in the shade of the boat

Des pas légers, effleurant presque le sol, tu sais pas trop ce que tu viens faire ici. C’est, après tout, pas la curiosité qui te motive, alors quoi ? Peut-être juste l’envie de voir de belles choses. De voir le plus de choses possible, à vrai dire. Découvrir Althea, pas tant pour savoir ce que l’endroit renferme, ce que tu pourrais découvrir sur ta route mais bien pour tenter de comprendre où se trouvait ta place dans ce vaste monde. Une petite escale par les mers du sud, tu en es venue à t’aventurer près de la crique, celle qui, supposément, renfermait nombreux trésors. C’était pas non plus par avarice que tu étais ici car si tu avais un salaire plutôt correct à l’île aux délices, c’était bien évidemment les pourboires qui te permettaient presque de vivre comme bon te semblait. T’as jamais été très dépensière non plus, t’aimes juste pouvoir voyager, traverser le pays sans rencontrer quelconque ennui sur ton chemin. Tu t’arrêtes donc pas très loin d’un large bateau, imposant même, posant une main sur la coque, sur le bois vieilli, appréciant tout de même l’aspect presque austère des lieux. C’est pour ça que t’aimes autant Caer Hrid. T’aimes les allures de la capitale. T’es peut-être juste un peu vieux jeu, à bien y penser. Peut-être que si t’avais pas été forcée sur la glace si jeune, t’aurais pu t’intéresser davantage à l’histoire.

Oh. Un intérêt sincère qui ne vient de personne d’autre que toi. T’aimes en apprendre un peu plus sur les faits historiques. Certes, ils ne sont pas très nombreux, ici, mais à chaque découverte amène de nouvelles suppositions et tu te dis que, parfois, t’aimerais creuser un peu plus de ce côté là. Cette simple constatation te fait sourire et t’amènes à t’avancer un peu plus, pour en découvrir un peu plus, tes prunelles claires glissant sur tout t’entourant. Jusqu’à ce qu’elles se posent sur un corps allongé, immobile. Tu t’arrêtes, incertaine, l’observant davantage, hésitante surtout, en revenant presque à ces quelques jours que tu as forcé hors de ton esprit, ceux qui avaient suivi votre arrivée brutale en ces terres. Tous ces morts, ça avait été trop pour toi, trop difficiles à comprendre, à digérer alors t’avais fait la meilleure chose que tu aurais pu faire, à savoir enterrer tout ça pour ne plus jamais y revenir. Un équilibre précaire que tu semblais bien maintenir.

Jusqu’à maintenant.

Peut-être que tu paniques trop vite. Peut-être qu’il ne s’agit pas d’un corps inanimé, sans vie. Peut-être que t’exagères juste un peu. Sans doute, même. Mais ça change rien. Ton coeur s’accélère, débat à une vitesse folle dans ta poitrine alors que ton souffle se bloque dans ta gorge. Merde. Tu dois faire quoi dans ce genre de situation ? Tenter de l’aider ? Appeler à l’aide ? Y a-t-il seulement des secours qui viennent jusqu’ici ? Fuir et faire genre tu ne l’as jamais vu ? Non, ça non. Tu sais pas si t’arriverais à vivre avec la culpabilité qu’entraînerait un tel geste. Tu t’approches donc, tes pas toujours légers, ton coeur venant battre dans tes oreilles pour étouffer les bruits environnants. Plus de vagues s’abattant sur la coque de bateaux renversés. Plus de vent sifflant dans tes oreilles. Que ton coeur qui bat, encore et encore, trop fort, douloureusement. Peut-être que tu dois juste tenter de le réveiller ? Normalement, tu devrais surtout vérifier s’il respire, s’il a un pouls, mais vraiment, dans ton état, c’est pas ce à quoi tu réfléchis.

