Aujourd'hui tu as délaissé Griffin pour le laisser seul à la maison. Corvée ménages as-tu lancer avant t'attraper la poussette pour attacher votre petite gazouillant à l'intérieur en remuant une des si nombreuses peluches qu'elle pouvait bien avoir à la maison. Toute pimpante et bien coiffée tu l'as observé longtemps en lui souriant tout doucement avant de t'enfuir comme si de rien n'était en prétextant une journée filles.

Rien que toi et elle. Loin du garage, du cambouis, de la graisse et de l'huile de vidange couvrant habituellement ton corps. Non cette fois tu t'es habillée plus convenablement pour chasser ce côté garçon manqué que tu te traînais quotidiennement. Aujourd'hui tu seras cette mère de famille qui a trop de temps à rattraper avec ta petite fille qui elle ne cesse d'observer le monde de ses grands yeux pétillants.

Finalement tu t'arrêtes, laissant tes petits talons -ni trop hauts ni trop féminins mais juste assez pour paraître un peu coquette, cesser de claquer contre les pavés de la ville tu observes les quelques stands s'étant installés ici et là, tantôt pour des occasions particulières ou alors juste pour augmenter leur chiffre d'affaires. Une hésitation s'installe et finalement tu t'arrêtes devant un petit stand, d'abord hésitante en te râclant la gorge pour essayer d'interpeller la personne y travaillant.

« Excusez-moi, vous êtes ouvert ? Il est encore un peu tôt je pourrais repasser un peu plus tard si vous voulez. » Midi n'était pas encore arrivé alors tu pouvais comprendre s'il n'était pas encore disponible pour vous servir.

Le patron a décidé qu’il fallait étendre ses horizons, et a donc envoyé le jeune homme trouver d’autres clients. Une clientèle venant de Célestia, et Yul a accepté l’offre un peu à reculons, il faut l’avouer. Il aime son travail, mais il aime moins voyager pour ça. En plus, la proposition du boss avait tout l’air d’être une excuse bateau pour envoyer l’homme et quelques-uns de ses employés faire le sale travail à sa place tout en garantissant des revenus.

Mais bon… Le voilà ici. Il a un peu eu peur, il a bien cru que le boss n’allait jamais les aider à demander un visa pour entrer sur le territoire. Il soupire, prépare déjà les aliments sans oublier de n’en faire qu’à sa tête quand ça lui pète. Il n’a pas envie de faire les recettes proposées à la lettre, surtout qu’il faut être rapide dans ce minuscule stand tout en restant délicieux. Et Yul, il aime bien prendre quelques raccourcis… Quand il explique ses méthodes à ses collègues, il se sent interpellé. Ça y est, c’est à son tour. Il se pare de son plus beau sourire, et il se penche en avant pour détailler la femme et son bébé.

« Oui, oui ! On est ouverts. Vous serez la première cliente, c’est vraiment chanceux de votre part. Quelque chose vous fait envie ? »

Sur la carte, il n’y a que les meilleurs plats du restaurant. Enfin, les plats qui puissent être dévorés sur le pouce, entre deux transports. Mais ça reste délicieux, il y a de quoi ravir tous les ventres, et même ceux des plus petits.

« On a même un menu enfant. Après… Le vôtre a l’air un peu jeune pour nos bouchées frites, ça vous va quand même ? »

Ton regard se pose sur l’homme, toujours un peu hésitante en profitant de ce moment de réflexion pour détacher Lizzie de sa poussette et la prendre dans tes bras pour la hisser jusqu’aux panneaux des menus dans l’espoir de trouver quelque chose à vous mettre sous la dent. De ses grands yeux d’enfant elle observe, porte son attention sur tout et tend même ses petites mains pour essayer de s’accrocher au comptoir de la roulotte ambulante.

« Parfait. »

Prenant le temps de réfléchir tu devais bien avouer que tout sur la carte te faisait envie, du petit sandwich au plat un peu plus sophistiqué tu ne savais pas sur quoi te diriger et nul doute que Griffin aurait été en mesure de t’aider davantage sur ce point-là. Ton hésitation te faisant sentir dans ta voix tu ris même nerveusement, un sourire gêné aux lèvres alors que tu sens que ta petite s’impatiente.

