Sasha n'apprécie pas spécialement Caer Hrid, ni même sa capital. Se languit déjà des terres glacées du Mont, du dôme protecteur de Polaris et de sa chaleur printanière artificielle. N'apprécie la terre qu'elle foule en cet instant même de ses hauts talons nacrés pour une seule et unique raison : les superbes fêtes qui y sont organisées.

Vêtue d'une courte robe grise et d'un lourd manteau, Sasha s'est habillée comme le temps ; sans couleur si ce n'est le vermillon de ses lèvres serrées en une moue impatiente. Bien que ce soit probablement elle qui fasse attendre. Avance donc d'un pas énergique et décidée ; penserait presque s'envoler. Pense déjà à ce qu'elle va porter. Du rouge, du noir, du pourpre. Les folles couleurs de l'arc-en-ciel ou bien les grands classiques qui ne seront jamais démodés. Hésite encore lorsque ses talons claquent énergiquement pour s'immobiliser totalement.

Adorable sous cette tête relevée, cette auréole de blondeur et ces yeux clos en une prière silencieuse qui ne lui est pas destinée. Enfant d'or oubliant un instant d'exister. L'observe quelques secondes. Le surplombe quelques secondes, d'un air amusé.
« Les princesse n'arrivent jamais à l'heure. »
Encore moins Sasha. Plaçant une main sur sa hanche d'un air impatient tandis qu'Orazio se décide enfin à sortir de son air de statue figée ; presque artistique sous les quelques rayons qui percent le ciel. Se laisse mener dans cette danse qu'ils connaissent si bien. Pendue à son bras comme un scénario appris par cœur ; s'en lassera-t-elle un jour ?
Fait mine d'épousseter l'épaule de son ami d'un geste rapide de la main.
« Personnellement je t'avais complément oublié. Mais ne t'en fais pas tu es toujours aussi mignon, avec juste quelques rides en plus. »
Grand sourire aux lèvres pour répondre au sien. Il lui avait bien évidemment follement manqué. Pour les rides par contre, elle n'avait pas vraiment vérifié l'exactitude de ses propos.
Alors tous les deux, ils s'avancent dans cette rue animée ; dans cette mise en scène orchestrée, de piques et d'épines.

« J'espère que tu vas bien. » Enchaîne sans attendre de réponse « Car personnellement je ne serais heureuse qu'une fois un peu d'argent dépensé ! »
La russe ne compte plus ses dépenses vestimentaires. Sans compter les dernières et si charmantes boucles d'oreille qu'elle porte en ce moment même tel un mannequin sur scène, qui lui avaient valu un trou colossale dans son compte en banque.

Peut-être un brin de fierté là, au bras d’un homme si marquant. A regarder les passants comme s’il n’étaient rien d’autre que des grains de poussière sur leur tapis de soie ; foulé à la légèreté d’une moquerie, l’éclipse d’un rire. Se cale sur un pas qu’elle ne connaît trop bien ; n’avait jamais aussi bien dansé. Roule des yeux devant ses mimiques théâtrale, le spectacle a donc commencé. Retient un rire, ne voudrait pas lui donner cette satisfaction si tôt, ils ne font que commencer. Et pourtant, même après tout ce temps cela reste bien dur pour la jeune russe de ne pas succomber à l’hilarité du moment. Le regarde dramatiser en une moue peu convaincu malgré ses envies d’éclats. L’écoute gémir en une complainte qu’elle trouve si mal engagée. Hausse ses fins sourcils blonds, juge et critique silencieusement cette pose dramatique. N’est nullement offensée par les propos, préfère néanmoins arquer ses lèvres en une si charmante grimace.

« Tu ferais un si mauvais acteur… » Secoue la tête, comme exaspérée ; suit pourtant la danse comme toujours. « Je crois que ma beauté naturelle n’a rien à voir avec tout ça. »
Retient néanmoins le compliment.
Toujours aussi belle.
Sourit que son récent achat soit si vite remarqué. Aime briller par l’or à son cou, les diamants à ses lobes et les paillettes sur ses paupières. Apprécient l’éclat étincelant du monde aussi bien l’un que l’autre ; probablement la raison d’une étreinte d’un soir. Ils brillaient ce soir là, sous les gouttes de champagnes et la douce lumière des étoiles.
Mais ses pensées sont bien vite balayées par le but de leur rendez-vous. Par la passion de l’argent, la découverte du plus beau tissu pour la plus splendide des soirées. Qu’elle ne brille pas ce soir aurait été d’une indélicatesse extrême.
« Et bien allons-y ! »
Espère y trouver le bonheur d’une tenue à sa grandeur. Ne doute pas qu’Orazio en fera de même.
« Et que dirais-tu si je m’habillais de jaune canari et de rose bonbon ce soir ? Serais-je encore la bienvenue à ton bras ? »
Des couleurs qu’elle ne porterait jamais, même sous la menace d’une arme. S’amuse des paroles comme des geste tandis qu’elle franchi la porte du fameux magasin sous la révérence du blond. Se contente d’une petite tape sur sa joue pour féliciter son bon chevalier servant qui devait probablement s’amuser de ses propres pitreries. Mais Sasha n’avait rien à dire, elle-même souriait follement.  

