La journée avait avancé, des nuages s'étaient invité et occultaient maintenant le ciel en menaçant les êtres terrestres d'une potentielle mousson. C'était loin d'être le cadre idéal pour des vacances et les rues étaient moins bondé que d'habitude, donnant une légère impression de solitude au milieu de ces antiques ruines. Mais cela était loin de rebuter ces jeunes adultes qui découvraient pour la première ce décors ancien et bourré de mystère qui arrivait à lever dans l'esprit du freelance une infinité de question. Un vent froid soufflait doucement, les nuages guettaient le moment importun pour tout gâcher et les bruits anormalement timides de la ville laissaient la place pour une conversation intime. Cette scène se déroule dans une large rue commerciale.

Faire du shopping n'étant pas un hobby d'Alvis, mais plutôt une corvée, il eut la bonne idée de prendre un petit déjeuner léger pour pouvoir gouter les spécialités local en déambulant avec son amie en ville. D'un air peu attentif, il posait son regard sur les vitrines et les rayons tout en écoutant les rumeurs des événements les plus récents. Beaucoup de gens ici étaient dubitatif, voir en total désaccord avec les dernières concessions de Caer Hrid, contribuant à leur tour à cette ambiance un peu lourde qui correspondait parfaitement à l'humeur du ciel. Face à la pauvreté de ces ragots et commérages, le freelance abandonna l'idée d'en faire un rapport à Zirkon.

Sans évoquer la scène de ce matin, la relation entre les deux touristes restait floue et ambigu, créant ainsi une barrière entre eux qui était difficile de briser. Au départ, la découverte de la ville avait suffi pour animer la conversation, mais depuis quelques instants, les silences se multipliaient. Paniquant à l'idée d'être de mauvaise compagnie, Alvis consulta les "conseils" de Lin qu'il avait reçu il y avait plusieurs jours de cela.

Compliments… Cadeaux… Petites intentions… Dîner… S'OUVRIR (en majuscule oui.)… Parler d'avenir… etc.

Alvis faisait défiler les messages sans fin sur son holokit qui semblaient rivaliser avec les documents qu'avait confectionné Takeo durant toute sa vie.

"Elle doit avoir ouvert un forum pour ce genre de chose ou un truc du genre, c'est sans fin ses textes par où je commence ?"

Finalement un plus stressé qu'au départ, il décida de fermer sa messagerie pour ne plus jamais y toucher. A court d'idée, il décida de partager la seule anecdote qu'il avait sur ce pays.

-Après ma chute, ce pays a essayé de me recruter en même temps que La Vallée. C'était plutôt agressif maintenant que j'y pense. Il réceptionne des gens en état de choc, leur donne une description grossière des pays qu'ils servent puis essayent de t'amadouer avec un cristal magique dont on ne sait rien. Je sais bien qu'ils essayent de contrôler le banditisme et le chaos au maximum, mais tout de même…

"Loin d'être gai comme sujet, peut mieux faire…"

Après un raclement de gorge nerveux il reprit.

-Est-ce que ça va mieux depuis ce matin ? La migraine est partie ? On peut se poser un instant si besoin.

Évoquer cette matinée n'était pas très malin non plus.

Je resserre ma petite veste autour de mon cou, il fait plutôt froid et le vent n’arrange rien.
Contrairement à Alvis j’ai sûrement un peu trop mangé ! Autant de nourriture, c’était trop appétissant pour moi, je n’ai pas pu y résister ! Une bonne marche va me faire du bien.
Je regarde à travers les vitrines de chaque petite boutique, j’adore ça ! Je pointe du doigt un petit chat en peluche bleu avant de me retourner vers Alvis... Il a le nez dans son holokit alors je ne le dérange pas. C’est après quelques instants, il lève enfin les yeux et a à gage la conversation. Plus précisément, il reprend celle que l’on avait entamé à l’hôtel. Ah les recrutements...Ça commence a faire un moment que ça s'est passé pour moi.

-Ah...C’est un peu flou pour moi, ça s'est passé plutôt vite, on n'y a pas vraiment réfléchi, Caer n’a pas voulu de nous et la montagne... Il y fait sûrement trop froid même si le cristal qu’ils m’avaient proposé était très intéressant ! Donc La Vallée était sûrement le meilleur choix.

Il se préoccupe de mon état de santé alors que je n’y pensais même plus moi-même.

-ça va très bien, je te remercie ! Le petit déjeuné m’a fait beaucoup de bien. Mais si toi, tu veux faire un truc en particulier n’hésite pas !

J’hésite un instant avant de le questionner.

