Les jours d'après catastrophe se ressemblaient de plus en plus. Les petites habitudes commençaient à prendre place dans le quotidien de la jeune femme ; se lever tôt, se préparer pour aller travailler, prendre la moto et se rendre au ministère de la défense, venir en aide à ses collègues et gérer les réseaux du ministère. Sourire aux collègues, essayer de placer quelques petites blagues pour ne pas paraître trop renfermée, dire oui pour ne pas vexer et enfin revenir à son appartement lugubre trouver rapidement pour ne pas être à la rue.

Cybèle ne pouvait pas se plaindre, elle ne voulait surtout pas le faire. De quel droit pouvait-elle se plaindre de la situation ? La jeune femme avait un travail avec la reconnaissance qui allait avec, un salaire plus que correct, un toit sur la tête et sa santé n'avait rien de préoccupant. Assise à son bureau, la tête tournée vers la fenêtre du bâtiment elle pouvait ressentir la peur et la peine des gens qui l'entourait. La perte des proches, la perte pour certains de tout, la perte matérielle également. Son cœur se serra un instant et une grimace de dessina rapidement sur son visage. Hors de question de flancher ou de se laisser aller. Cybèle leva ses bras derrière sa tête en tout repoussant ses cheveux pour venir s'étirer longuement, avant se soupirer. Il était l'heure de s'en aller. Le réseau était sécurité et il n'y avait rien à craindre jusqu'à demain.  Elle eut ce petit sourire de satisfaction sur son visage, et c'était alors qu'elle se leva, mis sa veste sur ses épaules, salua ses collègues restant encore sur place s'en alla rapidement.

Il était hors de question d'arriver en retard à son rendez-vous. Son salaire lui permettait de viser un plus beau logement que sa chambre d'étudiante à l'âge de vingt six ans. Un collègue des étages inférieurs avait proposé de louer une chambre ainsi que les parties communes de son appartement pour une somme plus qu'abordable, ni  une ni deux elle lui avait donné de quoi la contacter pour une visite des lieux. La lanière de son sac à main sur son épaule, et son long manteau ébène sur le dos elle était prête à voir Pavel et son possible nouveau domicile.

Devant la porte de l'appartement, Cybèle prit le soin d'observer les alentours, les logements voisins et l'état des lieux. Tout semblait correct, bien entretenu et calme. C'était surtout ce qui la préoccupait, du calme. La jeune femme porta ses phalanges à la porte et afficha un doux sourire à Pavel, qui lui semblait plus ou moins surpris de sa venue. Elle se tourna légèrement pour regarder derrière elle, et fronça quelques instants les sourcils. « Excuse-moi Pavel, tu attendais peut-être quelqu'un d'autre ? » Une blague ? Le visage de la jeune femme se crispa quelques secondes avant qu'elle ne lui réponde. « Je pense qu'il est préférable qu'on se tutoie, n'est-ce pas ? Nous ne sommes pas au ministère. »

Un malaise ambiant se faisait ressentir pour son plus grand malheur. Il était évident qu'il y avait eu un malentendu entre les deux adultes. Cybèle passa ses mains sur la lanière de son sac avant de la serrer nerveusement. « Je suis désolée de déranger. Je comprendrais que tu veuilles louer la chambre à une autre personne, pour ne pas mélanger vie professionnelle et privée. » L'appartement semblait chaleureux, bien que l'absence d'une présence féminine se faisait ressentir, elle pourrait facilement y remédier avec quelques touches florales et des meubles plus récents. « Mais sache qu'une fois les portes du ministère franchies il n'y a plus de collègue qui tienne. Sauf si tu veux en parler et dans ce cas là je n'y vois aucun problème. Si toute fois tu veux bien me permettre d'être ta colocataire. »