Non. Pas crainte de le toucher, de le voir se réveiller subitement et t’agresser, toi, tu fais la seconde meilleure chose qui te traverse l’esprit. Tu cherches un peu, trouve un sceau et disparaît de la vue de quiconque passant dans les environs, cachée dans le décor. Remplissant le sceau d’eau et gardant encore une certaine distance, tu en viens à tout bonnement jeter l’eau à la figure de celui allongé au sol, toujours invisible, parvenant même à faire disparaître le sceau que tu tiens. La scène peut ainsi sembler assez cocasse, d’un point de vu extérieur, entre le jeune homme allongé (peut-être mort) qui venait de recevoir de l’eau en pleine tête et toi, invisible, à une distance respectable, qui paniquait à l’idée qu’il soit mort, ou encore qu’il ne le soit pas et qu’il cherche de s’en prendre à toi. Franchement, Ingrid, t’as déjà fait mieux. Moins con, surtout.

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Enfant apeurée, méfiante, invisible aux yeux de tous, accrochée presque désespérément au sceau que tu tiens, arme improvisée prête à servir (pour ce que ça pourrait changer). Tu te tiens à une distance respectable, éloignée de la menace potentielle que pourrait représenter l'homme, qu'il soit vivant ou mort. Après tout, votre monde s'est littéralement effondré, vous êtes sûrement pas à une invasion de zombie près. Pas très rationnelle, difficile de l'être alors que les battements de ton coeur se font assourdissant, étourdissant aussi. T'entends à peine sa voix, exclamation de surprise alors qu'il se redresse, cherche coupable de l'eau qu'il a reçu. Tu ne te manifestes pas, le souffle coincé dans ta gorge, regard paniqué qu'il ne peut pas voir. Un pas vers l'arrière, silencieux, s'enfonçant dans le sable, espérant que, malgré son regard inquisiteur, il ne te voit pas. C'est bien le cas. Son regard passe sans s'arrêter sur toi, demoiselle si discrète parvenant à se fondre dans le décor.

Tu suis ses mouvements encore quelques instants avant de te détendre un peu. Il te semble pas vraiment dangereux. Peut-être un peu méchant mais las, surtout. Puis il sort une cigarette, sûrement qu'il a pas dans l'idée de te sauter à la gorge. T'inspires profondément avant d'apparaître soudainement à quelques pas de lui, tenant toujours ton sceau, si fort que tes jointures semblent plus blanches.

- Non merci.

Tu fumes pas. On t'a toujours dit que c'était mal. Ça pourrait souiller tes poumons, nuire à tes performances. Tu pouvais pas laisser ça se produire. Patineuse artistique de niveau professionnel, les gens avaient des attentes, tes parents notamment et, de ce fait, t'avais toujours pris soin de ton corps, toujours dans l'idée de te dépasser la fois suivante sur la glace. Même si ici, tu ne fais plus ça, t'as abandonné le sport de haut niveau, t'as encore tes bonnes vieilles habitudes, celle d'un mode de vie santé, peut-être un peu névrosé, prenant soin de ton corps avec une attention toute particulière. Ça se remarque aisément, à ton teint clair, tes joues rosées et ta fine taille.

- J-je eh…

Hésitation, comment expliquer ta précédente réaction sans sembler complètement ridicule ? T'es pas certaine que ce soit vraiment possible.

- J'ai eu peur que vous soyez, eh… Pas qu'endormi, vous voyez ?

Pas certaine que ce soit clair, tes mots se bouscule, ton malaise est évident. Ça t'empêche pas d'étirer un sourire, ça devrait sûrement faire mieux passer ce que tu disais, cette réaction un peu stupide que tu as eu, non ?

- maisj'osaispastropvousapprochercaronestjamaistropprudent...

Tu parles trop vite, marmonnes, laisses même entendre un rire nerveux. T'es déjà prête à disparaître, à fuir, soit dans les ombres soit dans le décor. Mais t'essaies tout de même de paraître décontractée, de sourire, de donner l'impression d'être à l'aise. Juste parce que t'as envie de sembler un peu plus affirmée, pas de lui donner l'impression que t'étais prête à t'écraser s'il en venait à hausser un peu trop la voix à ton goût ou s'il se montrait trop menaçant.

