D’un revers de la main tu viens étaler une trace de cambouis sur ton visage pour souffler un instant et jeter un coup d’œil à cette bécane qu’on t’a donné à réparer pour dans la journée. Attrapant ta bouteille d’eau tu viens te désaltérer un instant en laissant la lumière artificielle de l’enceinte de la capitale entrer dans ce garage ouvert sur la rue. Comme d’habitude le ciel bleu printanier imitait au mieux les températures de la surface et l’ambiance jazzy offerte par la chaine hi-fi de la pièce ne pouvait que t’arracher un sourire satisfait. Il allait sans dire que le Mont Célestia était le meilleur endroit où vivre pour une personne souhaitant remonter loin, dans ce monde ancien que tant ont déjà reniés en seulement cinq ans.

Paris te manquait inlassablement et plus que les quartiers des affaires c’est l’architecture en elle-même qui fait que Polaris a ce petit coup d’inachevé dans ton cœur ; comme si la technologie te donnait le mal du pays de temps à autre. Mais tu préférais ça au fait de devoir élevé ton enfant dans ce désert t’effrayant, tu te sentais terriblement plus en sécurité ici, protégé du froid mortel des chaînes enneigées par ce dôme salvateur.  

Une nouvelle musique est lancée, playlist mise à boucle pour t’accompagner à revisser ces derniers boulons et remettre à neuf ce véhicule. Tu étais dessus depuis tôt dans la matinée et sans avoir vu l’heure défiler c’est avec horreur que tu remarques que midi s’approche affreusement. « Fais chier ! » Tu ne voyais jamais le temps passer quand tu t’enfermais ici, dans ce jardin secret que tu entretenais avec passion pour passer le temps. Te redressant avec hâte tu viens refermer la porte en métal de ce garage pour la laisser retomber lourdement au sol et noyer la pièce dans le noir complet. T’essuyant sommairement les mains sur un torchon déjà sale tu viens éteindre la musique pour emprunter la seule porte te menant dans cette maison.

« Finn ? »

Traversant la cuisine en quelques enjambées tu laisses ton regard glisser sur le salon alors que les gazouillis de ton enfant attirent ton attention. Un sourire étire tes lippes en voyant ton époux à ses côtés, assis sur le canapé et t’approchant doucement d’eux tu sens ton sourire s’échapper au fur et à mesure de ton avancée, un rictus agacé tirant même tes traits alors que tu viens t’accouder sur le dossier du sofa.

« Je peux savoir ce que tu fais avec Lizzie, Finn ? »

Quand ta femme n’est pas là à s’occuper de votre enfant, tu es de charge, et tu prends ton rôle très à cœur. Tu peux entendre la musique au loin, et c’est toujours bon signe, même si certaines musiques ont le don de t’agacer. C’est pourtant une belle journée qui s’annonce, tout a l’air de bien se passer et, parfois, tu jettes un coup d’œil à ce nourrisson, sûrement de peur qu’il ne t’échappe entre les doigts alors qu’il ne peut que s’exprimer à travers un éventail très élargi de pleurs et de gazouillis. Pour le moment, tout va bien, et tu le berces doucement en remuant presque trop timidement son berceau.

Mais une idée vient traverser ta tête, juste l’espace d’un instant. Assez longtemps pour que tu ne l’oublies pas cependant. C’est mauvais, très dangereux, mais tu as envie d’essayer. Tu es trop bien avachi dans ce canapé, hors de question de bouger malgré tout l’amour que tu peux porter à ce petit bébé agitant doucement ses mains. Tu es tenté, trop idiot pour réfléchir aux conséquences, et finalement… Tu viens dévorer une grande partie de ton énergie pour tenter de soulever le nourrisson sur quelques centimètres à peine, mais assez pour le faire gazouiller. Ça a l’air de lui plaire, et tu te prends à sourire, charmé par ce petit bout de chou esquissant de petits sourires sans vraiment comprendre ce qu’il lui arrivait.

Ce petit jeu aurait pu durer encore de longues minutes, mais te voilà pris en flagrant délit par ta femme. Tu n’as même pas entendu la musique s’éteindre, et tu te contentes de faire comme si tout était normal malgré les rougeurs trahissant ta honte d’avoir été chopé.