-Dit... Comment tu t’es retrouvé ici ? Enfin... Y a pas d’escaliers magiques pour descendre... ? Ou alors j’ai raté un truc ?

La jeune femme évoqua à son tour son expérience des recrutements, une période agitée assurément.

"Nous ? Lin l'avait déjà pris sous son aile avant même qu'elles fassent partie du même pays… Ça devait être une sacrée dame, dommage que je sois arrivé si tard…"

-Le froid ta rebuté ? Je comprends totalement, la neige ça va cinq minutes mais je réserve ça pour le ski.

Elle affirma suite aux inquiétudes du jeune homme que son malaise de ce matin n'était plus qu'un souvenir. Enfin, la fameuse question arriva sur le tapis. Alvis réfléchit quelques instants à la manière dont il allait expliquer cela.

-Tu ne te souvient pas de la Terre n'est-ce pas ? En changeant les décors et avec la magie en moins, ce n'était pas si différent tu sais ?

Il marqua une pause, le temps d'effacer la nostalgie dans sa voix.

-Quand les capitales sont tombées avec vous, nous avons essayé de reconstruire en faisant notre deuil. Cette période n'était pas si mal, les gens étaient plus soudés que jamais et je ne pense pas avoir jamais eu un voisinage aussi agréable depuis. A partir de là, ma mère et moi avions déjà perdu toute notion du temps, mais je dirais qu'une année est passée avant l'arrivée des transcendés.

Alors qu'il continuait son récit, il s'assit sur un banc à l'abri du vent qui offrait une petite vue sur une place plus animée que le reste de la ville. Son regard se perdait au loin alors qu'il revivait cette période qu'il avait tenté d'oublier sans succès.

-Ici, la situation avec les malades est sous contrôle, mais là-haut ? Je n'ai pas de mot pour décrire ce qui nous est tombé dessus… Après ce qui m'a semblé être une éternité j'ai… renoncé. En effet, il n'y avait pas d'escalier magique, juste un trou béant qui avait déjà avalé des millions de personnes. J'ai hésité à la dernière seconde, mais j'imagine que c'est le destin qui m'a littéralement poussé dans le vide pour me faire venir ici.

Il poussa un rire sans joie avant de regarder à nouveau son amie.

-Je t'avais prévenu que ce ne serait pas très joyeux, mais au moins après tout ça, je peux me réjouir d'avoir trouvé quelque chose de plus agréable.

J’acquiesce quand il me demande si j’ai tout oublier de la terre d’avant. J’aime le fait qu’il m’explique a quoi ca ressemblais avec simplicité.
Il continue en me décrivant « l’après » je ne vois pas vraiment où il veut en venir pour l’instant. Je ne me préoccupe même plus des boutiques. Il a toute mon attention.
Il me parle brièvement de sa mère, je ne peux m’empêcher d’imaginer quel genre de femme ça pouvait être. Un visage fin... Peut-être que c’est elle qui lui a donné cette chevelure argentée.
Il s’installe sur un banc à l’abri ce qui me permet de relâcher le col de ma veste et de me détendre un peu. Je m’assieds près d’Alvis.
La discutions se fait rapidement plus sombre. Il finit par me faire une déclaration qui me glace le sang. J’entrouvre la bouche, mais je ne sais pas quoi dire.
Je pose la main sur son épaule. Son rire me brise un peu plus. Je ne pensais pas avoir de telles révélations en essayant de le connaître un peu plus. « Je peux me réjouir d'avoir trouvé quelque chose de plus agréable. » Je ne vois pas précisément de quoi il parle, La Vallée ? Ma boutique et l’appartement ?

-C’est vrai que mes mélanges de thés sont exceptionnels.

Yes, une blague. J’aurais pas pu faire mieux. Je passe mon bras sous le sien.

-Tu vas bien maintenant ? Tu sais si ça ne va pas si t’as besoin de parler... Bon ça fait un peu générique de dire ça, mais je suis la, ok ?

Je pose mon front sur son bras. Était-il encore en détresse quand je l’ai rencontré ? Ou encore maintenant ?

En parler avait été difficile pour le jeune homme, lui qui avait déjà pour habitude de garder tout pour soi, revivre ces souvenirs avait fini par briser le masque qu'il portait. Comme il avait été évoqué une fois, Alvis n'avait pas réellement de poker face, mais pour ce genre de chose, il avait appris à les ignorer pour faire bonne figure, jusqu'à maintenant…

Il ne remarqua pas tout de suite la présence de la fleuriste juste à ses côtés, mais sa chaleur finit par l'atteindre, consolant un peu le rescapé de la Terre. Serrant un peu plus le bras qu'elle lui donnait, il écoutait les mots de réconfort qu'elle lui soufflait.

