Dans l'embrasure de l'entrée, son ombre se découpe en tranchée, les rayons du soleil danse contre son dos. L'intérieur est chaudement sombre. Il regarde, sans rien dire, les mains pleines de sac rempli de denrées. Il pousse un soupir amusé, il n'est pas du tout ennuyé non.

Il y a une blanche neige dans ses coussins carmin, elle a la même pâle peau que la belle, teint d'un clair de lune enneigé. Elle a du faire une longue course, elle aussi, à sa manière. C'est qu'entre Celestia et le Désert ce n'est pas la porte à côté. Avec une douceur infinie il appose contre le sol ses sacs, il n'y a pas grand chose dans sa tente, Moebius est de ceux avec le cœur léger, il ne s'entiche que rarement d'objets. Il préfère s'amourer de personnes, de caractères. Ainsi il n'y a rien de valeur à voler chez lui, ni matérielle, ni sentimentale. Et c'est bien mieux ainsi, avec tous les voyages qu'il fait, il n'est pas souvent chez lui.

Ainsi l'endormie est doublement chanceuse, elle aurait pu le louper de plusieurs journées. Bien que ça ne l'aurait pas déranger qu'elle reste dans le coin pour dormir entre ses coussins et se servir dans ses maigres réserves. Ici, on a plus l'habitude de vivre au jour le jour. Elle en aurait ainsi fait de même. Mais, comme dit plus haut, aujourd'hui est un jour plein de chance.
Pour elle tout du moins.

Car cette cigogne ci ne vient pas se poser par là pour déposer des bébés, mais bien plutôt des bombes enclenchés, encerclé par des mots venimeux et pleins de verves. Elle est ici pour accompagner la mort, et non pas livrer la vie.
Il s'accroupit en face, un grand sourire derrière son masque, qu'il retire d'une main pour le poser sur le côté.

Poppy...?

et il claque des doigts, vient tapoter ses joues, jouer avec sa frange, il a un rire amusé, il essaie de la réveiller en douceur en prenant son temps. C'est qu'il faut faire attention, Moebius est bien de ceux qui prenne les rêves des gens au sérieux, il ne voudrait pas être trop brutal en l'extirpant de ses mystérieux songes.

....allons il ne faut pas vous endormir ici, vous avez de la chance que je n'ai pas beaucoup d'ennemi, vous ne risquez pas grand chose, si ce n'est d'attraper froid.

Et il a un rire qui sonne clair comme ses yeux posés sur elle, plein de bonté. Malgré qu'il sache les nouvelles qu'elle apporte Moebius ne peut se départir de lui-même : un homme qui ne sait pas pleurer lorsqu'il le faut. Il blague évidemment, il fait une chaleur insoutenable pour toustes celleux qui n'ont pas l'habitude du désert. C'est qu'iels n'ont pas la clim ici. Moebius reprend ses affaires et commence à les déballer tout en parlant, beaucoup de fruits se retrouve dans le lot, après tout il a un péché pour le sucré.

...est-ce que l'on fait comme d'habitude ? Ah ! peut-être que tu veux un jus d'orange ? Elles sont bien fraiches et juteuses.

Et sans attendre de réponse, il s'empare d'un couteau et commence à en couper une en deux.

Comme d'habitude hein.
Il a un petit sourire, il plane au dessus de la gravité de la situation.
Le voilà qui sort son presseur et commence avec à évider une moitié d'orange, puis une autre, dans un verre qu'il va chercher dans l'un de ces caissons. Il ne regarde pas Poppy tout du moins, pas jusqu'à ce qu'elle parle de mauvais sort. Ainsi ça la tracassait, Moebius n'y avait jamais pensé avant, c'est dire que Poppy a toujours été d'une gentillesse inoffensive, il n'aurait jamais pu avoir ce point de vue, ce n'était pas dans ses habitudes justement.

