Tu aurais du t'y attendre. Et pourtant, tu le savais en venant ici qu'encore une fois tu prendrais des risques inutiles... que ça ne serait pas tâche ardue. Et si c'était ça que tu recherchais au fond ? Tu étais une guerrière en temps de paix, et l'attrait du danger devait s'alimenter par quelque chose d'autre que le champ de bataille (inexistant).
La guerre psychologique, ce n'était pas ton fort mais y resister pouvait s'avérer être un bon entrainement.

Il se vexe et tu serres tes doigts sur la bourse, la rangeant de suite pour ne pas alimenter un feu sans raison. Et les flammes d'ailleurs disparue de la paume de ta main, la boutique était redevenue froide et obscure, comme une caverne humide. Tu sens sa présence dans ton dos et frissonnes, te mordant la lèvre inférieure par réflexe.

— « Et si je demandais à ce coupe-gorge de t'assassiner pour avoir l'affront de me désobéir ? Je suis peut-être enchainée à ton poignet mais tu l'es tout autant par réciprocité. Tu me dois ton voeu. Et cette mission est d'intérêt pour le royaume. »

Ses mains glissent sur tes bras et sa langue siffle à ton oreille, comme un serpent. Tu fermes les yeux, te retenant de sortir ton épée pour l'emballer tout simplement dans sa vitrine. Quel magnifique épouvantail il ferait pour éloigner les...

— « Très bien, un secret. Personnel, si tu le souhaites. Quelque chose que je n'ai dis à personne, pas même mon frère n'est au courant. »

Quelle indignité.
Tu te tournes pour lui faire face, rompant le contact qu'il avait de t'embrasser de ses deux bras. Ta main vient elle caresser son torse, remontant lentement jusqu'à son coup. Ongle dans la peau, tu inspires le sourcil levé, les lèvres aussi sèches que ta gorge.

— « Je crains les oiseaux. »

Et ta prise se resserre. S'il osait révéler cette information ou la tourner à son avantage, ça sera sa tête qui tombera et son sang qui tâchera son joli veston blanc.

Tu étais sûrement allé trop loin, emportée par la soif de contrôle sur cet homme qui s'amusait juste à te pousser dans tes retranchements. Alors à mesure qu'il grimace, tes yeux reprennent une lueur profonde et humaine, et tu te lâches dans un sursaut mesuré.
Satisfaite tout de même qu'il accepte l'information comme paiement et du coup se décide à recevoir l'ordre du mission, tu esquisses un léger sourire coupable.
D'une voix que tu voulais le plus neutre possible, tu affirmes comme si cela était nécessaire avant que vous puissiez continuer.

— « Mephisto, je suis désolée. Pour votre cou. »

Et la distance que tu mettais dans le vouvoiement était symbole d'honneur et de politesse. Nécessaire pour ne pas que les excuses soient vaines et perdent leur sens.
Tes doigts glissent le long de son costume, d'une douceur amère. Ton regard concentré sur un point flou. Il faut te reprendre, alors tu t'écartes comme si ce geste tendre n'avait jamais existé.

— « J'ai besoin que tu ailles faire un tour à Polaris. Que tu écoutes aux portes, que tu te glisses dans l'ombre des meubles comme je t'ai vu faire dans mes appartements. Je veux que tu me rapportes si tu entends quelque chose de suspect, concernant Caer. J'ai un mauvais pressentiment. »

Tu avais foi (à tort ou à raison) en votre pacte et malgré son instabilité, tu voulais lui faire confiance. Tu étais prête à lui faire entendre que tu serais reconnaissante, que Caer se souviendrait.
Toi aussi, tu pouvais être vile, manipulatrice. Et pourtant, derrière tes airs doucereux ou tu croyais jouer un rôle, tu n'avais pas conscience que tu te tournais vers lui aussi pour toi même. Parce qu'il y avait quelque chose d'indescriptible. Au delà du jeu des mains (jeu de vilain) il y avait bien plus que ça. Un lien puissant qui vous unissait, et qui vous unirait soit dans la gloire soit dans la trahison.

Son visage entre tes mains, tu aimais bien le voir aussi sérieux. Ses traits tirés et son rictus disparu. Tu murmures tes lèvres non loin des siennes. Et tes yeux dans les siens.

— « Ne me déçois pas. Je t'en serais extrêmement reconnaissante, si tu réussis. Et je sais que tu tiendras parole, car je tiendrais la mienne. »

Tu ne savais plus, à ce stade, dans quoi tu t'engageais. Avec lui.
Tu voulais avoir besoin de lui, et qu'il ne puisse plus se passer de toi, pour te sentir utile dans ce monde ou on t'obéit au doigt et à l'oeil.

Vos souffles qui s'entremêlent font naitre un soupçon de désir, une pulsion malsaine de venir écorcher sa peau de tes ongles. Mais si la lâcheté n'était pas dans ton vocabulaire, la fuite semblait être la meilleure option pour ne pas tomber dans un autre piège, pour ne pas couler dans des abysses plus profondes encore. Tu ne pouvais plus respirer déjà à la surface de cet océan acide. Jamais encore ici tu n'avais vécu de relation aussi intense avec quelqu'un.

— « En attendant Mephisto, il n'y a que toi qui t'execute et non moi. Si je fais savoir ma reconnaissance, tu ne me permets en aucun cas de l'exprimer réellement. »

Tu le défies du regard, lors de cette intense confrontation ou le temps lui même semblait se cristalliser, puis tu observes sa carcasse ambulante s'échapper derrière le comptoir. Comme si un simple meuble pouvait rajouter de la distance entre vous.
Tu ne réalisais toujours pas ta présence en ces lieux, qui te rappelaient de forts mauvais souvenirs. Les objets entassés te faisaient penser au grenier de ta grand mère maternelle, dans sa vieille maison de Schweinfurt. Ce n'était pas des impressions très heureuses qui te restaient en tête mais plutôt des traumatismes cauchemardesques qui t'avaient rendu plus fortes à l'heure d'aujourd'hui.

— « As-tu seulement bonne réputation quelque part ? Que tu veuilles ou non, Caer est ta maison désormais. Tu lui as juré fidélité, alors qu'importe ce qu'il se passe à Polaris.. »

L'idée de le voir rejoindre les rangs adverses ne t'enchante pas spécialement et tu tiques ta langue sur ton palais sans finir ta phrase.
Méprisante, tu tournes autour de toi pour observer les lieux, peu discernable à cause de l'obscurité.

— « On dirait une salle de torture, ici. »

Tu ne préciseras pas si tu en as déjà vu une, afin de pouvoir noter la comparaison.

— « Je le répète, mais je n'ai pas peur de toi Mephisto. » Tu craignais peut-être l'effet néfaste qu'il pourrait avoir sur tes relations sociales. « Evite juste de mourir, je ne voudrais pas être endettée à un cadavre. »

Et finalement, tu te rapproches du comptoir, jusqu'à t'y accouder également.
Tu n'avais pas peur de lui mais tu étais sincère, tu ne voulais pas qu'il meurt avant d'avoir pu lui prouver que c'était toi qui l'écraserait.