UNDISPUTED ERA

C’est une petite routine qui s’est installée dans ton quotidien, qui te change les idées et qui te permet d’oublier temporairement cette solitude qui étreint ton coeur et qui rend toujours tout un peu plus compliqué. Ridley te manque, c’est indéniable, ça fait des années que c’est le cas et que t’y peux absolument rien. Quelques messages distants, une absence évidente, voilà tout ce qu’il y avait entre vous, vestige d’une relation pourtant fusionnelle qui te rendait si heureuse et ce pourquoi t’acceptais ce sort qui était le tien. Prisonnière de Polaris, c’était tout ce qui te permettait de pas t’écrouler, lorsque tu te raccrochais à cette idée d’un futur avec celle que t’aimais, la femme de ta vie.

Assise dans la foule, tu te laissais porter par l’ambiance, applaudissant et criant même par moment avec les autres, tout ça pour encourager ceux qui s’affrontaient sur le ring. C’était quelque chose qui te manquait, ça te démangeait presque de pouvoir te battre. Ça avait, après tout, fait partie de ton quotidien avant de tomber ici. Ingénieure militaire, t’avais tout de même commencé au bas de l’échelle, ce qui t’avait formé à différentes formes de combat et à l’utilisation de différentes armes. Et ça te manquait, ces longs entraînements auxquels t’étais soumise.

Le combat terminé, tu t’attardes un peu. Un peu en retrait, discrète, t’observes la foule, les combattants qui s’approchent, qui discutent même avec eux. Il y a beaucoup de gens, tu vas éviter de t’approcher maintenant. C’est lorsque t’en vois un s’asseoir que tu finis par t’approcher, un sourire sur les lèvres, arborant une expression agréable. T’es pas quelqu’un de bien méchant, seulement intense, généralement, dans tout ce que t’entreprends. Tu préfères dire que t’es quelqu’un de passionnée, ça te semble un poil moins péjoratif, sur papier du moins.

- Beau combat.

Que tu souffles à l’égard de celui de qui tu t’es approchée.

- Cette blessure, elle était prévue ?

Pas une critique, qu’une sincère curiosité, le tout avec un sourire amusé. Tu désignes son torse, là où il a été frappé plus violemment, aucun doute que ça allait laisser des marques. T’as pas spécialement envie de l’embêter mais tu te dis que si, vraiment, il souhaitait être tranquille après un match, il ne viendrait pas là où les spectateurs pourraient chercher à interagir avec lui. Alors tu t’en fais pas trop avec ça, de toute façon, tu verrais bien si tu l’embêtes et s’il ne vaudrait pas mieux que tu quittes plutôt que de faire un peu la discussion avec lui, tout de même intéressée par ce qu’il fait.

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Ouai, tu pouvais comprendre. Les blessures, tu pouvais connaître ça. Et à chaque fois que tu rentrais avec une nouvelle blessure qui allait devenir cicatrice, t’avais droit aux remontrances de la part de Ridley et ça te faisait toujours doucement sourire. Pas parce que t’aimais l’inquiéter mais parce que t’aimais qu’elle s’inquiète pour toi. Tête brûlée et un trop peu soucieuse des conséquences de tes actions, t’avais sûrement dû lui faire peur à plusieurs reprises, surtout lorsqu’elle te savait sur le terrain. C’était cette facette de ta personne qui t’avait amené là où t’étais aujourd’hui. Tu comprenais pourquoi maintenant est-ce qu’on t’avait longtemps répété que ta curiosité finirait par causer ta perte.

- Enchantée, moi c’est Lexie.

Tu tends à ton tour ta main pour serrer la sienne avant de tirer une chaise et ainsi pouvoir t’asseoir face à lui.

- C’est effectivement un avantage considérable, à quel point les hôpitaux peuvent presque faire des miracles, maintenant.

T’exagères un peu, mais l’avancement technologique de Polaris te fait réaliser à quel point, ces cinq dernières années, vous aviez fait énormement de progrès, bien plus que lorsque vous étiez à la surface. Tu te demandes si tu aurais encore autant de cicatrices sur ton corps si vous aviez eu droit à une technologie comme celle-ci, à l’époque où tu servais encore dans l’armée ? Peut-être pas. Pas qu’elles te dérangent vraiment, c’est juste qu’à chaque fois, elles te rappellent ton ancienne vie. Elles te rappellent aussi ton médecin préféré, à savoir celle que t’aimais toujours autant, malgré la distance imposée.

