Maria un peu de poussière par là !
Maria un peu de poussière ici aussi !
Rosario n’était peut-être finalement qu’un monstre aux yeux de ses quelques employés. À rechigner devant un peu de farine mal nettoyer, un grain de poussière un point rebelle. S’il n’est certainement pas maniaque, travailler dans la saleté insupporterait probablement n’importe quel cuisinier.
Mais peut-être devrait-il avouer que son attraction favorite n’est autre que terroriser les plus jeunes.
Terroriser
Vieux monstre aux crocs limés
Peut-être n’en fera-t-il qu’une bouchée.
Et ça l’amuse également, de voir ainsi Maria courir dans tous les sens alors qu’il fait les gros yeux quand il s’ennuie.
Mais le fait est que toute la jeunesse dans sa globalité était probablement une grande source d’hilarité de sa part.
« Voyons Maria tu m’as habitué à mieux… » Bien qu’à vrai dire, il n’est rien à redire.
Il s’approche, vieux patron et hargneuse hyène. Se demandant toujours si embaucher cette jeune femme avait été une bonne idée. Après tout, il n’avait rien déclaré sur les papiers, car tout de même une Oubliée…
Il lui prend le balai des mains, l’air de confisquer un jouet ; sourcils froncés. « Vous ne devez pas faire ça souvent au désert… (balayer du sable quelle idée) »
Si Maria n’était pas une si mauvaise femme de ménage, sa jovialité restait à revoir.
« Et par pitié ne voudrais-tu pas sourire un peu ? Balayer en chantant rend tout de suite tes collègues plus heureux. Tiens, comme la Reine des neiges. »
Ou bien était-ce Cendrillon.

Il la trouve adorable Maria, dans son joli costume de soubrette et ses petites couettes.
Il la trouve parfois semblable à un fantôme, tout en froideur et aigreur.
Inconsciemment, elle lui rappelle une de ses filles. La même sombre chevelure, lit d’ébène sur la peau d’ivoire. Oui, les visages sont quelques peu semblables ainsi que la morphologie bien qu’il n’y ait aucun doute possible.
Car Marie elle, ne sourit jamais. C’est une bien gentille femme de ménage qu’il a embauché là, toujours à travailler dans le silence le plus totale. Ne jamais se plaindre malgré les frasques de son employeur. Pourtant Rosario ne demande pas grand-chose. Rire à ses blagues était-ce trop demandé ? Dorothea au moins avait l’intelligence de faire semblant.
La jeune fille est froide comme le mont Celestia, aussi impassible que la lune et probablement tout aussi loin. Ça ne le gène pas le vieux, mais ça l’embête un peu. Peut-être aurait-il préféré voir un visage enjoué à la boutique.
Le visage de sa fille. Ô comme il devrait arrêter d’y penser.

Elle s’excuse et il soupire. Bon, ce n’était pas gagné.
Il doute qu’elle se mette réellement à chanter, aussi se contente-t-il de la regarder de travers, fidèle hyènes attendant le calvaire.
« Essayer c’est bien, réussir c’est mieux. Allez on sourit ! » De ses vieux doigts ridés, il attrape rapidement les joues de la gamine pour tenter de tirer en un semblant de sourire.
Si les employés n’écoutent pas, il fallait bien donner un peu du sien.
Hum ce sourire là paraissait convenable.
« Eh ba voilà c’est pas si compliqué ! Sourit comme ça jusqu’à ta mort et peut-être que je penserai à une augmentation. »
Franchement, elle avait le droit de le traiter de sale con, il n’en serait que plus ravi.

Maria petit pantin au sourire figé, trop forcé. Oh il ne tiendra pas longtemps cet horrible sourire il le sait bien. Maria est froide, distante et inaccessible. Petit flocon dans cette mare de faucons.  Elle est pourtant mignonne (sans aucune arrière pensée bien évidemment) avec ses petites couettes qui tourbillonnent. Si cela permettait d’attirer quelques clients dans son filet, il ne disait pas non à une robe un peu trop courte.
Les affaires sont les affaires.

Un client entre, un peu perplexe quand à votre mise en scène. Rosario lâche aussitôt la jeune fille pour se tourner dans un grand sourire sournois.
Maria en scène Maria en souffrance.
Le bonjour est à peu près correct, quoique un peu surjoué.
La révérence peut-être un peu trop…. Comptait-elle aussi le défaire de son chapeau et lui demander une danse ?
Le sourire… comme d’habitude : mort et enterré.
Rosario soupire, il y avait encore du boulot pour sa petite employée. Néanmoins l’idée et l’envie sont là, c’est indéniable. Le pauvre client qui la regarde en grimaçant, probablement peu certain de la marche à suivre. Alors le vieillard rigole un peu, n’aurait pu s’en empêcher.

