Yul reste accroché à son holokit, ça lui sauve la vie et ça lui permet surtout de se repérer dans Requiem. Ce n’est pas du tout une ville qu’il a eu le temps de visiter, un peu comme partout, il se fait quand même assez timide sur ses voyages mais sur le coup, il est presque heureux d’avoir voyagé jusqu’ici pour rencontrer Nemesis. C’était vraiment inattendu, mais maintenant, l’homme se dit que ce n’est pas du tout une mauvaise chose. Et ça lui fait un premier contact avec un habitant du désert, qu’il aimerait beaucoup visiter. Avec beaucoup d’appréhension, quand même…

« J’irai bientôt au désert je pense, au campement. »

Il ricane un peu. Oui, à ses yeux, Yul cuisine très bien. Peut-être un peu trop épicé, parce qu’il a grandi avec des parents qui achetaient cinq kilos de pâte de piment de temps en temps. Il ne fallait pas avoir peur de passer la nuit avec des maux de ventre dans sa famille – mais au moins, le coréen pouvait se permettre de manger des plats peu épicés sans se plaindre.

Lentement mais sûrement, Yul parcourt les rues avec son camarade, sans trop s’éloigner du centre. Il fait nuit en permanence ici, l’éclairage est donc de mise, mais il n’a pas trop confiance dans des endroits qu’il ne connaît pas. N’importe quoi fera l’affaire, tant qu’il ne dort pas à même le sol dans un camping sauvage. Surtout s’il y a des ours qui peuvent attaquer n’importe quand.

« Celui-là m’a l’air pas mal. Au bout de la rue. »

Quand on est crevé, on apprend à ne pas être très difficile. Yul pourrait presque s’effondrer d’une seconde à l’autre, parce qu’il en a assez. Ses jambes lui font sacrément mal, parce qu’il a beaucoup marché mine de rien. Il entre alors dans l’hôtel, surveille l’état de Nemesis, il ne veut pas qu’il se sente mal, ou gêné. Puis il demande une chambre pour eux deux, qu’on leur donne rapidement après son paiement.

« Tu veux savoir le meilleur ? Le petit déjeuner est offert. »

L’homme lui sourit sincèrement, cette fois. La nourriture et Yul, c’est toute une histoire d’amour. Il invite alors l’oublié à venir avec lui, pour entrer dans la chambre et aller tout de suite voir les lits.

« C’est parfait, non ? »

Yul, étrangement, prend en compte les avertissements de Nemesis. Très bien, il ne viendra pas longtemps, juste assez pour faire un tour au campement pour repartir de son côté. En un clin d’œil, il allait disparaître de la circulation, comme il avait pris l’habitude de faire pour fuir les soucis. Et avec le cristal de confusion, ce n’était que plus facile maintenant. Il gardait toujours ce sourire, jusque dans la chambre où il s’empresse de tester le matelas ; assez mou pour être confortable, sans pour autant disparaître dedans.

Néanmoins, il n’avait pas du tout remarqué que c’était un lit double. Sur le coup, ça ne le choquait pas, mais la question de l’homme à ses côtés l’interpelle. Il rougit un peu, ses yeux s’écarquillent doucement et finalement, il rit un peu nerveusement. Il vient même tirer un peu le coin du lit, comme pour espérer que ce n’étaient que deux lits simples collés ensemble, mais non.

« Ah, ce n’était pas prévu, ça. », dit-il en se redressant.

Évidemment, sa première pensée était celle de l’égoïsme ; prendre le meilleur pour lui, laisser le reste à Nemesis. Mais son camarade l’a probablement sauvé d’un sale destin au lac. Alors… Il pouvait bien être gentil le temps d’une nuit.

« Non, prends le lit, je pense que tu ne dors pas dans un tel confort tous les jours.

Ça lui arrache la gorge de lui dire ça. Mais il ne laisse rien savoir, il vient déjà prendre place sur le canapé pour se mettre à l’aise et retirer une première couche de vêtements – également pour réserver sa place.