« Les bouchées frites iront très bien pour Lizzie, et pour moi mhh, vous auriez peut-être une spécialité à me conseiller ? Je suis peut-être un peu curieuse mais je ne vous ai jamais vu ici et vous n’avez pas l’air d’être du coin je me trompe ? S’il y a moyen de goûter un plat même rapide d’ailleurs ça serait une très bonne découverte, je n’ai jamais quitté la ville. »

Après tout, tu n’étais pas à l’abri d’une bonne découverte.

Yul observe l’enfant, un peu dubitatif au début. Il ne sait pas trop s’il les aime ou s’il les déteste, en tout cas, celui-là a l’air particulièrement curieux et il le laisse faire en se reculant un tout petit peu. Il ne voudrait pas qu’on lui attrape les vêtements pour tirer, et ce malgré la faible force des bambins. Patient pour le moment, le jeune homme ne dit rien, préparant simplement ses ustensiles en se lavant une fois de plus les mains. C’est une habitude qui est presque devenue une obsession à ce stade ; les mains sales, ça le répugne.

Il ne juge pas le temps d’attente, après tout pour le moment il n’y a personne d’autre parce qu’il est assez tôt. Alors la cliente peut prendre le temps qu’il faut, de toute façon il y a toujours quelque chose à faire en cuisine. Le feu chauffe doucement et ça lui laisse aussi le temps de mettre les légumes coupés dans un petit bac.

« En effet, je viens de Caer. Le restaurant où je travaille fait des spécialités plutôt asiatiques, donc il faut aimer l’épicé. »

Enfin c’est Yul qui dit ça uniquement parce qu’il aime travailler les plats comme ça. Mais sinon il y en a qui ne piquent pas, ou très peu. Les bouchées frites par exemple sont de bons exemples : des petits morceaux de viandes ou de légumes roulés dans une pâte puis plongés dans l’huile. Il n’y a rien de plus gras, mais le gras c’est la vie non ?

« Sinon on fait aussi des corn dog. Ce n’est pas vraiment asiatique mais c’est quand même délicieux. Mais ce que j’aime le plus travailler en street food, ce sont les spirales de pomme de terre. »

Il attrape une pomme de terre qu’il a épluchée plus tôt avant de commencer à la découper d’un geste précis. Quand il a fini, il l’étire un peu pour lui montrer.

« C’est facile à refaire à la maison. Mais il faut choper le coup de main. Si je m’écoutais, je recommanderais toute la carte. Si vous voulez goûter un vrai bon plat, il faudra venir à Caer. Vous êtes plutôt plat bourratif plein de viande ou quelque chose de plus léger avec plus de légumes ? »

Yul ne veut pas lui imposer un choix. Parce que sinon il lui proposerait quelque chose qui arrache la gueule…

Parfois tu attrapes les mains de la petite pour lui faire comprendre de ne pas les poser n’importe où, un peu trop gâteuse et surtout attentive à la moindre petite bêtise qu’elle pourrait provoquer sur le truck de l’homme. Les gamins surprennent beaucoup trop et surtout trop vite pour que tu puisses daigner baisser ta garde ne serait-ce qu’une seconde.

C’est empli d’une grande curiosité que tu te redresses pour l’observer à la cuisine et le surveiller du coin de l’œil, intriguée et surtout intéressée à la fois de le voir à l’œuvre que de vérifier les conditions dans lesquelles il pouvait bien travailler.

« Oh Ca er, ce n’est pas la porte à côté vous en avez fait de la route pour venir jusqu’ici. Le voyage n’a pas été très long ? »

Les deux villes n’étaient clairement pas voisines même les régions se côtoyaient à leur manière mais il était fort probable que les revenus étaient au rendez-vous et apportait son lot de bénéfices au restaurant de part son emplacement et le nombre de passage quotidien.  

