Comme elle pouvait se montrer têtue, Juliet. T’avais relu vos échanges par Holokit et t’avais pu te retenir de secouer la tête, légèrement découragé par la résistance dont elle avait fait preuve. Et puis quoi encore, s’il n’y avait pas d’occasion, et bien, il fallait simplement en créer une. Et si t’avais laissé sous-entendre que ton entêtement était motivé afin de faire briller le talent caché de ton bon ami Will, bien que vrai, ce n’était la principale raison. Tu ne lui diras pas, mais c’est à la vue de ta propre réflexion dans cette glace, te noyant dans cette mer de tissus bleu que t’avais simplement pensé à elle, à Juliet. Et comment elle aurait eu l’air resplendissante, un peu comme tu lui avais dit, un peu comme cendrillon ; la bonne se transformant en princesse du soir.

Mais tu pouvais bien lui accorder ça, à Juliet : s’il ne fallait que tu  te présentes afin qu’elle cède à ton caprice, et bien qu’il en soit ainsi. C’était un dimanche en début de soirée que t’étais allé la rejoindre, et ses consœurs (te reconnaissant comme le type avec qui elle avait passé une soirée) t’avaient à te glisser dans les couloirs et juste qu’à la porte constituant sa modeste chambre. Probablement avides de potins. Si ce n’était que le prix à payer pour que tout ce passe comme sur des roulettes. Et bien soit, et t’avais pas l’intention de ruiner sa réputation.

Juliet, t’oserais jamais la mettre dans l’inconfort.

Ce n’est que lorsqu’elle ouvrit la porte que tu t’empressas de lui tendre, tout sourire, le sac contenant la fameuse robe, celle au décolleté plongeant, mais d’une élégance déconcertante.

« Livraison express pour mademoiselle Juliet. » Avec sérieux avant d’ajouter, plus doucement : « comme promis. »

C’est la joie et l’excitation dans la voix de Juliet qui te font sourire de plus belle. Décidément, cette seconde rencontre partait du bon pied ; tout en légèreté et en bonne humeur. Tu ne te fais pas prier, lui emboitant le pas pour te glisser à l’intérieur de la petite pièce (maintenant familière) et prenant soin de fermer la porte. Tu lui tends son bien et, un soupir s’échappe de tes lèvres aussitôt qu’elle répète que tu n’aurais pas dû. T’avances un index qui s’arrête à quelques centimètres de son visage, l’agitant de gauche à droite.

« Oh, non ! » Tu l’apostrophes, prenant maintenant sa main afin de faciliter la prise le paquet. « Ne commence pas avec ça avec tes ‘tu n’aurais pas dû’. Je n’aurais peut-être pas dû, et pourtant je suis là. » Et avec ça, tu t’assuras qu’elle avait au moins une bonne prise sur la robe avant d’y laisser tout le poids. « Et tu sais pourquoi ? »

Tu reculas d’un pas, comme si ç’allait l’empêcher de te la redonner. Tu lui souris à nouveau, posant tes mains sur tes hanches.

« Parce que j’en ai envie. » C’était aussi simple que ça.

T’avais envie de la voir se lâcher, de la voir resplendir et surtout de la voir sourire comme si ce soir serait la soirée de sa vie. Certes, elle vivait dans des conditions plus favorables, mais comme ça devait être ennuyeux ; d’être un oiseau en cage. Vrai que tu ne connaissais pas les détails entourant ce nouveau mode de vie, mais le fait qu’elle ne pouvait te voir qu’un jour sur sept sonnait… très déprimant.

« Donc ! Comment s’immisce-t-on à l’une de ces soirées ? »

Une fois vos bagages hors du chemin, c’était à présent plus facile d’être à l’aise avec elle. Et donc, alors que Juliet accepta finalement son cadeau, t’en profitas pour répondre à son rire avec un sourire avant d’aller chercher la chaise (que tu désignas mentalement comme la tienne) et de d’y assoir à l’envers, de sorte à ce que ton coude trône sur le dossier et que tu puisses apposer ton menton dans la paume de ta main. Position idéale afin d’observer le visage de la caérienne d’adoption s’illuminer (t’espères) lorsqu’elle aura enfin parvenue à vaincre l’emballage. C’est à tort que tu penses pouvoir engager la conversation (pensant entamer la seconde phase du plan) que tu réalises que ça ne va pas aussi doucement que prévu et que ses mains s’arrêtent.

