Assise dans ce lit que tu n’avais pas quitté depuis des jours, tu regardais le ciel à travers la fenêtre de ta chambre, songeuse. Tu avais régulièrement de la visite. Ce n’était pas comme si tu étais seule. Mais tu voudrais tellement rentrer. Reprendre ta vie là où tu l’avais laissée. Retourner auprès du Cirque et d’Effie, auprès de Thaddeus, de Mariette et de tout les autres.

Est-ce que c’est possible ? Tu ne sais pas. Tu en doute. Mais tu espères. Tu espères que le monde se relèvera. Que tu te relèveras. Tu es trop optimiste pour croire que tu ne peux pas reprendre cette vie. Pour la laisser filer. Rien ne sera pareil. Ça tu le sais. Mais ça ne doit pas te changer. Toi Astrée tu as promis de ne pas changer. Et tu comptes tenir cette promesse, qu’importe le monde dans lequel tu vis.

Alors que tu penses à tout ça, tu entends frapper à la porte. Tu te lèves avec prudence mais hâte, heureuse à l’idée de voir quelqu’un. Peut-être Mariette ? Les visites de tes proches sont bien la seule chose qui te permette de garder le sourire en étant enfermée. Mais alors que tu t’apprêtes à ouvrir la porte, ton regard croise celui d’une personne que tu ne pensais pas revoir. Celui d’une personne qui ne devrais pas être ici, qui n’appartient pas à cette nouvelle vie, qui fait partie de l’ancienne.

Tu recules d’un pas pour finalement te rasoir sur le bord du lit, ne tenant de toute façon plus sur tes jambes en plein rétablissement.

- Mackenzie ?

Tu l’observes. Surprise. Depuis quand ? Pourquoi ? Tu n’avais pas revu ce visage depuis des années. La dernière fois que tu l’avais vu, il avait quitté votre maison pour rejoindre une nouvelle famille. C’était quelques années avant la Chute. A cette époque tu étais encore une enfant pleine de doutes. Lui un frère turbulent que tu n’as jamais pris le temps de connaître. Surement parce que, tout comme lui, toi aussi tu n’étais pas heureuse dans cette famille.

- Bien sûr. Bien sûr que je me rappelle de toi Mack.

Peut-être que lui aurait pu ? Si tu avais été moins timide, si tu avais osé. Peut-être que lui aurait pu t’aider, là-haut, à te donner ce que tes parents, ce que vos parents, ne vous ont pas donné : de l’amour. Mais vous étiez jeunes, sûrement bêtes aussi. Et aujourd’hui tu as refait ta vie, loin de cette famille qui ne t’a jamais rien donné. Thaddeus est ta nouvelle famille, le Cirque aussi est ta famille. Et Mackenzie ? Un souvenir, une famille qui n’a pas su se montrer présente lorsque tu en avais besoin.

Tu l’observes alors qu’il t’explique la raison de sa venue. Lui aussi a changé. Pas seulement dans les apparences, dans la façon d’être. Vous n’aviez jamais pris le temps de parler à cœur ouvert. De vous connaître. Et le voilà aujourd’hui, devant toi après tant d’années. Tu ne sais pas quoi en penser. Il était ton frère. A cette époque où tu cherchais encore une famille. Tu étais sa sœur. Pourtant il ne s’est jamais soucié de toi. Toi non plus d’ailleurs, trop occupée à t’enfermer dans les livres. Aujourd’hui il s’excuse.

Tu serres les poings.

C’est vrai. Il était absent. Il n’a pas été là quand tu avais besoin de lui. Lui avait pu quitter cette famille. Il avait pu recommencer, bien avant toi. Toi tu étais seule, seule avec ses parents qui n’avaient de parents que le nom. Pourtant, peux-tu lui en vouloir pour ça ? Toi aussi Astrée tu étais absente. Toi aussi tu n’as pas été là pour le soutenir. Mackenzie n’était en rien responsable. Vous n’étiez que des enfants, des enfants tourmentés.

- Ce n’est pas ta faute… Et je n’étais pas vraiment la sœur idéale non plus..

