Lueur d’espoir, instant de repos. Il profite doucement, le visage baignant dans la lumière du jour, avec cette faible brise qui fait vibrer le sable autour de lui. Chaque respiration est une libération, un doux soulagement. La tension qui avait envahi son esprit dans les derniers jours s’échappait comme un élan de fumée hors de son corps. Il était temps de relaxer, de profiter de cette journée de congé. Le jeune célestien avait supporté l’hypocrisie d’un gouvernement qui tenait sa population à l’écart, qui les berçait dans de fausses paroles, dans un mensonge bien tissé pour les rassurer de la réalité. À travers les pages de la gazette, il avait été mis au courant de l’étrange incident qui avait bloqué l’avancé des travaux sur la ligne 8. À travers les murmures du poste de police, il avait appris les véritables acteurs et les enjeux reliés. En promenant son balai au sol, en faisant mine qu’il n’entendait rien, que cela ne l’affectait pas. Pourtant, la colère avait rongé son frein, la situation lui avait augmenté la pression en lui et un poids de plus s’ajoutait dans ce sentiment d’être pris en cage, d’être considérer comme un simple pigeon qui pouvait avaler n’importe quoi comme le restant des habitants de ce dôme trop bien protégé.

Aujourd’hui, il se libérait, expiant les pêchés d’une communauté bien trop docile dont il était acteur, permettant à son âme de s’évader parmi les fabulations du désert, au milieu des mirages et des coups de soleil. Vêtu en conséquence du sport qu’il venait pratiquer, le blondinet avait caché sa tête sous un foulard d’un beige plutôt laid, tirant sur la teinte diarrhée, mais dont l’efficacité n’était plus à prouver. Avec un chandail d’un blanc éclatant pour éloigner la chaleur et des pantalons hésitant entre le noir et le marine, il portait sur ses épaules une planche à neige, aujourd’hui utilisé pour faire du sandboard. Tant qu’à vouloir du changement, autant y aller à fond et quitter les pistes de neige du Mont Celestia pour les dunes de sable où sommeillait les animaux peu accueillants et un paysage à la fois enchanteur et assassin. Cela faisait déjà une bonne heure, presque deux, qu’il s’amusait avec sa solitude, glissant d’une pente à une autre, transformation son corps en bouilli en chutant à de nombreuses reprises, son égo toujours protégé par l’absence de globes oculaires pour l’observer. Perfectionniste dans l’âme, il refusait de se voir échouer devant autrui, dans le soucis que l’on considère ni trop bon, ni trop mauvais, mais dans la moyenne. Après une énième montée, il prit une gorgé d’eau, se permettant une dernière descente avant d’entamer un dîner bien mérité à l’ombre d’une pierre qu’il finirait bien par trouver. Il laissa son sac en haut de sa pente et s’installa pour la descente.

Chaque fois, il prenait se plaisir à sentir l’air sur le peu de peau qu’il laissait libre. Son sourire se masquait derrière son foulard, adorant la sensation lorsqu’il perdait le contrôle, lorsqu’il laissait son poids le mener vers l’avant, lorsqu’il sa destination se traçait d’instinct si facilement au travers la dune. Il se pencha un peu trop, projetant son poids vers l’avant avant de faire la pirouette non planifiée et de tomber sur le ventre, le sable en profitant pour se frayer chemin dans ses vêtements. Un rire clair s’échappa de lui, adorant chaque instant de cette journée. Or, le rire s’arrêta lorsqu’il réalisa qu’il était pris. Sans réalisé, il s’était déplacé, allant de plus en plus vers le sud, là où il ne fallait pas se promener, là où il résidait un plus grand danger qu’un serpent à sonnette ou un fennec désirant voler son sandwich. Il tenta de nager vers l’avant, projetant le sable autour de lui sans trouver aucune attache. Alors qu’il sentait ses pieds s’enfoncer, alors qu’il ne pouvait pas se propulser, ses derniers étant pris dans les attaches de la planche, alors que l’adrénaline montait en flèche et qu’il hurla à l’aide, espérant qu’un Oublié ou un autre imbécile n’était pas trop loin et l’entendrait.

