— wildcat

Polaris a des néons couleur pisse. Voilà c'est tout ce qui lui inspire la grande ville, la capitale. Cette belle grande dame au manteau d'halogènes, à la couronne d'immeubles scintillants sous son dome comme une couronne ne lui inspire rien. Rien sinon que la sensation qu'elle n'est plus de ce temps-là. Le temps des panneaux clignotants et des caméras partout dans les rues. Ce n'est pas sa ville, pas son Paris sale ou son Kigali poussiéreux. Ici tout est artificiel, ici ce n'est pas chez elle.
Et pourtant la voilà qui glisse entre les portes automatiques de l'hôtel. Elle n'a pas besoin de s'adresser au guichet, elle sait déjà à quelle chambre frapper, c'était inscrit sur le dossier. Dans l'ascenseur de glasse qui lui fait traverser les étages, elle retire sa capuche, son bonnet, ses gants. Elle s'observe dans le miroir, elle essuie un peu du khôl qui a coulé sous son unique oeil. La reconnaitra-t-il ? Elle, elle l'a reconnu tout de suite. Sur la photo d'identité, celle sur l'écran d'ordinateur d'un collègue qui épluche les demandes de visas.

Dis il te ressemble un peu ce gars tu ne trouves pas ?
Non Seth ressemble à son père. Il ne faut pas qu'il soit comme elle, la ranger terrible abandonnant patrie, mari et enfants pour courir à travers le monde. Et pourtant, Seth a toujours été comme elle quand bien même elle a tout fait pour se distancier de ce garçon brillant comme une étoile. Comme sa soeur. Ses deux étoiles filantes. Doit-elle s'étonner qu'ils se soient tout deux écrasés sous Terre eux aussi ? C'est un peu tragique quelque part. Comme si les enfants étaient condamnés à répéter les erreurs de leurs parents.

Il est bien tard dans la soirée. Ce n'est pas une heure pour se présenter. Encore moins en pantalon cargo, rangers épaisses, doudoune de camouflage. Au moins a-t-elle laissé Toto dans le coffre-fort de sa chambre. Toto n'a rien à faire à Polaris : sa place est dans l'immensité des plaines enneigées. Mais il est trop tard pour cogner contre la porte de la chambre comme elle le fait, pour mettre les mains sur les hanches et bomber le torse tout en appelant :

▬ Seth c'est moi.

Après la fuite c'est elle. Qui vient faire amende honorable à l'heure indue.
Car les heures, Thècle n'en a plus tant que ça.