Tu ne le trouves pas tout de suite, lorsque tu reviens dans tes appartements, et tu observes d'une oeillade aux aguets les quatre coins de la chambre. Malgré ton apparence calme et posée, ton coeur battait relativement plus vite qu'à l'accoutumée. Etait-il parti ? Ou se cachait-il pour te faire une mauvaise farce ? Alors que tu balayes la pièce du regard, tu gardes tout de même un oeil sur ton épée rangée contre le lit.

Et puis finalement, son corps se détache d'une ombre collée au mur, et son corps s'étale brusquement contre le sol. Tu fronces les sourcils, interloquée par le fait qu'il n'ait rien tenté pour amortir sa chute.
Et quand il brise le silence, tu sursautes presque.
Tes yeux le toisent d'un mépris outré, lorsqu'il t'annonce épier tes nuits.

— « Pardon ? » Tu te diriges naturellement vers lui, regard noir et prête à l'écraser de ta semelle. « Voyou, je les ferai tous retirer. »

Mais avant que ton pied ne puisse atteindre sa figure, tu te rétractes en l'entendant te poser une question. Reculant naturellement pour l'observer à nouveau depuis une certaine distance (et pour le coup tu commençais à trouver cela de pus en plus nécessaire) tu viens t'asseoir à nouveau sur le bout de ton lit.
Tes yeux pétillent sans que tu ne répondes rien.

— « Je t'ai sous-estimé. » Malgré une immense fierté à la limite de la mauvaise foi parfois, il fallait bien que tu le reconnaisses. « Je n'ai pas pris au sérieux ton histoire de pacte, et j'ai encore du mal aujourd'hui à le concevoir. »

Un léger sourire doux s'étire sur tes lèvres, alors tu t'accoudes sur tes genoux pour poser ta tête entre tes mains. Tu l'observes rouler au sol, comme un enfant ou un petit chien, et tu retiens un rire narquois.

— « Mephisto, penses-tu vraiment que j'ai le pouvoir de te tuer ? Et que je le ferai aussi facilement ? Prendre des vies gratuitement ne m'intéresse pas. Et ce n'est pas mon rôle d'être bourreau. Alexander ne partage pas ces valeurs également. »

Alors pourquoi lui ? Il posait des questions auquel tu étais incapable de répondre car ton esprit malade ne traitait pas les émotions qu'il te faisait ressentir de manière logique comme les autres. Il y avait une part d'excitation et de curiosité, mêlé à une pulsion animale : dominer ce qui nous domine, reprendre le contrôle sur ce qui nous a piégé. Quête de liberté dans cette cage dorée qu'est le château, cette vie, ce rang, ce monde si loin de ce que tu as pu connaitre avant. Et pourtant, tu t'es merveilleusement bien adaptée, dans l'unique but de survivre.

— « Je ne sais pas ce que tu es et le rôle que tu auras à jouer. Peut-être que je mourrai tristement trahie par ce jeu. Mais pour l'instant j'ai l'impression que tu cherches seulement à t'amuser, n'est-ce pas ? N'as-tu aucun but dans ce nouvel univers qu'on t'a offert ? »

Il était flatteur de croire que ta volonté décidait parfois à ta place. Oui, tu l'aurais tué. Et après ? Qu'auraient-été les conséquences ? Assassiner quelqu'un de manière arbitraire restait un meurtre et tu préférais ôter la vie que lorsque c'était nécessaire. Si de nombreuses fois tu avais voulu céder à tes pulsions pour lui arracher la tête, tu te savais encore maitresse de toi même pour ne pas l'executer.

Mais peut-être que légèrement l'estropier pour son arrogance te ferait du bien.

— « Tu peux continuer de le penser après tout. Peut-être que je te tuerais le moment ou tu t'y attend le moins. » Rictus accompagné d'un clin d'oeil, il était temps de lui offrir le retour du bâton.

Il rampe à nouveau et tu ne bouges pas d'un millimètre ta position, l'observant juste gesticuler comme un enfant (ou un adulte fou) devant toi, bercée par le mouvement répété de ses jambes.
Quand il parle d'interprétation, c'est le moment ou tu te crispes légèrement. La veine de ton front se fronce très légèrement. C'était lors de ton voeu, au moment de sceller le pacte que tu avais failli, prononçant arbitrairement les premiers mots qui t'étaient venu à l'esprit. On t'avait pourtant déjà connu plus fine à des jeux de cartes.

Tu n'avais pas réellement peur car à ce stade tu ne sais pas si tu étais capable de craindre autant pour ta propre vie que de celles qui te sont chères mais l'idée de le savoir à tes trousses éternellement ne t'enchantait pas non plus. Ne pas savoir te rendait impuissante, et le manque de contrôle visible de tous te mettait mal à l'aise.

— « Ne te réjouis pas trop de ta victoire. J'irai jusqu'à simplifier que le pouvoir appartient à celui qui possède l'arme. Rappelle toi que j'ai une épée et que je sais m'en servir. Si tu continues de m'épier sans mon consentement il se pourrait que je vienne t'embrocher dans ta boutique un jour sans prévenir. » Pause. « Et je ne prends jamais mon pied. Ne le prend pas personnellement. »

A lui décider de les prendre pour des réelles menaces ou juste une réplique hasardeuse de ce jeu amusant que vous partagiez tous les deux.
On toque à la porte et tu te lèves mécaniquement, lui jetant un regard pour le voir disparaitre dans l'ombre de ton lit. Tu soupires et part ouvrir la porte, récupérer la tasse chaude sur un plateau et remercier chaleureusement celui qui l'avait préparé et servie. Tu refermes la porte avec ton pied et te dirige vers le lit ou tu poses le plateau.

Tu avais quelques peu réfléchi à ce qu'il pensait de ce monde mais tu t'étais gardé de partager ton opinion ou ta réflexion sur le sujet.

— « Sors de là, vermine. C'est prêt. »

S'il en voulait, il viendrait se servir de lui même. C'était posé et à sa disposition. Tu ne prendrais pas le rôle d'hôte à son égard car il n'avait jamais été invité, on s'en rappelle ?
Vu que le personnel du château te pensait seule dans ta chambre, il n'avait préparé qu'une seule tasse. Bien entendu, tu lui laissais volontiers, cela avait été préparé uniquement pour lui.

— « Et bien ? Bois-le. As-tu peur que ce soit empoisonné ? En voilà une triste façon de mourir, quand on y pense. »

Le jeu était relancé, alors.
Il n'aurait jamais ce qu'il désire, c'était un serment que tu venais de passer avec toi même.