Il avait l'art et la manière de manier les mots. De jouer avec eux, de se jouer d'eux comme il se jouait de toi. Si tu avais passé ta vie à obéir sagement, tu oubliais trop souvent qu'ici c'était toi qui donnait les ordres. Hommes et aux femmes dans l'armée, tu avais le pouvoir de les écraser un à un d'un simple haussement de la voix, là où au commencement tu peinais à soulever le manche de ton épée.

Sortie de l'enfance trop tôt, devenue femme par la force d'une nature imposante, tu avais dû apprendre les règles bien plus vite qu'il ne l'aurait fallu. De représentante, tu pouvais rapidement virer vers la conquérante. On t'avait tout pris et tu n'avais plus le temps d'attendre, tu devais tout reprendre.

Ses lèvres frôlent les siennes et tu souffles du nez, avide d'en avoir plus. S'il croyait se soumettre, c'était toi qu'il faisait esclave de tes pulsions.

— « Je ne te fais pas confiance, Mephisto. Mais prendre ce risque, c'est ce qui fait que ta présence est devenue palpitante dans mon existence. »

Tu lui avais accordé ta confiance, partielle et doucereuse, quand tu avais partagé ses bras et ses draps à Celestia. Mais il était parti comme un jouet qu'on t'avait confisqué et la solitude recouvrée et d'armure recouverte, tu t'étais vêtu d'une humeur vengeresse. La rancoeur avait étiolée ta raison et finalement la passion revenue au galop, comme ces jeux de domination qui définissaient si bien votre relation. Dans sa finalité.

— « J'en aurais presque oublié le pacte qui nous a lié au commencement. »

Mensonge honteux, car il n'était jamais sorti de ta mémoire. Ton premier ordre aurait bien pu être l'exigence immédiate qu'il puisse te réclamer ce qu'il désire, si bien ne l'avait-il pas déjà fait lors du spectacle d'opéra que vous aviez partagé.

Ses doigts reviennent épouser les courbures indélicates de tes genoux, et tu lis sur sa bouche ses voeux d'allégeances. La victoire ne pouvait être si facile, il fallait que tu t'en saisisses, que tu la voles brutalement. Ta main vient saisir son menton et tes lèvres se plaquent violemment aux siennes, éprise d'un spasme fiévreux tu manques de vaciller.

A sa prière, tu t'ériges comme une statue pour le toiser de toute ta hauteur. Il n'y avait qu'au sol qu'il s'abaissait réellement. Car si de taille vous étiez presque égaux, ses ombres t'oppressaient de leur immensité. Tu lèves le pied pour venir l'écraser sur son épaule, et ainsi lui faire perdre équilibre. Ta chambre, tes règles. L'intimité de ta demeure te conférait une confiance exquise dont seul Mephisto pouvait bien se vanter d'en avoir été témoin.

Le sourire vainqueur et le regard pourtant si dur, ton coeur battait fort dans ta poitrine.
L'écraser encore et toujours plus sur la pierre usée du château qu'il avait osé foulé. Tu le redresses finalement par le pan de son col, et le force à appuyer sur ses pieds pour tenir debout. Déséquilibré, car tu le tenais de manière à ce sa tête reste en dessous de la tienne.

— « Mon premier ordre, c'est que tu as interdiction de fuir, cette fois-ci. Et je prendrai plaisir à annuler chacun de tes dons si tu tentes de partir d'ici. Je souhaite, que tu restes avec moi. Jusqu'à ce que je me lasse de ta présence pour ce soir. »

Et te laissant tomber sur le lit, lui avec, tu reviens voler ses lèvres avec ardeur.

Même les souffles effrénés sont contrôlés. Est-ce que cela allait devenir ton destin ? Vivre dans l'insécurité constante de te faire berner, de croire une seule seconde avoir l'emprise sur lui depuis le début sans te rendre compte de la supercherie ?
Mephisto parlait peu pour parler bien, et pour un être que tu avais plusieurs fois imaginé comme dénué de sexualité (comme toi) il embrassait divinement. Les lèvres brûlantes viennent enflammer l'écorce glacée.

Il ne résiste pas, à une seconde, et pourtant tu sens au fond de tes entrailles que l'homme que tu pourrais écraser d'un talon dans le crâne, se laisse marcher dessus parce qu'il le désire. Il n'y avait rien de totalement soumis dans ses actions, juste l'illusion qu'il t'offrait en cadeau pour que tu le divertisses. Si seulement tu n'étais pas aveuglée par l'angélisme de son visage, tu ne te ferais pas a-voir par le démon qui se dissimule derrière le masque.

— « Tu es excellent à ce petit jeu. »

Un compliment déguisé, une invitation à poursuivre. Car s'il cherchait distraction, tu réclamais débauche et satisfaction. Personne avant lui n'avait réussi à faire s'échauffer ta peau, car ils te craignaient tous pour ce que tu étais vraiment... Mephisto venait en cueillir l'essence au bout de ses doigts.

Tu le laisses mordre ta peau à mesure que tes ongles s'enfoncent et viennent déchirer la sienne. Tu défais le lacet et lui ôtes son veston qui s'échoue sur le sol. Mains plaquées sur son torse et les doigts frottent le tissu de sa chemise tout en imposant une certaine distance en réaction à ce qu'il venait d'affirmer. À toi, l'affamée.