Était-ce une chance ou un signe de malheur que ce vautour se trouvait perché au-dessus de lui, fixant sa carcasse avec avec un rictus moqueur. Doux regard habituel se transforma en rage projetant des flèches, incapable de comprendre comment quelqu’un pouvait vouloir quelque chose en échange d’une vie. Aleksei, il avait le coeur sur la main, il était prêt à aider au risque de sa vie, un peu naïvement, mais surtout parce qu’il aime aider son prochain. Or, chaque personne est différente et celui en face du jeune adulte n’était clairement pas de la même catégorie. Aleksei baissa la tête en riant, appuyant son menton contre le sable en reprenant une grande respiration avant d’enlever son foulard, dévoilant un visage identique à celui qui prenait place en face de lui, un parfait miroir, mais au regard sérieux et quelque peu haineux. Sa main droite quitta le sol, agrippant le collet de l’inconnu parasite et l’approcha si près que son souffle caressait le sien, que leurs nez se frôlaient.

— Dis-toi que tu vas sauver ta peau si tu m’aides.

Il resserra sa prise, sans le tirer davantage, ne voulant pas risquer que son semi-sauveur puisse se faire prendre dans le piège naturel qui l’attirait de plus en plus, avalant ses genoux et commençant à dévorer ses cuisses. Il avait encore du temps devant lui avant d’en finir.

Les mots restent dans l’air avec une certaine haine, les tendons de sa main sont tendus et il est à cran. Les dents serrés, le goût amer en bouche, le sable qui colle sur les coins de ses yeux, rien d’agréable. Ce n’est pas tant l’attitude de cet inconnu, de ce rapace devant lui, de ce sourire perfide et détestable qui le fâche. C’est son idiotie à lui. La raison sait qu’il est le seul coupable de sa fâcheuse situation. Il savait qu’il ne devait pas aller en ce territoire, on le lui avait déjà dit, on le lui avait répété mille fois, on l’avait prévenu. Il avait eu tant de plaisir à dévaler, suivre les courbes, remonter pour redescendre. Pour prendre de la vitesse, toujours plus haut, toujours plus loin. Et voilà, sans se rendre compte, qu’il s’était éloigné de son principal repère, qu’il s’était mis les pieds dans les plats et que maintenant, il était bien pris dedans. Aleksei tenta de dégager ses pieds des attaches et sentit la pression du sable se resserrer, enveloppant le début de sa cuisse, avalant l’entièreté de son genou, s’arrêtant en haut de sa rotule.   Moins il bougerait, meilleur se serait. Il devait s’y résoudre : ce corbeau rieur était son seul espoir.

Soupir.

À mesure que sa colère se transforme en calme, comme un ressort qui se détend, ses doigts relâchent la pression. Ses jointures passent du blanc au rouge alors que le vautour recule, s’éloignant d’une futur prise. En même temps, avait-il vraiment envie de retenter la chose et faire de le faire fuir? La première tentative avait été veine et il regrettait un peu son acte. Ce n’était pas dans son habitude de faire preuve d’impulsivité, mais la panique faisait agir drôlement. Parce que oui, il se souvenait pourquoi on les appelait les sabliers. Non pas parce que l’espace était plein de sable, mais parce que plus le temps s’écoulait, plus on s’enfonçait et alors, on tombait dans le trou pour réapparaître ailleurs. Or, à l’idée de tomber du ciel, le jeune Polarien savait que sa planche ne l’aiderait pas à attérir en douceur sur le sable. Ce serait un craquement de plus qui accompagnera celui des os de ses jambes.

— Qui ne tente rien n’a rien, comme on dit.

Il lui adressa un sourire, de celui qui est plein de désespoir, qui est presque résigné. De ce sourire qui signifie « Et puis quoi encore », de cet assemblage de dents qui tente de ne pas céder à la panique, qui tente de ne pas être pessimiste ou trop réaliste. Voir son foulard agité devant lui, comme s’il allait foncer dessus comme le taureau durant la Corrida, mais il n’en fit rien. Son visage commença à se tordre de façon subtile, douce, mais peu gracieuse, reprenant les traits qui faisaient de lui le suédois qu’il était, reprenant sa jeunesse. Ses cheveux reprirent leur teinte, abandonnant ce brun chocolaté pour retrouver leur blond cendré, le caresse d’un champ de blé. Il appuya son coude contre le sable plus stable devant lui, déposant son menton pour observer son interlocuteur, caressant le sable de l’autre main, formant de petites spirales ici et là.

— J’ai du papier cul sinon. Ça doit pas courir les rues dans le désert. Et ça doit être plus agréable qu’un morceau de tissu plein de sable. Tu m’aides à me déprendre et je t’en laisse deux rouleaux. Et peut-être même une barre de chocolat. Ne pas te torcher avec du papier sablé pour quelques jours, ça doit avoir une valeur pour un oublié comme toi?

