Quand j’étais petite, j’avais envie d’être comme ces superhéros qui passent à la télé, l’envie de sauver tout le monde sans faire un seul sacrifice, parce que j’étais persuadé dans ma tête qu’il était possible de passer outre cette étape.
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Le sacrifice.À l’âge de mes six ans j'ai découvert que j'étais atteinte d'une maladie qui m'est impossible d’assimiler les visages à des identités, pendant toute ma scolarité je n’ai jamais eu cette chance d’avoir des amis.
Alors, j'ai passé mes journées à rester scotcher devant la télé au lieu de faire mes devoirs, je me faisais souvent engueuler par mon père, ce foutu millionnaire qui n'a pas levé un seul petit doigt pour arriver jusque là -en vrai j'étais jalouse de lui- parce que la réussite c'est ce qui faisait le pilier de notre famille.
Du coup, voire une élève comme moi qui ne travaille pas ça faisait tâche mais bon, rien à foutre, j'adorais aller à la récréation et me faire surnommer par un héros d'une série connue, parce que les mascottes et autre dessin anime pour gamin ne m'intéressait guère, j'étais plus attiré par le mature.
Et puis surtout c’était le seul moyen de me consoler, parce que ma maladie ne me permettait pas de me souvenir des visages des gens, donc j’étais devenu la piñata sur laquelle on s’acharne et on cris dessus d’être égoïste, manipulatrice, toutes ces vilaines choses qui me faisait du mal.
Je ne suis pas cette vilaine fille qu’on voulait me faire croire, je suis un superhéros.
Au fil des mois qui passent j'ai fini par être inscrite dans un morceau de théâtre, mon père avait de suite compris que plus tard je voulais être comédienne, une sauveuse, une « super-héros » dans l'espoir d'acquérir des pouvoirs par la magie du vaudou, pf j'étais pathétique et insouciante, comme de nombreux enfants, mais je n'étais en rien malheureuse, il avait fait le bon choix.
Grâce à ces cours je fus contacté par une agence grâce à mon père qui me propose d'être le personnage secondaire d'un film destiné à tout public et mon rêve s'était réalisé.
Des mois de tournage perdurent et pas une seule pause m'a été accordée, mais ce n'est pas grave, j'adorais ma vie plus que d'aller en cour et une fois que tout cela se termine je devais attendre que l'équipe finisse d'assembler toutes les scènes et les plans pour donner quelque chose de concret.
J’avais seulement que dix ans, et la notoriété grimpe en flèche, je suis reconnu aux quatre coins des rues par les gamins de mon âge et ceux qui me harcèlent à l’école, tous voulaient me ressembler et moi je me sentais comme si j'avais sauvé le monde d'un astéroïde, mais en vérité je me renfermais trop sur une image que je m'étais fait depuis toute petite.
À force j'ai fini par me mentir à moi-même et à perdre de ma propre identité, quand mon père m'appelait par mon vrai prénom je répondais même plus, pour moi j'étais devenu une sorcière et pour rester ancrer dans mon rôle je voulais absolument m'habiller en gothique.
Je ne manquais de rien, clairement, j'avais le père le plus adorable qui faisait tout pour me voir sourire.
Je ne voulais même plus prendre en compte les critiques à mon égard, que ce soit ma notoriété ou bien le fait que j’ai toujours eu du mal à identifier les visages d'autrui.
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Mais les choses ont vite tourné du mauvais côté…Le kamikakushi, cette catastrophe dite « surnaturelle » qui bouscule le quotidien du monde entier, l'humanité est plongée dans les enfers, tout ce qu'autrefois appartenait au fictif n'était plus, tout était identique à une catastrophe apocalyptique.
Il est là ton rôle, saisit-le entre tes mains.Les journalistes s'affolent à la vue d'un immense trou qui s'était formé au centre de la capitale de la Chine, c'est la première fois que le monde entier est relié par le même événement, au même moment, à la même heure.
La disparition de nombreuses victimes est affolante, quasiment la moitié de la population mondiale se sont retrouvés absorbé à l'intérieur de cette crevasse, il était impossible de savoir s'ils avaient tous survécu car des immenses barrières s'étaient formées pour protéger la fosse, désormais j'étais témoin d'un spectacle que je n'aurais jamais cru entendre un jour dans ma vie.
Quelle est la valeur d'un être humain face à l'immensité de ce monde funeste ?Mon père a perdu tout ce qu'il avait durement bâtis à Pékin et moi j'avais l'impression de perdre ce rôle en ayant entendu les noms des élèves de ma classe avoir disparu.
