En soi, le désert pouvait se comparer à un sachet de party-mix ; on pouvait tomber sur des trucs cools comme une combinaison de saveur explosive, parfois sur des trucs fades, comme les bretzels  ou encore sur des trucs dégueulasse comme ces petits carrés au goût du foin. Bref, on en trouvait pour tout le goût. Suivant cette introduction, Will se comparait à un cheetos ; enrobage au cheddar vieilli, mais léger à l’intérieur. Converser avec le couturier s’avérait à être plaisant, sans prise de tête et au final, c’était un souffle de vent frais dans ce désert à la chaleur suffocante.

Tu cognas à la porte de son atelier, puis entrant sans cérémonie comme t’en avais l’habitude, t’allas à sa rencontre. Travailleur chevronné, tu ne fus pas surpris de le voir assied à son lieu de travail ; là où sa magie s’opérait. Et t’avais aucun mal à admettre qu’il était fichtrement compétent.

« T’as pensé à l’attacher avec de la broche ? » tu lui dis, en guise de salutation, lui rendant ce que tu pensais être son meilleur, Bob. Son chapeau. Oui, son chapeau s’appelait Bob. Bob, quel nom. Mais, Will, c’était ton aîné et il était sympathique le bougre, donc t’allais pas insulter non seulement son meilleur ami, mais sa capacité à trouver des noms. « Je ne pense pas qu’il apprécie que tu le perds autant ; quoique moi, ça m’arrange. »

Avoir un couturier endetté, c’était toujours bien ; ça facilitait l’échange de bon service.

« Le manteau de la dernière fois était impec’. » En effet, il t’avait bien servi lors de ce voyage à Celestia en compagnie de la petite Poppy. « Pas trop dérouté ? » tu demandas finalement, en référence aux derniers événements ayant secoué le désert de fond en comble.

« Ah, les enfants. » Tu dis sans réellement élaborer, préférant t’adosser contre un mur où ne régnait pas beaucoup de babioles, agitant la main et balayant l’air pour lui indiquer que, réellement, il n’y avait pas de quoi. C’était ton travail, comme créer était le sien. Puis, du croisa les bras contre ta poitrine, espérant apercevoir cet artisan chevronné à l’œuvre. Parfois, tu te demandais ce qu’un tel homme pouvait faire dans le désert, sans doute qu’il aurait pu percer et aller loin si une opportunité lui était tendue. Toutefois, d’un autre côté, c’était tout aussi bien que le désert ait une telle corde à son arc. « Très utile même, » tu renchéris.

Puis, tu fis mine de réfléchir au paiement, alors que tu savais très bien ce que tu voulais.

«En fait, j’ai pensé qu’en échange, tu pourrais peut-être rafraîchir le manteau… » Tu ris nerveusement ; habituellement, les artistes ne raffolaient pas de savoir que leur œuvre étaient abîmés. « Une amie m’a amené dans un manoir abandonné, donc, je te laisse imaginer la tonne de poussière qui s’y trouvait. »

Là, c’était dommage, car t’avais pas ledit vêtement avec toi, mais ça pouvait être un échange intéressant lorsque tu repasserais le voir. Puis, comme pour adoucir sa colère (si elle existait belle et bien), tu changeas promptement le sujet. « D’ailleurs, ‘faut que tu m’explique pourquoi tu l’as appelé ‘Bob’ ? »

Oui, parce que, y’avait mieux comme nom, mais t’allais tout de même pas insulter son meilleur ami en pleine face, hm ? Si tu ne t’étais toi-même pas pris au piège en t’adossant, t’aurais eu un mouvement de recule face au sourire inquiétant se dessinant sur ses traits. Habituellement, ce genre d’expression n’indiquait rien de bon.

« Je vois. » Ah, ce n’était rien que ça. Tu relâchas un soupir et décroisant les bras pour finalement avancer vers lui. Être son mannequin, ça ne devait pas être si terrible non ? « Oui, pourquoi pas, comme j’ai un peu de temps devant moi. »

Tu jetas un rapide coup d’œil à sa table de travail.

« Euhm… quel genre d’habits ? »

Oui, et bien, t’eus pas à attendre des siècles avant de réaliser que la question que tu venais de lui poser était… vraisemblablement stupide. Au moins, tu pues te consoler en te disant que Will qui se payait bien ta gueule avait eu ses quelques minutes de rire santé. Le couturier pu aussi déduire que tes connaissances à ce qui a trait à la couture et what not étaient quasi inexistantes. Ah, clairement, dis comme ça, perdu au travers d’éclats de rire et de poings sur la table, tu te sentais vraiment comme le meilleur. Tu pinçais l’arrête de ton nez et secoua doucement la tête, découragé par la question que t’avais posé.

