you're my date tonight

Légère, de bonne humeur, tu es assise appuyée sur la fenêtre à observer le décor qui défile devant. Un monde que tu ne connais pas, des paysages qui te sont inconnus, voilà que, pour la première fois, tu as pu sortir de Polaris, et ce, de façon plus conventionnelle que lorsque tu débarquais à  peu près n’importe où après un trajet au travers les miroirs. Pour la première fois, tu peux voir tout ce que tu n’as jamais vu, admirer ce monde pour lequel tu éprouves une sincère aversion. Du moins, ça a toujours été le cas, mais, maintenant que tu es sortie, maintenant que tu vois la neige laisser place à autre chose, ça t’impression. Un brin émerveillée, tu fais taire tes émotions négatives, tes pensées plus sombres, parce que t’en as pas besoin. Parce qu’aujourd’hui est une bonne journée. Tu te sens bien. Légère. Tu as un sourire accroché sur tes lèvres. Être moins réservée, tu irais sûrement crier ton bonheur sur tous les toits, juste pour partager la bonne nouvelle, à savoir celle où tu allais finalement, après toutes ces années, avoir un rendez-vous digne de ce nom avec celle qui faisait encore et toujours battre ton cœur.

Celle qui t’avait demandé en mariage.

Tu descends de l’autobus, ton holokit à la main, observant l’image envoyée, tentant de comprendre où tu es. Tu ne reconnais pas les environs, après tout, t’es jamais sortie dans la capitale de Caer Hrid. Les seules fois où tu t’y étais rendue, soit tu t’étais retrouvée chez un inconnu quelconque ou alors tu avais préféré profiter de la chaleur des bras de Ridley. Aujourd’hui, c’était différent. Aujourd’hui, tu pouvais sortir parce que tu avais le droit d’être ici. Tu étais sans doute sous surveillance, il te l’avait dit, mais ça, c’était bien le dernier de tous soucis. Rien allait t’empêcher de profiter de cette journée, de ce rendez-vous avec une femme exceptionnelle.

Vêtue d’un pantalon propre, sombre, tu avais porté une attention particulière à te tenue. Quelque chose d’assez surprenant, te connaissant, mais nécessaire compte tenu de ta situation. Une chemise assez sobre, d’un bleu assez sombre, tu as laissé les premiers boutons détachés et tu as roulé les manches jusqu’aux coudes. Parce que, même si tu veux bien paraître, tu ne peux pas non plus chasser ton naturel. Ta crinière tombe sur tes épaules, encadre tes traits plus détendus et tu as tenté d’appliquer un peu de maquillage avant d’abandonner et passer ton visage sous l’eau. Tu n’as jamais vraiment appris à te maquiller et, de toute évidence, ce n’était pas pour aujourd’hui.  

Face à l’adresse, tu as un peu d’avance. Tu souris. T’as souri tout ton trajet jusqu’ici. Tu rentres, indiques au serveur que tu as une table réservée au nom de ta fiancée. Il t’y accompagne et tu te retrouves donc assise à devoir l’attente. T’es impatiente. T’es contente, aussi, d’être ici. Ça te fait du bien. Ça te fait plaisir. La main sur ta cuisse, tu pianotes, nerveuse, observant ce qu’il y a autour de toi. Tu as l’impression de détoner avec l’ambiance du restaurant, ce qui a toujours été le cas à la surface. Garçon manqué, tu as toujours été un peu rustre, tant dans ton style que dans ton attitude et à chaque rendez-vous galant, tu avais l’impression de ne pas être à ta place. Mais ça, ça n’avait que très peu d’importance, comme tout le reste. Parce que rien n’avait d’importance lorsque ça concernait Ridley, celle vers qui ton esprit était tourné. Un mouvement attire ton attention et c’est naturellement que ton regard se pose sur la plus belle femme présente dans la pièce.

