Dix selfies plus tard, d’un geste fluide et expert, Orion baisse son holokit qu’il avait levé dans l’air froid pour choisir le meilleur angle. « Si tu fais deux clones que tu mets sur deux carapaces et que tu fais le pont entre eux, ça pourrait marcher non ? Ca fait 1,5 personnes par luge. »
Ça ne fonctionne pas comme ça.

Il fait beau aujourd’hui au dessus de la piste étoilée, le soleil frappe sur la neige et rebondit sur tant de petits cristaux de glace. Le nez un peu rouge d’Orion est couvert de crème solaire (tout comme le reste de son visage), et il a eu la présence d’esprit de ne pas mettre de bonnet. Histoire de ne pas le perdre : ils vont faire de la luge après tout. Quant au froid ? Orion, en quelque sorte, est russe. Orion a le cristal de feu. Affaire classée.

Il relève immédiatement son holokit pour prendre une photo de Fenrir avec sa carapace sur le dos, mimant en même temps une grimace de contrariété, soufflant sur une mèche de cheveux de pseudo dédain.

« Très déçu que tu ait pas la même chemise. Ça compte pas. »

Et puis sans prévenir, il lui envoie la boule de neige qu’il avait gardé cachée dans son autre main. Pile dans la tête ! Mais Orion a prévu son coup : il saute dans la carapace de tortue qu’il avait déposée à ses pieds. En une impulsion, il s’élance et dépasse Tortue Géniale en riant.

« I’M A GIRAFFE. »

La stratégie parfaite.

C’est un rire tonitruant qu’il répondit à la menace - fieffé Orion déjà bien avancé sur la piste, était très fier de son coup. Mais voilà que Fenrir s’improvisa pro du bobsleigh. Ca s’annonçait mal pour Orion et son poids plume. Surtout face à un sanglier.

Dans un cri, Orion s’envola de manière plutôt latérale. La carapace, dans son aérodynamisme, s’envola dans le ciel bleu avant de retomber à l’envers un peu plus loin. A plat ventre, le visage enfoncé dans la neige, il entendit son camarade de glisse s’étaler à son tour dans la poudreuse. Sans se relever, il ricana dans la neige. Il se releva précipitamment parce que ça faisait, en fait, mal aux dents.

Puis il se rendit compte que tout ça n’était pas très loyal. La carapace était trop grosse pour qu’il lui donne la vie et la neige n’était pas vraiment... un combustible. Mais il pouvait faire quelque chose de plus vicieux.

Fenrir, toujours étalé, sur le dos pour sa part, n’avait qu’à bien se tenir. Orion forma une autre boule de neige dans sa main et alluma sa propre main. Et rapidement, splash, Fenrir se retrouva le visage couvert d’eau glacée. Tant pis pour le rhume. « Tu vas faire quoiiiii ? » Imita Orion. Jusqu’à ce qu’il se rende compte que sa carapace était bien loin de là. Aucune échappatoire. Oups.

Le fait est qu’Orion n’a jamais eu une seule chance de gagner. Il a essayé. Mais c’était déjà perdu avant même de commencer. Est-ce que ça en valait la peine ? Oui.
Fenrir bis crie, Fenrir numéro un l’embarque sur ses épaules, Orion crie (en riant parce que c’est drôle, quand même), Orion ne se débat que lorsqu’il voit le gros tas de neige vers lequel Fenrir numéro un FONCE et c’est un « AAAHHH NON HAHA » que la tête blonde se retrouve plantée dans la poudreuse. Bientôt, il est étalé comme le sac de pomme de terres qu’il est, tellement recouvert par la neige qu’on ne le voit presque plus.

Le calme revient après que Fen se soit étalé à son tour, et il se passe une, deux, trois, jusqu’à dix secondes. Aaaa- « TCHoUm ! »
Il essaye de bouger, mais c’est impossible. Il y a une jambe et un gros bras qui le bloquent dans le froid. « ATCHAaa ! » Il supporte bien le froid, mais même Orion a ses limites. Et puis, il a de la neige dans le nez.

« Ok c’est bon. J’abandobe, Febrir. »

Il est vaincu.

