Les doigts hésitaient, ils tapotaient l'écran et effaçaient l'entiereté du message, insatisfait du résultat. Il cherche les bons termes, il cherche le mot juste. Il veut une réaction, il veut l'attirer à lui, mais son coeur bat dans ses tempes, il a l'impression que ses paupières battent le rythme tant il est nerveux. Il ne veut pas faire de faute, il ne veut pas se précipiter, ne veut pas tout gâcher. Le plan est presque parfait, n'est-ce pas? Outre le fait que sa conscience est partagée.

N'est-ce pas une tromperie? N'est-il vicieux d'agir ainsi, incorrect? D'usuper pour faire passer un message? Or, Aleksei n'a pas de fond mauvais, il est seulement maladroit dans ses émotions, maladroit dans les mots et maladroit tout simplement. Son pouce accroche le bouton d'envoi et la dernière version écrit de son message s'envoie dans les cieux en direction de l'oublié. Il n'est pas tout à fait satisfait de ce qu'il a envoyé comme message, mais tout de même assez pour ne pas s'arracher les cheveux de la tête. Maintenant, il ne reste qu'à mettre son plan en marche.

C'est à dos de chameau vers un lieu bien précis qu'il avait écrit son message à celui qui faisait chavirer son coeur pour des raisons qu'il n'arrivait toujours pas à expliquer. Dans son sac, il avait une bien jolie robe, d'un motif écossais digne des chasseurs canadiens, semblable à celle de la photo. Il faisait curieux de devoir se vêtir ainsi, mais pour que le plan fonctionne, c'était nécessaire. Après tout, il changeait d'apparence, mais les vêtements ne changent pas, eux. Il avait même trouvé le petit chandail à mettre en dessous, mais c'était une blouse à manche courte au lieu des manches trois-quart. Ce n'était parfait, mais mieux que rien. Ainsi donc, Aleksei arrivait à la fontaine éphémère et il espérait que la souris arriverait bientôt près de la souricière afin que le chat s'amuse, prenne plaisir à voler un doux baiser.

Il laissa son chameau se promener dans le peu de verdure - tout de même surprenant à voir - qui entouraient les hautes colonnes de marbre délabrés autour du terrain presque mystique au milieu de ce désert. Le jeune suédois troqua ses vêtements pour ceux de la dame, bien trop serré pour l'instant pour son corps, menançant de se fendre sous la carrure masculine du jeune adulte, mais qui bientôt allait être parfaitement adapté ou presque. Au loin, il lui sembla entendre des sons et alors, la métamorphose se fit.

En quelques secondes, sa chevelure blonde devint une crinière de feu assez longue pour caresser la courbure de ses reins. Son visage s'amincit, prend d la grâce, de la finesse tout comme son anatomie. À moitié caché derrière une colonne de pierre, il entend le sable crisé sous les pieds d'un inconnu et d'un mouvement presque dramatique, digne d'une télénovela, Aleksei se retourne doucement, aidée par un doux vent qui vague sa coiffure, ses bras serrées contre son taille, exprimant un visage timide, nerveux et mélancolique. Son regard se plonge directement dans celui de Maverick, bien qu'il est mort de peur à l'idée qu'il remarque la différence de comportement. Le plan comporte des failles, n'est-ce pas ? Or, il se doit de les combler. Un sourire doux qui se veut rassurant se trace sur son visage.

— Enfin, te revoilà.

Il est nerveux. Il tente de se maîtriser comme il le fait si souvent, mais quelque chose est différent. Il a peur, peur qu'il le réalise, peur qu'il voit la supercheri. Il aimerait avoir mis un minuteur pour l'avertir du temps qu'il lui reste pour être la femme qu'il désire dans ses bras. Aleksei a peur de devenir Cendrillon, que les douze coups de minuit sonnent et qu'il s'enfuit, laissant sa chaussure de verre dans ce champ de sable.

Il est nerveux, le coeur bat rapidement, beaucoup trop vite. Il se sent presque étourdis, il craint d'avoir la vue trouble. Le jeune suédois prend une bonne respiration et conserve son sourire qui se veut charmant, qui se veut nostalgique, qui exprime des sentiments qu'il n'a pas réellement. Outre ce regard plein d'amours qu'il expose à une personne qui ne le voit pas.

N'est-ce pas tragique pour ce pauvre homme? Prendre l'apparence d'un autre pour obtenir l'attention que l'on souhaite, est-ce pitoyable ou ingénieux? Aleksei ne sait plus sur quel pied danser, mais il ne veut pas danser. Il refuse d'y penser, se mettant des oeillères pour ne voir que ce qu'il veut voir. Cette douceur dans le regard de l'oublié, ce regard qui n'est pas pour lui, mais qu'il accepte comme tel.