« Bah, ça se voit, non ? Je m’occupe de Lizzie. »

Riant à ta propre connerie, la fatigue commence déjà à guetter, parce que cet enfant fait déjà son poids, mine de rien. C’est clairement pas un verre d’eau.

Tu fronces les sourcils en le regardant d’un air faussement sévère pour lui faire comprendre que tu n’es pas dupe. S’il est aussi fatigué c’est qu’il y a une raison à cela et ses rougeurs trahissent une connerie dont il n’est pas fier. « Oui ça se voit. Mais comment est-ce que tu t’en occupes ? » L’enfant glousse dans son berceau en te voyant te rapprocher de lui alors que tu contournes le canapé pour venir t’installer d’un pas félin aux côtés de l’homme. « Ne me prends pas pour une idiote Finn, tu sais que je déteste ça. » Tu relèves le menton en glissant tes doigts sous le sien pour le forcer à croiser ton regard. « Tu ne mettrais pas Lizzie en danger pour une expérience toute nulle n’est-ce pas ? »

Tu l’observes, silencieuse pour essayer de le faire craquer avant de passer une main dans sa chevelure détachée, tes doigts continuant leur chemin le long de sa joue. En te redressant tu viens chercher ses lèvres dans un baiser aussi chaste que passionné. « C’est bientôt l’heure du repas. Tu veux bien t’en occuper le temps que j’aille prendre une douche ? » De toute façon tu ne lui laisses pas le choix en filant dans la cuisine pour déjà lui préparer ce biberon sans le quitter du regard pour le surveiller du coin de l’œil. « Chéri tu as fais quoi pour être aussi fatigué sinon ? Si tu galères maintenant ça va être quoi quand Lizzie va courir dans toute la maison ? » Ce sera probablement la fin du monde, aussi bien pour ce bout’chou que vous deux.

Revenant à tes côtés en déposant le biberon sur la table basse tu viens chercher ton plus précieux trésor dans tes bras et lui embrasser la joue. « Papa va s’occuper de toi pendant que Maman va se laver, d’accord mon ange ? »

Peut-être es-tu trop borné sur le coup pour te permettre d’arrêter en si bon chemin… Et puis Lizzie semble apprécier, alors pourquoi priver cet enfant d’un tel loisir ? « Je… J’essaye de la soulever. » Mieux valait être honnête avec elle. De toute façon, tu n’as rien à lui cacher, et elle finira bien par comprendre ce qu’il se passe. En douceur, tu finis par arrêter tes bêtises, un peu plus avachi sur le canapé en souriant comme tu le peux. « Allons Abi, tu sais très bien que même si j’étais en mesure de soulever Lizzie, je ne prendrais aucun risque. » Et tu lui lances un regard plein de vérité.

Face à elle, tu es presque trop docile, couinant simplement en fermant les yeux le temps de la laisser te caresser. Tu lui rends également son baiser, un peu plus passionné et toujours aussi fou amoureux de cette femme, et ce, depuis votre premier regard échangé. Tu hausses ensuite les épaules avant de te redresser doucement, pour ne pas brusquer ton corps tendu par l’utilisation du pouvoir trop récente. « Je vais m’occuper de Lizzie, comme la plupart du temps quand tu es enfermée dans le garage ! » Non pas que ça te dérange, mais son absence te rend parfois mal à l’aise, même si tu peux entendre sa musique en fond. « Et notre enfant ne courra pas dans toute la maison. Je pense qu’il sera très calme, hein ! » Tu ne demandes qu’à connaître votre futur avec ce nouveau-né que tu as hâte de voir grandir.

Finalement, tu la laisses faire avant de tendre les bras vers votre trésor pour le lui voler des mains. Cette fois-ci, pas de pouvoir, seulement un simple père complètement gaga devant son enfant. Tu le cajoles, le laissant tenter d’attraper tes doigts le temps d’aller lui chercher son biberon et le nourrir tranquillement. « Bonne douche, chérie. »

Son aveu te force à froncer les sourcils alors que tu le jauges un instant alors qu'il récupère le nourrisson dans ses bras. Devais-tu lui faire confiance ? Oui bien sûr. Avais-tu peur ? De temps en temps oui et ce même malgré les rires de de ce petit être qui semble plus s'amuser qu'autre chose dans les bras de son père. Alors tu soupires et roules des yeux avant de finalement t'échapper dans la salle de bain le temps d'une douche bien méritée pour retirer la multitude de graisse venue recouvrir ton visage.

