in the shade of the boat

Que peut-il bien chercher ici ? C’est ce que tu lui demandes, bien que t’as ta petite idée sur le sujet. Ton idée qui s’avère juste. Des bijoux. Des trucs qui brillent. N’importe quoi pouvant lui rapporter de l’argent. T’allais donc faire attention à ce qui t’entoure, dans l’espoir que ton regard s’accroche à quelque chose de scintillant. La question t’es retournée et t’hésites, parce que t’es même pas certaine de la réponse toi-même. C’est pas que tu veux pas lui partager ce qui t’intéresse, c’est plus que même toi, tu sais pas trop ce que tu cherches ici. T’es arrivée par hasard, une escapade qui en a suivi une autre et qui t’a mené jusqu’à jeter de l’eau au visage d’un parfait inconnu. Un concours de circonstances un peu particulières qui t’avait amené à te tenir en équilibre sur la coque abîmée d’un bateau à moitié coulé.

- Je sais pas vraiment.

Réponse honnête alors que tu continues de faire attention à où tu mets les pieds. Tu l’as vu manquer de tomber, t’étant même arrêtée, un brin paniquée, rassurée de voir qu’il n’avait pas glissé et tu préfères donc éviter d’en faire de même.

- Un peu tout et n’importe quoi ? Des vieux trucs, surtout.

Ça fait que cinq ans que vous êtes ici. Comment est-ce qu’une place comme Althea a pu exister sans que vous n’en entendiez jamais parler ? Qu’y avait-il ici, avant vous ? Et les cristaux ? Y avait-il un monde au-delà de l’océan ? Tout ça, c’était des questions que tu te posais. L’histoire, le premier sujet pour lequel tu te montrais curieuse. Alors tu cherchais un peu tout et n’importe quoi, comme tu venais de lui dire. Rien de bien important. Tu verrais une fois que t’aurais mis la main sur quelque chose, si c’était intéressant ou pas. Puis, honnêtement, t’allais sans aucun doute t’intéresser plus longuement aux bijoux et joyaux, pour que lui ne reparte pas bredouille. Tu te soucis rarement de toi-même, de ce que toi tu pourrais bien vouloir, toujours concentrée sur le désir des autres.

Tout ça parce que personne ne s’est jamais arrêtée pour se demander ce que toi, tu voulais.
C’est pour ça que t’as pas la réponse.
Que tu sais pas.

Arrivée un peu plus loin, tu fais part de tes observations, à savoir une impossibilité de se rendre jusqu’au lieu convoité. Il allait falloir faire un détour, quelque chose de sûrement dangereux, pas aussi facile que vous l’auriez cru. Parce que rien ne pouvait être facile, comme il le disait si bien. Ça semblait même compliqué. Dangereux. Les roches glissantes, l’eau qui s’abattait sur ces dernières, tout semblait vous mener à tomber dans l’eau pour vous faire emporter par les vagues, pour que vos corps soient traînés par le courant. Tu fronces les sourcils, pas convaincue par ce qu’il te dit, pas d’accord avec le fait que ce serait pas une grande perte. Parce que, si c’était pour cette raison qu’il se dévouait à se lancer le premier, t’étais celle qui devrait ouvrir la marge. Parce que t’es personne. Parce que t’es qu’une figurante, et ce, dans ta propre vie. Pantin d’une histoire écrite par d’autres.

- Fais attention.

Tout ce que tu peux lui dire alors qu’il s’est déjà élancé au-delà de la rambarde. Tu le suis, tentant de garder ton équilibre, cherchant à ne pas glisser. T’hoches de la tête à ce qu’il dit même si tu sembles plutôt prête à détacher la corde nouée à ta taille. T’as pas envie de l’entraîner avec toi dans l’eau si tu venais qu’à chuter.

- Oui ça va.

Pour le moment, tu tiens bien. Puis votre destination ne te semble plus si loin que ça. Avec un peu de chance, vous alliez parvenir à l’atteindre sans trop de dégât. Bon, revenir sur vos pas allait s’avérer tout aussi difficile mais ça, t’y as pas encore pensé alors c’est vraiment pas important. Surtout qu’il relance la conversation et ça t’amuse, parce que tu te dis vaguement que c’est sûrement pas le moment idéal pour parler de toi, de ce que tu faisais avant, de la raison derrière ces pas légers qui flottent presque au-dessus du sol.

- Je faisais du patinage artistique. J’apprenais à peine à marcher lorsque ma mère m’a fait découvrir la glace.

