L’évocation de ces univers lui tire un sourire nostalgique. Oui, elle, la sérieuse (oups, pas tout le temps) directrice avait aussi été une enfant – l’était encore un peu – qui trouvait son refuge dans ces pages, ces mondes qui défient la logique qu’on lui enseignait depuis petite. Alors en voyant son assistante se réjouir de pouvoir enfin vivre les aventures de ses héros, une petite flamme se ravive dans son coeur : celle de la curiosité, presque maladive, qui l’animait gamine.

— Je t’emmènerai la prochaine fois que je pars en expédition pour mes recherches ! Tu verras, c’est encore mieux que dans les livres, s’exclame-t-elle en adressant un clin d’oeil à Lyana.

Et lui montrer quelques unes des milles surprises de ce monde, de leur nouvelle réalité, celles qu’elle a déjà découvertes. Elle est certaine que son amie saura apprécier car la jeune femme lui ressemble plus qu’elle l’aurait supposée. Leurs soifs de découvertes ne s’étaient simplement pas étanchées à la même source.

Kajsa termine son café d’une traite. L’amère boisson agrèsse son palais et lui secoue les neurones, même s’il faudra encore un peu de temps pour que la caféine fasse effet dans son organisme. Un bruit sourd au niveau de son estomac lui signale même que ce sera loin d’être suffisant pour combler sa faim. Depuis combien de temps n’a-t-elle pas pris un vrai repas aussi ? Beaucoup trop longtemps, étourdie Kajsaffamée qui passe ses journées à se nourrir de thé et de sachets de biscuits, trop plongée dans son travail pour faire attention à sa santé.

Mais d’un autre côté, cette petite pile de papiers rébarbatifs à remplir, et si possible terminer avant le surlendemain… Tiraillée entre son envie grandissante d’une bonne pizza dans un restaurant tranquille et sa conscience professionnelle qui lui ordonne de se remettre au travail dans les cinq minutes, elle se tourne vers la magicienne pour solliciter son aide :

— Tu veux qu’on aille manger un truc ? Sinon j’ai encore du boulot qui m’attend…

Signal de détresse lancé, tire-la loin de son bureau avant qu’elle meurt de faim.

— Tu veux dire autre chose que des barres de céréales et du thé ? A peu près quarante-huit heures je crois…

L’enfant trop occupée à découvrir ses nouveaux jouets se fait réprimander par sa mère qui l’appelle pour dîner, les cris lancés à travers les portes restant sans réponses. Il faut dire que ce monde, en Père Noël généreux, lui en apporte régulièrement.

— Oui, oups, c’est vrai. Remontrances justifiées donc acceptées. Les quelques collègues présents dans la salle de repos, ayant eu la rare opportunité d’observer une Kajsa se faisant taper sur les doigts, sont vite abandonnés par la directrice et son assistante.

Dans les couloirs menant à la sortie, la discussion ne tourne qu’autour d’un seul sujet : le choix du restaurant. La suédoise espère bien convaincre son amie qu’il faut absolument tester cette petite pizzeria non loin, il paraît même que les plats y sont faits à base de produits qu’on dirait venus droit d’Italie et que le chef napolitain serait issu d’une longue lignée de pizzaïolos !

— Franchement je t’assure qu’elle vaut le coup !

Des promesses de découvertes scientifiques, mais aussi gustatives ! Enfin surtout pour Kajsa, peu habituée aux cuisines méditerranéennes dans sa froide Suède natale. Et les discussions plus intéressantes attendront que Kajsa soit rassasiée des merveilles culinaires du pays de Mario - pas le plombier, le pizzaïolo, faut suivre !