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La douleur te prend au coeur, Meish. Comment en êtes vous arrivés là ? Comment avez vous pu en arriver là ? Tu ne comprends pas, tu ne comprends plus, tu ne sais pas ce qu’il s’est passé à Althea pour que votre monde s’écroule ainsi ; pour que vous vous regardiez comme deux étrangers qui ont un jour pu se connaître. C’est la sensation que te laisse son regard : deux inconnus qui se sont un jour déjà croisés, il y a des années, alors que le monde fleurissait encore sous les couleurs d’une joie non cachée.

Elle ne te trompera pas avec ses expressions prévues, entraînées, contrôlées ; tu vois bien que vous n’avez plus rien à faire, et pourtant. Pourtant, ton coeur ne peut s’empêcher de rester accroché à ce fantôme du passé que tu ne vois plus que dans un souvenir égaré. Elle n’est plus la Isadora que tu as connu, elle n’est plus. Ta gorge se serre à nouveau ; comment expliquer ce sentiment qui t’envahit ? Comment expliquer la douleur de retrouver quelqu’un que l’on aime, et réaliser que plus rien n’est identique ? Comment reconstruire le passé à partir de ruines ?

Son coup sur ton épaule, semble-t-il amical, t’embarque légèrement en arrière. Tu te rattrapes sur le muret non loin de toi pour ne pas tomber. Un petit rire gêné t’échappe ; le malaise s’installe ; ou sans doute était-il déjà là.
Mais ton malaise n’a que pour origine ses propos ; quelqu’un pour t’encadrer. Tu n’es plus un enfant, Meish. Tu n’as plus l’âge que tu avais lorsqu’Althea s’est ouvert à vous ; il n’y a plus rien à encadrer chez toi. Tu te sens adulte à présent, et tu as un goût amer au fond de ta gorge ; tu te sens infantilisé, incapable de prendre des décisions par toi-même. Ton visage se crispe, mais tu ne feras aucune remarque : la situation est déjà bien trop dérangeante entre vous.

Sa remarque sur le royaume de Caer te fait lever les yeux au ciel. Tu as l’impression qu’elle instaure une compétition entre la Vallée et son pays, alors qu’il n’y en a aucune à avoir. Cela t’arrache cependant un sourire.

— tu dis ça, mais je suis sûr que tu n’as pas encore vu toute la vallée !

L’instant d’après, tu fouilles dans tes poches pour retrouver ton holokit et lui donner ton contact. Tu ne sais pas quand est-ce que vous vous reverrez, et peut-être que cet air grave sur son visage d’effraie quelque part. Es-tu sûr de vouloir la revoir, Meish ? Il y a quelque chose de différent, de changé. Il y a quelque chose de brisé entre vous, d’impossible à réparer ; une menace au bord de la terreur ; une nuit tombée.