sugar song and bitter step

T'es rentrée travailler. T’en avais aucune envie. Non, tout ce que tu voulais, c’était partir, aller à Caer Hrid, retrouver les bras de celle qui était partie comme une voleuse. Pas un mot. Rien. Tu t’es réveillée seule dans ce lit trop grand pour toi. Dans des draps froids qui ne parvenaient pas à garder son odeur. Alors tu es allée travailler, comme tu le faisais tous les jours. Pour oublier ta soirée de la veille. Pour oublier qu’elle était là.

Surtout pour oublier qu’elle n’était plus là.

T’as fait la même chose le lendemain, même si tu n’avais pas la tête à ça. Même si tu étais fatiguée de ces essaies que tu faisais, ces tentatives de la retrouver en traversant tu ne savais trop quel miroir. Tu étais nauséeuse aussi. Tout ça pour dire que tu ne te sentais pas très bien, que la tête te tournait et que tu aurais sûrement mieux fait de rester chez toi. Cependant, tu avais des responsabilités, un travail qui n’attendait pas, un objectif que tu ne souhaitais pas retarder. Retourner à la surface. Ça te semblait d’autant plus important maintenant. C’était nécessaire. Parce qu’elle t’aimait encore, t’en avais la certitude. Tu t’étais assurée qu’elle ne puisse pas te mentir sur le sujet. Alors, tout ce qui vous manquait, c’était de pouvoir être ensembles. Être heureuses.

La seule chose qui est venue perturber ta journée de travail pas très productive fut une note, une invitation. De quoi t’arracher un sourire un peu amer. Ta première réaction fut de jeter le papier, n’ayant pas l’intention de répondre à l’invitation par la positive, n’étant définitivement pas d’humeur à voir qui que ce soit. Et pourtant, une fois ta journée terminée, tu as récupéré le papier et plutôt que de prendre le métro vers chez toi, tu as appelé un taxi pour lui donner l’adresse.

Tu te retrouves alors devant la porte de l’appartement de Pavel sans grande conviction. Tu es cernée, le teint plus pâle. Tu es épuisée, tu n’en mènes pas large, mais tu es là. Tu aurais aussi pu rentrer, tenter de traverser le miroir une énième fois, chercher à retrouver Ridley, mais finalement, tu es ici, pour une raison qui t’échappe.

- Bonsoir Pavel.

Une voix éteinte. Tu ne sais pas trop ce qu’il se passe, ce qu’il te prend. Tu devrais pourtant redoubler d’effort, motivation renouvelée de savoir qu’elle t’aime encore. Mais il y a cette colère qui gronde, celle que tu n’as pas su lui exprimer. Il y a cette dispute que vous avez mis de côté, tout ce que vous avez dit qu’à demi-mot. Quand bien même t’aime-t-elle encore, cela ne rend pas la situation plus facile, votre relation plus solide. Parce que tu n’es pas en mesure de la revoir, incapable de tenir cette promesse que tu lui as fait, que tu viendrais la voir.

- S’il te plait. Noir.

Pour le café. Tu te laisses tomber sur le sofa, mal assise, allongeant tes jambes avant de te redresser un peu. Tu te demandes ce que veut dire cette invitation, ce pourquoi t’es ici, mais t’as pas la tête à te poser plus de questions. T’espères juste que le sucre que peut représenter Pavel parviendrait à chasser l’amertume qui brûle en toi.

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Une partie de toi essayait de te dire de partir, que tu n’avais aucune raison d’être ici ni même aucune envie. Et pourtant, t’es là, pour une raison qui t’échappe. Peut-être parce que t’as besoin de compagnie ou alors juste essayer de te changer les idées. T’es curieuse, aussi, de savoir pourquoi est-ce qu’il a pris la peine de te faire venir un message pour t’inviter chez lui. Un mélange de tout ça qui fait que, finalement, t’es assise sur son sofa, attendant ce café noir que tu lui as demandé. T’es comme le café. C’est lui qui te l’a dit. T’es amère, tu l’es depuis que t’es ici, depuis le jour où t’as compris que ta relation ne serait plus celle qu’elle était. Tu te penches vers l’avant pour attraper la tasse de café qu’il a déposé devant toi, relevant ensuite tes prunelles vers lui lorsqu’il parle des questions que tu pourrais avoir.

