Kajsa Blomgren. C’est ainsi que fut nommée l’enfant qui naquit en cet hiver dont on commençait enfin à voir le bout. Bébé attendu d’un jeune couple, aimé par des parents qui veillèrent à ce qu’elle ne manque jamais de rien, les premières années de Kajsa furent relativement sans intérêt. Devenue une élève modèle, poussée par un père professeur et une mère exigeante qui ne souhaitaient que mettre le plus de chances du côté de leur fille, elle se plia sans rechigner à leur éducation stricte, mais malgré tout permissive tant qu’elle remplissait ses obligations scolaires. L’enfant ne souffrit pas des exigences parentales, elle était heureuse de voir la satisfaction dans les yeux de ses parents. Déjà bien maligne malgré son jeune âge, la petite fille avait de toute façon compris que plus elle excellerait, plus ils lui laisseraient de libertés.

Kajsa petite fille grandit vite. À ses dix-huit ans, elle choisit de s’inscrire à l’université de Stockholm et partit vivre à la capitale, où d’élève modèle elle devint une étudiante exemplaire, très souvent à la lutte pour la place de major de sa promotion. Elle y avait choisi un cursus en bioécologie, un choix motivé par la passion pour les sciences qu’elle avait développée durant ses études et les prises de consciences sur le monde dépeint dans les journaux. Oui, la planète était en danger et le futur de ses habitants aussi. L’idée faisait, à ce moment déjà, chemin en elle : ce n’était pas ce monde-là qu’elle souhaitait transmettre aux générations futures.

C’est durant ces années que son mode de vie changea véritablement. Kajsa, réellement impliquée dans son combat, devint notamment végétarienne et bien plus attentive à ses propres actes. Avec plusieurs de ses amis qui partageaient les mêmes opinions sur la préservation de la Terre, elle rejoignit un mouvement international militant pour  participer à des manifestations en faveur de l’action contre le réchauffement climatique. C’est lors d’un évènement organisé par ce groupe dans la capitale suédoise que le monde bascula définitivement.

La tempête, l’orage, la nuit, l’obscurité. Totale. Et soudain la chute, l’effondrement. Immeubles, routes, véhicules, vie. Tout était emporté dans le vide. Kajsa pensa que tout était fini, que l’apocalypse promise était en train de se dérouler. Quand elle reprit conscience, c’est entourée de ruines et de cadavres qu’elle se trouvait. Une odeur de sang dans l’air, un goût de poussière dans la bouche. Confuse, perdue, effrayée, blessée. Mais vivante, comme finalement plusieurs autres personnes, des survivants. Et aussi curieuse, non pas à propos de ses pouvoirs qui ne s’étaient pas encore manifestés  à l’inverse de beaucoup d’autres, mais de cet endroit. Elle se porta volontaire pour faire partie d’un des premiers groupes d’exploration des tunnels. Et la découverte au bout dépassa ses espérances : un nouveau monde.

Althea, une seconde chance donnée à l’humain. C’est avec émerveillement que Kajsa découvrit cette terre vierge des erreurs passées de l’humanité. Ce serait un nouveau départ pour tous, du moins c’est ce qu’elle espérait, une occasion d’enfin vivre en harmonie avec ce nouvel environnement et ses règles propres. Plus tard, les cristaux et la magie qui s’en dégage attirèrent aussi son attention. Peu adepte d’histoires fantastiques, la suédoise se mit en tête de trouver une explication scientifique à ces pierres. Certes ils permettaient des actes déjà prodigieux, mais elle, comme d’autres au sein des pays nouvellement formés, y décelaient encore plus de potentiel. Et encore plus de mystères.

Complètement en accord avec les idées de Cassandra, Kajsa fut accueillie à la Vallée des Constellations et décrocha un poste de chercheuse aux Archives magiques, sorte d’immense et intrigant mélange entre un laboratoire et un cabinet de curiosité selon les pièces visitées et les portes ouvertes. Ainsi, la suédoise put se pencher à plein temps sur le nouveau sujet de son attention, étudier les règles de ce nouveau monde, si étranges lui paraissaient-elles, en découvrir la multitude de possibilités qui s’ouvrait maintenant devant elle. Elle accomplit son nouveau travail avec sérieux et dévotion, tant et si bien que lorsqu’un scandale éclata, emportant sur son passage une bonne partie de l’administration haute placée du pays des Astres, c’est Kajsa qui fut choisie pour le poste de "directrice" du laboratoire. Le titre avait beau n’avoir qu’une valeur honorifique, les responsabilités lui incombant n’évoluant guère plus — quelle horreur toute cette paperasse en plus à gérer —, il récompensait néanmoins son dur labeur jusqu’à ce jour.

Kajsa, aujourd’hui, sait qu'il est encore trop tôt pour voir la magie comme une source d’énergie viable et pérenne, trop de questions restant sans réponses. Mais nul doute qu’elle tentera tout son possible pour éclaircir ces zones d’ombres.