Il y a eu la corruption, les abus et les dents du lion.
Mais avant ça, il y a eu la passion, petit bout d’horizon.
Elle avait le sourire des anges et les yeux du volcan alors qu’il n’avait que vingt ans ; un bouquet de rose caché derrière son dos. Prêt à tout puisqu’à ses yeux, il n’y avait qu’elle.
Elle était belle et lui sale de poussière à force d’avoir couru pour gagner les secondes. C’est là, cachés derrière une vieille maison quand ils auraient dû être ailleurs qu’elle lui a dit « je t’aime » et que tout fier, il a répondu « merci ».
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                 Deux mois après, ils étaient mariés ; sous l’ombre des oliviers et la bénédiction du soleil rougissant pour l’occasion. Il y eu un enfant. C’était beau, c’était vibrant. Et puis comme toute belle histoire, il y a un début et une fin.
C’était comme dire au revoir, un divorce sans haine ; la folie trop vite éclipsée, le feu trop petit pour tous les enflammer. Il fallait se saluer d’un geste de la main, l’un dans un sens et l’un dans l’autre.
Et s’ils se sont souvent recroisés, c’était pour mieux rire et savourer.
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Alors commença la corruption, celle qui grogne au pied du lit, ne la jamais lâchée même après toutes ses années. Et s’il y avait les méthodes douteuses et les yeux que l’on ferme, feignant de n’avoir rien vu, Rosario n’aurait pu rêver meilleure vie que celle de mafieux. Il l’a aimée, cette poisseuse armure qui colle à la peau comme le pétrole à la mer.
Il avait pourtant un rêve autre que ce chemin tout tracé. Celui de devenir pâtissier. D’arranger le sucre et l’amertume dans un mélange qui régalerait le monde.
Et comme tous les rêves, il ne le réalisa pas. Parce qu’il y avait des ordres à donner, d’autre à respecter. Parce que sa vie était toute écrite, du début à la fin ; lorsque son père mafieux lui apprenait à lever l’arme, tirer sur les bouteilles en verre en espérant qu’il ne tente jamais le cœur. Lorsqu’il riait avec le monde, inventait des blagues pour amuser sa mère.
C’était écrit qu’il serait là, dans la poussière dorée et les billets planqués. Entre deux orangers à tenter de les chaparder ; l’enfance insouciante qui jamais ne s’éteint (même sous la mafieuse noirceur d’un monde qu’il a fallu dompter encore et encore).
Et s’il a un jour dû viser le cœur, il en a pleurer des larmes de douleur ; pour celui qui meurt.
C’est dans cette noirceur qu’il rencontra sa deuxième femme, qu’il aima tout autant que la première.
Encore des enfants qu’il s’amusa à faire sauter sur ses genoux. À les lancer haut dans les airs sous les cris effarés de la mère. Et lui riait, tandis qu’ils les rattrapaient à chaque fois. Du moins, il ne se souvient pas en avoir laissé tomber un.
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Son deuxième divorce fut plus brutal. S’il y avait l’amour, il y avait l’incompréhension. Lasse des cris, eux aussi se saluèrent d’un geste rapide de la main. Et sur leur long chemin, jamais n’essayèrent de se retourner.
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Entre les lignes, il y a les aventures dont on ne parle pas. Les draps soyeux de l’aventureuse un soir à Rome. Les surnoms énervant d’une femme au fond des quartiers d’Hambourg. L’islandaise à qui il préféra ne rien promettre. Encore des rencontres, encore des au revoir tandis que ses pieds le portent là où son cœur balance.
Et pourtant, il revient toujours à son point de départ. Là où les affaires l’attendent et les enfants le grondent.
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Son troisième mariage ne fut pas de tout repos. L’autel bancale s’écroula sous un début de tempête et les choux à la crème se révélèrent très décevants. Il aurait voulu les faire lui-même.
Puis vinrent les enfants (encore).
Et le divorce (encore).
Celui qui ne sait se poser aurait peut-être du s’arrêter. Mais fou serait celui qui briderait son cœur ; alors il riait juste de bonheur tandis que les années le rattrapent, parsèment son visage de rides et ses cheveux de fils blancs.