// LITTERALEMENT 3 MOIS PLUS TARD je suis désolée

C’est dommage que ce soit aussi froid, la neige. S’il ne sentait pas ses doigts et ses orteils commencer à le piquer, il se serait bien installé confortablement comme sur un petit nuage, une fois le poids de Fenrir levé de son bras. Mais il éternue encore, et toutes les bonnes choses ont une fin.

« J’suis bon perdant, » il renifle, « J’te paye un chocolat chaud quand on arrive en bas. »

Oui, mais Fenrir fait une remarque essentielle. Toujours étalé dans son tas de poudreuse, Orion tourne la tête à droite et à gauche comme si ça allait l’aider à les apercevoir. Ce n’est pas le cas. Surtout depuis où il est.

« ... Si les carapaces ne coûtent pas trop cher. On va pas s’en sortir sans les repayer. » Dure est la vie envers le compte en banque d’un stagiaire.

Fenrir le sort de là avec la facilité d’un jardinier récoltant un radis. C’est un peu impressionnant, pour tout dire, mais pas très étonnant pour un catcheur. Il se demande combien de chaises pliantes il a dû recevoir à Noël, pour la blague.
Pendant que Fenrir se secoue, Orion époussette ses vêtements, retire ses gants pour y faire une petite flamme, assez pour se réchauffer les doigts qu’il plie et déplie pour y faire circuler son sang refroidi.

« Ou sinon on remplace les carapace par tes clones. OU ALORS tu te transformes en sanglier, je monte sur ton dos et on descend à toute vitesse. » Il rigole parce qu’il n’est pas vraiment sérieux (mots clefs : pas vraiment), et s’aide de la pente pour marcher plus rapidement. (Il se met sur le côté de la piste, parce qu’il n’a pas envie de se faire dégommer par un autre adepte de la luge comme une quille de bowling).
Et puis, il ne peut pas s’empêcher de se moquer un peu. « Bah alors, tu regrettes ? Un dur à cuire comme toi, avoir froid ? Tu me déçois. »

C’est le grand retour d’Orion : le sac à pommes de terre. Il ne peut pas dire qu’il ne l’a pas vu venir, alors c’est dans un éclat de rire (plutôt étouffé, l’éclat, c’est ce qu’il arrive lorsque l’on se fait renverser par un authentique sanglier). Il a la tête d’un côté, les jambes de l’autre, et avant qu’il n’ait le temps de formuler autre chose qu’un « AH ! », les voilà partis.
Ardue est la tâche de regarder devant lui, secoué comme il est. Il ne peut que rire, replier les jambes pour ne pas se faire démembrer par les troncs des pins défilant à toute vitesse au fil des virages serrés. Ses doigts gantés ne se cramponnent pas bien aux crins drus du pelage de Fenrir, manque de valdinguer à plusieurs reprises. Il n’aura fallu que quelques secondes pour que son visage soit à moitié recouvert par la neige. Malgré toutes ces conditions extrêmes et la perte définitive de son bonnet, lorsqu’il se fait (encore) jeter dans un tas de neige lorsqu’ils arrivent en contrebas, c’est un grand « WOOHOO ! » qu’il exclame avant de se redresser, couvert de poudreuse de la tête aux pieds, face à Fenrir qui, cette fois, se tient sur ses deux jambes.

« C’était trop bien !! » Bien mieux que la course en luge. Un merveilleux hors-piste. Même s’il se découvre un peu nauséeux. Ça en valait la peine. Il étire ses bras sans s’embêter à retirer la neige qui le recouvre cette fois, à quoi bon.

« Oooh quel œil. » Parce que c’est vrai, il y a deux carapaces un peu plus loin. Après deux finger guns envoyés à son ami accompagné d’une expression approuvant son idée, Orion se dirige vers les deux dômes. Les écailles sont épaisses. Il s’accroupit auprès d’elles et se met à taper dessus en rythme avec le plat de ses mains comme l’on ferait avec un tam-tam. Mais entre les gants et la neige en dessous, ce n’est pas vraiment satisfaisant. Tant pis.

« Okay, » fait-il en se relevant avec sa supposée luge, « on ramène ça et je te paye une bière, tout compte fait. Ou du vin épicé, je suis sûr qu’ils en ont à la station. Et des churros. J’ai super envie de churros. Ça te va ? »