T’as grandi avec une paire de patins dans les pieds.

- J’ai fait beaucoup de compétitions, nationales et internationales. J’ai remporté beaucoup de médailles aussi.

Tu dis pas ça pour te vanter. T’en sembles fière, certes, mais ça fait aussi naître des souvenirs plus tristes chez toi. Parce que, pour avoir pu performer à ce niveau, tu as dû sacrifier beaucoup. Tu as sacrifié ta jeunesse, ton adolescence, ta vie, ta propre personne, tout ça pour des rêves qui n’étaient pas les tiens. Finalement, tu le vois monter sur le bateau que tu avais désigné un peu plus tôt et tu montes à sa suite, semblant satisfaite du chemin parcouru. Tu lèves même tes bras dans les airs dans un signe de victoire qui en est presque puéril.

- Bon, aller. Tout ce qui brille, c’est ça ?

T’es motivée, prête à fouiller le bateau et trouver ce qu’il souhaite obtenir. Toujours aussi souriante, tes cheveux blonds attachés à l’arrière de ta tête, tu trouves un endroit vous permettant de descendre dans la coque du bateau, celle à moitié inondée. Tu sais pas si c’est une bonne idée mais, franchement, il n’y a rien vraiment dans votre situation qui était une bonne idée. Puis, c’est clairement pas comme ça, sur le pont, que vous alliez trouver quelque chose, alors tu aurais sûrement sans doute pas le choix de te tremper les pieds. Au point où t’en es, ça ne changerait sûrement pas grand chose, tes vêtements déjà humides de l’eau t’ayant éclaboussé, lorsque tu t’étais aventurée sur les rochers.

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Le patinage artistique. Un sujet délicat pour toi. Parce que t’es pas certaine de savoir vraiment ce que tu ressens vis-à-vis de tout ça. C’est compliqué. T’as pas détesté ça. Tu penses. T’en sais rien, en fait. On t’a jamais demandé si t’aimais ça, personne ne s’est jamais arrêté pour savoir ce que toi, tu voulais faire. Ils exigeaient et toi, en parfaite enfant que tu étais, t’obéissais. T’as fait ça toute ta vie. T’as fait ça jusqu’à la chute. Jusqu’à ce que tu perdes tes repères. Jusqu’à ce que tu constates qu’il n’y avait plus personne pour te dire comment vivre ta vie. Et honnêtement ? Ça t’effrayait. T’avais peur de prendre tes propres décisions. T’avais peur de te tromper, surtout. De faire erreur, en réfléchissant par toi-même. C’était quelque chose avec quoi t’avais encore de la difficulté. Parce que tu t’étais rapidement trouvée des personnes sur qui tu pouvais dépendre. Des personnes qui avaient des attentes, te concernant. Et de ces attentes, tu pouvais te bâtir. Être celle qu’ils voulaient que tu sois, et ce, malgré toute la bonne volonté dont tu pouvais faire preuve et ce désir que tu avais d’exister par toi-même.

C’est plus bien plus facile à dire qu’à faire.

- Non, pas vraiment.

C’est la seule réponse à laquelle t’arrives après y avoir réfléchi un peu, après t’être attardée quelques instants sur la question. Tu sais pas si t’as envie d’en dire plus. Peut-être ? Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait l’intéresser ? Tu te demandes s’il n’en a pas rien à faire, de cette vie que t’avais, de celle qu’on a exigé de toi, de celle que t’as vécu pour les autres, pour un rêve qui n’était pas le tiens.

- C’était pas quelque chose que je voulais faire, en fait.

Tu dis ça sur un ton désinvolte, comme si ce n’était rien, toutes ces années sacrifiées pour un sport qui ne t’intéressait pas plus que ça. Comme si ces années sur la glace accompagnées de ces années à apprendre le ballet n’avaient pas beaucoup d’importance. C’est là l’opinion que t’as de ta propre vie, que celle-ci n’a pas bien d’importance. C’est aussi pour ça que tu ravales cette culpabilité qui te pèse parfois, ne comprenant pas pourquoi est-ce que toi tu as survécu à la chute. Pourquoi toi plutôt qu’un autre ? T’avais rien à apporter aux autres. T’avais aucune compétence pouvant s’avérer utile. T’étais rien de plus qu’une gamine un peu perdue et au final, t’as pas beaucoup changé, depuis le temps.

