C'est que la journée avait commencé avec tant d'ennui qu'il s'était ébroué de la vie, les épaules bien déconfites par l'abrutissements du temps. Il était pourtant bien l'heure de se lever, de faire la fête, l'après-midi commençait et les pieds avaient à peine touché le sol, aériens, figure dansante dans la tente. Oh, il n'avait plus trop de succès dans ses représentations, pauvre petit artiste malheureux. Peut-être cela coulait-il dans le sang, était-il le même échec que le défunt père? Il pensait ses ramures plus étendues, mais ses racines étaient-elles bien encrées dans le sol? Il fallait retrouver le plaisir des scènes, des mirettes tout droit sur sa personne. Oh, comme cela ne promettait rien d'enchanteur. Il y avait encore les rêves dans la tête, peut-être devrait-il demander à Azalée de l'accompagner au plein air du Désert pour quelques spectacles improvisés. Et il faisait si chaud, aujourd'hui encore, qu'il refusait de s'aventurer en extérieur.

Et voyez-vous, il venait tout juste de se recoiffer, quand l’atterrissage malencontreux de Lucian eut lieux. Toujours en pyjama, le haut trop grand déroulant jusqu'au milieu des cuisses, le short trop court qui revenait sur le bord du fessier. Et la tête qui tourne à vivre allure, pluie multicolore, c'est un arc-en-ciel coupé par le bruit sourd de la chute. C'est que Lucian s'est bien raté. Tellement, qu'il en a la salade sur la tête, et Acace ne sait véritablement quoi faire, sur le coup. L'individu a des airs de poupée, un peu trop dissimulé par les vêtements, quand Acace se penche sur le visage caché. Il n'en voit que les yeux, ils sont des souvenirs enfouis mais ne s'en rend pas bien compte pour le moment. Oh, non, à la place, il y a le sourire moqueur qui perce les lèvres, les yeux farceurs.

« Quel beau chapeau. »

C'est que l'accident, il s'en fiche. Cela donne de l'action à sa pauvre vie. Il aura de quoi s'amuser un peu, peut-être une nouvelle âme à tourmenter, qui sait. Et il y a ses cheveux qui caressent ses joues, quand il se redresse, puis s'accroupit aux côtés de la figure étalée. Il vient véritablement de s'effondrer depuis ce miroir dans lequel il s'observe chaque matin pour voir sa (royauté) splendeur en reflet. C'est la glace porte de téléportation, comme cela est bien pratique.

« Tes carottes? Je crois qu'elles s'en vont à pieds joints, tu n'avais qu'à pas les lâcher, voyons. C'est de ta faute, maintenant, si ma tente est dans cet état. Si je ne fais bien attention, je risquerais de la faire devenir purée toute entière, car elles jonchent le sol comme si je les y avais planté moi-même. »

Oh, mais il ne se doute pas de l'identité de son nouvel (incrusté) invité. Il serait bien mal vu qu'il ne l'accueille comme il se doit, n'est-ce pas? Alors le voilà qui lui prend les mains et le redresse. Quelle galanterie. Il se fiche pas mal, de le retrouver presque collé à lui, c'est (fait exprès) totalement involontaire, bien sûr. Il lève le menton, et puis rit, s'éloigne, va s'asseoir, empereur des grains de sable (du trône de glace encore, dans ses souvenirs).

« N'as-tu pas chaud, avec cette écharpe? Elle ne te protégera du soleil, ici. Mon toit s'en charge déjà, c'est bien assez ridicule de faire tomber quelques carottes aussi inopinément, tu ne crois pas? Il est dit poli d'ôter tout couvre-chef à l'intérieur des maisons, je crois. »

Langue fourchue, celle du serpent qui commande à Eve. Oh, comme il ensorcelle, mots pleins de venin. Insupportable démon, il a pourtant ce sourire bien d'ange. Bienvenue au paradis, Lucian, tu es tombé au bon endroit.