Tu t'en voulais de tant juger ton époux quand au bien être de cette petite chose partageant votre vie mais étais-tu réellement responsable de cette panique ? C'était plus fort que toi. Plus fort que n'importe quel autre sentiment te faisant perdre la tête. Il n'y avait cette peur constante, cette inquiétude à l'idée de perdre un nouveau bébé alors tu te montrais sévère, parfois voir même souvent trop autoritaire avec l'homme partageant ta vie.

Laissant l'eau couler de longues secondes sur ton visage tu fermes les yeux, souffle à nouveau et venant te passer une main pour nettoyer ce cambouis tu jures contre ton anxiété avant de finalement te laver et sortir de cette douche brûlante. Attrapant ton peignoir tu te tardes pas à t'y emmitoufler pour sortir de la pièce et retourner auprès de l'homme non sans tenter de récupérer un sourire légèrement forcé et tendre sur le visage. « C'est la première fois que tu essayes de soulever Lizzie avec mon pouvoir ? »

Tu baisses la tête comme un enfant à qui on a réprimandé une bêtise. Tu as fait une bêtise, vraiment ? Ce n’était rien de plus qu’essayer de faire léviter un bébé, tu n’es pas assez fort pour le moment pour te permettre de faire plus que ce que tu ne fais déjà. Baissant la tête vers votre enfant tu te contentes de sourire l’air presque désolé, le berçant tout doucement alors que tu relèves les yeux vers la femme revenue de la douche.

« Bah… Non ? C’est pas la première fois et Lizzie adore ça ! »

Tu la vois même qui agite encore ses tout petites mains, gazouillant tout tranquillement en espérant que tu vas lui redonner son petit biberon. Tu ne tardes pas à répondre à ses petits caprices d’enfant, venant t’avachir avec ce petit être dans le canapé et le laisser terminer son repas tranquillement.

« Tu devrais essayer, ça marchera plus qu’avec moi je suppose. Je ne suis qu’un piètre copieur. »

Tu souffles du nez, berçant cette petite âme qui ne tarde pas à chouiner. Elle va faire son petit rototo, et tu iras la remettre dans son berceau pour la laisser s’endormir, à moins qu’une envie de la faire léviter ne gagne de nouveau ta petite tête de moineau.

« T’inquiètes pas, il va rien lui arriver. Le plus difficile est passé, maintenant, il faut qu’on s’occupe de l’élever comme il se doit ! Depuis le temps qu’on l’attendait… »

Tu l’observes, toujours aussi inquisitrice en venant sécher tes cheveux dans une serviette sans jamais le lâcher du retard. Tu as peur, plus que d’habitude encore à l’idée que votre petit ange se blesse. Pourtant tu vouais une confiance aveugle en l’homme mais c’était toujours plus fort que toi. Trop fort pour que tu puisses chasser ces pensées. Alors tu observes, soupires et laisse une mine beaucoup plus sincère tirer tes traits fatigués.

« Je ne t’aurais pas pris en flagrant délit tu n’aurais jamais avoué ce que tu faisais avec Lizzie dans mon dos. » Peut-être que tu es vexée qu’il ait cherché à te cacher la vérité. Pourtant quand il t’invite à faire pareil tu pouffes de rire en observant le petit être dans ses bras en venant lui caresser le haut du crâne et chercher sa petite main.

« Tu es fou Griffin. Je ne suis pas assez … douée. Et même je fais léviter des vis et des clés, pas mon bébé. Je ne suis pas assez tendre, j’ai peur de lui faire mal. » Peur de faire pleurer ton ange, d’à nouveau être victime d’une tragédie que tu ne pourras pas réparer. Pourtant il tente de te réconforter, de te faire comprendre que vous ne risquez rien tous les trois ici et tu dois bien avouer qu’il a raison, et c’est pour les promesses réconfortantes de Tatsuya que tu as tant insisté pour venir ici mais plus les jours passaient, plus les mois défilaient plus tu avais l’impression que rien ne sera comme avant, quand vous étiez encore en haut à la surface.

« Tu penses vraiment que … Qu’on pourra élever Lizzie comme on aurait pu le faire à la surface ? Tu penses qu’un jour on devrait lui … offrir un cristal ? »

Ce petit manège a assez duré. Et tu sais très bien que Lizzie va faire la tête en comprenant que tu ne comptes pas recommencer pour le moment, maintenant que la figure maternelle est arrivée pour t’embêter… Tu lui lances un petit regard complice alors que ta femme vient chercher à caresser cet enfant, t’empêchant pour de bon de vouloir recommencer.