Lorsqu'elle demande, le voilà qui se retourne, verre plein en main, il s'accroupit à sa hauteur et lui tend, une fois qu'elle l'a pris, il s'installe en tailleur et prend une grande inspiration, toujours avec ce fichu sourire fiché sur ses lèvres, décidément, rien ne peux le mettre de mauvaise humeur, ni cette chaleur écrasante dont il avait l'habitude, ni les questions existentielles de la jeune femme.

Bonne question,
c'est sûr que personne ne souhaite être un oiseau porteur de malheur, mais si ce n'était pas toi, ça serait un autre, au final, ça n'a pas d'importance, les lettres seraient arrivé d'une façon ou d'une autre. Puis qui sait, si ça se trouve les cibles sont des personnes infâmes, ne serait-ce pas dans ce cas là, un juste retour des choses ? Au final, c'est impossible à savoir alors tu sais...

et il pose une main contre son cœur, écoute le, tes doutes seront lavé par ta bonté,

tu n'es qu'une messagère, perdue dans les méandre de tes lettres,

il se croit en construction de rêve, il continue de tenir le crachoir,

hermès, tu ne fais que délivrer, que ça soit avant ou après, tes mains ne touchent que les enveloppes blanches, jamais leur écriture rougit par le mauvais temps. Reste bercer dans les illusions de ton métier papillon, tant que tu n'ouvres jamais ce que tes missives contient, techniquement, tu ne sais pas ce qu'il advient. Et puis, je ne suis pas aussi dangereux que ça, toutes lettres enragés ne se veulent pas forcément assassines, si c'est ce à quoi tu penses...

il retire la main de son cœur et vient lui ébouriffer les cheveux.

Je suis avant tout, un maitre des rêves, et des cauchemars. Tu veux manger quelque chose ? Il me reste des gâteaux aux amandes et à l'anis.

Et ceci dit, il se redresse pour aller sortir de son sac à dos les promit. Il déballe du tissu et des petites sucreries en forme étoilés qu'il avait acheté au marché un autre jour pointe leur nez, ça se conservait bien, il en avait toujours sur lui.  
Au final avait-il seulement répondu à sa question ? Il n'avait fait que tourner autour du pot sans donner de réponses précises, c'est que de réponses il n'en avait pas, c'était à elle de décider si le sang des mains de Moebius l'entachait.

Elle pioche, pas une mais deux fois, Moebius a le sourire de ceux qui aime partager, il ne lui dit pas non. Lui mieux que personne connait les délices de la gourmandise et ça lui fait plaisir de voir ses goûts partagés, l'anis, ça ne plait pas forcément à tout le monde, c'est un goût fort en bouche. Il se réinstalle en face d'elle et soupir, d'un soupir amusé, elle a beaucoup de question aujourd'hui dit donc ! ça ne le fatigue pas, c'est des questions qu'on lui pose après tout, rarement. Il n'y a pas grand monde qui connait sa double casquette.

C'était un peu
dommage serait-ce le mot ?
plutôt navrant,
qu'une personne comme Poppy se retrouve messagère de toutes ses inepties, elle si colombe dans un monde de
rapaces.

Moebius n'est pas très bon en mythologie, ainsi il apprécie la précision sur Arès, il avait juste sorti Hermès comme ça, parce que ça lui était venu à l'esprit mais à choisir il serait plutôt Charon oui, mais ce n'est pas tout à fait cela non plus pas tout à fait...mais est-ce que c'était important ? rien ne nous va jamais comme un gant. Ainsi vaut-il mieux accepter la comparaison.

Ce qu'il n'a clairement pas le temps de faire car voilà qu'elle enchaine, cherche toujours plus loin, cherche-t-elle à le retrancher dans ses réponses ? Il n'a pas ce genre de limite avec elle, puisqu'elle sait, Moebius n'est pas du genre menteur s'il peut l'éviter, c'est même plutôt un franc tireur.
Il ne changera pas son fusil d'épaule.
Lorsqu'elle fini enfin son questionnement c'est à nouveau un double soupir que Moebius pousse, il regarde son masque avec amour.