- Ça fait longtemps que tu fais ça ?

Les combats, en somme. T’oses pas trop demandé si c’était ce qu’il faisait avant d’arriver ici, tu sais que ça peut être un sujet délicat pour certains. T’es juste curieuse, sans doute faute de ton intérêt prononcé pour les combats. Tu te dis que tu pourrais peut-être rejoindre un club, pas vraiment dans l’idée de combattre sur le ring mais juste pour pouvoir garder la forme et peut-être aussi passer tes nerfs.

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Ça fait du sens. Sans doute qu’il a pas de temps à perdre avec les hôpitaux et c’est sûrement mieux comme ça. T’hoches donc la tête, réponse simple mais efficace avant de t’intéresser quant à sa carrière. Est-ce qu’il faisait ça depuis longtemps ? Ça semble être effectivement le cas. Depuis avant la chute, au minimum, quelques années donc. T’es pas très surprise dans la mesure où t’essaies de suivre la lutte depuis quelques temps déjà, quelques années sûrement, ici, à Polaris, mais c’est intéressant d’apprendre que c’était aussi ce qu’il faisait à la surface. Comme quoi t’étais pas la seule à te raccrocher à ta vie d’avant, celle qui te manque tant, celle que tu veux tant retrouver.

- Dans tous les cas, t’as une belle carrière devant toi.

Tu penses. Il a une certaine popularité puis il te semble pas mauvais, sur le ring. Alors tu penses sincèrement ce que tu viens de dire, même si t’es peut-être pas la plus à même pour tenir de tels propos. C’est surtout des encouragements. Quant à la suite, ça te fait légèrement grimacer, discrètement, parce que revenir sur tous ces gens qui étaient morts, c’est jamais une bonne chose pour toi. Parce que ça te ramène à tes parents. À tes collègues. Tous ceux que tu n’as pas trouvé sous les débris, dans ces tunnels vous ayant mené jusqu’ici. T’as surtout jamais fait ton deuil et t’as toujours l’espoir de les retrouver, une fois qu’il vous sera possible de partir d’ici et regagner la surface.

- J’ai toujours aimé les sports de combats et j’en ai pratiqué plusieurs, à l’adolescence. Puis j’ai rejoint l’armée, du coup, j’ai dû mettre ça un peu de côté.

Ancienne militaire, tu te dis que tu aurais dû y être habituée, à la perte de personnes à qui tu tenais. Des collègues. Des amis. Et pourtant, cette fois-ci, t’avais un peu plus de mal avec ça.

- Je m’y réintéresse donc depuis quelques années et je me dis que ça me ferait sûrement du bien, de reprendre. Ça me manque un peu.

Tu laisses entendre un rire sur ces paroles. Pas que tu sois de nature particulièrement violente, juste que tu te souviens de la paix d’esprit que t’amenais tes entraînements. Alors oui, ça te ferait du bien de reprendre. Pas pour monter sur le ring, juste pour t’épuiser à l’aide d’autres choses que trop d’heures passées au centre de recherche.

- Tu fais des combats à l’extérieur de Polaris ?

C’est un monde qui existe pas vraiment pour toi, hors de ce dôme qui vous protégeait. Le reste d’Althea. Parce que cela faisait des années que t’avais pas pu sortir, depuis presque le début. Tu sais juste qu’au-delà de ces remparts, il y a la femme de ta vie. Mais autre cela ? Que ce que tu peux entendre ou lire.

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Une question naturelle qui te surprend tout de même. Tu pensais pas qu’il s’intéresserait à ta carrière militaire, celle que t’as presque l’espoir de reprendre, le jour où vous seriez de retour à la surface. Parce que t’aimais ce que tu faisais, t’as juste mis ça de côté, ici, pour te concentrer sur plus pressant. Comme le projet de quitter Althea pour retourner dans votre monde. Cela faisait cinq ans et, pourtant, t’étais toujours pas parvenue à considérer ces terres pourtant accueillantes comme étant chez toi. C’était transitoire. Juste le temps que vous trouviez une façon de remonter.

- Ingénieure, spécialisée dans les explosifs !