Alors tu te lèves, t’approches d’elle, une main sur sa hanche et l’autre sur sa joue pour venir l’embrasser. - Bon, je sais que j’ai un peu de retard mais... Tu ne parviens pas à étouffer le sourire radieux qui éclaire ton visage. - Joyeuse Saint-Valentin. Et c’était sans aucun doute bien mieux que ce message que tu lui avais envoyé, celui que tu avais supprimé avant de noyer ta peine et ta solitude. Parce qu’elle était là. Tu étais là. Et vous aviez enfin droit à un vrai rendez-vous.

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Est-ce que tu y croyais vraiment ? Non, probablement pas. Tu veux pas y croire en fait, parce que tu sais que tu risques fort bien d’être déçue, comme toutes les fois auparavant. T’aimerais te dire que quelque chose a changé, qu’elle allait vraiment te rejoindre dans ce restaurant de Caer Callabus, mais tu ne peux pas chasser la peur qui te prend par les tripes. La peur d’être déçue, la peur d’avoir laissé un espoir naitre en toi et de devoir en subir les conséquences. Tu sais pas si ton coeur le supporterait. Pourtant, tu sais qu’elle est capable de quitter Polaris, elle est bien débarquée chez toi par ton miroir, sauf que ce n’est pas de ça qu’il est question, ce n’est pas ce que tu as cru comprendre des messages qu’elle t’a envoyés. D’ailleurs… ses communications n’étaient-elles pas surveillées ? C’est ce qu’elle t’a dit et voilà qu’elle t’envoie un message te disant qu’elle viendrait te rejoindre dans un restaurant de la capitale. C’est à ne rien y comprendre, une autre raison de douter des messages, du fait qu’elle serait vraiment présente ce soir, comme elle te l’a promis. De toute façon, des promesses, elle en a brisées un bon nombre.

Et pourtant, rien de tout ça ne t’a empêché de prendre le temps pour te préparer. T’as hésité sur la bonne chose à mettre, quels vêtements enfilés. Il a été difficile de ne pas laisser ton coeur s’emballer au fur et à mesure que la journée avançait. Parce que tu as hâte de la voir, parce que tu ne peux qu’espérer pouvoir enfin avoir un rendez-vous digne de ce nom avec elle, parce que tu l’aimes, tout simplement et que l’idée de la revoir te fait nécessairement plaisir. C’est pour ça que tu portes une attention toute particulière à ton apparence, une chose que tu n’as pas fait depuis des années. Il faut dire que ce n’est pas une nécessité lorsque vient le temps de s’entrainer. Au début, tu te préparais pour chacun de vos rendez-vous, toujours avec cette même attention pour finalement arrêter peu à peu. Après tout, à quoi bon enfiler une belle robe et te maquiller si ce n’est que pour te retrouver seule devant un message annulant votre rendez-vous ? Ce ce que tu te répètes encore cette fois, mais le bon sens n’arrive pas à vaincre la pointe d’espoir que ses messages ont fait naitre en toi.

Sur le chemin vers le restaurant, tu fais une liste mentale des gens que tu pourrais inviter si Lexie ne venait pas. Tu pourrais aussi rester seule et profiter d’un bon repas, mais t’es pas certaine que ton coeur le supporte. Peut-être pourrais-tu inviter Erina ? Ou bien Isadora ? T’en sais trop rien au fond. T’as aucune idée de qui serait disponible à la dernière minute. Au fond, t’espères surtout que ce plan b ne soit pas nécessaire, que Lexie serait là. Avant d’entrer dans l’établissement, tu replaces la robe rouge sur lequel ton choix s’était finalement porté. Tu prends aussi le temps de te préparer mentalement, d’essayer de préserver un peu ton coeur à la déception qui l’attendait nécessairement. Parce que tu ne pensais pas la voir là, déjà installée à la table que tu as réservée.

Comme quoi tu es de mauvaise foi, parce que c’est bien là qu’elle se trouve, c’est sur elle que ton regard se pose lorsque tu le serveur te mène à la table en question. Ta réaction ne se fait pas attendre alors que ton sourire s’étire et que ton visage s’illumine parce que ton regard se pose sur elle. Ta main vient naturellement se poser sur sa nuque lorsque ses lèvres trouvent les tiennes. « Joyeuse Saint-Valentin en retard. » C’est tout ce que tu trouves à répondre alors que tu caresses doucement sa joue. T’as envie de bien plus que ça, de profiter de sa compagnie, mais bon, autant profiter de l’opportunité que vous aviez d’enfin avoir un vrai rendez-vous. « C’est une agréable surprise. » Vraiment, une très agréable surprise. Tu ne sais pas trop ce qui s’est passé, ce qui explique sa présence en plein milieu de la capitale de Caer Hrid.