Disons Charon, pour la forme, je ne suis pas quelqu'un de colérique, contrairement à Arès, j'ai la tête sur les épaules même si j'en donne pas l'air hehe...et il se tapote d'un doigt, le côté de la tête, un rictus en coin. Qu'est-ce que ça représente hein ? bizarrement, rien de particulier, quand bien même je m'en suis amouraché. C'est un masque comme un autre, doré comme le soleil de cette contrée, à tête de mort pour le côté intimidant. Je suis loin d'être un poids plume, mais loin d'être un mastodonte, un masque comme celui-ci ça donne un peu de saveur à ma stature c'est...utile dans le désert, de savoir dissuader.

Et il se penche pour attraper le masque, il le tourne et l'enfile à Poppy, comme on le ferait d'un masque de superhéros sur le visage d'un enfant, pour lui faire plaisir, il s'imagine, aussi pour qu'elle se rende mieux compte que ce n'était au final, qu'un masque de parade, rien d'autre.

Mais tu le sais déjà mon métier, oui je suis marchand de sable, j'endors dans de doux rêves, j’étreins dans d'étroits cauchemars, je permet d'atteindre un saint repos, ou un malheureux destin, avec moi l'on rêve, que ça soit du début ou de la fin. C'est un monde à part, celui de la nuit, ce n'est pas grave si tu ne le comprend pas, il vaut mieux que ça ne soit pas le cas...

Et son soupir cette fois ci est lasse, pas de cette conversation non, mais lasse de ce qu'il sous-entend.
Il n'a jamais tué par plaisir
Il n'a jamais fait cauchemarder par sadisme
Il utilise toujours les gros cachet que ce genre de missives lui rapporte pour le bien du désert, notamment des enfants, de celleux qu'il considère comme ses proches, comme le doc et les hospitalisés qu'il connait maintenant bien.
Non, la fierté de sa profession résidait dans l'art en lui-même, pas en la finalité de son utilisation.

Il attrape le verre et se lève, va chercher une gourde d'eau et une bassine avec son savon tandis qu'elle pose une énième question, lorsqu'il revient (enfin il n'est pas loin tout au plus quelques pas, la tente est ronde et petite, juste assez pour toi) Poppy lui redonne son masque. Il pose ses affaire sur le côté, et le reprend pour le déposer lui aussi, sur le côté. Il ne l'enfilera pas, à quoi bon, iels se connaissent bien maintenant. Il n'a plus besoin d'user de mirage, devant une poppy ingénue, il est à nue.
il ne remarque pas ses yeux rougis,
ni sa petite mine contrit
il ne comprendrai pas, lui, fils d'un soleil brûlant, la douce neige en émois.

Quand je fais rêver ?

Et c'est à son tour, à la jeune, de sortir de quoi grailler, pour la peine il se relève pour aller chercher son couteau, qu'il te tend, il n'est pas à bout rond. Lui, reprend là où il en était, c'est à dire laver le verre dans la bassine, l'instant de quelques secondes, l'instant de quelques mots :

Non, j'imagine le rêve avant, tout va très vite, les plans, le décors, je n'ai pas besoin de longtemps, je fais les préparation en avance, j'en parle avec le client comme je l'ai fais avec toi la première fois, ensuite je planifie dans ma tête, pas besoin de papier, et il se tapote à nouveau d'un doigt mouillé sa tempe. Mais il m'arrive comme un architecte de dessiner des plans, surtout pour les rêveureuses récurrent.e.s, histoire d'ajouter de ci de là un peu de saveur. Même si je t'avoue, et il pose le verre lavé sur le côté, que la plus part du temps j'improvise beaucoup.

Décidément, le voilà une main sur son genou, qu'il se redresse à nouveau, cette fois-ci pour aller chercher un torchon, puis revenir essuyer le verre à présent propre, il n'oublie pas de le ranger avant de retourner s'installer devant Poppy.
Il lui tend la main, paume au ciel.