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Tu sais pas si ça te rassure. Est-ce que ça veut dire qu'il pourrait te frapper ? Qu'il l'aurait fait dans d'autres circonstances ? Tu déglutis un peu péniblement, l'observant toujours avec attention, avec prudence aussi, comme un animal traqué prêt à fuir. Et pourtant, il ne semble pas vouloir te chasser, se contentant de fumer tranquillement sa cigarette. Alors tu te calmes, un peu, relâchant le sceau que tu déposes près de toi. T'es plus armée, un signe de ta part que t'acceptes donc l'idée qu'il ne cherche pas à s'en prendre à toi. Parce que, en plus de tenter de te rassurer (tu penses que c'est ça qu'il tentait de faire), il te demande de laisser tomber cette politesse qui n'avait peut-être pas sa place ici. T'hésites mais tu sais que tu vas capituler : t'es terrifiée à l'idée de contrarier qui que ce soit.

C'est pour ça que t'as eu aussi peur quand il s'est réveillé. T'as eu peur de sa réaction, peur de l'avoir embêté, chose que tu as sûrement fait. Tu crois. Ou pas. Il semble pas t'en tenir rigueur, même que tu as bien fait, selon ses propres mots, de le réveiller. C'est la surprise qui vient se dessiner sur tes traits, t'attendant de toute évidence pas à une telle réponse de sa part à tes excuses précipités (ou plutôt ta vaine tentative de te justifier).

T'es surprise par le mot garde et tu te demandes vaguement si c'est parce qu'il n'a pas le droit d'être ici. Sûrement, compte tenu de ce qu'il te dit, de la façon dont il présente les choses. Décidément, t'as un don pour te retrouver auprès de personnes n'étant pas où elles étaient supposées être. Une partie de toi, celle qui a toujours suivi les règles, te dit que tu devrais contacter les autorités mais cette peur de décevoir, qu'il puisse ne pas apprécier ton comportement, t'empêches de faire quoi que ce soit. Plus il ne faisait rien de mal, si ? Il dormait paisiblement près d'un bateau. C'était pas problématique, de ce que tu te disais, sûrement plus pour te rassurer qu'autre chose.

- Qu-quoi ?

Tu le regardes, surprise, les sourcils froncés, rougissante aussi. T'as pas l'habitude des compliments. Ou, enfin, si, mais généralement, ils te viennent d'hommes qui ont deux fois ton âge et qui s'attardent davantage sur tes jambes dévoilées par ta jupe que sur les fins traits de ton visage. Tu secoues la tête, décidant de pas y porter attention, te concentrant sur la suite.

- Non je suis seule.

Tu t'empresses de dire ça, pour le rassurer que tu n'es pas en compagnie de quelconque garde qui pourrait menacer sa vie ou tu sais pas trop. Tu penses pas au fait que c'est peut-être pas une bonne chose de lui faire savoir que t'es seule, que c'est peut-être même dangereux. À vrai dire, tu penses rarement avant de parler, ironique pour toi qui réfléchis beaucoup trop sur tout et n'importe quoi. Tu souris un peu, timidement, lorsqu'il complimente ton don, parce que c'est pas toi précisément qui est sympa, c'est ton cristal, avant de glisser tes prunelles claires autour de toi, sur les bateaux vous entourant.

- Non, pas vraiment…

T'es là pour quoi, en fait ? Visiter. Découvrir. Te découvrir, plus précisément.

- Je passais dans les environs et j'avais envie de venir voir.