Acace a le sourire au bord des lèvres. Celui que l'on rêve (d'arracher) d'embrasser, tout tentateur qui écoute, se penche trop, risquerait pourtant d'avoir le venin droit au cœur. Oh, quelle drôle de sensation. N'est-ce celui du cœur battant en cage, pauvre colibri aux ailes froissées entre les doigts glacés (ceux restés dans le rêve du Désert à grotte profonde)? C'est que cette douce panique dans la voix de Lucian, Acace s'en régale, en fait son festin. Et quelle proie facile, quelques paroles, quelques gestes et le voilà tout chamboulé, jambes tremblantes, gorge dévoilée. C'est presque trop facile, il se serait cru en une bien étrange comédie, mais il faut croire qu'aujourd'hui, il se contentera du plus faible des Bambi.

« Odieux? Cruel? Nous venons tout juste de nous rencontrer, voyons, je prendrais cela comme une insulte, si tu n'étais si chamboulé. Car c'est pour ça, que tu me lances de telles insultes, n'est-ce pas? »

Petit serpent, il s'insinue dans les plus sombres recoins, aujourd'hui, prend à revers la proie. C'est si aisé, il s'en pourlèche les babines, mordrait droit dans le cou s'il n'était pas joueur.

« Il existe bien des adjectifs pour me qualifier, mais c'est lui que tu as choisi. Malgré la blessure béante à même mon cœur, je ferai mine de rien. Je n'aime pas les conflits. »

Et quel menteur. C'est qu'il se nourrit de la haine des autres, des querelles crées suite à son passage, des insultes lancées. Oh, il est le démon du désert, se cache bien en le sable bouilli au soleil, cramé de l'orgueil et des mensonges. Il n'a eu besoin d'user de la malchance sur Lucian, celui-ci avait déjà eu le malheur de lui tomber dessus (presque littéralement). Et le voir se pencher, pour cueillir le fruit des décombres de sa peine, Acace se pose en tailleur sur ce qui lui sert de couchette. Il est si bien installé, c'est bien son petit palais. Il manque l'or et les bijoux, mais ça, il s'en passera, a bien appris que les Royaumes ne le voyaient pas assez grand pour cela. Peut-être finira-t-il roi de Caer, quand il aura décapité Alexander? Voit-il trop loin? Il suffirait d'empoisonner la reine du marché noir, le tour serait bien joué (mais il n'a ces ambitions là, n'aime jouer le rôle du politicien, est bien mieux maître de ses comédies au rythme des chansons aux paroles chantées de son propre timbre). Lucian tend le cou, il le voit, il est de ceux qui ne saurait se défendre, de ceux trop faibles. Oh, Acace, n'en profite qu'à moitié. Il n'aura jamais vocation à détruire, simplement à s'amuser. Et une fois le jouet trop défectueux, il faudra bien le jeter.

« Je ne sais à quel jeu tu fais mention. Cela comporte-t-il aussi des carottes? Je ne fais qu'énoncer quelques faits de ma collection. Oh, d'ailleurs, sais-tu? J'ai une de tes carottes. Juste là. »

Elle tangue entre les doigts, et le sourire sur le visage, Acace la lui tend. C'est ce qu'il veut, non, le croquant légume? Oh, sa tâche semble accaparer son regard, il n'aime pas ça. Préférerait avoir toute l'attention du pauvre petit agneau. Ce n'est pas amusant, de le voir nez penché vers le sol, quand plus haut, il y a le visage d'ange tout éclos de la fleur sauvage. Mais c'est qu'enfin, le visage lui revient, et il a le rire léger, il a les souvenirs en boucle de Cosmos qui aimait tant cet enfant aux joues toutes rondes, aux yeux tous ronds, aux paroles en o. Oh, Lucian n'avait pas changé (pauvre enfant, tu ne reconnaîtrais l'ange de la Terre). Mais Acace n'est plus Cosmos. Il n'a plus en amour ce pauvre visage enfantin, trop abruti (n'en voit pourtant que les yeux, c'est que cette innocence le répugne (il la jalouse)).

« Oh, c'est toi. Je ne t'avais pas reconnu, sous tous ces vêtements. Es-tu plus grand? Hm, non... Il y a quelque chose de changé, pourtant. »

Fait mine de réfléchir, le doigt contre les lèvres le regard levé vers la toile de la tente. Hausse les épaules, reprend la carotte contre lui et penche le visage sur le côté. Oh, il s'amuse déjà tellement.