« Oui, je te l’aurais jamais dit. Et franchement, si j’arrive à la soulever, ne serait-ce qu’un tout petit peu, tu peux très bien le faire. »

Tu as eu l’occasion de tester tes limites un milliard de fois au moins… Enfin, c’est ce que tu penses. Mais quand tu as essayé de réparer tes conneries dans ton coin après avoir copié le pouvoir d’Abi, ça ne s’est pas passé comme prévu… Et tu as dû rafistoler comme si de rien n’était puisque c’était basique et laid.

« Lizzie adore ça ! Vraiment. Je pense que ça rendrait notre enfant triste de ne pas pouvoir léviter à quelques centimètres à peine de son berceau. D’ailleurs, il faudra vite le changer, parce que cette chose grandit très vite ! »

C’est d’ailleurs un véritable petit démon quand le poupon se mettait en tête de faire chier pour avoir du rab. Sa question t’arrête cependant quelques instants, et tu perds comme toute la joie que tu avais auparavant. Elle fait mal, cette question. Question que tu préfères vraiment éviter au possible, en manquant de t’étouffer.

« On lui donnera le meilleur cristal. Celui de l’invincibilité. Mais en attendant, je veux rien savoir, Lizzie n’aura rien. Lizzie est trop jeune ! N’y pensons pas. »

Tu ne pouvais pas le faire. Enfin si tu pourrais mais tu ne prendras jamais le risque de blesser cette si petite chose ; si ton pouvoir t’échappait des mains que ferais-tu ? Pas grand-chose, tu ne pourras que pleurer de désespoir alors tu préfères t’abstenir de toutes folies quitte à la rendre triste. « Même. Les cristaux sont dangereux si on en perd le contrôle. » Et tu ne voulais pas tester tes limites. Louper une voiture, faire tomber une clé sous la fatigue ce n’était pas grave mais le sujet était votre enfant et tu étais intransigeante sur sa sécurité.

Fronçant les sourcils tu observes son berceau en venant croiser les bras, un sourire tendre étirant enfin tes traits alors que tu te relèves pour venir chatouiller ce petit monstre et lui arracher des éclats de rires et autres gloussements. Cet enfant ne cessait de te gâter et le regard pétillant tu refuses de lâcher cette petite chose lâcher des yeux en laissant ses petits doigts attraper les tiens aux ongles encore salis par la graisse.

« Le cristal d’invincibilité. Il existe ? Il doit coûter une fortune … » Un soupir, tu n’étais pas sereine à l’idée de laisser ton époux choisir seul le cristal que vous pourriez lui donner alors te retournant vers lui en faisant mine de réfléchir tu viens proposer ta propre idée en cherchant comme une approbation de sa part. « Et celui de la régénération rapide ? En plus il se trouve à Célestia, comme ça pas besoin d’aller au Marché Noir. Tu imagines si on nous refile un cristal défectueux ? »

Hors de question de prendre ce risque.

Enfin calmé de tes propres conneries, tu sembles avoir pris un ton plus sérieux tout à coup. Tu ne veux pas qu’il lui arrive du mal, alors que tu viens observer l’enfant en hochant la tête. « Bah, on va leur demander qu’il existe, hein. Faut protéger la génération future ! » Hors de question de perdre un autre enfant, et ça t’aurait probablement plu de pouvoir les élever tous les deux.

« C’est la merde au marché noir. Enfin, y’a de bons cristaux, mais est-ce que j’ai réellement envie de m’emmerder à y aller ? »

Y aller, c’était risquer beaucoup de choses. Mais si le cristal y est, alors tu braveras ciel et terre pour le lui offrir quand l’enfant sera plus grand, et surtout, en âge d’avoir son premier cristal à tes yeux. En attendant, et bien le poupon fera sans ! Et c’est très bien comme ça.

« Tu veux pas faire un tour dehors ? Je veux que Lizzie en prenne plein les yeux. Le ciel est tout joli en ce moment en plus. »

Mensonges. Mais à tes yeux, n’importe quel paysage vaut le coup d’être vu, la faute à ces nombreux voyages t’ayant forgé.