Tout simplement. Il en fallait pas plus pour expliquer la raison de ta présence. Tu comprends que lui, il est venu chercher des trésors dans les environs. T'y as jamais pensé, tu te dis que ça peut être intéressant. Amusant peut-être ? Tu te demandes ce que renferme ces bateaux, tous ces vestiges d'un passé inconnu qui peuvent se trouver sous les épaisses planches de bois. C'est soudainement beaucoup plus intéressant. Pourrais-tu en apprendre un peu plus sur ce monde dans lequel vous aviez atterri, cinq ans plus tôt ? Sur ce qui a mené les bateaux jusqu'ici ? Il y a peut-être même plus que ce continent, plus ailleurs, au-delà de la mer.

- Tu veux de l'aide ?

T'expliques pas trop ton idée, les pensées qui ont traversé ton esprit. Tu te dis juste que ça peut être marrant, de voir ce que tu pourrais y trouver. C'est pas tant les trésors qui t'intéressent que les morceaux d'une histoire inconnue. Tu souris un peu plus, plus sincèrement, sourire rayonnant alors que tu sembles plus détendue. Trop bonne trop conne à faire confiance trop vite. La bonne chose c'est qu'il ne t'effraie plus. La mauvaise ? Il pourrait sûrement te tuer ici et cacher ton cadavre et personne ne serait en mesure de te retrouver. T'as pas besoin de penser à ça alors tu te concentres sur le positif, le fait que tu n'as plus peur de lui.

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Tête mise à prix ? Dans quelle genre de situation problématique tu viens de te jeter à pied joint, Ingrid ? Tu sais pas et, finalement, tu préfères ne pas te poser plus de questions, pas spécialement tentée d’avoir les réponses. T’es comme ça. T’as jamais été trop curieuse, tu préfères de loin ne pas trop t’intéresser à ce qui pourrait s’avérer problématique. Le moins t’en sais et le mieux c’est, ça, t’en est convaincue. Le moins tu risques de te mettre en danger ou de causer des problèmes à tes proches. Alors tu dis rien, t’ajoutes rien, t’hoches doucement de la tête et tu souris. Parce que c’est plus facile comme ça. Parce que vivre dans le déni te permet d’ignorer les informations superflues qui pourraient s’avérer désagréables.

C’est justement grâce à cette capacité que t’as de passer outre les informations qui ne te plaisent pas, comme le fait qu’il pourrait être recherché par la garde ou encore que sa tête serait potentiellement mise à prix pour lui offrir ton aide. C’est naturel, parce que de toute façon, t’as rien de plus à faire et t’es quand même tentée d’explorer un peu plus les environs, de monter dans l’un de ces bateaux pour en apprendre un peu plus sur ce qu’ils pourraient révéler. T’as pas l’âme d’une grande aventureuse, t’es pas non plus vraiment courageuse, mais ça te semble marrant, une bonne façon de passer ton temps puis, qui sait, peut-être que tu y trouverais quelque chose que t’aimes bien faire, que tu pourrais en apprendre un peu plus sur toi-même. Tu rougis davantage lorsqu’il accepte, cherche même à cacher ton visage coloré derrière tes mèches blondes, pour ensuite hocher de la tête aux précisions qu’il apporte. Bon, c’était peut-être plus dangereux que prévu et t’es un peu moins tentée de t’y aventurer, mais ta proposition semblait lui plaire, puis, surtout...

Il t’a sourit.
Et toi, t’as vraiment pas envie de le décevoir.

Plus loin, donc ? Tu commences à t’avancer, à t’approcher des rochers désignés. Tes pas sont toujours aussi légers, frôlant presque le sol, glissant dans le sable, alors que ta démarche semble presque élégante. C’est tes années de patinage artistiques, toutes celles passées sur la glace à tracer des arabesques qui sont trahies dans ta démarche.

- Oh ?

Tu sembles surprise, lui jettes un regard par-dessus ton épaule.

- T’en fais pas pour ça. Si t’as besoin de l’argent, tu peux tout garder.