« Tu en as besoin. »

Puis Yul se lève de nouveau, vient inspecter la salle de bain. Son teint fatigué n’est que plus visible dans le miroir, il peut clairement voir qu’il n’est pas dans ses plus beaux moments. Son maquillage n’a pas bien tenu, et il est temps de le retirer. Attrapant une serviette, il l’humidifie pour la passer sur son visage et improviser un démaquillant.

« Je vais être un peu long, y’a sûrement une télé, tu peux regarder les news en attendant ou dormir tout de suite. »

Il hausse un peu la voix, et repart dans sa routine qu’il doit adapter, étant donné qu’il n’a presque rien pris pour rester longtemps à Requiem. Le silence s’installe, il vient prendre une longue douche, il s’essuie, prend soin de lui avec ce qu’on lui propose. Son esprit divague un long moment, il est obligé de se remettre les idées en place plus d’une fois pour ne pas laisser les hallucinations danser plus longtemps derrière son reflet.

Et finalement il revient simplement habillé d’un caleçon, pliant ses vêtements soigneusement pour les poser ailleurs, sur un petit tabouret.

« Allez, profites-en toi aussi. »

Yul s’installe un long moment sur son canapé qui lui servira de lit pour la prochaine nuit. Il vient jouer avec quelques mèches de ses cheveux, celles qui refusent de se laisser dompter et qui font n’importe quoi. Il pourrait aller dormir, tout simplement, souhaiter à Nemesis une bonne nuit pour se laisser aller dans les bras de Morphée, mais quelque chose le titille, le garde éveillé. Le Coréen pose son regard sur le jeune homme, il observe ses réactions. Il serait pudique ? Ou alors, peut-être était-ce lui-même qui ne savait pas respecter la pudeur des autres ; il préférait garder ses habitudes plutôt que de penser au bien-être des autres.

Ceci dit, ça l’amuse. Il se prend à sourire, il n’a pas de mauvaises intentions, mais voir un semblant de gêne le rend curieux. Pour Yul, ça n’a jamais posé de soucis, les personnes faisaient ce qu’elles voulaient, tant que cela restait respectueux. Il se relève doucement, se rapproche du lit pour finalement se poser à ses côtés et se pencher pour arriver au niveau de ses yeux.

« Je te gêne ? J’ai un t-shirt et un short pour la nuit dans mon sac. »

Il garde son sourire, hésitant un long moment entre le laisser tranquille ou l’embêter un peu. Quelque chose cloche chez lui, et Yul n’aime pas qu’on lui cache des choses. Il a beaucoup de questions à poser, mais pas forcément assez de temps pour le faire, et il n’a pas vraiment envie d’avoir quelqu’un faisant une crise d’angoisse dans les mains sous le flot de questions. Alors il se contente de le regarder, longuement, peut-être trop. Lui aussi se pose des questions, sur lui-même en particulier.

« C’est vraiment pas de bol d’être insomniaque. Si je possédais un cristal pour t’endormir je t’aurais bien proposé un truc. »

Là, maintenant, il ne peut rien faire, à part lui proposer d’attendre que ça vienne. Yul s’ennuie déjà, perd patience bien trop vite. Il a envie de le provoquer, de lui faire un peu peur, alors qu’il vient se coucher en posant sa tête contre lui.

« T’es mignon, tu sais ça ? », dit-il en plissant les yeux. Il se retient de rire, tente de cacher son sourire narquois. Il n’a vraiment aucune notion de l’espace vital, alors qu’il se contente de rester couché, ses doigts courant vers le bras de Nemesis.

Yul y est peut-être allé un peu fort, il voulait juste s’amuser un peu à titiller Nemesis pour voir ses limites, et sa réaction l’étonne un peu. Il lui demande s’il compte lui faire du mal, et à ça, il ne sait pas quoi répondre. C’est à lui-même qu’il fait du mal, pas aux autres. Rarement. « Je ne fais pas de mal le premier soir. » Son jeu ne s’arrête pas, ça peut prêter à confusion, mais Yul ne blesse pas tout court. Pas avec les poings.