« Ah, ça me revient, tu étais peut-être moins franc. Il faut croire qu'une mauvaise chute, ça fait changer les gens. »

Et parlait-il de lui-même? Ou de Lucian? Le mystère à croquer, à pleines dents.

« Je pensais que le paysage dévoilerait bien ta position. Au Désert, bien sûr, où, sinon? Un sauna? Ce serait le luxe, ici, tu ne crois pas? »

C'est qu'il ne se présente pas, persuadé que s'il a su le reconnaître, l'inverse serait aussi vrai. Mais il se trompe, vraiment, ne pourra que s'en délecter, une fois révélation faite.

Oh, un point commun, il en a avec tant de gens, sous toutes les fleurs qu'il a pu être. Lucian serait bien surprit par la vérité, vraiment. Il a un petit rire et secoue la tête. Peut-être parce qu'il est encore plus pathétique qu'il en a l'air, le pauvre petit celestien. Il a entre ses mains un objet cher, et n'aurait jamais pu imaginer que cela puisse être un vulgaire légume. Quel idiot apprécierait des carottes comme cadeau? Il regarde l'objet dans sa main, et puis la lui lance, certain qu'il la rattraperait. Il n'est pas farceur au point d'abîmer ce qui ne lui appartient pas.

« Leur faire subir quelques mauvais tours, ce n'est pas de mon rang, voyons. Quel opinion as-tu de moi? J'ai comme l'impression que tu me prends pour le monstre que je ne suis pas (celui sous les lits, qui grignote les doigts qui gigotent la nuit). »

Il se relève, Acace, balance ses jambes toutes fines devant lui. Il a l'aspect des félins en chasse, il a la douceur du chaton à la recherche d'un coin de bonheur au soleil. Mais son coussin préféré n'est pas là (les cuisses d'Azalée sont le meilleur endroit pour une sieste), et il n'est plus fatigué, a passé trop de temps enfoui dans son lit (de fortune, c'est une couchette miteuse qui ne le mérite vraiment pas). Et il tourne un peu autour de Lucian, fait mine de se poser quelques questions, en pleine réflexion. Mais ce n'est que comédie, car il le sait, c'est bien lui. Et il rit un peu et puis acquiesce, se penche en avant, penche sa petite tête sur le côté, le regard tout droit planté dans celui de son nouvel (pantin de bois, c'est qu'il n'est pas bien malin de ne se rendre compte des pitreries) ami.

« Ah, vraiment? Je pensais que tu te souviendrais au moins de moi, après tout ce temps... Il faut croire que je n'étais qu'un visage parmi tant d'autres, malgré ce que tu me faisais miroiter. »

Petite moue, il se joue encore de lui, mais l'acteur est bien qualifié, on n'y verrait que du feu, vraiment. Oh, ils étaient bien camarades, Cosmos aimait tant Lucian, l'inverse était peut-être tout autant véritable. Mais Acace a bien changé de cet ange tout parfait, petite poupée bien domptée. Il n'est plus l'ange aux grands yeux bleus, aux beaux habits, à la royauté parfaite toute droite sur sa tête. C'est que la désillusion est éprouvante, et Lucian s'en rendrait bien compte s'il se souvenait de lui. Celui qui tendait la main aveuglément, qui promettait et tenait promesses, qui souriait, riait. Oh, tout doux petit Cosmos (Acace, il en rêve encore, aimerait se savoir aimant mais c'est tout ce que papa attendait de lui, il n'est ce que papa attend, n'est pas poupée de chiffon toute à brosser et à s'occuper).

« Je suis bien déçu, mais je me tairai, tu préfères probablement m'ignorer. »

C'est que Acace a le rire au bout des lèvres. C'est vrai. Les véritables monstres se cacheraient mieux que lui entre deux grains de sables identiques. Ils auraient le pouvoir de faire peur à n'importe qui, et peut-être ne se cachent-ils pas tous sous la peau des transcendés. Car qui de l'humain ou de la bête est véritablement le pire, en ce jour? Acace se plairait à dire que c'est lui, que l'habit ne fait pas le moine (mais c'est qu'il ne comprend pas qu'il n'est pas entièrement mauvais). Mais être au Désert ne rime pas avec criminel, contrairement à ce Lucian semble croire. Mais le sourire sur les lèvres de la fleur est immortel, de cette douceur mielleuse qui cache si bien son jeu (de marionnettes, oh comme il est satisfaisant de le voir trembler sur ses petites jambes, s'en est presque pathétique).