Tu dis ça avec une passion évidente pour ce que tu faisais.

- Je m’occupais surtout du déminage, en fait.

Parce que protéger tes collègues ça avait toujours été important pour toi et cela demandait donc à ce que tu passes avant eux, risquant ta vie, pour t’assurer qu’eux puissent passer par après sans risquer une explosion soudaine. Tu souris doucement, un peu plus lorsqu’il évoque le centre dans lequel il s’entraînait, hochant par la suite la tête.

- Et tu t’entraînerais avec moi même si je fais pas de la lutte ?

Tu demandes, il peut très bien te dire non, tu sembles pas vraiment du genre à te vexer pour si peu. Reprendre l’entraînement, te battre un peu, ça peut vraiment que te faire du bien et aérer ton esprit préoccupé.

- J’imagine en effet que ça doit pas être facile.

Surtout que le territoire était grand et les pays tout autant. Ou, enfin, Caer Hrid notamment, de ce que t’avais pu en voir sur des cartes. Pas en vrai, bien évidemment. Depuis que t’avais rejoins Celestia, t’étais coincée sous ce dôme qui vous protégeait de l’extérieur. C’était joli, Polaris. T’en connaissais juste tous les décors.

- Mais ça doit être bien, non, pour rencontrer de nouveaux adversaires ?

Rien de mieux pour s’améliorer que l’inconnu. Du moins, c’est toujours ce que tu te disais. À toujours faire la même chose, il était possible de s’enliser dans l’habitude, la routine et c’était là que le progrès arrêtait. T’avais toujours varié tes entraînements, tes aptitudes aussi, toujours pour faire plus, pour faire différent, pour pas juste te complaire dans quelque chose qui serait habituel. T’aimes le défi, te dépasser, t’es quelqu’un d’intense qui supporte mal l’inaction. Alors oui, t’as peut-être vraiment juste besoin de ça, d’un endroit où dépenser cette énergie, d’une façon différente que lorsque tu t’épuises après trop d’heures passées au boulot.

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Semblerait-il que t'allais pouvoir te changer les idées et te battre un peu. Tu réponds donc par un sourire enthousiaste, bien heureuse à l'idée de pouvoir reprendre l'entraînement. Oh, tu cours tous les matins et tu te rends assez régulièrement au gym mais pouvoir affronter quelqu'un était quelque chose qui te manquait. Quant à la suite… Ton sourire se fait un peu plus faux, un peu plus amer. Pas que t'es pas du même avis que lui, t'as juste une relation particulière avec Celestia. Décidément le pays qui te convenait le plus, le meilleur à tes yeux, t'aurais juste aimé pouvoir en sortir, parfois. Pour dire au monde que vous étiez les meilleurs par exemple.

- Eh…

Un moment de réflexion.

- Je suis plus vraiment dans le même domaine. Toujours ingénieure au centre de recherche, mais je m'intéresse principalement à l'événement qui nous a mené jusqu'ici, il y a cinq ans.

Et à une façon de retourner à la surface, de retrouver ta vie d'avant. T'as espoir que vous alliez réussir, ne serait-ce que parce que t'as pas le choix. Il ne te reste pas beaucoup plus que l'espoir. T'as beaucoup perdu, depuis la chute et tu peux que t'imaginer le jour où tout reviendrait à la normale. Ta vie. Ta relation.

- Puis bon, à moins de rentrer en guerre…

T'en gardes des mauvais souvenirs de celles que tu as pu voir à la surface.

- Ils n'auront pas besoin de mon expertise sur le sujet. Je pense.

Parce que c'est dangereux, quand même, les explosifs. Et aussi impressionnant ça pouvait être, tu préférais, et de loin, protéger tes collègues qu'aller poser divers explosifs en territoire ennemi. T'as rejoint l'armée surtout parce que tes parents étaient militaires, pas pour blesser les autres.

- Tu as un horaire fixe ?

Tu penses pas mais autant savoir.

- Ou j'attends un message de ta part pour savoir quand tu es disponible ?

Pour un entrainement, donc. Pour ta part, tu restes souvent plus tard que nécessaire mais autrement, t'as un horaire assez stable. Manquait plus qu'à savoir si lui était souvent disponible ou si, finalement, il te serait difficile d'avoir quelqu'un avec qui te battre pour te vider un peu l'esprit.