Il le regardes avec ce sourire en coin, un peu narquois. Faut pas le dire trop fort, mais le jeune homme s’est trouvé drôle avec son discours, mais il trouve son offre tout de même intéressante. Après tout, on a tendance à oublier ce petit confort, cette douceur en cashmere, ce petit luxe que se permettait les gens comme lui, dans leur prison doré, sous ce dôme de verre. Le jeunôt lui tendit la main, pour sceller un accord, pour qu’il utilise ses muscles pour le tirer de là.

— Deal? Je peux même ajouter quelques polars. Come on, je veux pas finir en paquet d’os à côté du cadran solaire.

La peur au ventre, il analysait les options qui s’offraient à lui. La vie serait bien trop courte si elle devait se terminer maintenant. C’était plutôt tragique d’imaginer une personne du gouvernement de Celestia venir récupérer ses ossements pour l’enterrer dans la neige avec une petite tombe où une jolie inscription révélerait l’absurdité de sa mort. Et encore, enverrait-il quelqu’un? Personne ne savait où il était, outre cet holokit qu’il pourrait sûrement faire localiser. D’ailleurs, Polaris savait certainement où chacun de ses concitoyen était à chaque instant, et toute personne autre. Il ne pouvait pas y croire, que la technologie était offerte à tous sans réclamer compensation. C’était tout à leur honneur de le faire, c’est plus facile de défendre son peuple lorsqu’on sait ce qui se prépare. Jusqu’à quel point le gouvernent pouvait leur cacher des choses? Il poussa un soupir, écrasant son front dans le sable, faisant sombrer ses pensées dans chaque grain qui exfoliait sa peau. Il était venu ici pour cesser d’y penser, pour mettre son cerveau en mode veille pour quelque heure.

Entendant des pas s’éloigner et un corps s’écraser devant lui, le jeune suédois releva la tête, sourcil arqué, interrogateur. Ne venait-il pas de lui secouer la main, de sceller une entente par la sueur et les bactéries de leur paume? Aleksei pesta intérieurement, persuadé que cet oublié allait vouloir quelque chose de plus, bien qu’il n’avait pas mieux à lui proposer. Il ne pouvait pas le ramener dans son appartement et lui proposer une tasse de thé, jamais Polaris n’allait ouvrir la porte à un habitant du désert. Puis après, son sac n’était pas très généreux. Outre des papiers de toilette, de l’eau, quelques vives et une poignée de polars, Aleksei n’avait rien outre l’honneur à lui offrir. Et aussi une bouche ouverte, prête à avaler des mouches, suite à ses explications.

— Tu dis ça pour me niaiser?

Il voyait bien que non, qu’il était sérieux. Les instructions lui semblaient familières, comme quelque chose qu’un ami avait mentionné à l’école ou dans un instant de partage de connaissance général. L’idée semblait saugrenu, mais surtout, il y avait un soucis, une embûche : les pieds étaient prisonniers de la planche et les agiter séparément devenait chose impossible. Tout de moins, petit blondinet prit une grande respiration et ferma les yeux, se concentrant sur chaque molécule d’air qui venait et repartait de ses poumons. Alors que l’étreinte du sable se faisait plus douce autour de son thorax, il tourna avec la grâce d’un ange, pour faire face aux cieux, à cette marée de bleu qui enveloppait le beige du sable. Il envisagea la prochaine étape et se mit à l’exécution. Avec la grâce d’une truite sur le bitume, comme une tranche de bacon qui frétille sous la chaleur de la poêle, comme un enfant qui se lance au sol alors qu’il n’obtient pas ce qu’il veut, l’homme à tout faire réussit à se délivrer, bien que son style de nage ressemblait davantage à une sirène prise dans un filet qu’une jolie brasse bien exécuté. Son corps remontant le courant de la rivière de sable, il tendit sa main pour que son complice du moment vienne tenir sa promesse.

— Alors, tu le lèves ton cul?

Ce n’était pas dans la douceur, ni dans la colère qu’il s’exprima, plutôt dans l’impatience. Assez de temps s’était écoulé, il ne voulait pas risquer de retomber dans le piège et ne plus pouvoir s’en extirper. Il voulait prendre une gorgée d’eau, se cacher à l’ombre, retourner dans la neige et ne pas revenir ici avant un bon moment. Il soupira un grand coup, attendant son coup de main avec un peu de désespoir.

— Pardon. Je me suis mal exprimé. Peux-tu m’aider? S’il te plait, mon cher et précieux inconnu du désert?