Cybèle avait pourtant l'air sérieuse la plupart du temps, et semblait légèrement dérangé qu'il ne l'ait pas prise au sérieux lorsque de leur entrevue au ministère de la défense. « Tu es certain que ça ne te dérange pas ? Je peux trouver autre chose si jamais, ne t'en fais pas pour moi. » C'était tout à fait vrai. Cybèle avait en vu diverses appartements, et avait accepté celui-ci car elle connaissait déjà la personne qui cohabiterais avec elle, la facilité de la chose lui avait semblait plus agréable. Ses yeux se dispersèrent rapidement vers la mezzanine très moderne, qui allait parfaitement avec l'univers moderne et avancé de Polaris. « Si tout est parfait pour toi, ça l'est également pour moi. » Elle avait toujours sur son joli minois un sourire se voulant rassurant pour son nouveau colocataire. « C'est gentil de ta part mais je vais me débrouiller, ne te dérange pas pour moi. »

La jeune femme n'avait à vrai dire pas énormément de valises avec elle, la chambre déjà meublée demanderait quelques retouches au fil des jours et des mois passés à l'intérieur. Ses vêtements prendraient en effet quelques allers retours de son ancien logement à ici mais un taxi ferait largement l'affaire, la moto étant bien trop petite et peu pratique pour les voyages. « Tu as des règles de vie que tu souhaites instaurer Pavel ? Des couvres-feu ? Un régime alimentaire stricte ? Je suis ouverte à toute proposition. » Son intérêt n'était en aucun cas de brusquer Pavel ou de rendre la cohabitation difficile. Tout ce que la jeune femme voulait était un toit sous lequel vivre, discrètement dans son coin, avec une présence quotidienne avec qui pouvoir échanger sur leurs journées de travail mutuel. Une compagnie toute en discrétion.

Et puis Pavel était quelqu'un d'agréable à vivre, son petit côté paranoïaque l'avait poussé à enquêter sur son collègue, et rien d'inquiétant ou désagréable n'était ressortie. Il était timide, discret et aimé par la plupart des collègues qu'ils avaient en communs, et bien d'autres. Son petit sourire timide avait eu raison d'elle et l'avait rapidement mise en confiance. « Je serais être discrète ne t'inquiète pas pour ça. Si tu veux organiser des fêtes, inviter des amis, faire la fête tardivement, ou t'envoyer en l'air je n'y vois aucun inconvénient. Je demanderais juste à être prévenue que je puisse prendre mes dispositions. Tu comprends j'espère. »  La fête ne la dérangeait en aucun cas, évidemment. Les parties de jambe en l'air un petit peu plus.

Elle écoutait parler Pavel tout en analysant sa future demeure. Sa nouvelle maison. C'était rudimentaire mais quelques meubles, de la décoration aux murs et elle serait dans son petit cocon. Pas de règles particulières, ça semblait tout à fait normal. Pavel et Cybèle étaient adultes et n'avais plus à endurer des heures de fermetures, s'ils avaient besoin d'intimité ou autre ils n'avaient qu'à parler, qu'à discuter entre eux et ils aviseraient ensemble. « Pas de souci, je n'hésiterai pas à t'envoyer un message si je suis de sortie. Il m'arrive de temps en temps d'être ça Caer pour quelques affaires, alors ne t'en fais pas si je dois m'absenter le temps d'un week-end. Mais tu seras au courant si ça avait à »

Cybèle traîna quelques valises et un sac sur son lit, et esquissa un sourire face à la réplique de Pavel, et de retourna vers lui. Avait elle quelqu'un ? La jeune femme chercha au plus profond de son cœur l'once d'un amour pour quelqu'un. Mais rien. Le néant. Il fallait quand même sourire, pour cacher ce mal. Camoufler cette douleur de n'avoir personne avec qui partager sa vie. Personne avec qui se comprendre en un regard. Personne qui hante son esprit du matin au soir, quelqu'un qui passerait avant sa propre personne. « Aucune allergie de mon côté, si ce n'est un très léger asthme. Mais je suis assez maniaque, le ménage serait fait tous les jours. Et concernant un possible compagnon, je n'ai personne. »