« Vraiment le meilleur, huh. » Tu lui en voulais pas ; après tout, t’avais que toi à blâmer et la prochaine fois, t’effectueras une simple recherche internet. «Surtout, fait-le moi savoir quand t’auras fini de mourir de rire. »

Encore un peu et ce pauvre Will se retrouverait au sol, manquant d’air comme un poisson hors de son aquarium, quoi. Lorsque l’homme daigna finir de rire, ce fût pour proposer une séance de mannequina et comme t’avais aucune raison à proprement dit pour refuser, tu acceptas.

C’est au moment où il t’agrippa par le bras que tu sues que c’était une grave, grave erreur. D’un œil inquiet, tu remarquas le bandeau et bien que t’étais pas un fin connaisseur de la mode, t’en savais assez pour trouver l’usage de ce tissus… ma foi, très inquiétant.

« Oui, bon… ai-je raison d’avoir un tout petit peu peur… ? »

L’obscurité ne te faisait pas peur.
L’obscurité avec Will te faisait peur.

Tu l’entendais s’affairer ; bruits de pas et panneaux se refermant et connaissant le personnage, ça ne pouvait être que de mauvaise augure. Il t’avait dit de pas bouger, mais t’étais à deux doigts de taper du pied et de retirer le bandeau. Puis, tout à coup, non seulement il faisait plus chaud, mais tu te senties plus lourd. La lumière fut et tu clignas des yeux pour réajuster ta vue et être confronté à cette… glorieuse image.

Tu pris une grande respiration avant d’y foutre un pain sur l’épaule et de retirer le chapeau ; ce n’était pas sa faute, les chapeaux de t’allait pas. Pas plus que le bleu de la robe qui… te fit penser à Juliet. Et à ces réceptions qu’elle devait sans doute devoir participer en tant que… Le bruit de photos de ramena à la réalité et tu ne fus aucunement surpris de voir ce cher Will en train d’immortaliser le moment. Ta main gantée tenta d’attraper l’appareil électronique et une fois en ta possession, tu roulas des yeux.

« Donne-moi une bonne raison de pas balancer ton holokit par la fenêtre. » Tu fis mine de réfléchir. « Ah oui, je sais ; puisqu’elle me va à merveille, je suppose que tu n’as aucune problème à ce que je la conserve ? »

Will avait dit qu’elle t’allait à merveille, mais tu n’étais pas sûr… le bleu, ce n’était pas ta couleur. Non, bleu, c’était la couleur qui… Tant qu’à l’avoir sur toi, tu te tournas de sorte à ce que le miroir reflète les détails de l’arrière. Et malgré la petite gêne à être ainsi exposé, tu ne pouvais t’empêcher d’apprécier le travail de ce fin artisan.

« Tu m’aides à la retirer ? Je suis pas certain de savoir comment sans l’abîmer. »

Bien sûr que non, tu n’allais pas réellement balancer son holokit par la fenêtre, mais c’était tout de même amusant de voir sa réaction. Au final, c’était davantage pour le drama. Pour le drama et parce qu’il avait osé immortaliser le moment à coup de plusieurs clichés. Tu soupiras, secouant la tête dans un faussement découragé, et lui remis son précieux objet avant que son âme ne quitte son corps.

« Non, mais efface-les. Enfin, sauf si c’est pour ta collection personnelle, ha ha. »

L’important, c’était qu’elles ne soient pas diffusées à la grandeur du désert, car évidemment, t’avais pas envie d’être la cible de rumeurs, provenant de personnes hâtives, jugeant une situation sans prendre le temps de d’avoir toutes les pièces du puzzle en main. Bien que tu apprécies la désinvolture dont Will faisait preuve, l’homme au chapeau faisait quand même fausse route. Tu levas les bras dans les airs afin de faciliter la tâche de couturier, puis te retourna vers lui un fois libéré.

« Évidement, t’es un maître dans ton art, c’est irréfutable. Mais tu fais fausse route, ce n’est pas pour moi. » Même si en fait, ça t’aurais bien tenté d’observer sa collection de robe, car bien que t’y connaissais rien, ça ne t’empêchais pas d’apprécier la variété qui venait lorsqu’un parlait de vêtements plus féminin. « C’est pour une amie. »

Plus précisément, c’est alors que tu fis ta réflexion dans le miroir que l’image de la jeune anglaise te vint en tête. Maintenant servante pour un noble de Caer Hrid, peut-être qu’elle était obligée d’assister à des réceptions huppées. Tu t’égarais dans un dédale mental, bercé par les bruit d’un Will fouillant dans son atelier. Que cherchait-il ? Quelque chose à propos d’autres habits ?