— « Moi ? Me montrer à la hauteur ? Sais-tu seulement à qui tu parles ? »

Il était là, le piège parfait. Son génie n'était plus à prouver. Ta propre cage, ce serait toi même, car il insinuait toujours plus, usant de la provocation comme déclencheur.
S'il voulait une guerre douce, il l'aurait.
Même si en t'engageant sur le champ de bataille, tu signerais ta défaite.
Il n'y avait que les grandes victoires pour compenser les échecs.

Tu attrapes ses épaules et bascules non sans mal pour le plaquer sur le matelas, grimpant au dessus de lui. Ton lit, tes règles.
Plus tu te grandissais, plus tu prenais le risque de tomber. Ce jeu d'équilibriste en valait le coup pour déjouer les plans du démon.

Poignets maitrisés entre tes doigts filiformes, et bloqués contre les draps froissés, ton bassin ondule doucement à mesure que tu le toises, d'une certaine féminité. C'était différent de la dernière fois, car vos différents ego étaient en jeu, mais pas égaux. Tu ne danseras pas dans le creux de sa main mais au creux de ses reins. Tes lèvres viennent s'échouer à la naissance de son cou, tu voulais qu'il ressente l'effet de s'abandonner complètement. Sans artifices et sans attentes.

— « Je n'ai pas besoin d'être ta prison, Mephisto. » Tu susurres à mesure que ta bouche descend de plus en plus. « Au premier pied que tu as posé dans cette pièce, tu ne voulais déjà plus repartir. »

Ta main lâche un de ses poignets pour venir mimer le geste d'une gifle, mais les doigts s'arrêtent finalement à quelques centimètres de sa joue. Délicatement, l'électricité statique provoquée par l'échauffement des tissus vient lui asséner une petite décharge.

— « N'aies crainte, je ne veux pas t'abimer. Sauf si tu me supplies de te faire du mal. »

Et tu déposes un baiser sur son front, faisant sauter la boucle de sa ceinture. Il offre, tu prends. Il prendra tout ce que tu t'es déjà offert.

Le voir répondre à chacun de tes mouvements, le sentir réagir aussi, ça n'avait pas de prix. C'était incomparable à ces relations passées, ou les hommes avaient tenté par tous les moyens de te faire chuter du piédestal sur lequel ils pensaient amèrement que tu trônais. Ils te cassaient ou te craignais, injustement. Dans leurs yeux tu te voyais le monstre sans coeur aux belles formes qu'ils convoitaient comme un objet. Mais Mephisto se complaisait dans un mélange de soumission et d'une tendresse rare, qui alimentaient tes désirs enfouis.

***

Malgré la chaleur des ébats, tu avais froid Isadora. Ses baisers ne suffisaient plus et silencieusement tu suffoquais. Tu te laisses retomber sur les draps, les cheveux blonds étalés en cascade d'or sur l'oreiller immaculé. Tu avais passé un bon moment, et peut-être parce que tu l'avais exigé et qu'il te l'avait offert de la manière la plus parfaite, en accord avec tout ce que tu avais désiré. Mais la lassitude à l'idée d'une solitude anticipée par son départ te rendait morose.

C'est alors que ses lèvres revinrent s'échouer sur ta peau encore fébrile, sur tes membres encore tremblants par la jouissance pas encore passée. Le souffle court, tu ne résistes pas pour autant, t'abandonnant à ses initiatives plus que surprenantes, si ce n'est délicieuses.

— « Tu n'es jamais fatigué... »

D'un rictus tendre, tu le regardes faire, la tête accoudée sur le matelas, et les yeux pétillants encore de concupiscence. Il était l'essence même de ton existence.
Ta main libre vient se tirer en avant et ainsi se confondre dans ses boucles blondes, caressant sa tête avec passion et cajolerie. Tu le voulais pour toi entière, et ne le partager avec aucun autre être humain présent sur ce continent. Tu en avais fait ta propriété autant que tu acceptais d'être peut-être la sienne. Il avait eu le culot de réussir à prendre, il méritait de garder.

— « Non. Continue. Je veux que tu dormes avec moi cette nuit. »

Ce n'était pas un aveu de faiblesse, ou du moins vu le regard impitoyable que tu lui avais lancé, tu espérais taire rapidement cette idée s'il se la faisait.
Tu ne te cachais pas derrière des artifices, et tu assumais ta nudité sans aucun complexe.
Mephisto pouvait bien dévorer chaque parcelle de ta peau, il ne t'empêchera pas de te consumer à mesure qu'il te consomme. C'était ancré en toi, et maintenant en vous.

— « Tu baiseras mes pieds un autre soir. Reviens vers moi. »

Tu te redresses pour attraper ses cheveux entre tes doigts et le tirer vers toi. Tu l'enlaces de tes bras un instant et enfouis ton visage dans le creux de sa nuque. La poitrine contre son torse et ta plastique à nue te donne l'impression d'être frêle.
Cette fois, ton corps part en arrière et lui avec. Blottit dans ses bras tu tenais ses poignets pour ne pas qu'il s'échappe. Pour qu'enfin, vous ne fassiez qu'un.

— « Tu pourras partir au petit matin. Quand je me réveillerai, il n'y aura aucun signe de ton passage. Mais j'ai besoin de toi pour m'endormir et ne pas mettre le feu à ce château de malheur. »