-Tu m'as pourtant déjà tellement aidé…

Sur la place en face, des gens commençaient à arriver. Ces rues jusque-là moroses retrouvaient ce brouhaha constant et typique d'un monde en paix, la normalité qu'Alvis avait retrouvé ici-bas. Un élan ? Une pulsion ? Peut-être dans l'espoir de trouver un peu plus de réconfort, il reprit.

-Berry, je crois que je… on…

Mais les mots ne franchissaient plus ses lèvres. Il se détacha doucement d'elle. Ses vieux remords étaient bien présents et l'empêchaient d'aller plus loin, il ne le méritait pas, tout simplement. Ne faisant même plus semblant d'aller bien, on voyait dans son visage ce qu'il avait porté jusque-là, et dans sa voix, toute la colère envers sa propre personne.

-Je ne suis pas tombé, j'ai échappé à la faim, au froid et à la violence. Je ne suis pas tombé malade et ces monstres ne m'ont jamais mis le grappin dessus. Et après ça qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai jeté ma vie aux orties, crachant au visage de tous ceux qui n'avait pas eu ma chance.

Le souffle court et le cœur battant avec force, il continuait.

-Comme si ça ne suffisait pas, je survie encore pour retrouver la civilisation, puis les Amari, puis toi, je ne mérite pas tout ça ! Max, ma mère et tous les autres n'ont eu aucune chance. Aucune !

Et pour la première fois depuis cinq ans, il pleurait. Le jeune homme engouffra son visage dans ses mains tout en étant secoué par ses sanglots. Même avec ses mains en lambeaux il n'avait jamais paru aussi fragile qu'à cet instant.

-Ils me manquent, souffla-t-il.

Il me dit que je l’ai aidé... Je ne sais pas vraiment comment... Si je lui ai offert une chambre, mais c’est tout. Je perçois une lueur dans ses yeux et il essaie de me dire quelque chose, mais il se referme et s’écarte même de moi pour retrouver son air sombre et complètement perdu dans cet océan de chagrin.
Il me parle de toute cette chance qu’il a voulu foutre en l’air comme une sorte de syndrome de l’imposteur ? Il s’enfonce de plus en plus... Et craque. Cet homme si grand et fort se fait submerger, il se noie. Je me sens mon cœur se broyer.
Je me lève et me mets face à lui. Je t’en prie, ne pleure pas, ne pleure pas ! Sinon je ne vais plus pouvoir me retenir non plus. J’ai l’impression de boire ses émotions. Ne pleure pas , ne...

-Pleure pas, je t’en supplie...

J'écarte ses mains de son visage pour les encadrer des miennes. J’essaie de rattraper chaque larme du bout de mes pouces froids.

-Je sais, je comprends, mais tu as le droit d’être heureux... Ils seraient sûrement contents de te savoir ainsi non ?

Je pose mon front contre le sien et laisse deux grosses larmes couler sur mes joues.

-Ta mère, Max, d’où ils sont... Même si je ne les connais pas, je suis sure qu’ils ne veulent que ton bonheur. C’est peut-être même eux qui t’ont guider a nous.

Je me redresse et essuie mes yeux. J’ai déblatéré mes paroles comme mon cœur me les dictais, mais j’espère ne pas avoir dit quelque chose de travers.

-Je suis sincèrement désolée d’avoir fait ressortir tous ces souvenirs douloureux...

Au milieu de cet océan de mauvais sentiments on y trouvait du chagrin, peut-être la chose qui l'avait le plus ravagé jusqu'à maintenant. Se focaliser sur sa chance insolente avait été sa manière de tenir le coup, jamais il ne s'était rendu compte à quel point sa mère et son meilleur ami lui manquait. La colère et le malaise laissaient place au désespoir, face à un deuil qu'il n'avait jamais fait, pour des proches qu'ils n'avaient même pas vu partir.

Alvis étant encore incapable de déterminer ce qui le blessait le plus, ses larmes continuaient de couler malgré les suppliques de la fleuriste. L'air rentrait avec difficulté dans ses poumons pendant que ses forces lui échappaient et que son esprit succombait dans la peine et la douleur. Au travers d'un voile, il vit le visage de son amie qui semblait souffrir en même temps que lui. Il entendait à peine ce qu'elle lui disait, mais le seul son de sa voix le calmait doucement alors qu'elle s'approchait un peu plus. Elle lui parla de ses proches, de ces gens qui avaient toujours souhaité le meilleurs pour lui, qu'ils veillaient peut-être encore sur lui aujourd'hui. Finalement elle s'écarta en s'excusant, visiblement secouée par ce qui venait de se passer.