« Oh, vraiment? Et quel visage ont-ils, ces montres? »

Sont-il bien différents d'Acace, Lucian, en es-tu sûr? N'ont-ils tous ce visage surprenant de l'ange aux cornes bien cachées? C'est qu'il faut bien être effrayant, oui, pour impressionner, mais Acace se contente du bonheur de voir les visages se tordre par les désagréments de ses paroles. Il n'a besoin d'être fort, de battre du poing, non. Il a cet aura des plus beaux danseurs, cette nature de petit voyou, mais les façades cachent bien le petit jeu auquel il s'adonne chaque fois qu'il le peut. Mais malgré tout, il continue de tourner autour du pauvre jeune homme, il continue de l'étudier, mais ne peut s'empêcher de s'arrêter droit devant lui, les yeux prétendument tristes, la moue collée au visage. C'est qu'il joue la comédie, a bien compris que Lucian ne le reconnaîtra pas (ignore pourtant pourquoi, ce n'est pas qu'il ne l'a jamais marqué, n'est-ce pas?). Alors il secoue la tête, de ce visage dépité, ne s'en sépare pas.

« Je pensais que tu t'en souviendrais... » Petite pause, se penche vers l'oreille, confident, et susurre quelques syllabes. « Acace. »

Oh, et la petite panique de Lucian met du baume au cœur, c'est qu'au moins, il se préoccupe de ne savoir reconnaître ces yeux azur qui n'avaient le même dessein, sur Terre. Oh, la farce ira peut-être bien trop loin, mais il apprécie déjà la grimace qui déformera le doux minois de son compagnon d'infortune (de malheur du jour). Oh et il ment, il le voit sur sa petite bouille d'enfant qui n'a véritablement changé avec le temps. Il est toujours aussi facilement lisible, Lucian. Et ça l'enchante particulièrement.

« Oh, je peux essayer de te rafraîchir la mémoire, peut-être... C'est que nous étions encore adolescents, tu sais. »

Fait mine de dissimuler son petit rire gêné (diabolique) derrière sa main. Se racle la gorge, tourne le visage. Il joue bien la comédie, Acace.

« Un baiser en dirait bien plus que quelques paroles, tu ne crois pas? » Clin d’œil, cette mise en scène est ridicule. Et ça l'amuse tant. « Nous étions amants, évidemment. »

Oh et il faudrait voir le visage se décomposer, c'est qu'il n'attend que ça, vilain renard. Il a les paroles en venin, ce n'est pas surprenant qu'il mente. Mais la stupeur le satisfait, qu'importe la réaction exacte, il a presque la culpabilité d'ainsi se jouer de lui, alors il éclate de rire en secouant les mains, s'éloignant malgré la fausse menace de l'embrasser (il ne comptait pas poser ses divines lèvres sur celles d'un gamin ridicule). Il hausse les épaules et croise les bras, penchant la tête sur le côté. Et malgré tout, les souvenirs qui reviennent sont peut-être ce qui adoucit malgré lui le regard qu'il porte à Lucian.

« Oh, je blaguais tu sais? Tu es toujours un peu crédule. Ça faisait aussi partie de ton charme, à ce qu'il paraît. Moi je trouvais ça un peu pathétique, mais tu étais bien mignon. C'est ce qui compensait, sûrement. »

Te fait-il moins peur, maintenant qu'il a les yeux voilés par le passé, Lucian? Il est le démon qui te poursuit, il était cet ange effacé. Il est trop tard pour le réparer, n'est-ce pas? Mais il se tourne, se désintéresse un peu de toi car l'estomac grogne, et il sort quelques abricots secs pour s'en nourrir en s'appuyant sur un poteau soutenant la toile de sa tente, nonchalant. C'est que la partie est presque achevée, trop facile à gagner. Lucian n'a pas la fougue d'Altagracia, son dernier combat le plus intéressant (malgré sa haine, sa vengeance bouillonnante, oh elle y goûterait le jour où elle s'y attendrait le moins).