Tu t’écartes légèrement pour venir t’installer à la table. Il y a tous ces commentaires que tu pourrais faire, des reproches, notamment concernant le message auquel t’as eu droit à la St-Valentin, mais tu n’en vois pas l’intérêt. Non, tu ne comptes pas gâcher ce moment, cette agréable surprise. « T’es toujours aussi sublime. » Un compliment que tu ne cherches pas à tempérer alors que tu lui adresses un beau sourire. Vraiment, tu ne comprends pas ce qui se passe, mais t’es heureuse, vraiment heureuse pour une fois.  

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Pour la première fois, t’es légalement hors de Polaris. Pour la première fois, t’as pu voyager hors de ce dôme qui te tenait prisonnière à l’aide de moyens conventionnels. Mais surtout, pour la première fois depuis que vous étiez tombée ici, à Althea, tu avais droit à un rendez-vous avec la femme de ta vie. Le premier rendez-vous auquel tu ne te défilerais pas. Alors t’avais mis une attention particulière à ta tenue. Une tenue bien digne de toi, finalement. Un pantalon classe de couleur assez sombre, une chemise dont tu avais relevée les manches en plus de la laisser un ou deux boutons de détacher. Quant à ta crinière, elle était grossièrement coiffée, tombant sur tes épaules. Comme à ton habitude. Tu n’as jamais été très féminine, ni avant et encore moins maintenant. Femme aux épaules fortes, on te trouvait plus souvent en short et débardeur qu’en robe. Tu ne te souviens même pas c’était quand la dernière fois que tu avais porté une robe et tu t’étais faite la promesse que la prochaine fois, ce serait lorsque tu lui ferais face, devant l’autel, en lui promettant de l’aimer pour toujours. Jusqu’à ce que la mort vous sépare et plus encore.

Tu ne peux donc qu’être ravie de la voir arrivée, elle qui a toujours été si belle et qui l’est d’autant plus. Ton regard glisse sur elle et ton sourire s’étire. Tu ne te laisserais sans doute jamais de la regarder. Tu arrêtes tout de même de le faire lorsque tu viens l’embrasser avant de l’inviter à prendre place à la table. C’était effectivement une belle surprise. C’était ce que tu t’étais dit lorsque Tatsuya t’avait donné les billets pour faire la route jusqu’ici. Tu n’aurais pas cru voir ce jour-là arriver. Tu n’aurais surtout pas cru qu’il viendrait après que tu te sois infiltrée dans les sous-sols de la ville. Soit il ne savait pas exactement ce qu’il s’était passé ou alors tu n’avais aucune idée de l’ampleur de ce que vous aviez fait. Dans tous les cas, rien de tout ça n’avait vraiment d’importance maintenant que tu te trouvais face à elle, étirant ton bras par-dessus de la table pour attraper sa main. - Et comme toujours, tu es la plus belle ici. La seule qui attirait ton regard, la seule qui méritait ton attention.