Effectivement, sa déclaration sortait de nulle part, et bien que tu le saches expressif, tu ne t’étais pas imaginé à ce que ça soit le genre à être ouvert en ce qui concerne ses sentiments.

« Ah, si ce n’est que ça, » dis-tu répondant à ses mots avec un sourire, oubliant presque que tu l’avais frappé il y a de ça quelques minutes. « Te gênes pas à parler de couture en ma présence ; comme c’est toujours agréable d’entendre un passionné parler de son art. »

C’était vrai ; c’était sans doute cette même passion qui lui permettait de faire des chefs-d’œuvre et de les donner, comme ça, sans rien d’autre en retour. Un peu comme la robe que tu venais de lui réclamer. Tu te grattas l’arrière de la tête, légèrement embarrassé par ses bons mots.

« C’est pareil de mon côté, hein. T’es quelqu’un de bien, Will. Et je suis sûre que je suis pas le seul à le penser, mais tout ce que tu fais pour nous, dans le désert, c’est grandement apprécié. » Will rendait les vêtements plus accessible, il répondait à chacun de vos besoins et souvent, il le faisait parce qu’il aimait ce qu’il faisait. « Tu peux toujours compter sur moi. »

C’était à se demander pourquoi il était ici, et non à fleurir dans l’une des capitales.

« D’ailleurs, je suis curieux de savoir sur quoi tu travailles en ce moment ? T’as un gros projet en vue ? Une grosse commande ? »

‘Quel dommage’ tu pensas sarcastiquement alors que Will révélait au grand jour ses sombres desseins concernant les photos à caractère compromettante qu’il venait de prendre. Au final, t’étais bien content qu’il les supprime sans faire d’histoire, même si tu savais quel malgré ses milles et une bizarrerie, c’était, au fond, un chic type. Un chic type qui te rappelais ces vieilles tantes lors de réunions de familles, celles ne voulant pas lâcher le morceau et cherchant à tout prix à savoir si son neveux ou nièce s’était finalement trouvé.e un.e copin.e. Tu secouas la tête et lui administras un second pain (à croire qu’il était affamé).

« Tu devrais, ça remplirait tes réserves d’eau. »

Mais au-delà des blagues et des taquineries, la présence de Will était légère et rassurante. Et c’est lorsqu’il partit fouiller de nouveau dans son atelier pour te faire cadeau d’un bonus qu’il était vraiment généreux et tu notas mentalement que t’y en devais une, donc la prochaine fois qu’il perdrait son précieux ‘Bob’, tu le retrouverais sans chigner.

« Woah, merci ! » Tu dis sincèrement, puis pour empêcher la conversation d’atteindre un niveau de sentimentalisme, t’ajoutas une petite pique : « Et toi, tu as une ‘AMIE’ à qui je peux donner mes regards ? »

Puis, la conversation prit une tournure… étrange, car Will s’ouvrait. En soit, ce n’était pas une mauvaise chose, mais c’était surprenant, car tu ne t’étais pas imaginé qu’il soit le type à parler ouvertement de ses sentiments, ou plutôt de démontrer son appréciation si ouvertement. Et ça te prends de cours, mais tu finis par lui avouer que tu penses qu’il est quelqu’un de bien.

« Ce n’est pas ‘que des habits’ ; c’est un art. C’est ton art. » En synchronisation avec tes paroles, tu désignes sa tables de travails et ses projets. « Et comme une toile, je suis sûr que ça va faire sourire mon amie lorsqu’elle verra ton œuvre. »

Et tu lui souris lorsqu’il te confirma qu’il comptera sur toi, puis t’orientas la conversation sur ses œuvres et sur le possible ‘masterpiece’ à venir. T’étais le genre de personne à privilégier le côté pratique des objets plutôt que leur esthétique, alors son projet te parlait énormément.

« Sans doute, et si t’as besoin d’un mannequin, tu sais où me trouver. » Tu pris une pause pour réfléchir à sa question. « Oui, je vais souvent à Celestia, dans les zones accessibles aux oubliés, c’est un drôle de contraste avec la chaleur du désert, tu pourrais prendre ça en considération pour ton habit, car il a y des zones qui peuvent atteindre les -20° C. Sinon, chaque pays à son charme, mais c’est sûr qu’il n’y a pas ce sens de danger qu’on ne retrouve qu’ici, au désert. »

Will semblait n’avait jamais mis les pieds ailleurs.

« Si tu veux, lorsque ça sera le temps, je peux t’aider à planifier ton voyage. »

Certes, tu connaissais pas tout, mais t’avais suffisamment voyagé pour avoir quelques trucs et conseils à lui donner.