Les faits sont là, tout aussi réels que cette tour. Il a du mal à y croire et pourtant, il ne peut s'en empêcher. Ces cinq années sont passées tellement vite qu'il ne pensait pas repartir si vite. Quel bonheur, mais quel bonheur ! Mais pas pour lui, non, surtout pour elle ! Mathilde qui vient se blottir contre lui, qui ne peut pas arrêter de sourire. Cela lui ferait bien trop mal. Mathilde, Mathilde. Il ne pourra bientôt plus dire cela. Bientôt, ils ne se comprendront plus, séparés par les langues et un leur véritable monde.

Il la serre entre ses bras, l'enlace tendrement. Il dépose un baiser contre son crâne, puis un second. Il savoure ce contact qui lui semble être le dernier. Il garde cela pour lui, tout au fond de lui. Il proclame que c'est un cadeau du ciel, un cadeau cielestien ! Il rit de son humour, persuadé que certains enfants aussi. Ils vont lui manquer, ces bouts de choux. Ses putti. Son cœur se noue. Qu'adviendra t-il après ? Une fois en haut ... il avait pour but d'entreprendre la même chose qu'ici bas. Il doute; il n'en sera sûrement pas capable. Un élément ne convient pas.

C'est merveilleux, Mathilde,
tout bonnement splendide !

Il la serre entre ses bras qui la redécouvre encore une fois. Sourire au visage, Thaddeus pleure pour la première fois.

Mathilde respire doucement contre Thaddeus. Son odeur l'apaise comme toutes les autres fois où elle a perdu contrôle d'elle même. Elle s'accroche encore à lui quelque secondes pour repousser la panique et laisse échapper un rire, chose qu'elle n'attendait plus. Elle se sépare de son ami,  mais ses mains restent fermées sur lui et elle le regarde. Le monde est devenu fou, Mathilde rit et Thaddeus pleure. La belle de nuit ne supporte pas cette vision et fronce les sourcils, prête à le sermonner. Simplement, elle n'en est pas capable. Elle reste figée là, à le regarder sans même faire attention à l'agitation des autres et surtout des enfants. Sa main vient se poser sur sa joue et son pouce vient essuyer une larme qui coule déjà sur sa pommette.


Elle n'est pas capable de plus. Elle ne sait même pas s'il pleure de joie ou s'il y a autre chose. Elle se sent égoïste Mathilde et se rend compte qu'il a toujours pris soin d'elle. Sans un retour. Alors elle laisse son bras retomber et détourne le regard. Elle compte les enfants pour se changer l'esprit et apostrophe deux filous qui s'éloignaient déjà.


Elle se refuse de penser à son fils. Elle refuse de se donner l'espoir infime d'espérer alors qu'elle ne sait pas si tout ceci n'est pas une grande mascarade. Alors elle planifie, elle gronde et jette un nouveau coup d’œil à Thaddeus.

Lorsque les corps se séparent, Thaddeus voit déjà ce qui lui semble être la fin. Il a le cœur en miettes. Il a l'impression qu'on s'apprête à lui retirer sa moitié, une partie de lui dont il ne veut pas se séparer, surtout après cinq longues années. Elle prend la peine d'essuyer son visage marqué par une tristesse nouvelle. En faisant cela, il a l'impression que Mathilde malgré son on indique leur séparation. Déjà son attention disparaît.

Il l'a perdu.

Sa tête se baisse, ses poings se serrent. Les faits sont là, bien là. Leur souhait le plus cher est sur le point d'être exaucé et pourtant, les choses ne sont pas si belles. Il en tremble, Thaddeus, il attrape le caractère fiévreux de Mathilde qui ne sait guère contenir sa rage. Il se hait. Il s'est tant attaché et finalement, il se rend compte qu'une fois en haut, il sera seul. Les enfants retrouveront une famille et Mathilde sa vie d'antan.

Pourtant, ce n'est pas ce que semble dire la douce. Surpris, ses muscles tendus se détendent. Ses yeux s'écarquillent malgré l'humidité qui les habitent. Elle parle d'un avenir en haut, un avenir où aucun de leur petit groupe ne sera seul. Cela lui gonfle son cœur. Et le voilà qu'il pleure. A chaudes larmes, émus. Il essuie comme il peut tout cela avec la manche de sa chemise. On dirait un enfant.