Tu marques une pause dans tes paroles. Tu baisses les yeux.

- C’était difficile. Avec eux. Ils n’étaient jamais satisfaits. Ils n’avaient plus que moi, ils ne voulaient pas que les services de protection de l’enfance s’intéressent aussi à mon cas. Ils tenaient à leur image. Et ton départ a été difficile pour eux également. Je ne t’ai jamais blâmé pour ça. Ce n’est pas pour le faire aujourd’hui.

Tu lui souris, timidement. Lui avais-tu déjà souris une seule fois ? Sûrement pas. Sourire t’était inconnu à l’époque. Il y a un réel fossé entre celle que tu était enfant et celle que tu es actuellement. Tu t’en rend compte.

- Tu sais, j’ai rencontré beaucoup de monde ici. J’ai une famille, une nouvelle famille. Et je voudrais même me faire adopter.

N’importe quel frère pourrait mal prendre cette nouvelle. Mais pas lui. Parce qu’il sait. Il sait à quel point cette famille à laquelle tu es liée n’en est pas une. Ce n’est plus la sienne, ce ne sera plus la tienne également. Et si une personne peut te comprendre c’est lui.

- Mais… Malgré ça. Je veux bien essayer. Dans cette nouvelle vie. Et avec cette nouvelle famille. Si tu es d’accord.

Il te sourit. Ça te fait quelque chose. Toi aussi tu regrettes. Tu l’as amer. Tu te dis qu’avec plus de courage tu aurais pu nouer de véritables liens avec lui. Tu aurais pu créer quelque chose. Quelque chose de vrai. Mais ce n’est pas si mal au final. C’est certainement parce que tu n’avais pas de liens que tu as pu en créer autant ici. Que tu as pu te trouver une nouvelle famille. Que tu as pu changer.

Tu hoches la tête, non peu fière. C’est vrai qu’on te le dit souvent. Tu es forte Astrée. Une force bien à toi. Une force qu’on t’envie, malgré ton jeune âge. Et sans doute ne l’aurais-tu pas sans tout ça.

Il semble heureux pour toi. Bien que surpris. Et c’est bien normal. Qui aurait cru ? Même toi tu as du mal. Du mal à accepter ce bonheur que tu ne pensais pas mériter. Que tu pensais trop beau pour être vrai. Il t’interroges Mack, te demandes si tu te sens d’en parler. C’est étrange non ? De parler de cette famille avec lui. Avec ce frère d’autrefois, ce frère que tu retrouves, que tu découvres aujourd’hui.

Mais tu peux bien lui dire. Tu peux bien partager ça avec lui. Car lui aussi fait un peu partie de ta famille. Il veut essayer. Tu veux bien le laisser entrer. De nouveau. Pour de bon.

- Je vis avec les gens du Cirque oui. Ils m’ont recueillis après la Chute, m’ont offert un toit, à manger. Je suis devenue magicienne. Je m’y plait tu sais.

Tu marques une pause.

- Quand Celestia a annoncé le retour sur Terre, j’ai eu peur que nos parents soient en vie. Je ne voulais pas retourner là-bas. Et comme je suis mineure je dépend encore d’eux, légalement. Mais Thaddeus s’est proposé de les trouver, de leur faire abandonner leurs droits sur moi et de m’adopter. Lui allait rentrer, mais je voulais rester, continuer ma vie ici avec le Cirque. Au final il n’est pas monté… Personne n’es monté.

Et tu en es triste. Parce qu’ils n’ont pas eu cette chance, celle de reprendre la vie qu’ils voulaient. Là où toi tu avais gagné cette vie ici bas.

Tu n'aurais jamais pensé pouvoir de nouveau parler à Mackenzie. Tu n’aurais jamais pensé pouvoir avoir l’occasion de renouer des liens ave lui. Pourtant en cet instant tu es heureuse de sa présence. Elle ne te met pas à mal, ne te replonge pas dans ces souvenirs d’une vie que tu préférerais oublier. D’une vie qui ne t’a jamais rien apporté.

