Tu ne comprenais pas pourquoi il conservait son sourire si confiant, alors que tu l'avais pourtant menacé d'une mort certaine. Avait-il donc conscience que tes mots étaient guidés par une peur irrationnelle de l'inconnu, de l'instabilité et surtout de sa confiance insoutenable ?
Avait-il compris qu'en regardant au fond de tes yeux, il ne pouvait pas déceler l'envie de tuer ?
Car tu ne tuais pas, Isadora, les gens à qui tu formulais promesses, à qui tu jurais fidélité. Et dans le parfait contraire, les gens qui eux, avaient plié le genou devant toi.

Il était un danger pour ce royaume car il préférait jouer de ses privilèges plutôt que de se sacrifier pour que d'autres les conservent. Jusqu'au bout de votre conversation même, il s'amusait tout bonnement.
Et tu n'étais pas un jeu Isa, tu n'étais pas face à lui prête à rire à chacun de ses éclats.

— « Notre relation particulière n'est-ce pas... ? Je serais tout de même curieuse de la manière dont tu définirais cette relation Mephisto. Parce que peu importe comment tu le formuleras, je reste persuadée qu'elle sera sujette à des fantasmes que tu te seras imaginé tout seul. »

Tu l'observes d'une oeillade pénible déplacer les objets à sa guise, mais sans lui souffler mot pour autant. Il se rapproche et ton poing se serre, si fort jusqu'à marquer tes ongles dans ta peau. Tu ne bougerais pas et il le savait. Trop fière pour reculer, trop d'ego pour ne pas le défier d'oser faire un pas de plus. Mais il les enchaine, encore et encore et tu restes immobile. C'est insoutenable, car tu devenais presque spectatrice de ton propre corps, attendant simplement jusqu'ou il pourrait aller et subissant ses railleries sans réussir à anticiper ses actions, et par conséquent pouvoir les contrer habilement.

— « Ceux qui se pensent intouchables finissent toujours pas être retrouvés un matin, agonisant dans un champ n'appartenant à personne. » Siffles-tu, mauvaise, alors que sa canne enroule ta cheville.

Il était passé du vouvoiement à une forme de politesse plus intime. Et à ses mots semblables à des maux qu'il te chuchote à l'oreille, une goutte de sueurs perle le long de ta tempe. Qu'il formule son voeu et vite, que cela cesse une bonne fois pour toute ! Que vous en finissiez avec les sourires et les murmures, les soupires et les menaces.

Libérée d'une tension lorsqu'il s'écarte, et qu'il prend ses aises, s'amusant à réclamer le confort d'une vie de château, tu réponds sèchement. « Et je devrais également commander des petits biscuits, c'est ça ? »

L'annulation de ses pouvoirs enclenchée pour empêcher toute fuite, tu te rues vers lui afin de lui asséner un coup dans la poitrine pour le faire chuter, et l'épée (qui se trouvait contre le lit) que tu avais récupérée dans ta main gauche juste avant vient se placer comme Damoclés pointée vers son cou.

— « Pour formuler ton voeu, tu as juste besoin de rester en vie. Formule le maintenant ! Je ne supporterai pas une seconde de plus de te voir devenir maitre des lieux, dans ma propre maison. »

Tu ne supporterais pas de le voir te surpasser à ce petit jeu du chat et de la souris.

Avec le temps, tu ne prenais plus aucun plaisir à mettre au sol quelqu'un... Sauf dans le cas présent ou cela te permettait de retomber toi même sur tes pattes. Car pendant que la lame menaçait de trancher son joli cou, tu réfléchissais à grande vitesse, afin déjà d'établir ta prochaine attaque. L'armée rendait l'esprit malsain, le faisait réagir de manière détachée, presque robotique. On ne pensait plus que de manière stratégique, et de moins en moins humaine.

— « Ravie d'avoir encore de quoi te surprendre dans la poche. »

Un rictus désabusé et victorieux face au pouvoir que tu avais réussi à lui reprendre. Mais la joie fut courte car la raison devait redevenir maitresse de tes agissements. Et faire couler le sang dans ta propre chambre, d'un individu ayant juré fidélité au royaume n'avait rien de raisonnable. Qu'il s'agisse de mettre fin à ses jours ou de juste le mutiler.
Ses mots ont un impact fort, et te font prendre conscience malgré toi qu'il était temps que tu calmes le jeu.

— « Très bien, relèves-toi Mephisto. Tu as gagné cette manche, je me montrerai plus courtoise à ton égard désormais. Mais pas de bon coeur sache-le. »

Il s'était relevé la main gantée parant le bout de l'épée et tu l'avais ôté en tachant de griffer le bout de son doigt, déchirant même le cuir d'un mouvement précis et sec. Rangeant le fer dans son fourreau et le posant toujours près de ton lit, tu lui assènes un regard froid et hostile, avant de croiser les bras sur ta poitrine.

— « Si tu ne veux pas formuler ton voeu, que cherchais-tu me trouvant ici ? Est-ce simplement provocation pour me rappeler à l'ordre ? »

Piquée dans ta fierté certes, mais tu commences à t'adoucir peu à peu.

Tu avais donc ta réponse à ta question. Ses actions n'étaient guidées que par le plaisir du risque qu'il y trouvait. Mais il n'avait ni but ni projet réel et cela te rendait aussi folle que terriblement coincée. Aucun moyen de le contrer si ce n'est de l'amocher, aucun moyen de prédire ses actions toutes aussi dénuées de sens comme lui.
Tu souffles du nez, agacée mais pacifiste. Il jouait bien avec les mots c'était aussi irritable que... surprenamment amusant.

— « Quelle attention aurais-tu voulu que je porte à ton égard Mephisto ? Peut-être t'attendais-tu à ce que je t'invite sur mon balcon ou dans mon lit. Cette chambre reste privée, même pour mes amis. »

Et il n'y avait aucun sous-entendu pernicieux ou concupiscent dans tes paroles. Si tu maniais bien la langue et l'art de la joute verbale, tes limites arrivaient rapidement dans l'ordre de la séduction. Froide et jamais aperçue ni avec un homme ni avec une femme, tu ne savais pas charmer, ni envoûter l'esprit de par ta seule identité de femme.

Alors il n'y verrait invitation que s'il se sentait invité.

Tu l'observes remettre son chapeau (ridicule, en passant) sur sa tête et t'assois sur le bord de ton lit, jambes croisées et sourcil levé.

— « Je suis triste d'apprendre alors qu'il y a bel et un bien un nous. » Tu te surprends à sourire, par amusement. « Non, je n'ai parlé à personne de notre accord. Tu peux bien dire ce que tu veux de mon comportement à ton égard, mérité pour la plupart, je pense être une femme d'honneur et de parole. »

Mais alors que tu papillonnes de cils, des pensées grises viennent envahir l'expression joyeuse de ton visage, pour ne laisser qu'un champ de ruine et de désolation. La guerre, qu'Alexander promettait de ne jamais vouloir déclencher.. Je ne veux pas de la guerre Isadora! Qu'il martelait du poing sur la table... un sentiment de résignation apparaissait pourtant bien à l'orbe de tes lèvres.

— « Mais si tu veux un conseil. La paix est là et dure. Je ne suis pas invincible, et ce n'est pas quand je serais morte pour Caer que tu me sommeras de te rendre service. »