Comme seule réponse, tu hoches de la tête. Oui, tu en as, mais tu allais le laisser s’exprimer avant de l’agresser avec lesdites questions. C’est peut-être juste parce que tu ne vas pas très bien que tu restes silencieuse, autrement, c’est bien souvent ta curiosité qui a le meilleur de toi-même. Juste pas cette fois. Pas alors que tu te sens aussi fatiguée, aussi vidée de ton énergie. Entre tes nuits trop courtes et tes tentatives de retrouver Ridley, ce n’est pas bien surprenant que tu te sentes si mal. Et ça, ce n’est que du côté de ta santé physique. Autant dire que, mentalement, tu n’en mènes pas plus large. - You gotta be kidding me. Première réaction de ta part lorsqu’il évoque ce surnom qu’on vous a donné dans les journaux, mystérieux agents ayant aidé à protéger Polaris et, plus largement, Celestia.

- Comment est-ce que tu sais ça ? Il ne sert à rien de nier, tu n’en as pas l’énergie pour le moment. Peut-être qu’il supposait et que tu venais de lui donner raison, mais bon, pour ce que ça changerait. Rien n’avait vraiment d’importance, pour le moment. Tu n’avais pas souvenir de t’être déjà sentie si mal, si impuissante, et pourtant, c’était ta situation actuelle. - Je n’ai rien fait. Tu sais pas trop pourquoi tu lui dis ça. Puis, qu’est-ce que c’est supposé vouloir dire ? Que tu n’y es pas allée ? Hélas, non, tu y étais, à être témoin d’une situation dont tu aurais préféré ne jamais connaître l’existence. Parce qu’il y avait beaucoup d’implications dans les accusations portées par ces hommes dont tu avais vu le visage, entendu le nom (s’ils s’agissaient de vrais noms). Tu n’ajoutes à rien, te contentant d’un regard curieux levé vers lui. Oui, d’accord, tu avais été là-bas, mais où voulait-il en venir ?

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Au mauvais endroit au mauvais moment. La bonne blague. Cependant, t’insistes pas. Si jamais t’as besoin de savoir, t’es pas mal convaincue de pouvoir obtenir ce que tu veux. Alors, pour le moment, tu laisses passer, t’aviserais plus tard si t’as envie d’en savoir plus. Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Pour le moment, t’as juste envie de tout oublier de cet événement, celui qui t’a mis dans un état déplorable et ce n’était même pas la faute de ce qu’il s’était passé. Non, le problème, c’était qu’elle, elle avait été là. C’était la dispute qui avait éclaté suite aux événements. C’était ses lèvres contre les tiennes. Son corps contre le tien. Son départ sans un seul message pour toi, comme si elle s’était tout simplement volatilisée. Au final, c’était bien ça, le problème.

Son absence.
Le silence.

Un rire amer s’échappe de tes lèvres tandis que les larmes te montent aux yeux. - Est-ce que je vais bien ? Tu lui adresses une expression incrédule, ne comprenant même pas pourquoi est-ce qu’il te pose cette question. Est-ce que tu vas bien ? Est-ce vraiment nécessaire de demander ? - Ma fiancée s’est retrouvée mêlée à toutes ces conneries et elle s’est barrée le lendemain matin sans rien dire, sûrement avec l’autre connasse qui était là. Tu ne mâches pas tes mots, toi qui, sans te sentir menacée par la jeune rousse, ne parviens pas à l’apprécier. Elle était idiote, inconsciente et s’il était bien vrai que son don avait eu une certaine utilité, au final, elle aurait très bien pu crever dans ces sous-sols que ça t’aurait enlever une épine du pied. Bon, t’es pas aussi insensible, t’as surtout autre chose en tête que le bien-être de celle que tu détestes injustement.