Ton sourire est aussi large que le sien et, comme elle, t’as pas envie de gâcher le moment. Tu veux juste passer une bonne soirée en sa compagnie. Un homme s’approche ensuite de votre table, déposant devant vous des menus. T’es donc forcée de lâcher (temporairement) la main de ta fiancée pour jeter un coup d’oeil à ce qui était proposé. - T’es déjà venue ici ? Ton regard passe ensuite sur la salle dans laquelle vous vous trouviez. T’espères que non. T’espères qu’elle n’est jamais venue ici. Ça a une ambiance assez particulière, presque romantique. T’aimerais donc pas savoir qu’elle est déjà venue ici avec une autre. - Tu as un truc à me conseiller ? Une spécialité du coin ? C’était, après tout, ta première fois à la capitale de Caer Hrid. C’était pas tant l’endroit qui t’importait que sa présence à elle. Ça, c’était important. Ça et le fait que tu ais le droit d’aller la voir. Ça aussi, en fait, contribuait beaucoup à ce bonheur que tu ressentais à l’heure actuelle. - On se prend une bouteille de vin ? Il y a tant que tu aimerais lui dire, beaucoup de choses dont tu aimerais parler, à commencer par ta présence ici, celle qui pourrait se faire plus régulière mais tu préférais encore le faire une fois votre choix fait. Puis, tu n’étais pas pressée, pas obligée de rentrer ce soir, ton billet retour étant pour le lendemain alors tu pouvais bien prendre ton temps. Prendre le temps, pour la première fois, de profiter de ta soirée avec elle, de ce premier rendez-vous en lequel tu avais abandonné presque tout espoir avant la veille. Avant ta rencontre avec Tatsuya.

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Malgré tous tes efforts, malgré tout le bon sens dont tu as essayé de faire preuve en te disant que Lexie ne se présenterait pas au rendez-vous, il y a cette pointe d’espoir qui se fraye un chemin dans ton coeur. C’est pour ça que tu te prépares autant, que tu portes une attention toute particulière à ton apparence. Si tu ne vois pas l’intérêt de te préparer ainsi en temps normal, c’est différent lorsque c’est pour la voir elle. Tu veux être belle, tu veux lui plaire, tu veux attirer son regard et le garder vers toi. C’est un peu idiot, mais tu n’y peux rien. Ça a toujours été comme ça lorsqu’il était question de Lexie. Ce n’est même pas rationnel, ce n’est même pas réfléchi, ça a juste toujours été ainsi. Bon, évidemment, c’était une envie plus difficile à atteindre lorsque vous étiez en service, lorsque tu portais un uniforme et que vous étiez entourée de camarade. Ce n’est pas le cas cette fois, tu peux donc prendre le soin de te préparer. Quitte à être déçue, encore. Peut-être parce que cette fois, t’as envie de croire en ces mots, comme si quelque chose avait changé. Il y avait une certitude dans ses messages, une certitude que tu n’as pas souvenir d’avoir vu avant.

Et semblerait-il que c’était vraiment le cas. Elle est là, magnifique comme toujours. Tu sens ton coeur s’emballer, une joie incontrôlable t’envahir. Tu ne comprends pas ce qui se passe, comment elle peut être là alors que tu sais pertinemment qu’elle ne peut pas quitter Polaris, mais elle est là. Est-ce que le reste t’importe vraiment ? Non, t’as juste envie de sourire, de profiter de sa présence, de la garder près de toi. Sa main glisse donc dans la sienne lorsque vous êtes assises. Ses mots te font sourire un peu plus. « T’exagères. » Ce qui n’empêche absolument pas que ça te fasse plaisir. Ça se voit dans ton sourire, dans le brillant de tes yeux. Juste sa présence aide en ce sens, mais le compliment est un bonus. Tu profiterais de la soirée, peu importe tous les ressentiments que tu peux avoir quant à votre situation. Ils n’importent pas pour l’instant, pas alors que tu peux véritablement passer un moment avec elle.

Ton attention la quitte brièvement pour remercier l’homme qui vous remet les menus. Tu l’ouvres pour lire les différentes options. Tu n’en relève le regard que lorsqu’elle te pose une question. Tu retiens ton envie de lui répondre un commentaire désobligeant comme quoi clairement tu t’amusais à visiter tous les restaurants romantiques par toi-même parce que ta fiancée n’est pas fichue d’être présente dans ta vie. Peut-être que c’est un commentaire que tu devrais faire, mais pas ce soir. Pas alors que vous avez enfin un rendez-vous. « Non, j’attendais de pouvoir y aller avec quelqu’un de spécial. » Tu dis la chose sur un ton léger, n’ayant aucune envie de commencer un débat. Tu ne lui reproches pas son absence, pas cette fois, pas après que tu l’aies déjà fait. De toute façon, si tu devais être honnête, tu dirais surtout que tu n’es pas vraiment sorti pendant les cinq dernières années. Il est arrivé qu’Erina parvienne à te trainer hors de chez toi pour une histoire ou une autre, t’as vu Moïra par moment aussi, mais au final, ta vie s’est plutôt résumée à ton métier et tes envies de vengeance, un sujet que tu ne compte pas aborder de sitôt. À la place tu réfléchis à ce que tu pourrais lui conseiller. Tu reportes ton attention sur le menu avant de lui répondre. « Ça, ça devrait être pas mal. » Tu pointes l’un des plats qui semble être potentiellement ce qui lui plairait le plus dans les spécialités caériennes.

