Première boule au fond de l'estomac qui s'abat lourdement. Qui t'empêche de te réjouir pour lui, juste un instant. L'amertume passe alors que tes doigts caressent le canin qui ne sait plus où donner de la tête. Un souffle et tout va bien, tu digères mal sa phrase mais il ne doit pas se rendre compte de tout ça, après tout c'est toi qui lui cache que la fin se rapproche de plus en plus. Oh comme c'est dur.

« Aucun problème, tu viendras le chercher ? J'ai encore rendez-vous chez mon médecin. »

Sourire de façade, sourire que tu veux qu'il garde gravé à jamais dans son esprit. Que tu perds, qui s'efface quand il parle de famille. N'étais-tu pas préparée ? Tu étais passée du refus à l'acceptation au fur et à mesure de tes séance chez la psychologue. Mais un mot et tout ça est réduit à néant. Tu le laisses avancer avec le chien, tu feins de regarder les chatons tout près de toi et tu t'accroupis. Les mains sur les yeux tu restes figée, prostrée. Mais bien vite tu entends des pas revenir vers toi.

Alors le sourire au fond des yeux tu te redresses.

« Je t'aime Fenrir. J'espère qu'il sera un bon ami. »

Le chemin du retour est morose, même ta balle ne peut freiner la colère qui grimpe dans tes veines, qui enflamme tes rêves. Et une fois entrés dans votre maison, sa maison, ça éclate et ça fait mal.

« Où est-ce que j'ai mis mon sac ? je l'avais dans la main ! »

Tu l'as posé dans l'entrée mais tu ne t'en souviens pas. Et de colère tu viens éclater la figurine en porcelaine en forme de chien que l'animalerie vous a offert.

« Je vais chercher un balais. »

Livide, tu sembles prendre conscience de cet énième saute d'humeur.

Sur tout le chemin du retour, Fenrir ne peut penser qu'à une seule chose. Il a trop hâte d'avoir Cheeseburger à la maison. Il se dit que dans le grand jardin, le chien va pouvoir faire la fête constamment. Il se dit aussi qu'il faudrait faire attention à ce qu'il ne s'enfuie pas, mais qu'une barrière ne servirait pas à grand chose, vu à la hauteur à laquelle il sautait. Puis une fois rentrés, il retire ses chaussures et fonce dans la cuisine pour aller chercher à boire. Jusqu'au moment ou il entend la voix d'Eolia, puis le bruit de porcelaine qui se brise. Pourtant, c'est lui qui est dans la cuisine, non ?

"Eh ?"

Il s'approche et aperçoit le petit chien en porcelaine éclaté au sol. Eh, pas grave, de toute façon il osait pas trop le dire, mais il le trouvait moche. Mais il voit surtout Eolia dans un état pas normal, alors il s'approche doucement et il vient la prendre dans ses bras.

"T'en fais pas mon coeur, je vais m'en occuper, ça arrive."

Il l'attrape et la soulève à nouveau, pour éviter qu'elle marche dans les débris. Il dépose un baiser sur son front et lui sourit à pleine dents.

"Et toi, on va t'amener au lit, parce que t'as l'air toute patraque !"

Sans qu'elle puisse y faire quoi que ça soit, il fonce vers leur chambre et la dépose délicatement sur le lit conjugal. Il pose sa main sur son front pour regarder si elle a de la fièvre, mais trouve pas vraiment de différence avec sa propre température. Alors il reste là, assis à côté d'elle.

"T'en fais pas, repose toi. Le plus important, c'est ta santé !"

Puis il se penche pour venir l'embrasser. Un baiser de plus à la collection, nice.

Pas de balais pour toi, Fenrir en a décidé autrement. Il te prend dans ses bras et tu t'empresses de te serrer contre lui, contre sa chaleur et son amour. Encore un jour, encore un. Plus qu'un. Si seulement tu pouvais faire tourner cette journée en boucle, pour toujours. Si seulement, si seulement.

« La santé. »

Amère tu fermes les yeux mais tu ne lui lâches pas la main.

« Ce n'est pas important. Par contre toi, tu as intérêt à faire attention à tes jambes. Et aux missions dangereuses. Ne me fais pas de peine, même quand je suis loin, je sais que tu fais des bêtises. D'accord ? »

Tu espères qu'il repensera à ta phrase quand il apprendra que tu ne seras plus là, quand tu seras bien loin. Tu fermes les yeux et tu ramènes sa main contre ta joue. Fatiguée d'avoir lutté toute la journée, le sommeil te guette et t'attrape. Bientôt ton souffle se fait régulier et ton mari à tes côtés. Ce que tu te sentais paisible avec ce grand homme. Protégée et aimée. Mais dans tes rêves tu l'emmènes avec toi, tu lui prends la main pour le guider dans un endroit magique. Ici les jours n'ont pas de nuit, pas de lendemains. Ici il n'y a pas de pleurs, de regrets.

Seulement de l'amour.