- Je sais même pas ce qu’il s’est passé. Tu soupirs. - Je sais même pas ce que tu sais sur l’histoire. Tu changes de sujet, tu n’as pas envie de t’attarder sur cette relation que tu ne parviens pas à retenir, à laquelle tu n’arrives plus à te raccrocher, de peur qu’elle éclate entre tes doigts. De peur que cette nuit à ses côtés ait été la dernière. - Et quand tu dis au mauvais endroit, au mauvais moment, tu veux dire quoi par là ? On ne pourra pas vraiment parler si toi, tu ne parles pas. Tu vides ta tasse de café, légère grimace s’installant sur tes traits tandis que le liquide vient te brûler la gorge. - Ça nous éviterait aussi de perdre trop de temps si tu évitais de me mentir. Sans compter que, si les choses n’avaient pas changé, tu pourrais sans aucun doute lui arracher la vérité de force. Pas que tu comptais le faire mais il le savait sans doute tout autant que toi.

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Le sujet Ridley était un sujet délicat. Parce qu’elle était partie. Parce qu’elle ne répondait plus à tes messages. Parce que tu n’arrivais pas à aller la voir, incapable de traverser quelconque surface réfléchissante et arriver au bon endroit. Tu t’étais retrouvée un peu partout sur le continent, juste pas chez elle. Et ça te donnait envie de pleurer. D’hurler. De t’effondrer. La conviction vacillante, la flamme qui t’animait se faisant plus faible, plus discrète, prête à être soufflée par le moindre coup de vent. T’as eu la force de tenir jusqu’ici, mais combien de temps encore pourras-tu tenir alors que tu la regardes s’éloigner, alors que tu vois ta relation se briser entre tes mains, glisser entre tes doigts, incapable de retenir ce qui compte le plus à tes yeux ? C’est pas un sujet sur lequel tu as envie de t’attarder, tu n’as pas envie de fondre en larme devant lui. Ce serait ridicule, non ? Tu sembles déjà assez pathétique comme ça, autant ne pas apparaître comme plus misérable encore.

Tu préfères donc le questionner, revenir sur le sujet précédemment abordé, sur ce pourquoi il t’a fait venir jusqu’ici. Comme ça, il a eu vent de ta présence dans les souterrains ? Pourquoi ? Comment ? Tu l’observes, prunelles bicolores posées sur son visage, le ton presque las en lui demandant de ne pas te mentir. Au final, t’es même pas sûre de si tu as envie de savoir, tu penses même pas avoir envie de savoir quoi que ce soit. Ça t’a déjà créé de nombreux problèmes et t’es pas certaine de vouloir en avoir plus avec les hautes têtes du gouvernement celestien. Il semble prêt à te partager sa version des faits avant de finalement s’éclipser, quelques instants, pour venir poser de la glace devant toi. - J’ai pas le coeur brisé, hein. Le tout accompagné d’un rire amer. Aussi amer que ton café. - Pas encore du moins. Qui sait ce qu’il se passerait si Ridley s’entêtait à ne pas répondre à tes messages.

Tu le remercies tout de même avant d’attraper le pot et la cuillère, décidant que ça ne te ferait sans doute pas de mal. Puis, tu l’écoutes, attentive, avant de soupirer. - T’es plus courageux que je ne le pensais. Tu dis pas ça méchamment, t’es surtout surprise, en fait. - Je t’aurais pas cru à être du genre à t’infiltrer illégalement quelque part pour dérober de l’information confidentielle. Tu dis ça comme si c’était banal, comme s’il n’était pas à risque de représaille. Tu restes silencieuse quelques instants, à manger de la crème glacée à même le pot, comme si tu essayais de bien saisir tout ce qu’il venait de te dire. - C’est à cause de tout ça que Cybèle est à l’hôpital ? Elle va bien ? D’abord, rebondir sur cette information. Après tout, aussi mal pouvais-tu aller, ça ne t’empêche pas de te soucier un minimum des autres. Pas beaucoup, mais tu aurais trouvé impoli de ne pas le faire.

- Ne t’en fais pas pour moi. Un énième soupir. - Je suis déjà prisonnière de Polaris, que veux-tu qu’ils fassent de plus ? Me mettre définitivement en prison ? Pour ce que ça peut bien changer… Tu dis ça plus pour toi-même que pour lui, révélant ainsi une partie de la vérité concernant ta situation. T’as choisi Celestia, cinq ans plus tôt. T’es toujours aussi convaincue que leur idée est la bonne, qu’il faut tout mettre en oeuvre pour remonter. Tes ailes ont juste été arrachées lorsque tu as eu le malheur de te montrer trop curieuse. - J’espère juste pour toi que tu n’as rien appris de compromettant. Ce serait dommage, tout de même, que d’autres se retrouvent dans ta situation.

