« Bloooom bloooom.. I feeel, bloooom oh oh oh »
Tes pieds étaient posés sur les bords de la baignoire. Un masque hydratant sur ton visage, une serviette maintenant tes cheveux sur ta tête, appliquant de manière nonchalante un joli vernis rouge sur les ongles de ta main, tu chantais à tue-tête, comme si tu étais seule, comme si le monde t’appartenait. Car à cet instant… C’était exactement le sentiment que tu avais. Tu avais l’impression que le monde t’appartenait. Dans cette magnifique salle de bain que tu avais transformé en discothèque. Après tout, dans ton modeste appartement, tu n’aurais jamais pu profiter d’un bon bain moussant comme tu étais en train de le faire, tu n’aurais jamais pu profiter de la vue de ce logement moderne. Parfois, il t’arrivait encore de t’extasier devant les meubles et les équipements de ces lieux. Des fournitures high tech que seul un fonctionnaire de haut-rang pouvait avoir, et sûrement pas une citoyenne lambda comme toi.
Il n’y avait pas de doute : être riche, quel plaisir.
Et puisque la richesse ne voulait pas venir à toi, alors c’était simple, tu avais décidé d’aller à la richesse. Voilà pourquoi, aujourd’hui, comme tous les week-ends en fait, tu t’étais introduite chez Olvera. Lui, c’est écrit « R I C H E » sur son front. Bon bien sûr, tu aurais pu profiter d’autres personnes. C’est pas le seul riche du royaume. En réalité, tu aurais pu juste te coltiner un de ces nombreux vieux tout dégoûtant des Villas. Fréquenter la bourgeoisie hypocrite et sale. Mais au fond de toi, tu n’avais pas tout à fait envie d’être associée à ceux-là… Tu n’avais pas envie qu’on te prenne pour une prostituée, une fille facile. C’était étrange, mais, dans ta malhonnêteté, tu avais un semblant de fierté et de bon sens. Tu avais des principes : hors de question de coucher, hors de question de te rabaisser devant autrui, hors de question de te mêler des criminels. Le reste, pourquoi pas. T’introduire par effraction dans le domicile d’une personne par exemple, ça, ce n’était pas si grave que ça à tes yeux. Et puis, si tu as choisi Olvera, c’était aussi parce qu’un autre mot était gravé sur son visage : « G A Y ». Car voilà, comme tu étais super intelligente (ou tout du moins, c’est ce dont tu essayes de te convaincre), tu as choisi une victime qui ne sera pas trop embêtante : tu as vite compris qu’Olvera n’était pas de ton bord, et donc qu’il ne tomberait jamais amoureux de toi. Cela aurait été la pire chose qu’il puisse arriver. Smart, non ?
Mais pourquoi se soucier de tout cela ? Pour le moment, tout allait bien dans le meilleur du monde. L’eau chaude coulait à flot, les bulles s’envolaient dans tous les sens, la musique jouait à fond tes morceaux favoris, et tu sirotais une Pina Colada commandée à l’aide du frigo connecté. Bref, la dolce vita. Tout du moins, avant qu’Olvera ne rentre… Et c’était dommage, car tu ne l’entendras sans doute pas, avec les musiques qui tournaient à fond.