Il lui adressa le sourire le plus charmant qu’il pouvait en guise d’excuses et surtout pour que la mouche revienne aider le miel qu’il représentait. S’il voulait son papier de toilette, il allait devoir finir de le sortir de la merde où il s’était embourbé.

Les iris aussi bleu que les cieux qui les surplombaient se déplaçaient, suivant chacun de ses pas autour de lui avec attention, une part de lui craignant que son allié ne prenne la poudre d’escampette. Comment juger si cette personne était fiable ou non? Ce n’était pas la réputation la plus populaire de la communauté qui composait le désert. Il allait tout de même laisser la chance au coureur, chaque grain de sable étant unique. Le foulard dont il oubliait l’existence avec toutes ces péripéties vint lui chatouiller le nez et il l’attrapa à deux mains, craignant tout de même que ses fibres de couleurs douteuses ne supportent la tension exercée par les deux corps en traction. Néanmoins, Aleksei n’en fit pas de cas, ce n’est pas comme si cet objet avait plus de valeur que sa propre vie et surtout, avec la teinte qu’il avait, ça n’allait pas lui faire la moindre crotte sur le coeur de devoir le transformer en torchon.

Toujours avec la grâce d’une baleine échouée, le Polarien s’éloigna de son problème et s’approcha de ce qui pouvait en devenir un, le vautour. Il s’étonna malgré tout que son idée est fonctionné et surtout, d’être capable de faire une telle danse du ventre. Sans regarder son sauveur, jeune homme remit vite fait le foulard – qui avait malheureusement survécu avec quelques fibres étirés – autour de sa tête puis se positionna pour détacher les attaches et libérer ses pieds avant de se lever plaçant la planche sur ses épaules. Il pourrait avoir l’air stylé si seulement son seul observateur ne l’avait pas vu dans cette fâcheuse position avant. Avec un peu de vent dans les cheveux, les yeux plissés et un photographe, Aleksei aurait été près pour une séance photo sur les sports du désert, avec cette position beaucoup trop cliché, quoi que pratique.

— Ça doit être cool : pouvoir juger les autres parce qu’ils ont un mode de vie différent du tien.

Il lui répondit sur le même ton qu’il lui avait adressé, petit sourire malicieux sur le visage et lui tendit la main avant de lui faire signer de la tête de le suivre. Lorsque son regard trouva le fameux sac là où il avait été laissé, dans une direction les éloignant de ces horreurs de trou sans fin, de ces aspirateurs de vie, il prit les deux rouleaux promis et les lui lança, visant directement son visage en espérant l’atteindre. Ce n’était pas méchamment, plutôt de façon taquine. Un geste naturel, c’était tout simplement ce que ce garçon lui évoquait : plaisanteries et vérités couvertes sous des vacheries délicates.

— Aleksei. L’homme au cul trop précieux pour le sable.

Il continua de fouiller dans son sac et en sorti un petit objet, de la forme d’un bâton de colle qu’il commença à dévisser avant d’appuyer sur un petit bouton caché sur le côté. Le bâton s’allongea et se déploya comme une fleur au soleil, prenant la forme finale d’un parasol plutôt large qu’il planta dans le sol. Il fallait bien avoir de petits avantages à vivre en haut de la montagne de neige : la technologie qui s’y trouvait. Sous l’ombre, il prit place pour boire au goulot de sa bouteille avant de la lui tendre, en plus de la barre de chocolat qu’il lui avait promis. Heureusement que son sac n’accumulait pas la chaleur où la barre de chocolat n’aurait pas survécu longtemps et il aurait été honteux de perdre une denrée si agréable en bouche, avec ce petit caramel à la fleur de sel et les brisures d’amandes.

— Alors, c’est quoi l’histoire du grand Maverick, le mec qui vit dans la zone crève-faim? Comment tu t’es retrouvé ici? Je peux pas croire que personne ne t’a proposé de le suivre. T’as pas l’air du mec avec la langue dans sa poche.

Tant de mots avaient quitté ses lèvres pour aller chanter aux tympans de celui qui se présentait sous le doux prénom de Maverick. Était-ce l’éloignement qui lui dénouait la langue, l’absence de cette pression, de cette peur d’être épier, d’être observer? Était-ce parce que ce garçon inspirait quelque chose de doux, quelque chose de bien, quelque chose de simple? Parce que son visage donnait envie de lui parler, de lui faire confiance. Aleksei ignorait, mais quand ses yeux se posaient sur Maverick, il ne doutait pas, il n’y pensait pas. Toutes ses pensées se calmaient et il se sentait tout simplement serein, posé. Du moins, maintenant qu’il n’avait plus le cul qui menaçait d’aller rejoindre une autre frontière, car ce n’était pas la même expression qui s’affichait sur son visage quelques minutes avant. Maintenant, son visage était d’une neutralité qui lui était fidèle et presque étrange pour ce qu’il venait de vivre.