À son autre question tu relèves à nouveau les yeux vers elle. « Ça dépend, tu dois repartir ce soir ? » Tu sais pas trop les conditions et les détails de sa visite, t’y as pas complètement cru jusqu’à ce que ton regard se pose sur elle. « Si tu peux rester, on peut en commander une. » Tu épluches rapidement la carte des vins pour choisir celui qui te semble être le meilleur. T’es pas une experte en la matière, mais t’as eu l’occasion de découvrir les bons vins pour noyer ta peine. Un autre point sur lequel tu ne comptes pas t’attarder. À la place tu attends que vous ayez passer votre commande. Lorsque l’homme s’éloigne, tu étends ton bras pour rattraper sa main. « Qu’est-ce qui a changé ? » Tu ne peux que lui demander, une fois que tu comprendrais un peu mieux votre situation tu pourrais profiter pleinement du moment. Pas que les questions t’empêchent d’être heureuse, tu préférerais juste ne pas en avoir autant.  

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Tu n’exagères pas. Ridley a toujours été et sera toujours la plus belle à tes yeux. C’est la seule que tu vois vraiment, la seule que tu as envie de voir. Parce que, des gens, tu en as rencontré, ces cinq dernières années. Certaines personnes qui ont tenté d’avoir ton attention alors que tu sortais avec des amis, les quelques rares que tu as réussi à avoir depuis que tu es arrivée à Althea. Et tu te souviens très bien d’Eirin qui tente de te calmer tandis que tu vocifères, presque insultée que quelqu’un puisse s’imaginer que tu sois intéressée par autre que celle qui se tient actuellement devant toi. Alors non, tu n’exagères pas. Tu pèses même tes mots. C’est la plus belle ici. C’est la plus belle partout où elle va. C’est surtout la plus belle à tes yeux et, face à elle, tu ne peux pas t’empêcher de sourire. Pour ce soir, pour ce rendez-vous, ce premier depuis que vous êtes tombées, t’as envie de passer un bon moment. T’as envie de profiter de sa présence, de cette occasion que vous aviez de passer un peu de temps ensemble comme n’importe quel couple. T’as juste envie de prétendre que tout va bien, que tu ne serais pas de nouveau loin d’elle dès demain, que les choses pouvaient finalement bien aller, entre vous.

- Je suis contente qu’on y soit ensemble alors. Avec ce sourire sincère. Un sourire heureux. Elle est là. Tu es là. Tu ne peux rien demander de plus. Ou, enfin, oui, tu pourrais demander à ce qu’elle fasse partie de ton quotidien, tu pourrais demander d’être heureuse avec elle mais ce n’est pas si simple. Déjà, tu peux sortir de Polaris, tu peux quitter temporairement Celestia, tout ça pour une journée auprès de celle que tu aimes. C’est déjà un bon début. Un pas vers l’avant, le premier depuis cinq ans. Ça te permettrait de mieux tenir le coup jusqu’à ce que vous ayez l’occasion de remonter, jusqu’à ce que toutes ces années ici ne soient plus qu’un lointain et mauvais souvenir que tu t’empresserais d’oublier pour te concentrer sur ce futur qui vous attendait.