Et tu lui souris quand il te dit de te rétablir pour retourner auprès de ta nouvelle famille. Tu y comptes bien. Tu ne supportes pas rester enfermée, et c’est avec impatience que tu attends l’autorisation des médecins pour courir les rejoindre. Pour de nouveau les embrasser, pour reprendre là où tu t’étais arrêtée.

- Je n’attends que ça ! Ils sont venus me voir, ils savent que je vais bien. Et que je rentrerais bientôt à la maison.

Tu as si hâte. Les choses seront peut-être différentes mais toi tu resteras la même. Pleine de vie. Il ne sait pas Mack, ne sais pas à quel point tu peux paraître vivante, à quel point tu es différente ici. Mais il s’en doute, il l’a peut-être déjà vu. A travers tes spectacles, à travers tes actes, à travers cette voix qui résonnait si peu, qui se faisait si discrète autrefois.

Pourtant discrète tu es loin de l’être. Tu te fais grande Astrée, tu parles haut et fort. Tu cries ton bonheur et pleure à chaudes larmes. Tu te montres au grand jour, tu rêves grand, tu n’as honte de rien. Parce qu’ici c’est comme ça qu’on te voit, parce que c’est comme ça qu’on t’apprécies. Parce que c’est comme ça que tu as toujours été en réalité. Seulement personne ne l’acceptait. Personne ne te laissait t’exprimer.

- Je suis contente aussi. De savoir que tu vas bien Mack.

Tu dis ça sans trop le regarder. Parce que votre lien est encore fragile, il se reconstruit. Mais malgré tout tu le penses vraiment. Tu n’as jamais su ce qu’il était devenu. Après vous avoir quitté, après la Chute. Mack tu le connais sans trop le connaître. Ce n’est plus ce grand frère turbulent que tu as connu. Tout comme tu n’es plus cette petite sœur effacée qui vivait cachée dans sa chambre.

Et tu veux le connaître Mackenzie. Tu veux le découvrir, tu veux en savoir un peu plus sur lui. Pour peut-être qu’un jour vous soyez le frère et la sœur que vous n’avez jamais été.

Et de nouveau le silence.
Tu regardes tes pieds, tu ne sais pas quoi ajouter non plus. Tu les bouge un peu, tu réfléchis. Est-ce que tu devrais lui demander ce qu’il fait à Althea ? Où il vit ? Comment les choses vont pour lui ? Tu lui a parlé de toi. Mais tu n’as rien appris sur lui. Tu ne sais pas vraiment comment t’y prendre. Pourtant tu n’es pas du genre à réfléchir à ce que tu dois dire. D’habitude, tu y penses après. Mais là tu veux bien faire. Tu ne veux pas le mettre mal à l’aise, te montrer trop curieuse, trop encombrante. Parce que tu ne veux pas rater cette chance qu’il te donne. Tu veux bien faire les choses.
Finalement c’est lui qui fait le premier pas. Décidément, il a bien changé. Dans le bon sens.

Il te tend la petite boîte de chocolat. Tu la récupère, doux sourire aux lèvres. Et tu ris un peu quand il te parle de sa réflexion pour ce petit choix.

- C’est vrai. Personne ne devrait détester le chocolat. Quoi que ça en ferait plus pour nous haha. Merci beaucoup Mack.

Tu serres la petite boîte dans tes mains. Ça te fait plaisir. Qu’il est fait le chemin. Qu’il soit venu te voir. Tu te tournes pour atteindre ton holokit sur la petite table de chevet de l’autre côté. Et tu lui tends avec l’un de ces délicieux chocolats. Autant partager. Et tu es contente, quand il te dit vouloir apprendre à te connaître, quand il te dit vouloir de nouveau observer ta magie. Tu es toute fière. Encore une fois, tu remercies Althéa de t’avoir offert un si joli don.

- Tu peux passer me voir quand tu veux, et je suis contente que ma magie te plaise. Première information, mes chocolats préférés sont ceux avec des éclats de noisettes. Et toi ?