« Vous commencez à me mettre l’eau à la bouche, je vais vous prendre des spirales déjà c’est certain. »

Une chose est sûre : il savait se vendre lui et son foodtruck, plus il parlait plus il te donnait envie de tout essayer et de dépenser une fortune dans tout ce qu’il pouvait bien proposer en prétextant prendre de quoi manger à ton époux.

Alors tu restes là un peu bête, les sourcils froncés en sentant Lizzie s’impatienter de ses petits cris. Toute la carte rien que ça … Tu te pinces la lèvre et finalement tu relèves les yeux à sa question ; peut-être pourra-t-il t’éclairer un peu mieux comme ça.

« Je préfère la viande pour être honnête. »

Les légumes ce n’était pas ton fort, même si tu faisais des efforts pour te forcer.

« Je ne suis jamais allée à Caer, pour tout avouer je n’ai jamais bougé de la capitale je suis plutôt casanière et avec la petite compliquée de se déplacer sans devoir prévoir mille choses à l’avance. »

Et tu devais surtout avouer que tu avais peur de l’inconnu, peur qu’il puisse vous arriver quelque chose en route après la tragédie que vous aviez pu vivre en chutant ici.

« C’est comment ? Je pense qu’il serait agréable d’y faire un tour un jour pour voir du pays, je vous piquerai une carte si vous en avez une pour passer vous voir, vous avez attisé ma curiosité maintenant, félicitations. »

Pas peu fier d’avoir réussi à vendre un peu ses talents, Yul bombe le torse, un sourire sur les lèvres. Il a envie de faire plaisir à cette petite famille, et leur servir les meilleurs plats de la carte. Il hausse les épaules, visiblement, voyager ne lui donne pas froid aux yeux.

« J’ai déjà visité la vallée, donc on va dire que j’ai déjà fait la moitié du chemin avant de finir ici pour le travail. Le voyage ne me fait pas peur, c’est même plutôt agréable. »

Même si Yul a eu une vie peu mouvementée par les voyages, il a apprécié chacun d’entre eux, et les chérit autant qu’il le peut. Et au pire, il a encore le temps de visiter tout Althea maintenant. Il lui faut juste un peu de temps, et des vacances. Son patron n’aime pas trop quand il n’est pas là, et Yul n’aime pas trop ne pas l’assister.

« Donc des spirales. Salées ? Avec un peu d’épices dessus ? Normalement, elles ne piquent pas trop. »

Le jeune homme se prépare déjà, attrape une pomme de terre qu’il commence à peler soigneusement. À force de répéter le même mouvement pendant des années, le geste finit par rentrer et se perfectionne à chaque nouvel aliment pelé.

« Je peux aussi faire un plat à base de bœuf sauté. Il y a quelques légumes, et la sauce est légèrement sucrée avec un peu de miel. Mais c’est très bon. »

Il s’attelle à la tâche, mais malheureusement tout seul, il ne peut faire qu’une chose à la fois. Il se dépêche de finir sa pomme de terre qu’il vient piquer avec un bâtonnet et tirer pour en faire une spirale ; puis c’est direction le bac de friture. Il ne s’arrête pas, il passe à l’autre plat, prépare l’assaisonnement, place la viande sur la planche de cuisson, et il surveille le tout.

« C’est agréable Caer. Au début, je ne pensais pas qu’ils voudraient de moi. Mais visiblement ils ont repéré quelque chose qui leur ont plu. On y vit abondamment, on ne va pas se plaindre. Et il fait bon aussi. », dit-il en sortant une carte de visite qu’il tend à la femme. « Le resto est à l’adresse indiquée. Sinon, vous me passez votre holo et on s’enregistre. Je ferai la visite ! »

La spirale est cuite, Yul la sort rapidement. Il en profite pour la saler un peu, puis la tend à la femme avant de s’occuper du reste. Il prépare aussi une petite surprise pour l’enfant, des petites bouchées qu’elle peut gober sans se faire mal.

« Attention, c’est vraiment très chaud. »