Sur Terre, Mathilde ... ?

Il demande confirmation aux paroles de la douce, car il a bien du mal à y croire. Il n'en croit pas ses oreilles et déjà les battements au creux de sa poitrine se font plus vifs. Elle a, elle aussi, le don de calmer Thaddeus. Il a parfois cette sensation d'être en osmose complète avec elle. Et c'est pris de cette folie, de cette sensation, qu'il se permet d'agir malgré sa bonne conscience. Il attrape les mains de sa tendre les serre contre sa poitrine. Son regard cherche à capturer le sien d'un air bienveillant.

Restons ensemble, là-haut,
Malgré les langues ...

Ses joues humides font écho dans le cœur de Mathilde qui se serre. Il est légitime qu'il puisse penser que leur chemin vont se séparer une fois arrivé là haut mais ... Mathilde est perdue, Mathilde se refuse de jeter ce qu'elle a construit ici finalement. Mais la dame ne sait pas comment elle va devoir réagir par rapport à tout ça. Elle ne peut pas laisser tomber après tout ce temps à se morfondre. Même si elle ne sait pas par où commencer, même si elle ne sait pas si tout ça est vrai.


Elle grimace un sourire, à deux doigts de pleurer elle aussi. Mais elle prend sur elle et sors un mouchoir propre de sa poche pour essuyer les joues de son plus proche ami comme elle l'aurait fait avec un des enfants.


Mathilde tourne la tête et salue Aloïs avec son habituel regard blasé. Mais une nouvelle lueur fait briller ses yeux, l'espoir très certainement.


Un doute s'insinue dans sa peau, elle glisse dans ses os tranquillement alors que son sang se fige dans ses veines. Et s'il ne la reconnaissait pas ? Et s'il avait oublié son visage ?

Elle est une tendresse inexplicable, Mathilde, et cela lui fait encore plus mal. Il ne cerne pas les pensées de son amie, ni les siennes. Ce monde semble fou, tout flou. Les choses seront peut-être plus claires une fois en haut, lorsqu'ils observeront à nouveau la Terre.

D'ici là, les paroles de Mathile lui vole un doux rire. Elle semble plus terre à terre que lui; il trouve cela extraordinaire. Il n'arrive pas à s'imaginer l'état d'esprit de son amie. Il ne sait pas comment elle fait pour penser à eux, les enfants et lui, pour avoir le désire de continuer quelque chose alors qu'elle va retrouver son fils. Thaddeus se sent bien cruel de lui voler cela.

Oh, Mathilde ...

Alors qu'elle essuie ses joues humides, il colle son visage contre sa main, la prenant même dans l'une des siennes, dans un geste trop tendre pour deux collègues. Il attire les doigts de la Belle de nuit contre ses lèvres et y dépose un baiser, promesse silencieuse de ne pas la laisser.

Je t'aiderais, si tu le veux.
Je serais là, si tu veux de moi.

Le regard de Thaddeus n'a jamais été aussi clair. Ses yeux bleus agrippent ceux de sa tendre. Sans la quitter du regard, il fléchit une jambe à même le sable, tant pis pour les tapis. Si les enfants n'ont pas compris ce qu'il se passe, s'ils ne sont pas de films en ce moment même, si Alois ne réagit pas alors que Thaddeus s'est permis de l'ignorer pour l'attention de sa douce, alors c'est qu'il a loupé beaucoup de choses en cinq ans. Il a raté bien des éducations sentimentales.

Veux-tu de moi,
Mathilde ?

Tirée de ses pensées par cet homme trop doux pour ce monde, elle penche la tête lorsqu'il lui embrasse les doigts. C'est étrange comme avec lui tout semble à sa place, même lorsqu'il s'agit d'un sage baiser et de caresses bienveillantes. Mais pour la première fois depuis ces cinq longues années près de lui, Mathilde est embarrassée alors qu'elle le regarde poser un genou au sol. La dernière fois qu'un homme s'était agenouillé devant elle ... De nombreuses années se sont écoulées depuis et pourtant les souvenirs éclatent. Elle sait que ce ne sont pas les mots qu'elle a entendu il fut un temps, mais ça la touche profondément. Le passé et le présent se mêlent et elle demeure là, le visage soucieux sans même jeter un regard aux autres. Pour une fois elle ne trouve rien à dire et encore moins à reprocher. Thaddeus, oh Thaddeus.