Vraiment, Ingrid, t’es gentille, sûrement trop, ce qui est autant une qualité que quelque chose de problématique. Tu pourrais accepter l’offre sans rien dire mais, vraiment, t’es pas à plaindre et quelque chose te dit que sa situation à lui est plus instable que la tienne alors sûrement qu’il en a plus besoin que toi. Dans tous les cas, pour toi, c’est pas important, t’es pas ici pour ça, contrairement à lui. T’approchant d’un bateau renversé et à moitié inondé, tu montes sur une planche qui te semble solide, te tournant vers lui pour lui tendre ta main et ainsi l’aider à monter à ta suite. T’entraînant depuis des années, t’es assez agile, te permettant d’atteindre assez facilement des endroits un peu plus difficiles d’accès, comme le plateau que tu viens d’atteindre.

- Je doute toutefois qu’on va trouver quelque chose d’intéressant à la surface ou si près du rivage, d’autres ont dû passer par ici avant.

Une évidence à tes yeux. Ton regard se porte donc sur un bateau plus loin, impossible d’accès de votre position, demandant à passer par deux voir même trois bateau pour espérer l’atteindre. Et même encore, le parcours ne te semblait pas aisé à réaliser.

- On peut tenter d’aller là-bas, t’auras sûrement plus de chance de trouver quelque chose avec une certaine valeur.

Et toi t’auras sûrement plus de chance de trouver quelque chose d’intéressant. Une vieille carte d’Althea ? Des océans vous entourant ? Un vieux livre ? Un ouvrage épargné de l’eau ayant envahi la majorité des coques ? Tu sais pas trop à quoi t’attendre mais tu te surprends à être enthousiaste à l’idée d’y découvrir quelque chose. Tu montrerais peut-être même une certaine impatience, dans ce sourire agréable, presque joueur, amusé surtout, que t’affiches.

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Tu fais mine de réfléchir avant de finalement te contenter d’hausser les épaules. Un service ? Qu’est-ce que tu pourrais bien vouloir ? Tu sais pas trop, à vrai dire, parce que tu fais pas vraiment ce que tu veux. C’est pas comme si on t’avait vraiment donner le choix par le passé, tes parents s’étant plus contentés de te dicter ta vie sans se soucier de ce que toi, tu voulais. Tes désirs n’avaient que peu d’importance, ton ambition personnelle aussi. Ta mère, désespérée de vivre son rêve au travers de toi, voulait te voir briller sur la glace et c’est donc ce que tu t’es retrouvée à faire, ce pour quoi tu as sacrifié une grande partie de ta vie (et de ta personne), si ce n’était pas toute. Tu gardes donc le silence, un peu pensive, parce que si l’offre qu’il t’a faite peut sembler naturelle, pour toi, c’est une question à laquelle tu n’as pas de réponse.

Il y a plus pressant, de toute façon, que de parler paiement. Après tout, il n’y aurait aucun paiement si vous repartiez bredouilles alors mieux valait sûrement vous lancer dans vos recherches maintenant. Montant sur l’une des nombreuses épaves, tu lui tends la main, tout sourire, pour l’inviter à te rejoindre. C’est pas l’activité la plus sécuritaire qui soit, tu crains vraiment de te blesser et c’est même pas parce que t’as peur d’avoir mal. T’as peur de voir ta mère débarquer soudainement, celle que tu n’as pas revu depuis la chute, pour te disputer de ne pas avoir assez fait attention à toi. À ton corps, plus précisément, cet outil de travail qui allait te mener vers la gloire. Tu secoues légèrement la tête, t’as pas envie de penser à ça. Parce qu’elle n’est plus là et si tu te refuses de croire qu’elle est morte, t’es quand même mieux sans elle. T’es vraiment mieux sans elle. Alors tu t’avances un peu, en équilibre sur une planche un peu plus étroite, tentant d’atteindre un endroit un peu plus sécuritaire. Tu entreprends aussi d’attacher tes cheveux pour éviter que ceux-ci soient balayés par le vent dans ton visage, ce qui pourrait rendre ton expédition inopinée un peu plus difficile qu’elle ne l’est déjà.