Cybèle marqua un temps d'arrêt et marcher jusqu'à la fenêtre de leur appartement, et y observa Celestia d'un autre œil. Plus ouvert. Moins sombre. Peut être qu'une vie à deux, en colocation, pourrait l'aider à aller de l'avant et oublier tout ce qui c'était passé avant cette catastrophe. Partager des moments autour d'un repas, d'un film ou tout simplement d'une cigarette. Il était toujours plus facile de survivre aux côtés de vivants. « Et toi Pavel, es-tu accompagné ? » Le visage fermé, elle fouilla dans son sac à main pour en sortir des cigarettes, ouvrant en grand la fenêtre, Cybèle se tourna vers Pavel. « Tu en veux une ? »

Fumant doucement à sa nouvelle fenêtre, profitent d'une vue plus ou moins agréable de Célestia. Cybèle se perdit un court instant dans ses pensées et en oublia presque la présence de Pavel à ses côtés. Peut être que finalement ce qui devais rester une blague dans une salle de pause au travail, aller leur offrir un espace de vie dès plus agréable.

Soufflant sa fumée à l'extérieur du domicile elle tourna ses yeux vers Pavel, sorti de son sac un cendrier de poche et y ecrasa les restes de sa cigarette. Se leva, et fit face à son nouveau colocataire. « Au sujet des vivres, comment est-ce que cela se passe t'il ? Je dois aller faire quelques course tout à l'heure, et j'offre le repas. Pour célébrer cette nouvelle aventure. »

Portant la lanière de son sac à main à son épaule, Cybèle sorti également son holokit, un visage toujours aussi agréable avec un fin sourire dessiné dessus. « Oh, j'allais oublier de ton demandé ton numéro d'holokit, si nous devons nous joindre en dehors du travail, et d'ici, pour ne pas s'inquiète.» Cybèle en profita également pour passer sur ses épaules sa veste, attendant patiemment une réponse de Pavel. « Une idée de repas pour ce soir ? Ou est-ce que tu me fais confiance ? »

Collant son holokit à celui de Pavel, la jeune femme esquissa un léger sourire tout en venant écraser après cela sa cigarette contre son cendrier de fortune. « Ca me convient, si tu es d'accord, partons sur ça. »  Cybèle avait toujours aimé faire la cuisine, ça ne la dérangeait pas vraiment, même si elle était d'avantage à l'aise sur des préparations sucrées.

Son manteau sur ses épaules et son sac en main elle secoua négativement la tête en direction de Pavel, et se retrouva rapidement dans le couloir menant à la porte d'entrée. « Non ne t'inquiète pas, je vais au passage me familiariser avec les alentours. »  Elle avait beau connaître Célestia comme ça poche, les petites ruelles comme celle-ci étaient moins connues de la jeune femme.

Un dernier sourire à Pavel, et la voilà sur le pas de la porte, la poignée de celle-ci entre ses mains franchement manucurées. « A tout à l'heure Pavel. »  Elle hocha la tête, et avant même qu'il ne puisse répondre, Cybèle avait déjà fermée la porte derrière elle. Soupirant d'aise, la partie la plus difficile avait été plus facile que prévue. La rencontrer, les premières minutes ensemble dans l'appartement. A se regarder dans le blanc des yeux, à essayer de jauger la capacité de l'autre à ne pas être encore plus gêné que sois-même.

Alors qu'elle ajusta le col de son manteau, tout en laissant ses long cheveux ébène retomber le long de son dos, Cybèle jeta un dernier coup d'oeil à sa nouvelle demeure. Un sourire timide sur le bord des lèvres. Elle avançait alors doucement dans les rues de Polaris, un visage presque joyeux, ses écouteurs jouant une mélodie au rythme de ses pas.