« Que me racontes-tu là mon cher, relèves toi donc ... »

Elle sert sa main dans la sienne et tire légèrement sur son bras comme pour l'attirer à elle. Elle plonge son regard dans le sien et tendrement la belle de nuit plisse les yeux, son regard chargé d'humidité alors qu'elle se plonge dans l'océan des siens.

« C'est plutôt à moi de te demander j'ai toujours été si égoïste je m'en rend compte. Voudrais-tu m'aider à le retrouver, mon tout petit ? »

Son tout petit qui doit bien avoir grandit. Mais Mathilde n'a pas peur de ne pas pouvoir le reconnaître. Elle sent dans ses tripes qu'elle pourrait le reconnaître à la seconde près où elle posera les yeux sur lui. Et elle ne veut de personnes d'autres à ses côtés le jour où ça arrivera.

Obéissant, Thaddeus se relève, porté par les tendres paroles de Mathilde. Il n'a pas le cœur de la contredire, il n'en a même jamais été question. Il préfère se plonger dans ses beaux yeux qu'il espère trouver remplis de bonheur. Ce n'est guère le cas. Les choses ne vont pas bien, ou tout du moins pas aussi bien qu'elles devraient l'être. Sa Mathilde semble être habité d'un triste bonheur. Il ne peut s'en empêcher et l'enlace tendrement. Il dépose son nez dans ses longs cheveux, inspire quelques instants seulement son odeur, puis relève son visage. Ses mains caressent doucement son dos, comme il le fait parfois lorsqu'elle est sous forme féline. Il a toujours agis ainsi, Thaddeus, à câliner ceux qu'il apprécie.

Je le veux oui, ton doux bonheur.

Ce n'est pas un secret, il a toujours voulu la voir heureuse depuis ces cinq longues années. Tous les enfants le savent, tous ses amis aussi. Il s'occupe non seulement des plus jeunes, mais aussi de ses proches. Qui peut-être plus proche que Mathilde ? Il en est bien conscient. Alors qu'il enlace Mathilde, il offre enfin un regard à Aloïs; ses yeux sont sous le signe d'une peine. Car de plus en plus, Thaddeus se rend compte que son bonheur touche bientôt à sa fin. Lorsque la belle Mathilde aura retrouvé son fils, il ne sera plus utile. Lorsque les enfants auront retrouvés une famille, il ne sera plus utile.

C'est une blessure à cœur ouverte.

Pourtant, il répond tout de même avec la même tonalité de voix. C'est quelque chose qu'il a gardé de terre, sa constance à toute épreuve. Ses yeux expriment peut-être son état, mais ses mots ne doivent rien laisser paraître.

Nous le retrouverons,
je te le promets.

Thaddeus est un homme bon à de nombreux égards. Personne ne peut le détester, la preuve tous les enfants l'adorent. Il est le papa poule que chaque gamin rêve d'avoir, la main tendre qu'on est heureux de tenir. Et Mathilde fait partie de ces gens-là. Elle le sait et depuis toujours elle ne cesse de maintenir inconsciemment la barrière qui les sépare. Ils sont amis et associés. Et pourtant les mots de son ami pourraient mener à la confusion. Parfois elle se fait la réflexion et à force elle a finit par se dire qu'il était simplement comme ça. Après tout ils ont chacun leurs petits secrets et même s'ils ont appris à bien se connaître, des zones d'ombres ne permettent pas à Mathilde de comprendre le chagrin qu'elle perçoit dans les yeux de Thaddeus. Ou simplement que pour ne pas être plus embarrassée elle l'occulte et serre simplement le géant dans ses bras.

« Ca fait cinq ans que j'attends ces paroles ... Tu n'imagines même pas à quel point je suis heureuse que ce jour soit enfin arrivé. »

Mathilde garde ses mains dans les siennes et elle les serre pour lui montrer que ce qu'il fait pour elle, ça la touche énormément. Malgré la chaleur qu'elle déteste, elle ne peut se résoudre à couper le contact avec lui. Et elle lui offre son sourire, celui qu'elle avait perdu depuis ces longues années. Mais aujourd'hui, oui aujourd'hui le moment est venu et son sourire ne cesse de s'étendre sur son visage, des lèvres aux yeux rieurs qui s'illuminent d'un nouvel espoir.