Une si belle boutique, richement remplie de tissus hautement coûteux. Oh elle pense bien y trouver son bonheur. Se retourne vers son cher ami avec le plus grand sérieux.
« Très bien, si on ne trouve pas la perle rare ici je serais extrêmement déçue de tes capacités à dénicher le meilleur. »

Rit encore de ses mimiques outrées. Homme de goût qui, elle l'espère se serait révolté face à une telle parure. Se crever un œil plutôt que de subir le mauvais goût. Se trancherait une main plutôt que de caresser pareil horreur. En accord sur les vêtements à ne pas porter, les chemins à ne pas emprunter ; voie du diable que l'on ne saurait arpenter.
Elle couperait des têtes pour si peu.

Et là, paradis d'étoffes à frôler, à caresser. Couleurs de passion et de goût ; l'odeur de l'or et de l'argent pour n'attirer que les grands.
Et Sasha est immense.
S'enlise sous les robes de millier de gala, d'une éternité de soirée à dévorer. N'en aura jamais assez. Hésite car ne saurait faire autrement, parcourant les rayons comme le serpent cherchant sa proie. Sourire qu'elle ne saurait fausser ; non pas cette fois. Sourire qu'elle adresse à Orazio lorsque celui-ci vient parer ses épaules de fin tissu émeraude. Frôlé par ses longs doigts pâles ; ose à peine.
« Mes bêtises ne vaudront jamais les tiennes Orazio. »
Susurre son nom comme une prière. Ils sont tous les deux singes dans cette mascarade d'œillades ; les plus beaux.
S'amuse de le voir chercher à ses côtés, se passionner autant qu'elle. Verrait presque dans son regard les rouages de l'esprit ; tournent pour ne jamais s'arrêter. Le félicite silencieusement de ses intentions, poupée qui ne cherche qu'à briller.

Se prête donc au jeux tandis que son charmant compagnon s'assoit. Fouille un moment, observe et frôle d'un désir de se parer de tout.
Tout.
Rejette le châle récemment emprunté sur ses épaules, telle la lady qu'elle est. Dans une suffisante que l'on ne remarquera jamais assez. Attrape une longue robe bustier, patineuse aux tulles délicatement irisées. Puis une soie d'un doux rose pâle, évasée pour laisser la nudité des jambes s'exprimer. Une dernière pour la route tandis que les deux autres s'entassent lourdement sur ses bras. Un magnifique fourreau d'un rouge passion aux dentelles finement brodées. Décolleté plus plongeant qu'elle ne l'aurait peut-être souhaité.

Se retourne vers son acolyte, ses trouvailles en main pour les lui montrer. Ne tiens pas à essayer sans son accord.
« Que dis-tu de celle-là ? Ou alors celle-ci... » Se perd elle-même dans la contemplation ; dans la réflexion.
« Hum je devrais les essayer. Sauf si tu as vu mieux ou que tu comptes critiquer mes choix évidemment. »
S'arrête un instant pour le contempler en fronçant les sourcils.
« Et ne reste pas planté sur cette chaise, on dirait un vieille homme qui ne tient plus debout. Serait-ce déjà le cas ? »

Lève les yeux au ciel devant tant d'effronterie. Devant ce sourire si brillant de moquerie visée ; roi de pique à l'aura pâle. Le laisse donc avec ses rides et sa vieillesse ; sa chaise et sa paresse.
Attend patiemment son jugement. Comme une victime à sa potence, tend son cou aux paroles tranchantes ; son cœur à ses caresses. Sait recevoir les coups avec dignité, connaît les tournants et aboutissants. Ce qui n'empêche pas la frêle russe de perdre son visage de glace pour une grimace. Laisse tomber sa neige dans les plis des robes.
Très bien, pas le fourreau.
D'accord, pas la patine non plus.
Crevasse de doute entre ses sourcils, forcée par les tissus qu'elle se doit de maintenant dénigrer. Elle qui se voyait plus tôt les porter. Reconnait les piques et les épines de son ami, n'oublie néanmoins pas ses goûts artistiques et son goût pour la beauté des choses.
S'il dit non, ce sera non.
Malgré les bras croisés de la princesse, malgré son œillade noire au blond insatisfait.