Une fois sur le bateau, tu te lances dans la recherche de trucs qui brillent. Tu souris doucement, presque tendrement, lorsqu’il insiste aussi sur le recherche de vieux trucs. Tu penses pas que ça soit nécessaire mais ça te fait tout de même plaisir, ça se voit dans ton sourire, dans l’expression que tu affiches. Au final, Ingrid, t’as peut-être juste envie qu’on te voit. Qu’on te voit toi, celle que tu ne connais pas encore. T’as toujours existé pour les autres, toujours été celle qu’ils voulaient que tu sois alors eux n’ont toujours vu que ce qu’ils voulaient voir. T’es juste pas certaine de ce que tu pourrais leur montrer, en fait. Parce que ce toi n’existe qu’hypothétiquement. Pour le moment, cette personne n’existe pas. Pas encore. Mais t’essaies, vraiment. T’essaies en fouillant un vieux bateau, tes pieds trempant dans l’eau, par exemple. T’explores les horizons. Rencontres de nouvelles personnes. Découvres de nouveaux lieux.

Et au travers de ça, tu commences à exister.

Concentrée, t’éloignant un peu, plongeant parfois tes mains dans l’eau, tu sursautes lorsque quelque chose tombe à côté de toi et t’éclabousse. Tu sursautes assez pour perdre l’équilibre, pour tomber à la renverse, t’enfonçant dans l’eau. Ton regard cherche le fautif, tombe sur le jeune homme t’accompagnant et, finalement, tu laisses juste entendre un rire. Un rire cristallin, qui se répercute dans la coque du bateau. Tu te relèves, constates l’étendu des dégâts, tes vêtements désormais trempés devenus inconfortables en te collant à la peau.

- Avoir su je m’aventurerais par ici, j’aurais amené des vêtements de rechanges.

Ça semble pas plus t’embêter que ça. Un détail parmi tant d’autres. Parce que tu souris, gardes ta bonne humeur évidente, te rapproches même de lui pour observer l’eau.

- Mais tu penses avoir vu quelque chose t’as dit ? Dans les environs ? Peut-être que je l’ai fait bougé en tombant dans l’eau ?

C’est un regard un peu plus triste, presque désolé, que tu lèves vers lui. Parce que t’essaies de faire du sens des événements et que tu sembles déçue qu’il ait pas pu trouver ce qu’il croyait avoir aperçu. Tu t’empresses donc de chercher un peu, aux alentours, ce truc super intéressant qu’il dit avoir vu. Avec un peu de chance, tu pourrais le retrouver.

Ou pas.
Mais t’es juste trop naïve pour y lire quelque chose, dans ce rictus amusé qu’il t’a adressé.

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T’hoches la tête même si, pour le moment, ça va. Tu penses. Vous êtes à l’abri du vent, dans cette carcasse de bois, tu verrais donc une fois que vous seriez ressortis. De toute façon, tu pourrais pas le mettre ici, de quoi risquer qu’il soit trempé à son tour faute d’un faux pas de ta part. Puis, t’as plus urgent, pour le moment, que de te soucier de si tu as froid ou pas, comme tenter de retrouver ce que lui a vu, par exemple. Tu le crois, dans ce qu’il dit, qu’il a cru voir quelque chose et donc, tu te dis que s’il ne le voit plus, ce truc vers lequel il s’est précipité, c’est que l’eau a dû l’emporter un peu plus loin lorsque toi t’es tombée. C’est une main qui te tire de tes recherches, force ton visage à se relever et tu te redresses pour l’observer, légèrement rougissante, n’ayant pas habitude des contacts physiques, sauf peut-être des rares contacts initiés par Mephisto, de cette main se glissant sur ta joue de façon presque affectueuse. Tu l’observes donc de tes grandes prunelles vertes, fronçant doucement les sourcils alors que tu l’écoutes attentivement.

Il n’avait donc rien vu. D’un côté, t’es déçue qu’il ait pas pu trouver ce qu’il cherchait. Après tout, ce serait dommage de rentrer les mains vides, surtout après tout ce chemin parcouru dans ces bateaux menaçant de s’écrouler d’un instant à l’autre. Est-ce que tu lui en veux ? Non, pas du tout. Tu te sens peut-être juste un peu idiote d’être tombée aussi facilement dans le panneau, mais après, n’est-ce pas quotidien, chez toi ? Un peu, oui. Alors tu souris, rigoles même un peu en secouant doucement la tête de droite à gauche. C’est bien digne de toi, ça, Ingrid. Trop gentille pour ton propre bien. Combien de fois te l’a-t-on reproché, bien souvent après avoir abusé de cette gentillesse, lorsque tu voyais les autres s’éloigner après avoir obtenu ce qu’ils voulaient de toi, te laissant seule et triste à verser des larmes que personne ne semblait vouloir essuyer ? Beaucoup trop souvent. Et le pire, dans tout ça, était que tu recommençais à chaque fois.

