Tu lui avais dit pourtant : c'était lui ton esclave. Et s'il n'aimait pas se voir refuser des choses, tu n'aimais pas répéter. Ses mains qui placardent ton corps, comme s'il lui appartenait, c'était ça que tu voulais ressentir jusqu'à la mort. Toujours plus, qu'il te saisisse comme une poupée de chiffon, qu'il te donne le droit de riposter. Qu'il te force à lui prouver que c'est toi qui lui donnes le contrôle, et lui reprends.

Qu'il s'agrippe, mécontent. Qu'il continue de prendre, mais qu'il cesse de réclamer, exiger. Tu ne le supporterais pas d'avantage. Un roi, tu en avais déjà un à subir, alors s'il se targuait d'espérer te voir plus que reine... C'était dans l'affrontement que vous vous attiriez. Que deviendrais-tu, si tu cédais à tout ses désirs ? Et que resterais-tu au final, si tu te contentais du pire ?

— « Non, je ne... »

Mais ta réponse est coupée, par ses lèvres dévorantes, avides. Tu prolonges le baiser un peu plus, désireuse de ce moment depuis que tu lui as enlevé son masque. Quand il rompt, tu ne peux t'empêcher de retenir sa lèvre inférieure en otage quelques secondes entre tes dents. Interdite face à ses déclarations, ton regard change progressivement. Il perd de sa superbe et à sa finale interaction, ta lucidité cède sous le poids. Le parquet venait de craquer et tu étais passée au travers.

Non. Non.
Pas encore.
Tu t'accrochais aux dernières planches pour te hisser.  
Parce que c'est ce que tu faisais toujours.

— « Quoi ? »

Tête basse, cheveux dans la face. Tu es ni triste ni en colère. Ses mots résonnent dans ta tête de manière déraisonnable.
Puis vient le silence de l'entracte, les gens sont sortis pendant que les musiciens prennent leur pause, révisent les partitions. Et sans pouvoir contrôler ce spasme nerveux, tu te mets à rire. Mephisto ne t'avait jamais vu rire. Et Alexander peut-être, une fois, au début de votre aventure. Il n'y avait rien de sain d'esprit dans cette réaction.

Dans l'hilarité, tu te cambres en arrière, puis essuie les larmes d'épuisement au coin des yeux d'un geste mécanique.
Tu restes positionnée sur lui, oh non, tu ne comptes pas décamper tout de suite.

Le sourire a disparu et les traits de ton visage se tirent dans la sévérité. Tu attrapes ton épée. La plaçant à l'horizontale pour venir en admirer la lame de prêt, tu articules finalement.

— « Tu ne me connais pas. » Tu attends un peu. « C'est normal, on a pas vécu grand chose toi et moi. »

Malgré vos échanges, vos étreintes, vos petites aventures et vos blessures partagées... il te parlait encore de convictions, de servitude ? Se restreindre de brûler le monde n'était qu'un instinct de survie pour ne pas faire partie des cendres.
Spasme nerveux qui étouffe un rictus. Ta façon de parler est lente, douce. Saccadée.

— « Tu n'as strictement aucune idée de ce dont je suis capable. » Tu viens murmurer si prêt de son visage. « Et comme c'est notre dernière entrevue, tu n'en seras jamais... témoin... »

Il y avait peut-être un fond de rancoeur au fond du coeur. Mais magnanime, tu pouvais peut-être lui en offrir un peu avant qu'il ne te quitte.
Violemment tu redresses l'épée, verticale, pour la planter violemment dans la paume de main du démon.

— « Personne ne me quitte vraiment. » Tes cheveux tombent en cascade sur ton visage. Tu prends une longue inspiration et articule clairement cette dernière volonté que tu voulais qu'il écoute attentivement. « Je me fiche de ce que tu penses de moi, antiquaire. Mais si tu affirmes encore à voix haute que je n'ai aucune grandeur, je t'anéantirais. »