Une rougeur se crée sur ses joues alors que Maverick se rapproche et le prend pas la taille, l'approchant, forçant leurs hanches à se toucher comme cette fois pendant ce cours de sandboard. Les prunelles azurées se baissent vers le bas, analysant ce rapprochement, cette douceur dans ses mains, cette chaleur dans son dos. Il aimerait rester ainsi pour toujours et naturellement, doucement, délicatement, les choses se passent.

La distance entre leurs corps diminuent de plus en plus. Les mains délicates et féminines qui ne sont pas les siennes glissent le long de dos, caressant son échine, effleurant du bout des doigts le duvet de son cou vers son menton pour finalement prendre son visage et déposer ses lèvres contre les siennes. Elles ne sont pas les siennes techniquement, mais il apprécie la peau dans laquelle il s'est glissé, il aime la façon qu'elles se bougent, la façon qu'elles ressentent. La forme étant différente de celle qu'il a hérité à sa naissance, les sensations se font aussi différentes, mais agréables.

Lentement, sans trop d'ardeur, sans trop de pulsions, sans trop se laisser aller, Aleksei embrasse Maverick, appréciant ce contact intime, se délivrant d'un fantasme qu'il avait depuis tant de nuit de pouvoir goûter à la sécheresse de cet oublié, regrettant presque la nécessité de respirer qui le force à rompre cette union charnelle. Il n'a peut-être pas la possibilité de poser sa tête contre le torse de ce dernier, Mathilde étant plus grande que son petit ami et ne souhaitant pas se briser le dos pour être un cliché, Aleksei posa son front contre celui du brunet, soupirant de soulagement d'avoir exaucer son souhait. Dans un souffle, sa voix s'envole dans un murmure, une simple phrase, deux mots qui sont bien suffisant pour lui dire à quel point il lui avait manqué.

— Oh, Maverick.

L'immoralité est un thème bien trop complexe pour être aborder en cet instant. La culpabilité et la conscience en sont des aspects encore plus confus dans son esprit en ce moment. Il y a eut tant de temps pour y réfléchir, pour balancer les opinions, pour se remettre en question. Certains jugeront facilement ses actions, d'autres ne comprendront pas et peut-être qu'au fond, même lui ne sait pas pourquoi il agit ainsi.

Sa raison et son amour se sont séparés en deux états de désir distincts et chacun a pris le contrôle d'une partie de lui encore méconnue de sa propre conscience. Aleksei, ce pauvre adulte, à peine sortie de l'adolescence, laisser dans un univers où il a dû chercher de nouveaux repères sans trop y arriver, comment a-t-il pu arriver à ce résultat ? Celui qui recherche la justice, qui se veut être une main dans l'ombre pour aider les bons hommes à vaincre ceux qui utilisent à mauvais escient de leur pouvoir. N'avait-il pas un nouveau père pour lui montrer la voie? Une figure plus ou moins maternelle pour le garder sur le droit chemin? Des amis ambitieux et vertueux pour lui faire grandir avec la bonté et le respect?

Quelque chose semble s'être perdu en lui. Depuis qu'il a rencontré cet homme du désert, depuis que le destin a exigé qu'il accepte la main tendue de ce beau brun qui lui fait visiblement perdre la tête. Alors que leurs lèvres se séparent, l'emphorie qui faisait palpiter son coeur, ce contact qui lui nouait les entrailles, se transforme en doute, en craintes, en terreur. Il sent le soupir de l'oublié sur sa peau et il craint d'avoir été démasqué. Peut-être embrassait-elle autrement, peut-être avait-elle plus de fougue? Aleksei se remet en question - non pas sur l'éthique de son acte - plutôt qu'en à son manque de préparation sur le sujet bien trop délicat pour qu'il questionne Maverick sur des détails si intimes. Si délicat et pourtant, c'est de son visage qu'il s'était vêti, de son corps qu'il s'était approprié et tranquillement, la honte sembla lui gruger la conscience.

Et si.. Il y eut tant de questions pendant un instant, à un tel point qu'il crut que son crâne allait exploser, une céphalée soudaine, pire que celle d'un lendemain de veille. Et si la pauvre était décédée ? Et si elle revenait dans sa vie demain et qu'il venait de gâcher leur retrouvaille? Il n'eut pas le temps de se questionner davantage, de reprendre son souffle pour un second baiser qu'il entendit son nom.

Jamais il n'aurait pensé qu'entendre son nom prononcer de la bouche de cet homme lui glaçerait le sang à ce point. Terrifiant, beaucoup plus terrifiant qu'une mère qui prononce le prénom et le nom de famille de son enfant pour lui faire comprendre son mécontentement. Encore plus horrible qu'un exposé oral surprise à l'école. Pire que la nervosité qui s'emprend de nous lorsque l'on croise un agent de police, même si nous n'avons rien à nous reprocher.