Parce que t’avais peur de déplaire.
Peur de décevoir.

Heureusement, cette fois-ci, c’était une blague sans réelle conséquence, que quelques vêtements imbibés d’eau qui sécheraient rapidement. Alors tu lui fais un vague signe de main, l’air de lui dire de ne pas s’en faire avec ça. C’était même marrant, en fait. Ta réaction ou ce qu’il a fait ? Un peu des deux, sans doute. Parce que tu peux pas nier être un brin ridicule, quand même.

- J’imagine que c’est une façon ou une autre de te venger pour plus tôt.

Tu dis ça sur un ton léger en haussant les épaules. Après tout, tu l’as quand même salué en lui jetant un seau d’eau à la figure, ce n’est sûrement que partie remise. Puis, t’es pas tout à fait sérieuse car l’instant d’après, t’es pas très loin de lui et d’un coup dans l’eau, tu te charges de l’éclabousser à son tour. Au moins, il n’allait sûrement pas tombé dans l’eau alors ce n’était pas très grave, qu’une façon de te venger gentiment en laissant de nouveau ton rire éclairé l’endroit dans lequel vous vous trouviez. Tu t’empresses toutefois de reculer, pour mettre un peu de distance, juste pour éviter qu’il ait l’envie de te rendre la monnaie de ta pièce encore une fois. T’as pas peur de lui, ça t’amuse surtout plus qu’autre chose.

- C’est comme tu veux. On peut tenter un autre bateau ou alors rentrer.

Doux sourire, regard pétillant, tu regardes autour de toi, sembles réfléchir à quelque chose avant que ton sourire ne s’étire davantage.

- Puis tu sais…

Tu laisses traîner, cherchant surtout à te remémorer la citation exacte, celle que tu cherches dans ton esprit.

- Maybe the real treasure was the friends we made along the way.

Tu dis ça avec une touche d’innocence et un sourire sincère. C’est un peu (très) cliché mais ça t’empêche pas de le dire avec une certaine conviction. Tu le connaissais peut-être pas beaucoup mais ça t’empêchait pas d’apprécier sa compagnie et de le voir, oui, comme un ami. Tu fais confiance trop vite, tu le sais et pourtant, tu recommences à chaque fois. Après tout, pourquoi pas ? Tu te sens pas menacée par lui ni particulièrement mal à l’aise en sa présence. Puis t’as déjà oublié après avoir relégué loin dans ton esprit le fait qu’il était potentiellement recherché, que sa tête était peut-être mise à prix. Tu te soucis pas vraiment des réputations, autrement, tu serais pas aussi à l’aise à l’idée d’avoir Mephisto dans ta vie. Non. Tu préfères te baser sur tes propres expériences et, de toute évidence, le jeune homme dont tu ne connais pas le nom te semble sympathique. Pas la peine donc de penser autre chose de lui ou de t’attarder sur des détails sans importances (de ton point de vue du moins).

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Est-ce que t'as peur ? Non, pas vraiment. Tu te sens pas menacée par lui. Il ne te semble pas méchant malgré tous les indices qu'il a pu laisser qui semblait le laisser sous-entendre. T'es trop gentille, trop naïve, mais c'est facile pour toi de vivre comme ça. C'est plus agréable. Moins dérangeant. T'as juste mis une certaine distance entre vous deux pour rire, souriant doucement, amusée par la situation. T'aurais peut-être pu taire la façon dont tu l'avais réveillé, lui semblait l'avoir oublié mais ça t'avait semblé amusant de rebondir là-dessus. Puis au final, il ne t'en tenait pas rigueur, tu pouvais bien donc faire preuve d'un peu d'autodérision en rebondissant sur les quelques événements qui vous avaient amené jusqu'ici. Parce que difficile de nier que ta réaction avait été somme toute assez ridicule. T’avais juste voulu t’assurer qu’il soit toujours en vie, tout ça en évitant de t’approcher de lui, un brin nerveuse lorsqu’il est question d’inconnus, surtout dans un endroit aussi reculé que celui-ci.

C’est simplement un moment léger. Un moment agréable. De ces moments qu’on te refusait, à la surface, parce que tu n’avais pas de temps à perdre avec quelque chose d’aussi futile.