Les menus devant vous, tu essaies de faire ton choix avant de te fier à elle quant à ce que tu devrais prendre. Après tout, elle te connaissait bien. À une époque, elle te connaissait parfaitement. Désormais, il y avait trop de non-dits, trop de secrets, pour que ce soit encore vrai. Toutefois, t’aimais bien croire que ça aussi, ça n’était que temporaire. Que vous en reviendrez rapidement à celles que vous étiez, que votre relation retournerait à celle qu’elle était. Ton choix fait, tu hésites toutefois lorsqu’elle te demande si tu comptes rester. Tu lui fais signe d’attendre, n’ayant pas pensé à ce détail. Ce n’est pas toi qui a acheté les billets de train. Tu observes donc la date inscrite sur celui de retour. Demain matin. Tu soupirs, un peu de soulagement, rassurée de voir que tu aurais droit à plus de quelques heures en sa compagnie. - Je dois repartir demain matin. Ça te donne toute la soirée avec elle. Une nuit dans ses bras. Tu ne dors pas très bien, et ce, depuis cinq ans. Et si t’avais toujours cru que c’était faute de là où vous étiez atterrie, force fut de constater que c’était seulement parce qu’elle, elle n’était pas avec toi.

Vos repas choisis et désormais en attente de ces derniers, tu grimaces un peu à la nouvelle question. Peux-tu vraiment lui répondre ? Tu jettes un regard autour de vous. On t’a dit que tu serais sous surveillance, mais à quel point ? - J’ai, eh… Tu essaies de formuler ta réponse. - Je peux sortir. Pas tout à fait. Ce serait trop beau si c’était vraiment ça. - Presque. Une fois par mois. C’est toujours mieux que rien que tu te dis, même si tu te doutes que ta fiancée ne le verra pas d’un même oeil. - Officiellement, je parle. Tu laisses entendre un léger rire. - Il sait sinon que je viens quand même te voir, que j’en ai maintenant la possibilité. Ton contrôle sur ton don te permettait désormais de te rendre chez elle sans risquer d’atterrir n’importe où. Du moins, tu croyais. Tu avais déjà réussi l’expérience et tu comptais donc la réussir de nouveau. - Et donc, en plus de ces visites clandestines, on va pouvoir avoir de vrais rendez-vous… Ce qui est une bonne chose à tes yeux. Une excellente chose. T’avais arrêté d’y croire et, maintenant, tu ne pouvais être que ravie à l’idée de la revoir. De sortir avec elle. De finalement pouvoir vous comporter comme un vrai couple.

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Tu ne peux que répondre à son sourire avec toute la sincérité du monde. Toi aussi t’es contente d’être là avec elle, en partie parce que ça implique qu’elle ne t’a pas posé un nouveau lapin. Tu sais pas ce qui serait arrivé s’il avait fallu qu’elle t’envoie une nouvelle excuse par message et que tu te retrouves seule à cette table. T’aurais sans doute invité quelqu’un d’autre, juste pour ne pas te retrouver seule et écrasée par tes sentiments. Cela dit, il n’y a aucun doute dans ton esprit : personne n’aurait pu la remplacer. Si t’es heureuse dans l’instant présent, c’est uniquement parce qu’elle est à tes côtés. Tu ne sais pas pourquoi, tu ne sais pas combien de temps vous pourrez passer ensemble, mais pour l’instant, sa présence te suffit. Ce semblant de normalité te fait le plus grand bien. Ça fait, après tout, près de cinq ans que tu attends de pouvoir un rendez-vous avec elle, il y a de quoi te réchauffer le coeur. T’en profiterait autant que possible, aussi longtemps que possible. Il n’est donc pas étonnant que tu sois soulagée lorsqu’elle t’annonce qu’elle rentre le lendemain. Ça vous laisse une nuit ensemble, une nuit où tu pourrais mieux dormir parce que tu serais dans ses bras. « Autant célébrer ça. » Ces quelques heures de plus que vous pourrez passer ensemble, cette agréable surprise qui s’est vraiment réalisée pour une fois.

