. Lorsque tu entends les paroles de la rousse, tu as l'impression qu'on se fout ouvertement de ta gueule. Tu n'aimes pas cela. Tu avais vu qu'il y avait un soucis, tu avais demandé et on t'avait répondu non; un mensonge. Rien que pour cela, tu n'étais pas de très bonne humeur. Mais les paroles de l'inconnue. Tu étais à deux doigts de les encastrer, en fait. Parce qu'en plus de cela, tu vois très bien la peur sur le visage de la jeune femme. C'est bien l'une des expressions que tu reconnais le mieux. Ton regard glisse sur les deux hommes. Tu vois bien que les visages se décomposent petit à petit. Tu te demandes même si à ce stade là, un simple bouh ne suffirait pas à les faire fuir. Ce serait trop gentil. Tu préfères avancer dans cette direction, le droit bien droit, ta main droite sur la garde de l'épée qui se trouve sur le côté de ta hanche. Tu t'arrêtes à deux pas d'eux. Tu n'as pas besoin d'être plus proche pour paraître colossal.

- Dégagez.

Un simple mot, un seul. Tu n'as pas besoin de plus. Tu les vois déjà faire demi-tour sans demander leur reste. Ils ne savent pas ce qu'ils les attendent. Certes, tu viens de leur donner un ordre très clair de partir de cette localisation, mais en faisant cela, ils désobéissent aux ordres du général et ne sont pas là où on leur a dit d'être. La différence entre ton ordre et ceux qu'ils avaient reçus avant, c'est que le tien ne vaut officiellement rien. Tu n'es pas général. Ton ordre ne prévoit pas sur celui de leur supérieur. Alors oui, tu allais te faire un malin plaisir à aller rapporter leur absence, alors même que tu les a chassé.

Tu ne perds pas ton temps à les observer jusqu'à ce qu'ils disparaissent. Tu préfères te retourner vers la victime de cette histoire. De base, tu n'aurais pas du agir, mais ton implication récente avec la situation fait que la politesse t'empêche de partir sans rien dire. Tu te rapproches d'elle et l'observe scrupuleusement, sans prendre en compte que ce scan rapide peut la mettre mal à l'aise. Tu veux juste vérifier qu'elle ne possède pas de plus.

- Vous allez bien ?

Tout en prononçant ses mots, tu remarques la qualité des vêtements poussière de cette femme. A moins qu'ils ne soient sableux.

Tu ne l'as jamais aperçu dans le coin. Il faut dire que tu ne fais pas forcément attention aux autres quand tu traînes. Là, c'était différent, des membres qui étaient sensés représenter la justice du royaume avaient pris une jeune demoiselle pour un gibier. Et les gibiers, tu les connais bien; cette femme n'en était pas un. D'ailleurs, elle semble d'abord gênée par ta présence, baissant les yeux pour échapper à ton regard, mais elle les relève finalement et tu ne fais pas l'effort détourner quoi que ce soit.

Elle t'invite. C'est bien le monde à l'envers. Tu n'as fait là que ton travail et pourtant elle se sent redevable. Tu continues de l'observer, ne cherchant guère à te cacher puisqu'elle fait de même. Tu as toujours le droit, Eirik, même si tu n'es pas tendu. Une vieille habitude peut-être orgueilleuse.
Tu lâches un soupire, puis une phrase.

- N'aviez-vous pas d'autres plans avant de vous faire importuner ?

Tu ne désires pas devenir un nuisible, comme les hommes d'avant, mais il est vrai que tu n'as rien à faire en ce moment, rien de prévu. De plus, elle t'intrigue - et tu ne peux décidément pas la laisser errer seule après ce qui s'est produit. Il en va de l'image de l'armée d'Alexander, tout de même. Tu regardes sur la droite, puis sur la gauche. Tu ne sais pas du tout vers où elle était sensée se diriger, mais tu te permets de t'exprimer à ce sujet.

- Si vous deviez aller quelque part, laissez-moi au moins vous escorter. :cybele:

Il y a peut-être une pointe de fierté qui se promène dans ton cœur, Eirik, lorsque cette jeune femme complimente cette ville qui t'est chère et que tu chéris. Au moins, son passage ici n'est pas tout à fait une catastrophe, malgré la situation délicate qui vient d'être abrégée. Tu écoutes ses propos et vois bien que ce n'est pas un paysage qu'elle peut apercevoir souvent. Une inconnue, te dis-tu, car tu es persuadé que la grande majorité des habitants du pays, même s'ils ne vivent pas dans la ville, sont déjà venus.

Elle ne semble pas être dangereuse, ne semblait pas capable de se défendre seule plus tôt. Tu ne l'aperçois pas comme un danger, comme une de ces intruses à qu'il faut faire peur et chasser. Alors, tu vas laisser couler. Tu vas la laisser ne rien dire sur sa nationalité, et si le sujet vient à être abordé, tu aviseras à ce moment là. Car en cet instant précis, l'une des seules choses que tu puisses faire, c'est lui proposer ton bras. Tu te veux aimable, certes, mais tu ne lui offres pas pour autant un sourire; cela te semble être de trop.

- Et bien laissez moi vous accompagner en bas, Madame ... ? 

Et tu attends là. Une réponse et une réaction. Son prénom. Et dès qu'elle serait prête, vous vous mettrez en route, oui, malgré la vision sublime de la nature en ce début de nuit.

Tu hoches la tête. Pas mademoiselle Kiana, mais simplement Kiana. Ce sera donc ainsi que tu l'appelleras, Eirik, car tu doutes que vos chemins se sépareront à la fin des escaliers. Ce n'est pas que tu crains pour son bien-être, ou que tu ne lui fais pas confiance. C'est un mélange des deux. Tu as été témoin d'une situation bien gênante il y a peu de temps, mais tu es aussi observateur de la traînée de sable que le vent emporte lorsqu'elle secoue ses cheveux. Kiana n'a pas l'odeur de la mer qui se promène autour d'elle. Le sable chaud et l'eau salée. Il se peut tout de même qu'elle revienne des côtes caerienne, mais tu te permets d'en douter. Si par un étrange hasard elle venait du désert, rien n'interdisait sa présence ici, mais tu avais le droit d'en être curieux. Et tu avais aussi le droit de lui répondre.

- Eirik.

Tu avais répondu de manière simple et brève. Tu ne voyais pas pourquoi mentir, ni même ce que tu pourrais rajouter. Insérer ton titre serait vraiment pompeux, et tu n'aimais pas cela. Eirik, c'était très bien. Kiana n'avait pas besoin de savoir autre chose. Sa remarque à propos de la position des escaliers t'arrache un semblant de rire très bref. C'est ce que tu aimes te dire aussi, que les gens ne sont pas sensés trouver ces escaliers. Que c'est mieux ainsi. Cela peut éviter certaines mauvaises surprises. Pourtant, tu viens chaleureusement de l'y conduire, sa main sur ton bras.

- On peut vraiment dire que le hasard fait bien les choses, alors.

La protéger d'une situation dangereuse et la guider après. En effet, tu pouvais presque apparaître comme un ange gardien. Cette idée n'est pas franchement charmante. Tu préfères te concentrer sur la rousse à tes côtés. Si elle n'avait pas su trouver des escaliers, tu penses bien que tes connaissances de la ville ne peuvent qu'être utile.

- Où allez-vous, désormais ?

Un regard qui, pour accompagner tes paroles, balaie les lieux autour de vous.