Tu t’arrêtes lorsqu’il te propose de prendre quelques mesures de sécurité. C’est pas bête. Toi, t’as juste pas voulu penser aux dangers, t’arrêter à l’éventualité où tu pourrais tomber dans l’eau et être emportée par le courant. C’est vraiment, mais vraiment plus facile de vivre en oubliant tout ce qui te dérange, ce qui t’effraie et te concentrer sur ce qui te plaît.

- Oh, c’est une bonne idée.

Comme ça, il y avait moins de risque que tu tombes à l’eau, moins de risque que tu sois emportée par les vagues et ne puisse jamais rentrer. Tu le regardes faire, ne bouge pas trop, lui soufflant un remerciement lorsqu’il vient nouer la corde autour de ta taille. Tu lui indiques que ça va et une fois qu’il est attaché et toi aussi, vous pouvez repartir à l’aventure. Tu portes tout de même attention à où est-ce que tu mets les pieds, évitant les endroits fragiles, pas tenter de te retrouver dans le fond d’un bateau faute d’une planche qui se briserait sous ton poids. Ton rire fait écho au sien, un rire léger, amusé, se répercutant dans le vide de la crique. Dans tous les cas, si vous vouliez être subtiles, c’est raté. T’écartes la pensée que vous pourriez ne pas être seule pour te concentrer sur le chemin emprunté, le voyant sauter vers l’avant pour atterrir sur une autre épave.

- Je te fais confiance, hein.

Tu dis ça sur un ton pas tout à fait sérieux. Pas que tu ne lui fais pas confiance, non. Tu considères juste que ça vaut pas vraiment la peine d’être précisée car tu doutes pas de lui. T’aurais sûrement pu te méfier de lui, sûrement que t’aurais dû aussi, mais voilà, c’est pas le cas alors t’espères ne pas avoir à le regretter. Sautant pour le rejoindre, tu te réceptionnes avec une certaine grâce, venant tout de même poser une main sur son épaule, l’autre attrapant son bras, pour ne pas perdre l’équilibre.

- Merci.

Sourire sincère, rayonnant, le regard pétillant, tu reprends ensuite ta route, toujours avec attention, toujours en t’assurant que le bois usé, humide, ne cède pas. Tant pour lui que pour toi-même. Tu t’y connais pas vraiment sur le sujet, t’as juste compris que si tu avais la sensation que ton pied s’enfonçait dans la planche c’est que c’était sûrement pas une bonne chose de passer par là. Pour le moment, vous vous en sortiez bien et c’était vraiment tout ce qui comptait à tes yeux.

- Qu’est-ce que tu espères trouver ?

Pour savoir surtout ce que tu devais chercher. Tu lui as tout de même proposer ton aide, la moindre des choses c’est que tu te montres utile. Toi, tu sais pas trop ce que tu cherches, un peu tout et n’importe quoi, peut-être même rien. Tu verrais en temps et en heure si quelque chose captait ton regard et t’intéressait. Pour le moment, il vous fallait encore atteindre le carcasse abandonnée depuis sûrement des années avant d’entreprendre quelconque recherche. T’approchant, tu réalises que la distance est un peu trop grande, entre votre position et celle que vous cherchiez à atteindre. Tu fronces un peu les sourcils, embêtée, regardant de droite à gauche, observant les alentours.

- Je pense qu’il va falloir faire un petit détour.

Tu pointes vers votre droite, là où il semble y avoir des rochers qui sortent de l’eau. Un peu plus dangereux, parce qu’ils sont de toute évidence glissant, mais il s’agissait du chemin le plus rapide pour arriver à destination. T’attends tout de même son avis, parce que, bien évidemment, aujourd’hui n’est pas encore le jour où tu prendrais une décision par toi-même.