Et puis sur mon chemin, je croise la route d'une gamine qu'avais le même âge que moi, pendant onze années, je n'avais jamais eu la compagnie de quelqu'un, j'ai toujours été seule et sans amis parce qu'on me pointait du doigt d'oublier trop facilement les gens.
Parce que j'étais étrange... Et que je n'arrive pas à me souvenir des visages que j'ai croisés.
J'ai beaucoup souffert mais je tiens tête face aux critiques.
Malgré la catastrophe je continue de garder ce sourire, persuadée que je pourrai éviter l’inévitable sans avoir à faire de sacrifice.
Le sacrifice.Ma première amie me réchauffait le cœur, ses parents sont décédés et elle n'avait plus de toit, alors j'ai décidé de faire d'elle, ma sœur de cœur et que je serais sa sauveuse, son ange gardien, enfin dans ma putain de vie de prétendue sorcière je pouvais consacrer et donner de ma vie à une personne autre que des randoms que j'espérais pouvoir sauver.
Sa place dans mon cœur accordait une trop grande importance que je ne pouvais imaginer passer une journée sans elle.
L'idée de l'embrasser m'est venu à l'esprit plusieurs fois mais, pour moi il n'était pas normal de ressentir des sentiments envers le même sexe.
Je me suis menti, menti à moi-même comme j'adore le faire et pendant de longues années j'ai envoyé des lettres en anonyme pour exprimer mes sentiments sans avoir à me dévoiler, parce que j'étais sa sorcière protectrice et non Mei Li.
Pendant de longues années, mon père, elle, ainsi que moi nous nous sommes réunis avec d'autres habitant de la ville pour nous protéger contre un étrange virus qui a transformé la population mondiale en horribles créatures...
La transcendance.
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Cinq années se sont écoulées.
Cinq ans que je n'ai pas pu sauver la vie d'un humain qui souffrait de transcendance, même si [...] était importante, mon rôle de superhéros s'éteint comme ce feu follet.
La maladie se rependit à une vitesse folle, même si le gouvernement nous a interdit de nous approcher de la capitale nous n'étions plus en sécurité.
Non ce n'est pas ma faute si je n'avais pas réussi à les sauver tous à temps...
La vie perd de sa douceur, de son goût, elle devient fade et la flamme qui brûle en moi arrive à son apogée.
Les corbeaux à l’extérieur faisaient du bruit, comme d’habitude.
Le soleil était aveuglant, comme d’habitude.
Et l’horloge sur le mur affichait le temps qui passe, comme d’habitude.
Lorsque j’en pris conscience je me renfermais de plus en plus dans mon cocon.
Encore un jour ordinaire, tout comme hier.
Et demain sera probablement un jour ordinaire, tout comme aujourd’hui.
Est-ce que demain sera vraiment un autre jour ?Pour le savoir, je me laisse tomber dans cette crevasse.
Vinrent alors les ténèbres infinies.
Mon monde entier fut privé de lumière à nouveau.
Et je tombai, à l’infini.
J’ouvris les yeux, mais ne put rien voir.
J’ouvris la bouche, mais ne put rien dire.
Le calme absolu régnait en maître dans l’obscurité, je ne pouvais faire aucun son, ni aucun mouvement et je ne pouvais plus penser, je ne pouvais tout simplement plus sentir ma propre existence.
Tout autour de moi semblait être assombris, et ce silence m’était assourdissant, l’air était presque solide il me prenait par la gorge et me serait les poumons, m’étouffant ainsi.
J’ai cru, sans l’ombre d’un doute, qu’il s’agissait là du monde dans sa véritable forme.
Mais le plus étrange, c’était que je ne pouvais ressentir aucune douleur, ni l’envie de me battre.
Dans un tel monde, la vie et la mort n’ont aucune importance.
Je m’écrasai au sol, haletant péniblement.
Dès que je levai la tête, j’eus le souffle coupé par le spectacle qui s’offrait à moi.
Althea.
Je n’étais qu’un grain de sable dans un monde vaste et peuplé de créatures et d’humains aux pouvoirs surnaturels, mais l’envie de garder l’identité de sorcière s’est évaporé, j’étais devenu une nomade vagabondant à travers les nombreuses terres inconnues.
Et puis, je suis arrivé dans un pays où tout semblait conforme à mes idées, je ne voulais pas être jugé pour mériter ou non un toit, j'ai décidé de vouloir reconstruire ma propre vie à la Baie.
Le maître des rêves et un personnage tout particulièrement mystérieux qui semble être doté d'une puissance encore méconnu du public.
Dans mes moments de solitude, je pense à elle, comment réagirait-elle en voyant que je ne suis plus la même personne ?
Resterons-nous des « amis » ?
J'aimerais te dire que je n'oublierais jamais ton visage, mais je peine à me souvenir de ton magnifique sourire.