« Bonjour bonjour, ne faites pas attention à ma nouvelle employée qui se prend de toute évidence pour la star d’un maid café. »

Le client entre sans plus se poser de question, le malaise oublié tandis que le patron jette un coup d’œil narquois à la petite Maria. Hausse un sourcil en s’empêchant de rire.
« Et moi pourquoi n’ai-je pas droit à ce genre de bienvenue ? »
Il la taquine bien évidemment. N’a aucune envie de se voir appeler "Maître" en arrivant le matin. Mais pourquoi pas "Boss"…
Reporte toute son attention sur le client en oubliant la soubrette un instant. S’empresse d’emballer la commande, quelques choux à la crème et une tarte au potiron surprise. La surprise étant évidemment la touche de wasabi en son milieu. C’était bien dommage que les clients n’y gouttent  jamais de suite, Rosario aurait volontiers filmer la scène comme souvenir.

Peut-être voulait-elle seulement bien faire Maria. Peut-être un peu trop perturbée par les propos de son employeur, les yeux rieurs face aux petites tragédies qu’il chérit plus que tout. Peut-être ne devait-elle pas prendre tout ça au sérieux, la hyène elle, ne le fait pas. Maria si lointaine à ne plus vouloir comprendre qu’on se moque d’elle. Mais Rosario n’a pas de pitié pour les autres, n’en a même pas pour lui. Oh comme il sourit de ces petits délits, il n’a que le chaos dans la bouche, la moquerie au bout de la langue. Lui qui n’essaye pas de blesser, seulement rigoler (puisque qu’on rit toujours plus fort dans le malheur).
Cette petite mine désappointée dont il ne peut que se moquer.
Ne lui donne point l’allumette Maria si tu ne désires pas brûler.
Il est fer le vieillard, comme de retour de guerre, l’ennemi vaincu embroché au bout de sa fourche. Cette moue déçue qui ne présage que la victoire (de quoi ? Il ne sait plus bien). Il n’a pas encore trop de peine Rosario, s’enivre de cette malheureuse situation.
Maria est une si bonne source de distraction.
Et la voilà qui se referme. Adieu sourire adieu le monde. Inexpressive quand à son habitude, ne pointe que la bouche crispée pour montrer la bouderie.
Petite souris qui vient lui murmurer à l’oreille, se plaindre ou s’excuser.
Oui, elle a fait comme il disait. Il se contente de sourire, lui tapoter gentiment la tête.
« Oui oui mais peut-être que j’en demandais trop. La prochaine fois essaye de l’accueillir avec un baiser ! »
N’est pas certain qu’elle comprenne qu’il s’amuse d’elle. Néanmoins cela rendrait sa journée bien plus fraîche si tous ses clients se retrouvaient accaparés d’une Maria un peu trop entreprenante. Tiens, peut-être feront-ils même la queue pour ça, une bien bonne idée pour les affaires.
Le client paye et le voilà reparti sans plus d’ennui (quel dommage).
Sa petite employée elle, semble de retour dans sa poussière, toujours un peu boudeuse.
Il s’approche, méchant loup.
« J’ai fait une tarte à la rhubarbe, tu en veux un peu ? »

Petite souris cachée tout au fond du cagibi. Elle est gênées Maria, dissimulée derrière son grand balai et sa petite pelle.
Nettoie nettoie, frotte et dépoussière.
Rosario se dit qu’il devrait l’engager plus souvent, à se balader ainsi en maid sous le regards de tous. Bon sang, et s’il transformait sa pâtisserie en café ? Il s’éparpille dans ses propres idées qui n’iront heureusement jamais plus loin que la frontière de son crâne. Car si toutes ses folles pensées se réalisaient, nul doute que le monde courrait à sa perte.
Oh comme la boutique est propre à présent, ne manque plus qu’à passer la serpillière dans l’arrière-boutique pour ne pas gêner les possibles derniers clients.
Maria ne sourit même pas à l’évocation de la splendide tarte à goûter, Rosario l’aurait pensé plus enjouée… Mais soit, il n’y a peut-être bien que la vieille hyène pour s’extasier devant le moindre croissant réussi ou la plus parfaite pépite de chocolat sur le moulage. Car s’il a la passion près du corps, il oublie parfois que le reste du monde n’en a peut-être rien à faire de ses prouesses culinaires.
Et franchement, ils rataient quelque chose.

« Oh on verra plus tard pour la serpillière, viens là. »

Se dirige tout sourire vers l’arrière-boutique, lieu de confection de tous ses petits enfants (pâtisseries). Sur le plan de travail, trône une magnifique tarte à la rhubarbe. Sans même l’aide de Dorothea qui n’était pas là aujourd’hui, il était donc plus que fier de ce résultat autre que catastrophique. Comme un enfant, il aurait pu clamer haut et fort que cette tarte, il l’avait faite tout seul et comme un grand.
Néanmoins il doute que cela fasse rire Maria ; l’avait-il même déjà entendu s’esclaffer ? Dieu sa vie devait être bien triste.
D’un geste il invite sa soubrette à s’asseoir, elle a bien mérité une petite pause dans le ménage et s’empresse de découper deux grosses parts de son immense dessert.

« Allez sers toi tu me diras ce que tu en penses, c’est ma première tarte à la rhubarbe ! »

Peut-être oublie-t-il sciemment de préciser que la rhubarbe n’était pas l’unique aliment principal de cette tarte…
Oui, peut-être s’était-il bien amusé à y verser quelques folles épices.
Comme du curry.
Ça ne pouvait pas être si mauvais, n’est-ce pas ?