Pourtant, si quelqu’un avait su lire les mimiques du jeune blondinet, il aurait remarqué cette petite nuance dans la forme de ses yeux, de la forme de sa bouche, de l’expression qui caressait subtilement ses joues. Cette petite nuance qui était un faible sourire, cette petite touche de bonheur d’être au soleil et de se sentir réchauffer au lieu de refroidir. Son cœur battait encore un peu trop rapidement, mais tranquillement, son pouls reviendrait à la normal.

De sa paume de main, il repoussa la barre de chocolat, considérant qu’elle ne lui appartenait plus. Ce qui était donné était donné, ça faisait partie du marché. Par contre, l’eau n’était pas inclut, alors il ne se gêna pas de la reprendre entre ses doigts pour laisser une grande gorgée venir adoucir ses muqueuses avant de la recracher involontairement dans un étouffement peu élégant qui se déversa sur la moitié de son chandail. À vrai dire, il n’avait pas pensé un seul instant à la grandeur du petit être des sables à côté de lui lorsqu’il avait posé sa question. Cependant, cette phrase semblait avoir pris mouche sur ce dernier et Aleksei se nota mentalement qu’il s’agissait d’un sujet à éviter ou à exploiter si jamais il venait à revoir l’Oublié dans le futur et avait une envie vache de le faire enrager. Néanmoins, il posa ses mains devant lui, les réunissant en baissant le menton, réclamant un mea culpa et attendant une forme de pardon.

La réponse que venait de lui donner Maverick ne lui convenait pas vraiment. C’était vague, c’était louche. Il hausse un sourcil, mais n’ajouta rien, remarquant la subtile façon de détourner l’attention sur lui. Malheureusement pour l’Oublié, il était face à quelqu’un qui ne voulait pas s’étendre sur lui-même et qui préférait mettre le projecteur ailleurs. Il n’allait pas ouvrir son sac au premier venu, surtout après tant d’années à rester nébuleux sur sa propre existence. Pourtant, sa question lui fit hausser le sourcil davantage avec cette moue qui voulait tout dire. Si des mots pouvaient s’inscrire sur son front, les plis qui venaient de s’y former indiquerait T’es vraiment si con?, mais il s’abstient de lui lancer la balle, se contentant de pointer la fameuse planche qui était planté à côté d’eux comme les présentatrices de télé-achat. Sans faire de cas, Aleksei se laissa tomber sur le dos, le regard perdu dans les fibres qui composaient la toile du parasol. Il soupira et dénoua le foulard sur sa tête, tentant de faire respirer la peau de son front où commençait à parler la forme liquide de la chaleur.

— Semblerait que je perds mon temps à discuter avec un nain de carré de sable qui a des choses à cacher. Sa tête se retourna vers Maverick, comme une poupée de film d’horreur qui fixe sa prochaine victime. Tu sais tourner les phrases, mais reste que t’as l’air d’un sacré menteur sur c’coup là.

Il faisait référence à ce dramatisme qui était sorti plus tôt et surtout, il voulait vérifier si tout cela était vrai. Avait-il vraiment été rejeté? Peut-être avait-il inspiré la menace chez Tatsuya ou Alexander, mais encore.. Ce personnage semblait plutôt préféré être laisser à lui-même, le genre un peu hautain, ou un peu prétentieux qui pense s’en sortir mieux que tout le monde. En même temps, le suédois n’était pas en mesure de vraiment dire s’il mentait ou non. Celui qui ne se gênait pas pour jouer double jeu devant tous ses collègues de travail, celui qui avait le mensonge dans la peau, ne pouvait que se méfier face à d’autres, c’était dans sa nature. De plus, avez-vous déjà remarqué comment se défendra une personne qui ne ment pas, comment patinera sur place une personne qui tente de se sauver de ses fausses paroles ou comment sera offusqué une personne qui ne jure que pas la vérité? Cette phrase lui permettait de vérifier les théories, de remettre la lumière directement dans les iris du vautour et de regarder le spectacle, sourire effrayant se creusant sur son visage.