Hm, c'est que Lucian a la langue bien pendue. Il semble soudainement bien évident pourquoi il est si aisé de se jouer de lui. Pauvre petit, il ne comprend pas bien que tout dévoiler de ses sentiments, c'est se mettre à nu face aux vautours, hurler leur attention, attendre qu'on le dévore tout entier. Et, si Acace avait été moins rassasié, il n'en aurait fait qu'une bouchée, de ce corps bien frêle. C'était presque tentant, mais, plus il posait son regard sur ce visage qu'il avait connu par le passé, moins il avait d'appétit, le petit démon. Et il est (presque pas) ému par le petit discours à propos des monstres, lève un peu les yeux au ciel quand il ne le regarde pas, et puis pouffe de rire. Alors là, s'il s'y attendait à celle-là. Parce qu'il avait gardé une carotte intacte, il n'était pas un monstre? C'était amusant, oui, il fallait se l'avouer. Car s'il ne faisait pas bien peur, Acace, il avait tout de celui qui hante les mauvais rêves. Alors il croise les bras en observant Lucian avec un certain amusement, collé au coin des lèvres.

« Dommage qu'on ne fasse pas de plantations de carottes dans le désert, alors. »

Il ne le pense pas vraiment. Les carottes, cuites, c'était pas son truc. Mais il ne faisait plus la fine bouche depuis son arrivée à Althea, non. Il n'en avait plus les moyens. Et la farce tourne encore plus croustillante que la carotte, finalement. Il n'est qu'à moitié satisfait par la réaction de son ancien camarade, car c'était presque trop facile. Et Lucian était presque trop pathétique. Oh, il n'avait rien de la reine des monts, Mariette, qui tenait tête comme une peste, vilaine louve à qui l'on mordait le bras, elle bouffait la jambe toute entière. Lui n'était qu'un pauvre petit agneau à protéger du grand méchant loup. Et il n'y avait pas d'arbre pour se cacher, dans cette clairière là, non, il allait falloir plus puissant que le pauvre petit être pour qu'il reste sauf indéfiniment. Et le joli visage est tout dévoilé, et Acace observe la lente chute, la carotte s'envoler. Oh, non, il n'y a aucune victoire, car la partie était gagnée d'avance.

S'agenouille aussi, le petit démon. Et un instant, il a presque l'air tendre, quand le doigt glisse le long du menton, quand le regard s'encre dans celui des neiges éternelles. La chaleur fait bien fondre la glace, n'est-ce pas? Et en relevant la tête de l'agneau, Acace presse le bout de son doigt sur les lèvres de Lucian pour le faire taire dans ses tourments. C'est qu'il sont plutôt proches, maintenant, mais la distance est bien maintenue malgré tout. Il a cet air sérieux qu'on lui voit si peu souvent, un peu princier, oui. Il serait temps pour Lucian de se redresser face à ses démons.

« Tu t'offres en pâture si aisément, Lucian. Depuis toujours, tout le temps, et si tu n'es capable de dissimuler tes sentiments, qui se retiendra de les dévorer tout entier? Je suis menteur, c'est vrai, pas encore monstre, sinon, tu serais déjà bien plus brisé, j'aurai bien fait durer la plaisanterie. Et c'est que les plus vilains des rapaces t'auraient si aisément au creux de la paume, tu sais. »

Il est un peu hypnotisant quand il secoue la tête avec désolation, quand il a le léger sourire chafouin, un peu moins vilain. C'est que malgré tout, il y a les souvenirs des années passées qui l'empêchent peut-être rien qu'un peu de déverser tout son venin sur le jeune homme.

« Si tu te cachais mieux, peut-être ne serais-tu pas si brisé. Ou profites-tu des grandes jambes des autres? Mais il n'y a pas ton protecteur, ici? »

Oh, il est méchant, mais réel. Il se proposerait bien protecteur, s'il avait bon cœur (il l'a, c'est qu'il est bien caché).

« Ah, mais au moins tu es toujours aussi joli qu'avant. »

Petit rire, et se redresse. Quel vilain garçon.