Lui donnant le dernier mot quant à ce que vous alliez faire par la suite, il semble préférer rentrer. T’es pas contre, surtout qu’il a pas tort. Le soleil allait sûrement commencer bientôt à se coucher et si t’es bien, dans l’obscurité, tu te dis que tu devrais sûrement rentrer avant, à cette petite chambre que tu as loué dans les environs pour le temps que tu y étais. Tu te contentes donc d’hocher de la tête, préférant pas t’attarder sur le fait que vous êtes loin d’être sortis d’ici, que la route vous menant sur la terre ferme serait sûrement longue. Parce que ça t’inquiète un peu, la possibilité que vous pourriez ne pas réussir à rentrer. Et t’aimes pas être inquiète. Alors si tu peux l’oublier, temporairement, c’est bien. C’est mieux comme ça, surtout.

C’est pour ça que tu changes de sujet, presque subtilement, comme pour le réconforter alors que vous n’aviez rien trouvé. Presque poétique, tu lui adresses une citation que t’as déjà entendu par le passé, le sourire sur les lèvres, l’air presque innocente. D’une douceur qu’on te connaît bien, avec ton regard pétillant d’une sincérité qui en est sûrement touchante.

- J’ai toujours raison.

C’est pas le cas mais, pour le coup, t’as envie d’insister un peu. Des amis, t’en as pas beaucoup. On t’a jamais laissé en avoir. C’était inutile, une perte de temps. Une distraction dont tu n’avais pas besoin. Ta vie s’était résumée à ton art, à ces mouvements gracieux, ces traits étirés sur la glace. Les entraînements. La danse aussi. Le ballet. Ton corps s’était plié à la merci de celle qui souhaitait rêver au travers de toi. Enfant brisée, tu avais été reconstruite comme elle, elle le désirait. Tu n’étais qu’une poupée désarticulée dont elle tirait les ficelles. Alors des amis, maintenant, t’as envie d’en avoir. Parce que c’est différent, ici.

Parce qu’ici, tu peux être toi, et ce, même si t’ignores qui est-ce que cette personne est supposée être.

- D’accord. Je t’aiderai à montrer après.

Tu te rapproches donc de lui, tout ça pour monter à l’étage supérieur. Prenant appuie de sorte à ne pas tomber, tu lui tends la main, espère qu’il puisse l’atteindre, pour l’aider à se hisser au même niveau que toi. Ta fine silhouette cache tout de même une certaine musculature. Pas que t’es très forte, t’es surtout entraînée. Parce que tu ne pouvais pas te permettre de prendre du poids pas plus que tu te devais de perturber ton centre de gravité. Tu manques toutefois de basculer lorsque tu le tires vers toi, forcée de te rattraper à lui pour ne pas tomber, défonçant presque une planche sous tes pieds du même coup. Tu l’entends craquer, c’est pas bon signe, alors tu recules, l’entraînant avec toi, comme pour qu’il presse le pas, pour que vous ne retourniez pas au point de départ.

- Désolée. C’est un peu compliqué par ici. Faudrait peut-être se dépêcher, si on veut pas se retrouver coincés.

Ce serait dommage, t’as pas envie de finir tes jours ici, perdue et prisonnière d’une carcasse de bois. Tu t’approches donc de l’eau, là où vous étiez passés un peu plus tôt, les vagues frappant toujours les mêmes rochers.

- Tu as beaucoup de route à faire, en partant d’ici, pour rentrer ?

Tu sais pas où il va aller, alors tu lui demandes, si c’est bien loin. Si tel est le cas, il allait sûrement falloir accélérer un peu le pas, pour qu’il ne rentre pas trop tard. Cette fois-ci, tu prends l’initiative de passer la première, posant les pieds sur le premier rocher avant de poursuivre ta route. Et ce, toujours avec la main près du noeud noué autour de ta taille, prête à te détacher si jamais tu devais glisser. Tout ça pour ne pas lui causer du tort. T’aimerais pas que quelqu’un ait à souffrir, par ta faute.