Aleksei avala sa salive difficilement, les mains de Maverick toujours contre lui, l'empêchant de reculer. Sa concentration faiblit et son don en fût affecter. Doucement, le bleu indigo des iris de Mathilde se transforma, devenant beaucoup plus pâle, d'un bleu plus froid, plus blanc, clair comme le sont les yeux de l'homme derrière ce visage, ceux d'Aleksei. Il ne réalisa pas, mais ce détail ne certainement pas à l'amoureux éternel qui était devant lui. Celui qui n'avait rien oublié malgré tout de temps.  

— Aleksei ? Il eut un rire un peu nerveux et se recula, forçant pour briser l'étreinte qu'il avait si souvent rêvé d'avoir. C'est à lui que tu penses après m'avoir embrasser ?

Il continua de rire, plaçant sa main devant sa bouche, comme une dame qui trouve la situation cocasse, un peu malaisante, mais qui fera un doux souvenir. Son regard tenta de fuir vers le sol, le silence sembla devenir pesant entre eux deux. Le suédois ne savait quoi ajouter, quel sujet aborbé. Il était déstabilisé d'avoir entendu son nom, le petit hamster dans sa tête cherchait une porte de sortie, une façon de se sortir de ce mauvais pas, mais il savait au fond de lui que son plan ne fonctionnerait pas.

Après tout, il n'était pas elle.

Il ne voulait pas se l'admettre, mais voilà que le jeune adulte était confronté aux conséquences de ses actes et jamais de sa vie il n'avait autant regretté une décision. Sa bouche était sèche, aussi sèche que la fontaine qui trônait au centre de cette curieuse abondance de végétations à travers ce climat aride. Il sentait les mains de Maverick contre ses épaules et bien qu'il aurait aimé sentir une caresse pleine de tendresse, il savait au fond de lui que c'était pas le ressenti derrière cet acte. Le suédois était ainsi pris, tel une souris, ou plutôt un rat, dans son propre piège qui se refermait contre lui. Son corps frisonna quand son dos vint en contact avec la colonne de pierre et alors, il s'attendit au pire.

C'était clair, aussi limpide qu'un cours d'eau qu'il avait été démasqué. Même s'il tentait de poursuivre la mascarade, son regard tentant d'être séduisant, son minois enchanteur, c'est son coeur qui se fendit en voyant l'expression dans le regard de celui qui lui faisait tourner la tête. Aucun mot n'arrivait à sortir de sa bouche. Il aurait aimé s'excuser, il aurait aimé fuir, mais même si les mains avaient relâchés leur pression sur ses épaules, l'apparition de ce poing, cette froideur dans ses mots et surtout, ce rugissement, eurent pour effet de rompre l'enchantement.

Est-ce la peur qui venait de lui lever les poils du bras ? Était-ce la détresse de Maverick qui avait eu pour effet de lui faire reprendre sa propre apparence, le laissant dans le ridicule d'un jeune homme en robe dont le bustier ne convenait pas pour son absence de poitrine. Aleksei réalisa l'horreur de la situation, sans pourtant pouvoir s'excuser, sans pourtant dire un mot parce qu'il le savait bien qu'il avait franchit une ligne qu'il n'aurait pas du franchir. Ça lui semblait logique pourtant, ça lui semblait être une bonne façon de lui faire comprendre puisqu'il n'avait de yeux que pour sa douce disparue. Il voulait se faire entendre et au fur et à mesure qu'il réfléchisait, sa culpabilité se transforma en son tour en colère, la colère d'un jeune amoureux, d'un premier amour qui le décevait, de se sentir si incompris à travers toute cette tragédie.

Le visage rougit par la colère et la honte, Aleksei remonte la robe contre son torse, tentant de couvrir les tatouages qui ornaient ses peaux, ses précieux tatouages qu'il cachait de tous. Il donne un coup dans les airs, tentant de libérer son poignet de l'emprise qui commençait à se faire de plus en plus douloureuse. La scène semble de plus en plus ridicule, Aleksei ressemblant à un colibri qui bat des ailes pour se libérer, basculant son corps de l'avant puis vers l'arrière alors que sa colère devient lentement de la peur ou plutôt de la gêne. Ses yeux piquent, mais il ne les frotte pas. Il ne souffre pourtant pas d'allergie et aucun sable ne s'y ait logé, mais voilà que son égo en a pris un coup, un coup qu'il s'est lui-même infligé.

Pourquoi, pourquoi il n'a pas compris avant, pourquoi est-ce que tout cela a du en arriver là. Dans un dernier mouvement de détresse, Aleksei projete son poignet dans tous les sens avant de sentir le contact d'une joue contre ses phalanges. Il s'arrête net, terrorisé en réalisant ce qu'il vient de se passer même s'il s'agit d'un accident, même si le coup n'est pas vraiment fort, même si l'oublié n'en aura aucune marque, ou à peine une légère rougeur pour une petite heure.