Est-ce que je peux avoir un petit bout de ton pain ? Pour goûter, je n'en ai jamais mangé un comme ça avant. C'est toi qui l'a fait où tu l'a acheté ?

Même si étant français, il se doutait que dans sa vie d'avant, il avait du en manger beaucoup, des pains différents, à quel point, ça il ne le saura jamais. Peut-être devrait-il demander à Pandore lorsqu'il la reverra, à quel point il était fana de pain, et si il se faisait testeurs de toutes les différentes saveurs. L'image qu'il a en tête d'une telle discussion le fait pouffer quelques peu, il se reprend bien vite néanmoins car ça n'a rien à voir avec leur présente situation.

Reçoit cette offrande, elle vient du cœur. D'un cœur lui aussi venu d'ailleurs. Ainsi iels étaient deux. Moebius n'a jamais su avant les motivations de Poppy, les apprendre ainsi lui fait un pincement auquel il ne s'attend pas. Il est tout chamboulé d'apprendre cela. Il croque dans sa pitance, ça à le bon goût du pain, il n'y a rien à dire d'autre, il le mange avec parcimonie, prend bien garde de le savourer, acquiesçant silencieusement du plaisir qu'il en retire.

Dans de la cendre hein...comme leur mémoires à touste deux. Il se sent désolé que Poppy pensait pouvoir revoir ses parents grâce à lui, il n'a jamais promis ce genre de service en effet, c'est une regrettable erreur de communication. Elle est là allongée, elle ne se rend sûrement pas compte d'à quel point elle le touche, d'autant plus lorsqu'elle lui demande de lui montrer. Lui montrer quoi ? Paris ? Mais il n'y a rien à voir, tout juste un écran de fumé. Si Poppy ne voyait ses parents que dans un flou ambiant, Moebius ne visitait Paris que dans des flash sans queue ni tête.
Comment te faire rêver, douce Aurore, de ce que lui même ne maîtrisait plus ? Sa mémoire est, comme la tienne, un labyrinthe sans entrées ni sorties.

Je ne peux pas te faire rêver de ça, il pose lui aussi le reste de son morceau de pain, et vient s'allonger à côté d'elle, soupirant, les yeux rivés sur le chapiteau de sa tente. Je n'ai que de très vagues souvenirs de Paris, juste des images, il lève les mains, mime avec des nuages, des gerbes de couleurs, parfois des détails sans importance, sans histoire, tout est décousu, rien n'a de sens, il les laisse retomber à plat, comme son ton. Ça ne ferait pas un joli rêve, ça ne serait que confusion sur confusion...je te perdrai dedans.

Oui ses souvenirs, voilà bien longtemps (cinq ans maintenant) qu'ils avaient été volés, la fièvre ne lui avait pas fait de cadeau, il ne lui en voulait pas, en échange il avait reçu le plus doux des dons : un don qui lui permettait de faire rêver les autres.
Il tourne son visage vers elle, il est en peine

Je suis désolé Poppy, désolé que les rêves que j'ai à te proposer ne te satisferont jamais. Au fond je peux te bercer d'illusions, mais ça ne restera qu'un rêve, la réalité est toujours plus difficile à affronter. Est-ce vraiment si important de te souvenir de leur visage ? Qu'est-ce que ça changerai au final ?

S'il pose cette question, c'est pour lui-même, car même lui ne sait pas ce que ça lui apporterait, de ne plus voguer dans le flou. Même lui, après les premières questions, avait laissé Pandore dans ces secrets. Il n'avait pas voulu tout, tout savoir, et au final, même de savoir un petit peu n'avait rien changé. Il est toujours lui, Moebius, aucune Pierre n'a réussit à s'ancrer. N'en sera-t-il pas de même pour toi Poppy ? A quoi bon chasser le passé, il nous rattrapera tôt ou tard, et tant pis si c'est jamais.