Jette ses yeux d'hiver vers l'étoffe de ses désirs. Jais et broderie d'or. Combinaison aux arabesques mouvementées ; chaotiques sous la fluidité du tissu, la taille cintrée dans un maintien altier.
D'or et de ténèbres. S'émerveille un instant, une vie peut-être. Avant de jeter élégamment au roi le reste des robes n'ayant pas réussi à faire chavirer son cœur. Qu'il les range donc, ces robes grossissante de gamine de dix ans.
S'empresse d'aller caresser l'étoffe voulue dans un soupire de satisfaction.
« Parfait. Tu es plus utile que je ne l'aurais imaginé. » Tire la langue à Orazio dans une réaction enfantine avant de filer s'enfermer dans la cabine la plus proche, face au blond qui savait si bien choisir sa place.

Il lui faut bien un moment pour se vêtir de l'élégant vêtement. Prend tout son temps ; espère peut-être faire attendre son compagnon plus que nécessaire. Ne l'aurait-il pas un peu mérité ?
Et quand tout est prêt, elle se sent princesse. Reine de l'instant et souveraine de cette cabine étriquée. Parcourt son corps de soie de ses longs doigts fascinés ; de ses épaules à ses chevilles si peu dévoilées. Au décolleté qu'elle ne suit plus, presque hypnotisée.
C'est avec un grand sourire aux lèvres que l'ancien mannequin ouvre enfin la porte de son illustre cabine, une main sur la hanche pour observer son ami d'une hauteur qu'elle ne peut qu'apprécier.

« Désolée de t'avoir fait attendre, tout ce tissu n'est pas facile à enfiler...» Yeux qui pétillent, sait qu'il n'est pas dupe. Tourne sur elle-même pour le laisser apprécier. Ou détester.
« Alors, est-ce que ça me grossi ? Est-ce que j'ai l'air d'avoir plus de dix ans ? »
Moqueuse, sait que cette étoffe lui va comme un gant. Espère néanmoins que son ami soit du même avis. Car malgré son assurance, hésite toujours. Légèrement nerveuse à l'idée de ne pas être parfaite. Une petite moue devant le miroir vers lequel elle se tourne, fait voler le tissu pour admirer le tout.
« J'aime beaucoup. »
Un regard interrogateur à Orazio. Dénué de moquerie ; demande un avis sérieux pour quelques secondes de pause dans leurs chamailleries.

Poupée de satin entre les mains du marionnettiste. Se laisse volontier examiner sous tous les angles ; maintien altier et posture divine. L'habitude des regards, l'habitude du jugement. Et si cela ne va pas, elle recommencera.
Sens le regard froid parcourir son corps, décidant de la moindre couture à examiner, tissu à frôler d'une réflexion cachée. Comparer la toile à sa peau d'ivoire ; contraste de l'or à l'argent de ses yeux.
Présence qui la rassure sous ce minutieux examen. Attend le verdict, lèvres closes au mouvement crispé.
Sera-t-elle d'or ou d'acier.
Frissonne du doigt glacé sur sa peau ; plume du démon sur son épiderme fantôme. Ne bouge pas.
Attend sa sentence.

Sourit de son reflet. Sourit de leurs yeux pétillants à l'unisson ; observent cette apparition subtile et délicatement séduisante. Apprécie d'autant plus le sincère compliment de son ami tout en s'admirant, les dents dévoilées en un jovial sourire d'été.
« Magnifique. »
S'appuie quelques instants sur le blond dans son dos pour lui frôler doucement la joue du dos de la main en une infime caresse de remerciement, le regard perdu dans leur reflet d'argent.
Comme hypnotisée. Sait qu'il interprétera son geste en la douce marque d'affection qu'il mérite pour son superbe choix d'apparat.

Avant d'attraper le bras de son acolyte pour le ramener dans les rayons avec entrain dans des gestes brusques mais excités par la situation. Ne prend pas la peine de se changer, à l'aise dans sa combinaison de jais.
« Et pour que tout soit définitivement parfait, tu dois l'être aussi. »
Se met alors à fouiller dans les tissus alignés ; les étoffes affichées. À la recherche de ce qui pourrait bien faire briller son ami ; déjà illuminé par sa beauté glaciale et sa pâleur de cristal.
« Que dirais-tu d'être assorti à ma sublime personne ? »
Déjà, elle s'amuse à plaquer une veste de velours pourpre sur le torse du blond, hausse les sourcils avant de jeter cette dernière. Immonde.