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Faisant des efforts pour te présenter comme une bonne amie (était-ce réellement la relation que tu entretenais avec le fonctionnaire ?) tu t’inquiètes donc pour sa colocataire avant de revenir sur des sujets plus sensibles. Oh, ça ne semble pas être évident pour elle. Bon, après, tu te dis que quiconque aurait pris la peine de réfléchir ne se serait pas jeté de si haut mais, dans la panique et sous l’effet de l’adrénaline, l’humain est capable de beaucoup. Tu te contentes donc d’hocher doucement de la tête sans rien ajouter. C’était plus pour lui que tu t’inquiétais que pour elle, ayant cessé de t’en faire pour ceux que tu ne connaissais pas. Tu te demandais surtout comment est-ce que lui le vivait, d’avoir ce qui était sans doute une amie coincée à l’hôpital. Tu sais que toi tu l’aurais mal vécu s’il y avait fallu qu’Ava ou Faith se retrouvent dans une situation similaire. Quoique, c’était différent. Après tout, elles étaient jeunes et tu t’étais faite la promesse de veiller sur elles.

Relançant le sujet plus difficile, tu laisses même échapper une bribe d’information concernant ta propre situation. Prisonnière de Polaris, tout ça parce que tu as eu le malheur de te retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. C’est difficile à vivre, d’autant plus maintenant que Ridley est loin, trop loin, inaccessible même. - C’est une bonne chose. Tu soupires, passes une main sur ton visage avant de ramener tes cheveux vers l’arrière. - N’essaies pas d’en savoir plus, la curiosité pourrait te coûter chère. Elle pourrait lui coûter sa liberté, surtout. Tout comme la tienne. Parce qu’une prison, aussi dorée peut-elle être, n’en reste pas moins une prison.

Peut-être que tu aurais pu rire si tu avais eu le coeur de rire. Ce n’est toutefois pas le cas. Pas en ce moment. Pas alors que tu noies ta peine dans de la glace à la vanille. Dommage pour lui et sa tentative d’humour ratée. Surtout que tu le sais que tu n’as rien de subtile, que tu n’es pas discrète. Ça n’a jamais été ton point fort. Après tout, tu travaillais avec des explosifs. Difficile de faire moins discret que ça. - Ne t’en fais pas pour ça, tu vas continuer de me croiser au CRP. Je pense. Tu te lèves, toujours avec le pot de crème glacée dans une main et une cuillère dans l’autre. - Ou alors ils attendent juste de bien comprendre la situation avant de nous faire payer à tous notre curiosité mal placée. À voir. T’hausses les épaules, presque comme si ça ne t’atteignait pas. Tu n’en étais pas à une conséquence près. Ta situation était déjà déplorable à tes yeux et la seule chose pour laquelle tu pouvais te considérer chanceux était sans doute qu’au moins, malgré tout ça, tu étais encore en vie. Ça aurait été fâcheux de mourir pour une conversation que tu n’aurais jamais dû entendre en premier lieu.

- Si personne me dénonce, ça devrait aller, non ? Tu lui jettes un regard en coin avant de finalement déposer le pot à moitié vide sur la table. - Merci. Pour la glace, du moins. Et le café, aussi. - Mais vraiment, ne t’inquiète pas pour moi. Ça va aller. Les choses ne peuvent pas être pires qu’elles le sont en ce moment alors, ça ne peut que bien aller, non ? Tu dis ça avec un peu d’amertume. Parce que tu es amère, Lexie. Tu l’es depuis que tu as été séparée de Ridley. Tu l’es un peu plus tous les jours où tu restes coincée ici. T’as juste besoin de sortir. De partir. De retrouver ce que tu avais avant. De remonter. La seule chose qui te permets encore de te lever tous les jours, de continuer d’avancer malgré ce poids qui menace de t’étouffer ou de te briser plus que tu ne l’es déjà.