« Ah, rien de tel ! » Faussement indigné, tes mains s’apposent sur le dossier de la chaise et tu te laisses reculer. « Je ne fais que considérer les options qui s’offrent à nous. » Oui, car cette robe allait servir et t’étais bien décidé à ne pas partir tant que cet objectif serait atteint.

Mais pas à n’importe quel  prix, oh ça non, car tu ne voulais pas mettre Juliet dans l’embarras, ni dans une situation pouvant tacher sa réputation. « Oui, non, c’est à éviter, parce que bon… il y a pas de point à ça si c’est pour t’handicaper davantage. »

S’il fallait qu’il lui ôte son dimanche en plus… Tu levas les yeux au ciel, pensant que regarder l’ampoule accrochée au plafond te donnerait une illumination. La soirée était encore jeune, t’aurais le temps d’y penser.

« À force de me faire languir, je vais finir par croire que tu n’es pas vraiment contente que je sois là. » Il y avait cet air de mesquinerie qui indiquait clairement que tu la taquinais à 90% alors que 10% restant montrait un petit peu d’impatience. « Si t’attends juste que je sorte de la pièce, il faut me le dire, hein ! »

Bien sûr que tu savais ; t’aurais pas pris la peine de faire toute la route et pris tous ses risques pour être confronté à une moue et une porte claquée, s’il y avait eu ne serait-ce qu’une ombre au tableau. Mais, ça ne faisait pas mal d’en avoir la certitude, alors c’est sous le couvert d’une blague que tu la piques un peu,  que tu t’enquiers de ses états d’âmes afin d’en avoir le cœur net. Tu la crois, Juliet, quand elle te dit qu’elle est ravie, malgré son regard fuyant. Tu la crois, parce que c’est comme ça : qu’entre vous, il y a ni mensonge, ni secret. Que la vérité. C’est la conclusion que t’en as tiré depuis le fiasco de la remontée, depuis cette conversation à cœur ouverte (assis à la vue de tous sur l’inconfortable banc de pierre) à se consoler, puis se retrouver.

C’est ta vision se couvrant de noir qui te remmène sur terre, provoquant un mouvement de recul et ton dos se heurte à la porte. « Ah ouais, » tu dis, temporairement plongé dans les ténèbres. « Pourtant, tes collègues ont l’air d’apprécier être dans le coup. » Sourire narquois et regard complice à jamais cachés sous ce voile. Et t’hausses les épaules, te donnant un air fantomatique à faible budget, un peu comme le costume d’Halloween de tes 8 ans. « Je ne crois pas qu’elles nous balanceraient. » C’était des commères après tout, de quoi pouvaient-elles donc commérer si elles se débarrassaient de la source première de leurs potins ? « Tu sais, je pouvais juste me retourner. »

Tu sais, au lieu de salir les draps de la chaleur du désert.
T’aurais pas triché ; loin de là l’idée de lui manquer de respect.

Tes épaules s’affaissent et tes bras se croisent au son de l’emballage qui s’active, et avec ça, une pensée : il était temps. Ah oui, il était temps ; à quoi bon quitter les étendues désertiques, si ce n’était que pour se retrouver emprisonner au sein d’une ville à la pensée archaïque. Juliet méritait bien ça ; de se dégourdir, de se laisser aller et surtout, de retrouver un semblant d’identité.

« C’est bon ? » Le même ton moqueur, mais léger qui vient titiller ses oreilles. ‘Pourtant, ça m’a pris 3 fois moins de temps quand je l’ai enfilé’, des mots ravalés de sitôt lorsqu’elle t’annonce que oui, c’est bon. Le voile glisse lentement, doucement sous l’anticipation qui s’accumule au fil de la lumière qui se révèle. C’est cette même anticipation qui te coupe le souffle, te prévenant d’émettre le moindre commentaire pouvant ruiner le moment.

C’est qu’elle est belle, Juliet.

« Attends, laisse-moi t’aider. »

Soigneusement, t’enroule sa couverture puis la déposer sur la surface plane la plus près avant d’avance vers elle, faisant bien attention de ne pas piler sur le tissu cascadant le long de son corps pour finalement remonter la fermeture éclair. Ta main glisse dans la sienne et tu la ramènes vers toi, de sorte qu’elle te fait maintenant face. Un pas vers l’arrière et Juliet à l’espace nécessaire afin de tournoyer et si elle ne le fait pas d’elle-même, tu la pousses gentiment dans le mouvement.  

Elle avait dit qu’elle ne te laisserait pas te rincer l’œil et pourtant, que faisait-elle en ce moment.

« C’est comme si Will l’avait conçu pour toi ; elle te va à ravir. »