Bientôt, il devient même grand-père. Cette nouveauté l’amusa tellement qu’il fit semblant d’avoir un infarctus le jour de l’annonce. Quand ils arrivèrent à l’hôpital, il se releva en ricanant, fier et décadent.

Si Rosario n’était peut-être pas un très bon père selon les dires (lui n’a pourtant jamais douté de ses capacités), nul doute qu’il se révéla être un grand-père bien pire. À croire que les années lui firent oublier comment tenir un simple bébé. Ce n’était apparemment pas comme le vélo.
« Papa ne la tiens pas par le pied comme ça !!! » effectivement, ce n’était pas pratique.
« De mon temps les filles on les noyait. » Un regard désolé pour son propre enfant, la fleur d’un autre temps. « Dommage que ta mère m’en ai empêché, j’avais déjà creusé la tombe mais elle a paniqué. »
Ils s’esclaffèrent tous à la blague, non sans une petite lueur de doute au coin des yeux. Aucun n’osa poser la question quant à la véracité de ces propos. Préférèrent détourner le regard du vieux renard, se demandant intérieurement sur combien de nouveau-nés poussait maintenant leur parterre de géranium.
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Encore une ride. Encore un cheveu blanc.
S’il aima chacun de ses enfants, tous ne le lui rendirent pas. Peut-être trop absent pour certain ; le père qui n’en était pas vraiment un.
Quand il lui fallu prendre sa retraite, il ronchonna (il n’était pas si vieux voyons). Mais si certains adoraient ce vieux rusé, d’autre ne voyaient là qu’un mafieux ayant fait son temps.
« Qu’il l’ouvre donc sa foutue pâtisserie dont il nous parle depuis vingt ans et laisse la place à d’autres ! » furent les mots d’un de ses aînés, peut-être un peu délaissé. Les regards de rancœur dont il aurait dû se méfier.
Des mots sans fin, des mots sans suite.
Il y eut le Kamikakushi.
Et si sa famille n’en fut pas touchée, les transcendés se révélèrent impossible à éviter. Il revoit le visage de sa plus jeune fille, marbré de larme quand ils l’ont dévorée.
Ses larmes à lui ne se sont jamais arrêtées tandis qu'il s'éloignait de la tombe improvisée recouverte de roses et de pensées, où reposait un unique nom doré : Céleste.
Il y a les barricades, les cris et les assauts. Pour survivre puisqu’ils ne pouvaient plus vivre.
C’était long, peut-être était-il plus vieux qu’il ne le pensait, à observer ses enfants éparpillés ; ils l’aiment, ils le détestent.
Et quand le trou se rouvrit, il pensa en perdre un ; ne lui reste plus qu’un masque délaissé à embrasser.
Et quand le trou se rouvrit, on finit par l’amener au bord, les mains liées et la bouche muselée. Par ce si beau fils qui ne l’avait jamais apprécié (peut-être Rosario aurait-il dû s’en douter, il y a des ronces dans son jardin, de nombreuses ronces). Ce n’était pas une mise à mort ni un au revoir, presque un adieu. La lune pour témoin et la discrète voix pour coupable ; la chair de sa chair. Peut-être une simple vengeance à la rancune tenace. Pour l’énerver autant que le père avait pu énerver le monde toutes ses années durant. (peut-être finalement n’aurait-il pas dû simuler son infarctus. Ou bien faire entrer des rats par le conduit d’aération (deux semaines pour tous les attraper, les deux meilleures semaines de sa vie)).
Oui
peut-être.
Un dernier acte pour lui faire les pieds, à vrai dire tout à fait mérité. Une simple poussée tandis que la gravité fait son effet.
« Tombe et deviens pâtissier, enfoiré. »
Et effectivement, Rosario n’a pas apprécié.
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Nouveau monde, nouvelle vie.
Écrasé sous la chaleur du désert, il a d’abord craché par terre. Maudissant un peu, observant beaucoup.
Il y a la longue traversé.
Il y a les recruteurs, observant ses lambeaux de vêtement et ses cheveux grisonnants.
Il y a la sueur le long du dos et le sourire qui petit à petit a retrouvé son visage de hyène.
Oui, il se plaira ici.