Il lui fallut encore quelques instants pour s'en remettre et réussir à articuler quelque chose d'audible.

-Ce n'est pas ta faute… Merci d'être là.

Après quoi il se moucha bruyamment et débarrassa son visage de toute forme de liquide. Ses yeux restaient néanmoins rouges et l'expérience l'avait visiblement fatigué. Malgré cela, il regardait désormais Berry d'une manière… différente, bien qu'il était encore difficile de s'en rendre compte dans l'immédiat. Encore recroquevillé sur lui-même, il se frotta ses yeux brûlant une dernière fois avant de se redresser et d'inspirer profondément.

"Wow, quel bordel… Je ne sais pas si ça m'a fait plus de bien que de mal, mais au moins c'est fini… Qu'est-ce que je suis heureux qu'elle ne s'est pas enfuie en courant."

Ça voix manquait encore un peu d'assurance, mais il allait mieux.

-J'envisageai autre chose de nos vacances pour le coup… À ce rythme, je n'imagine même pas dans l'état dans lequel je serais ce soir ! Lança-t-il en plaisantant.

Retrouvant peu à peu le sourire, il se tourna vers Berry en plongeant son regard dans le sien.

-Merci de m'avoir écouté, vraiment. T'avoir à mes côtés en ce moment m'aide tellement, tu ne te rends pas compte à quel point.

Il se remet doucement et je pousse un soupir de soulagement. Il se permet même de faire une petite blague. Je pouffe joyeusement.
Qu’en sera t’il de la fin des vacances alors ?
Il plante ses yeux dans les miens. Son regard a changé et ça m’intimide un peu, mais ce qu’il me dit par la suite me fait profondément plaisir. Je me sens même un peu spéciale ! C'est très agréable comme sentiment.

-On va surtout éviter de te faire pleurer parce que t’es pas beau avec le nez qui coule et les yeux gonflés.

Je me mords la lèvre, voilà que je parle de nouveau sans réfléchir.

-Pas que tu sois moche hein ! Loin de la hein, c’est même tous le contrai- BREF !

Je le tire par les poignets pour qu’il se relève. J’ai le visage chaud et je suis on ne peut plus embarrasser. Je le tire un peu en marchant vite, ne lâchant pas son poignet. Il m’a perturbé à me regarder comme ça aussi ?
Je ralentis le pas, je me sens idiote maintenant, je ne le regarde pas pour autant.

-Tu veux faire quelque chose en particulier ?

Durant ce moment fort en émotion, il avait revécu une énième son périple jusqu'ici. Comme en avaient témoigné les larmes, rien de cela n'avait été agréable, jamais la paix n'aurait pu voir à nouveau le jour depuis l'effondrement. Ressassant sans fin les jours heureux qu'il avait passé d'une manière insouciante, Alvis commençait enfin à tourner la page, à s'imaginer une suite loin de la mort et de la douleur. Plus jamais il n'aurait à voir disparaitre un ami sans un au revoir, plus jamais un parent ne l'abandonnera à cause d'une maladie incurable. Sur ces terres, un nouveau départ était possible, une nouvelle aventure durant laquelle il se fera des amis et, espérons-le, trouvera quelqu'un d'un peu plus que cela.

À peine qu'il s'était remis de ses émotions, Berry enchaîna avec des critiques et l'ombre d'un compliment. Sur le point de rétorquer, il vit à quel point elle était embarrassé, Alvis décida alors de laisser couler.

"Cette journée est éprouvante pour nous deux, mais elle a raison. Je ne devrais pas me laisser aller comme ça, surtout si je veux qu'elle… enfin voilà quoi. Essayons de… faire tout l'inverse de ce qui est arriver aujourd'hui, ce sera forcément mieux, non ?"

Apparemment pressée, la jeune femme le tira un peu plus loin avant de s'arrêter, faute de savoir quoi faire.

-J'avais vu plus tôt un coin sympa avec pas mal de panorama de la ville, une balade ça te tente ? Ça nous ouvrira l'appétit avant ce soir et il y a des monuments qui valent le coup d'œil !

Suite à cela il l'entraîna à son tour dans les rues de Caer Callabus, à nouveau excité de découvrir l'architecture atypique de ce pays. Sans lâcher le poignet de son amie, il joua à celui qui romprait le contact en premier.

Où qu'elle soit, sa mère observait la scène avec un sourire satisfait, elle qui avait toujours voulu être grand-mère…