Il ne remarque pas grand-chose, si ce n’est que Nemesis a le cœur qui bat. Fort. Très fort, et très rapidement. C’est un signe qui ne trompe pas, il est angoissé, il a peur ou c’est tout autre chose. Et Yul est presque touché, il hésite à s’inquiéter, mais finalement il ne fait rien, à part le regarder avec un sourire toujours plus grand. Quand il lève les yeux pour suivre les mains de l’homme, il ne remarque toujours rien. Mais là, c’est de plus en plus suspect.

« Qu’est-ce que tu me caches ? Tu as mal à la tête ? »

Et bien sûr que non, il ne dit pas n’importe quoi. Pour une fois, il ne ment pas, la sincérité, c’est rare chez lui, et il l’a trop été ces dernières heures. Sa gorge s’assèche presque parce qu’il se montre trop gentil et surtout parce qu’il se montre beaucoup trop sous son bel angle. Mais pour le moment, il s’amuse. Alors il ne compte pas s’arrêter.

« Nemesis ! Sors de là, allez. »

Yul n’aime pas les enfantillages. Surtout quand c’est pour le fuir. Le seul gamin ici, c’est censé être lui. Alors il vient suivre Nemesis, il tend la main vers lui pour essayer de l’attraper et de lui faire retirer sa capuche.

« Si t’arrives pas à dormir, c’est parce que t’essayes de te cacher sous le lit. Tu m’étonnes qu’après tu n’arrives pas à fermer l’œil de la nuit. »

Il rit encore, mais il va vite se lasser. Il veut déjà connaître les secrets de Nemesis, et il n’arrêtera pas son caprice tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut.

« Sors de là et je te fais un bisou. C’est un bon deal, non ? », dit-il sans vraiment s’attendre à quoi que ce soit de positif. Mais il aime bien essayer les choses les plus loufoques, sur un malentendu, ça peut passer.

Yul ne croit aucunement au mensonge de Nemesis. Son jeu d’acteur est discutable, mais il n’a pas la force de lui faire comprendre qu’il n’est pas très crédible, alors il se contente de soupirer en gardant la main tendue. Et finalement, le deal ne marche pas, Yul ne va pas chercher plus loin. Très vite, il se recule, il vient simplement s’asseoir en tailleur en le regardant avec de petits yeux. L’homme est capricieux, certes, mais pas forcément pour forcer quelqu’un à faire quelque chose. Il aime quand les choses vont dans son sens, mais ça n’arrive pas toujours.

« Très bien, si tu insistes. »

Il se redresse, perdant bien rapidement son sourire amusé. Ça ne l’amuse plus maintenant, il a assez rigolé, et maintenant il n’est que plus fatigué. Il s’étire longuement en se dirigeant vers le canapé avant d’aller fouiller dans les rangements divers pour prendre une couette et la ramener avec lui.

« Tu m’as l’air bien parti pour dormir sous le lit pourtant. »

C’est à peine s’il vient adresser un regard vers le lit, bien trop occupé à s’installer tranquillement pour passer une nuit un peu plus compliquée que prévu. Il y avait de la place, mais pas assez pour s’étaler comme il faut. Alors Yul se couche, attrape le premier coussin sous sa main et vient placer sa tête tout contre ce dernier.

« Je suis curieux maintenant, tu me diras à quelle heure tu t’es endormi ? Si tu arrives à dormir. »

Si ça ne tenait qu’à lui, il aurait trouvé ça logique d’assommer le pauvre homme pour qu’il puisse profiter d’une bonne nuit de sommeil. Mais ce n’était pas sûr que le réveil soit agréable. Et puis ça lui aurait attiré des ennuis. Il souffle du nez à cette pensée qui lui a traversé la tête, terminant de se positionner pour finalement fermer les yeux et chercher le sommeil.

« Bonne nuit, Nemesis. Vraiment, ne tarde pas trop. »