— C'est bon là, lâche-moi !

Sa voix est sèche. Il aimerait parler aussi fort et sévèrement que Maverick, mais son timbre est plutôt cassé par les émotions. Il a envie de rentrer chez lui, se laisser moisir dans son lit, oublier cette journée et regretter éternellement. Son regard fuit, il n'ose plus le croiser, il ne veut pas voir la douleur qu'il lui a provoqué. Il ne veut pas associé ce sentiment au souvenir de ce doux baiser volé.

Ce baiser, cette chaleur sur ses lèvres, il s'agit bien de la seule chose chaleureuse en cet instant, outre le climat étouffant. Son poignet est libéré et s'aggripe aussi au tissu qu'il tente de remonter un peu plus, pour couvrir ses clavicules, pour couvrir sa honte, sa gêne. C'est ridicule, il y a tant à se soucier actuellement, mais pudique dans l'âme, il n'arrive pas à oublier ce petit détail qui en rajoute dans son désespoir face à la situation.

Aleksei se sent pris, toujours comme le rat qu'il semble être, contre cette colonne de pierre avec le corps de Maverick bloquant les avants. Il pourrait se laisser glisser sur le côté et pourtant, il n'en fait rien, ses jambes lui semblent lourdes, pétrifiés. Son regard a fini par remonter et a croisé celui de l'oublié. À peine a-t-il le temps de voir la colère dans ses traits, de voir sa main qui flatte la joue atteinte, il suffit d'un instant pour qu'il se retrouve au sol, plaquer par une force dont il ne s'attendait pas. Heureuseuement, le peu de sable et la terre amortissent la chute, mais la douleur reste présente, seulement ailleurs. Sa joue, sa pommette, son menton, son torse, son coeur et tout ailleurs, il sent les frappes et bien qu'il se dit les mériter, se débat légèrement, tentant de repousser en vain la fureur qui s'est assise sur lui.

Aleksei porte la main à son visage, couvrant son nez de sa paume, sentant un liquide chaud qui progresse à l'intérieur et qui se présentera bientôt à l'ouverture des narines pour saluer le monde extérieur. Sa mâchoire se crispe alors qu'il réfléchit aux mots, pour trouver les bons même si son esprit est flou, dans une brume d'émotions bien trop épaisse pour devenir logique. Il s'appuie sur son coude, redressant à moitié son corps, écoutant les doux mots qui lui sont murmurer à l'oreille avec la délicatesse d'un chien enragé. Sa main quitte ses narines où un flot léger commence à colorer sa peau et s'appuie contre le poigt en suspension qu'il menace de lui assenir alors que son autre main prend appuie sur son torse, souhaitant le pousser, assez pour libérer son bassin de son poids.

Hormis que Maverick est davantage un volcan, une montagne de souffrance à déplacer et c'est sans succès qu'il reste pris en-dessous de lui, se contentant seulement de serrer les doigts sur la main du brunet.

— Parce que tu n'y voyais rien.

Les mots ne sont que murmures effacés par le vent, ses yeux se voilent sous sa chevelure d'un blond presqu'argenté alors que les gouttes de son viennent parler sur le tissu délicat de la robe. Ça lui semblait une bonne idée pour lui ouvrir les yeux, voilà ce qu'il n'ose pas dire. Il cherche encore les mots, une explication. Il lui en doit une, il doit essayer de lui en donner une, mais sa tête semble vouloir se fendre et se concentrer devient difficile. Sa voix monte d'un ton, plus agressive cette fois.

— Parce que... Parce que.. .PARCE QU'IL N'Y A QU'ELLE À TES YEUX. J'me suis dit que le message passerait mieux comme ça, que t'allais accepter de m'écouter, que t'allais comprendre. T'es pas si con, Mav' ! Y a pas trois mille significations à ce que je viens de faire, ALLUME !

Il ne veut pas se fâcher après lui, il n'a aucun droit après ce qu'il vient de lui faire vivre comme faux espoirs. Il n'avait pas pensé à cet élément. Il n'avait pensé qu'à la façon de faire écouter ses sentiments, égoïstement. Il a profité, abusé d'une confiance difficile gagnée. Et voilà qu'il retournait à zéro, à moins zéro, sous terre complètement, un trou abysale. Le chemin allait être loin pour remonter dans son estime, il ne le réalisait que maintenant. C'était impulsif, c'était idiot, ce n'était pas réfléchit, mais Dieu qu'il était divin ce baiser. Il ne pouvait que s'y accrocher. Le silence se fait entre eux, seul le vent vient bercer ses cheveux. Aleksei remonte son visage, affichant un minois où sèche le sang qui perle sur sa peau. Il plonge son regard azur dans le sien et d'une voix douce et sincère répondit une dernière fois.

— Parce que j't'aime.