Reste à savoir ce qui s’est vraiment passé pour que ce soit possible. Elle est venue te voir avant certes, mais c’est différent cette fois. Elle n’a pas passé par le miroir de ta chambre, vous n’êtes pas forcée de rester à l’intérieur de ton appartement. Ta question la dérange, mais tu attends tout de même une réponse. T’as pas envie d’être gardée dans le noir, de devoir te casser la tête à comprendre ce qui se passe avec ta fiancée. T’as déjà goûté à ça, t’as pas envie de recommencer sur le long terme. Alors tu attends, silencieuse, pour finalement être prise de court par sa réponse. Sortir officiellement une fois par mois ? Tu trouves ça étrange, trop étrange. Pourquoi maintenant ? Pourquoi aussi peu ? S’ils lui faisaient assez confiance pour la laisser sortir, pourquoi ne pas simplement lui donner carte blanche ? Les questions se bousculent dans ton esprit, mais tu supposes que ce n’est pas le moment d’insister. D’abord parce qu’elle ne semble pas à l’aise d’en parler, mais aussi parce qu’elle semble heureuse de ce changement dans sa situation. Tu l’es aussi au fond, juste moins, et tu ne peux que ressentir une pointe d’inquiétude, une pointe d’amertume aussi. Ce n’est pas parce que le Mont Celestia accepte de te rendre ta fiancée une fois par mois que tu leur en serais soudainement reconnaissante.

Mais bon. Ce n’est pas le moment de t’avancer sur ce point. C’est le moment d’en profiter. C’est pour ça que tu t’efforces de conserver ton sourire. « Je ne m’attendais pas à ça. » Surtout pas après l’histoire du métro et la lettre que tu as reçu, mais bon. « Mais c’est une bonne nouvelle. » Ce n’est pas assez, mais est-ce que tu pourrais vraiment cracher sur la possibilité d’avoir de véritables rendez-vous avec elle ? Bien sur que non. Tu réfléchis un moment avant de lui demander. « Ça veut dire que je pourrai te rendre visite aussi ? » Officiellement en tout cas. Si il sait qu’elle vient te voir, c’est qu’il sait que tu existes, que vous êtes ensembles (ce qui est un brin dérangeant mais passons), par conséquent la distance qu’elle a mis entre vous n’est plus nécessaire. La question devrait peut-être être si toi t’as envie de te rendre à Polaris, mais c’est une question que tu écartes de ton esprit pour l’instant. Parce que ta haine pour le Mont Celestia n’est pas de taille face à l’amour que tu lui portes.

Tu ne reprends la parole que lorsque le serveur s’éloigne après vous avoir servi du vin. T’esquisses un nouveau sourire. « Puis tant que les visites clandestines peuvent continuer. » Parce que l’idée d’avoir des rendez-vous est plaisante, mais tu préférerais avoir l’occasion de la voir plus souvent qu’une fois par mois. Parce qu’elle te manquerait forcément et qu’elle te manquerait temps et aussi longtemps qu’elle ne redeviendrait pas une constante de ton quotidien, comme elle devrait l’être. « On a beaucoup de choses à rattraper après tout. » Cette fois ce n’est pas un reproche, juste un fait. C’est aussi une pointe d’espoir à quelque part, parce que pour la première fois en cinq ans, vous avez vraiment une chance de pouvoir rattraper tout le temps perdu et retrouver un semblant de relation normale.

Même si au fond ce n’est pas si simple que ça, tu le sens bien que les choses ne sont pas comme avant. Que malgré ton envie de voir la soirée bien se passer, t’as pas autant de facilité à parler de tout et n’importe quoi. T’as peur d’aborder un sujet sensible dans le savoir, de vous renvoyer vers une dispute. « Ça se passe bien au travail ? » Oh ouais. Excellent début, ce n’est pas du tout gênant comme discussion. En même temps, tu ne la connais plus aussi bien qu’avant, tu ne sais même pas comment elle occupe ses journées (même si tu te doutes que le travail doit être en tête de liste).
 