« Merci pour tout, vraiment. »

Un bip lui fait détourner les yeux et un instant elle lâche les mains de Thadeus pour regarder son holokit. Un message de Mackenzie ... Elle espère de tout ton cœur qu'il pourra retrouver sa Mathilde. Après tout il partage la même peine que la sienne. Mais bientôt tout ça sera derrière eux. Elle lui répond rapidement et s'excuse auprès de son ami de toujours. Et elle lui attrape de nouveau la main, comme elle le ferait pour tous les enfants éparpillés sur le sable. Pour ne pas le voir s'éloigner de trop.

Il se demande si ce n'est pas la première fois. Un sourire comme celui-la, il s'en serait rappelé. Il est de toute beauté. Mathilde devrait lui offrir plus souvent, mais d'un autre côté, il perdrait peut-être tout son sens. Car ce sourire, il est fort sincère. Thaddeus le sait bien. C'est contagieux, ce genre de joie, car déjà ses lèvres tremblent pour s'étirer. Il ne sait pas si ses joues sont rouges à cause du soleil, à moins que ce ne soit elle. Le soleil, sûrement, ils sont après tout dans le désert. Sur le point de départ de toutes les peines.

Déjà le contact se sépare, mais cela ne dure pas longtemps. Un message. Un sourire. Celui de Thaddeus qui lui offre avec sa paume ainsi que le plus grand plaisir du monde. Il aimerait rester ainsi pour toujours. Il prononce son désir, exprime son bonheur, sa joie.  

Je suis là, et
je serais là.

Cela ne paraît être rien, comme cela, mais c'est beaucoup pour le directeur. Lui qui n'a désiré être nulle part hormis sur terre, exprime enfin son envie de laisser son emprunte. Dans une vie, si ce n'est plusieurs. Celle de Mathilde plus que toutes les autres, d'ailleurs. Il obéira malgré les distances du langage, il le sait fort bien. Il tentera de la comprendre, de la soutenir. Au fond, c'est elle qui le soutiendra. Oh Mathilde. Il serre sa main, elles sont désormais moites. Ce n'est pas très agréable et pourtant, l'envie de s'en séparer n'est pas là.

Tu es splendide, tu sais,
lorsque tu es es heureuse.

Il n'a pas peur du futur.

C'est bien la première fois que Thaddeus arrive à rosir ses joues ainsi. Elle sourit derechef et il lui semble que son cœur est bien plus léger. C'est vrai qu'elle ne s'est pas sentie aussi vivante qu'en ce moment. Ses doutes, elle les jette sur le sable chaud, elle leur tourne le dos et décide qu'il est enfin temps de se réjouir. Elle observe Thaddeus, un léger sourire flotte sur ses lèvres comme s'il ne pouvait plus la quitter.

« Tout ça n'est possible que grâce à toi tu sais ? Tu as pris soin de moi dès mon atterrissage sur Althéa. »

Elle rit à ce souvenir et serre une dernière fois la main de son amie dans la sienne avant de le lâcher et d'essuyer ses paumes moites. Elle reste tout près de lui et observe les enfants, en proie à une hésitation. Elle souffle doucement sur son pouce qu'elle frotte contre ses lèvres et jette un coup d’œil à Thaddeus. Il lui semble qu'elle le découvre pour de bon, qu'elle ne l'a jamais vraiment regardé comme il le méritait trop enfermée dans son chagrin et sa colère. Tu remercies silencieusement Tatsuya car sans lui ceci ne serait pas possible. Remonter. Ton esprit te crie de ne pas y croire, que tout ceci n'est qu'un rêve qui te donne trop d'espoir pour mieux te briser un peu plus à ton réveil. Mathilde frôle la main de Thaddeus, si ce n'est qu'un rêve alors elle a bien le droit d'espérer.

« Merci Thaddeus. »

Elle vient déposer un baiser sur sa joue et se retourne vers les enfants pour vérifier qu'ils sont bien tous là. Elle s'accroupie à côté d'une des petites et la prend contre elle alors qu'elle vient d'être poussée par un des plus grand. Elle le gronde en caressant la tête de la jeune et n'ose plus se tourner vers son grand ami.