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Peu rassurée par les vagues, tu tentes tout de même de ne pas perdre pied, de ne pas glisser, parce que tu n’as pas envie de te retrouver emportée par le courant. Ce serait une façon assez triste de finir ta vie et même si tu ne penses pas réaliser de grandes choses, t’as pas assez d’estime en toi-même pour prétendre pouvoir faire quoi que ce soit de ta vie, tu préfères quand même éviter de mourir. Tu te dis que ce serait dommage d’avoir survécu jusqu’ici pour au final que tout s’arrête d’une vague ayant balayé tes jambes. T’es donc rassurée lorsque tu rejoins l’épave, montant sur cette dernière en poussant un soupir soulagé. Au moins, le plus dangereux est derrière vous. C’est du moins ce que tu dis, c’est plus agréable de penser comme ça. Ne manquait que deux carcasses à traverser et vous seriez de retour sur la plage. C’est assez pour te motiver à poursuivre, t’intéressant aussi à sa réponse, constatant ainsi qu’il ne compte pas rentrer nul part une fois votre escapade terminée. Tu commentes pas pour le moment, surtout parce que t’es concentrée à ne pas poser tes pieds là où tout pourrait s’effondrer.

- Non, non, ça va. J’ai pris une chambre dans un petit hôtel, pas très loin d’ici.

Bon, l’hôtel le plus près demandait quand même de parcourir une certaine distance mais ça devrait aller. Tu penses. Tu peux pas vraiment faire autrement, de toute façon. Puis c’est pas comme si vous aviez le temps de vous attarder sur la question, à croire qu’il n’est pas le seul à poser des questions au mauvais moment. Car une vague frappe, fait tout craquer et tu te retrouves à devoir presque courir, surveillant encore où tu mettais les pieds, tirée vers l’avant alors qu’il venait tout juste d’attraper ton bras. Près de la rambarde, il exige de toi que tu ne réfléchisses pas, n’ayant malheureusement pas vraiment de temps à perdre pour ça. Pas le choix, tu montes, n’hésites pas et sautes, te rattrapant de justesse, t’installant de sorte à pouvoir l’aider à ton tour.

Quelques instants plus tard et voilà que tu te laisses tomber sur le sable, t’allongeant dans ce dernier. T’aurais tout le temps, après, de pester contre le sable qui allait se retrouver dans ta blonde chevelure, pour le moment, t’essaies surtout de récupérer ton souffle. Tu peux voir la carcasse de bois tanguer, s’enfoncer un peu plus dans l’eau et tu te dis que ça aurait pu être dangereux si vous n’aviez pas pu y échapper. Comme quoi c’était sûrement pas une bonne idée que de partir à l’aventure, encore moins s’il s’agissait de trouver des trésors dans des épaves de bateaux.

- On est encore vivant, c’est une bonne chose.

Tu dis ça en riant, toujours allongée sur le dos, levant une main pour lever ton pouce en l’air, comme pour supporter tes propos. Tu te redresses un peu une fois ta respiration plus calme, une fois que ton coeur a cessé de débattre dans ta poitrine. Sûrement que t’as eu un peu plus peur que tu ne l’aurais cru, sur la fin, lorsqu’il t’a entraîné à sa suite après ces craquements sinistres qui ne te disaient rien qui vaille.

- Mais t’es sûr, toi, quant à dormir sur la plage ?

Tu tournes la tête vers lui, semblant inquiète. Pas que tu ne te sens pas en sécurité, dans le royaume de Caer Hrid, mais t’es pas non plus rassurée vis-à-vis de ça. Après tout, si toi tu ne représentais pas une menace, peut-être que la prochaine fois ce serait quelqu’un de plus dangereux que toi qui pourrais tomber sur lui.

- T’habites loin d’ici ? Moi aussi, en fait, je suis plus près de la capitale, mais…

Toi, t’as surtout pris la peine de te louer une chambre, pour, justement, éviter ce genre de situation. Ce n’est pas son cas à lui ? Tu sembles y réfléchir, quelques instants, alors que tu reviens sur ce qu’il t’a dit, la possibilité que sa tête soit mise à prix, le fait qu’il cherche tant à fuir les autorités.

- T’es pas du coin, non ?

Question assez vague qui veut toutefois dire qu’une seule chose : il est du désert. L’un des oubliés. Est-ce que toi, ça te dérange ? Non, pas spécialement. T’as eu vent de la réputation de ces derniers mais tu as appris à ne pas te fier qu’aux réputations. Parce que les gens peuvent être différents, parce que ces choses racontées dépendent toujours que du point de vue de celui partageant l’histoire. Tu demandes juste ça comme ça, parce que tu penses avoir compris ce qu’il a sous-entendu à quelques reprises. Tu comptais pas faire grand chose de cette information, n’ayant pas dans l’idée de prendre la fuite ni même de le dénoncer aux autorités, disons juste que ça expliquerait sa situation. Tu penses. Comme le fait qu’il n’aurait effectivement pas pu se louer une chambre dans un hôtel des environs, n’ayant normalement pas le droit de se trouver dans les environs.