« …nya nya nyanyanyanya » hume la voix étreinte par l’insomnie; des yeux lourdement cernées suivent attentivement le déplacement des personnages sur l’écran du portable. Heureusement pour lui, l’animation bien que simplette est facile à suivre. L’album s’ouvre et suivant le mouvement de celui-ci révélant moult chattons, une inspiration est prise. « Dakedo Lucky Holiday da kara nanka ii kanjiiii ! » Si, auparavant, la voix fut morne ; cette fois, on aurait dit que son propriétaire avait puisé dans ses maigres réserves d’énergie afin de rendre justice au refrain de la mélodie pourtant si entraînante.  Tout comme la fin de cette animé, la chanson marquait la fin de ce périple en train en direction de Washington, DC.  

Pavel baissa l’écran de son ordinateur portable avant de s’adosser contre la fenêtre ; regardant sans réellement regarder le paysage qui défilait à vive allure. Comme l’agente de train l’avait mentionné, à tout le moins, la destination serait atteinte en moins d’une demi-heure, ce qui ne lui laissait pas beaucoup de temps pour commencer un nouvel épisode. Ou bien dormir. Ah, dormir… ça semblait être un rêve, tout comme sa dernière réunion, d’ailleurs. Pas plus tard qu’hier, Monsieur Janovic l’avait apostrophé à côté de la machine à café. Mains repliées contre sa poitrine et l’air suffisant et sourire à peine courbé, il avait demandé à son subalterne comment se portait-il en cette si belle journée de printemps.

Formule de politesse ; une indication claire qu’il y avait anguille sous roche. Se traduisant en une réunion express avec un client important à Washington. Pour des raisons de dernières minutes, l’homme d’affaire ne pouvait s’y présenter.

« Pavel ! Fiable et polyvalent, un de mes meilleurs employés. La personne idéale ! La solution à nos problèmes en cette période de crise. »

Le sujet susmentionné tenta de cacher bien malgré lui l’angoisse s’accumulant dans le fond de son estomac, mais en vain. Heureusement, ça n’eut aucun effet sur son supérieur qui continue ; insensible aux maux commençant à s’abattre sur son employé.

« C’est non négociable. Tu pars cette nuit à Washington. Le train est réservé et normalement, tu devrais être à temps pour le rendez-vous fixé à 11 heures tapantes. » S’apprêtant à tourner les talons, il s’arrêta dans son mouvement et ajouta : « demande à Mathilde de te briefer. Good luck ! »

C’était toujours comme ça ; la vie au bureau.

Âgé de 24 ans, il n’était certainement pas trop tard pour le jeune homme à songer à une réorientation de carrière. Au contraire, il avait pleinement le temps. Seulement, l’emploi actuel, bien qu’ingrat, payait bien et réussissait à lui procurer une stabilité financière qu’il chérissait définitivement plus qu’un… certain inconfort. Ah, la stabilité financière, une valeur qu’il avait acquise dès le plus jeune âge grâce à ses parents dépensiers. S’enfonçant encore et toujours plus dans le monde infernal de la dette. Outre ce défaut, ils étaient de bons parents et il serait mensonger de dire que Pavel, son frère et sa sœur avaient bénéficié d’une enfance malheureuse.

Difficile, mais pas malheureuse.

Il ne serait pas non plus mensonger de dire que c’est à cause de ses parents qu’il y a des répercussions importantes sur sa vie d’adulte. En effet, dès son plus jeune âge, la fratrie a été mise à l’œuvre, contribuant au cash-flow familiale. Le travail à temps partiel jumelé aux études ont été l’une des pierres angulaires qui ont servi à construire le Pavel d’aujourd’hui.  

Enfin bref, nous sommes le xx mai 2019, et il est environ 9 h 10. Le train arrive à la gare. Le soleil brille et il fait environ 15°c. À peine est-il sorti de la gare que le temps se gâte, le ciel se couvre et rapidement, la Capitale plonge dans l’obscurité. Mayhem.

Pavel ne s’aurait dire ce qu’il s’est produit cette journée-là. Sa vie, ainsi que celle de plusieurs autres,  brisée et laissée à être reconstruite. Seulement, Pavel n’est pas un lion ; il est la brebis égarée. Il est celui qui ne s’ait pas s’orienter ; qui ne sait pas vivre dans un monde où tout est à rebâtir. Entre les boules de feu volatiles et les manifestations magiques, il est perdu et se demande s’il a lui aussi quelque chose de spéciale ? Il saisit vivement sa main, et tel un protagoniste de shonen, il l’a dévisage, tentant d’y faire apparaître un lapin, une plante ; n’importe quoi, mais sans succès.  

C’est après quelques poteaux prit dans la gueule et quelques chiures de mouettes intempestives qu’il comprendra : il a la poisse.

-

C’est un cristal, la clée vers le Mont Célestia, que Pavel accepte. C’est dans ce pays qu’il sent qu’il peut rebâtir sa vie ; les moulures sensiblement identiques à sa vie sur la terre le rassurent. Se démarquant par son éthique du travail bien fait, il monte les échelons jusqu’à occuper divers rôles administratifs. Puis, il trouve sa voie en devenant l’adjoint d’une personne influente.