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C’est effectivement une bonne nouvelle. C’est, tout du moins, comme ça que tu le vois. Parce que t’as la possibilité de sortir, parce que tu peux faire autre chose que de t’épuiser au travail ou à la salle de sport, tout ça pour ne pas avoir l’occasion de penser un peu trop à celle qui manquait cruellement à ta vie. Parce que c’était ce qui avait été difficile, ces dernières années. Penser à elle sans pouvoir être avec elle, sans avoir la possibilité de lui partager la vérité, de lui faire savoir tout ce que tu savais et ce pourquoi tu imposais cette distance entre vous deux. C’était pas peur de tout lui dire que tu l’avais maintenu à distance, parce que tu ne te faisais pas assez confiance pour ne pas tout lui dire dès lors que tu en aurais eu l’occasion. Ce que tu as fait, finalement, lorsque tu es allée chez elle. Tu as eu l’occasion de tout lui dire, ou presque, et tu l’as fait. Parce que tous ces mensonges, tous ces secrets, ils te faisaient mal, un poids cruel pesant sur tes épaules sans que tu puisses t’en soulager. Parce que tu avais jamais voulu lui mentir, pas à elle, pas à celle que tu considérais comme la femme de ta vie. Alors tu t’étais tenue loin, pour elle mais surtout pour toi, pour ne rien lui dire, pour ne pas risquer encore plus de cette liberté très relative que tu avais.

À sa question, tu hoches doucement de la tête. Parce qu’elle savait que tu étais prisonnière, partiellement, de ce dôme qui protégeait Polaris. Elle savait pourquoi, en grande partie. Elle ne savait rien de ce que tu avais entendu, rien de ces informations dérobées sans même que tu le veuilles, mais ça, ce secret, tu comptais bien l’amener avec toi dans ta tombe. Parce que malgré tout ce que tu avais subi, malgré ce qu’on t’avait infligé, jamais tu avais eu dans l’idée de trahir le mont Celestia. Au final, tu ne pouvais que comprendre. Des décisions avaient été prises. Ainsi allait la vie. Que pouvais-tu faire de plus ? Ce n’était pas comme si tu pouvais t’opposer ou te rebeller. Alors, la seule chose qui te restait à faire, c’était d’espérer remonter à la surface le plus rapidement possible, tout ça pour pouvoir oublier tout ce que tu as traversé ces cinq dernières années et retrouver un semblant de normalité dans les bras de celle que tu aimes.

- Tu as mon adresse. Que tu précises. Après tout, elle était passée par chez toi. Elle n’était pas restée, certes, mais tu ne voulais pas l’accuser de ça. Pas maintenant. Pas alors que tu étais passée à autre chose. Pas alors que tu avais désormais du temps avec elle, dans un charmant restaurant qui plus est. Tu prends une gorgée de vin, tend la main par-dessus la table pour serrer la sienne, ton regard ne la quittant pas. Tu ne te lassais définitivement pas de la regarder, encore et encore, admirer ses traits qui t’ont tant manqué. - Et je continuerai de venir te voir, même que… Tu baisses le ton, t’approches un peu d’elle, sourire sur les lèvres. - J’ai pas pu l’amener aujourd’hui mais j’ai une surprise pour toi, la prochaine fois que je viendrai te voir. Tu dis ça avec un certain enthousiaste que tu tentes de contenir pour ne pas parler trop fort. - Tu pourras toi aussi venir me voir de façon clandestine. T’es presque amusée de ce fait. Cela allait sans aucun doute rendre votre relation plus agréable, ne serait-ce que parce que, pour la première fois, tu te voyais en mesure de faire partie de son quotidien. Et qu’elle, elle puisse faire partie du tiens. - Comme ça on pourra tout rattraper. Tout ce temps perdu, ces dernières années d’absence.

Et semblerait-il qu’elle voulait commencer maintenant. T’es un peu surprise de sa question, parce qu’elle ne semblait pas spécialement apprécier ton travail, bien que, ça devait sûrement être la faute qu’il s’agissait-là de ton excuse préférée, par le passé. Tu ne pouvais pas la voir, tu étais prise par le travail. - Ça va. J’y passe beaucoup de temps, pour des recherches, même si bon, au final, ça ne nous rapproche pas tant de notre objectif… Un faible soupir, t’es pas certaine de vouloir te lancer sur le sujet de cette remontée que tu attends encore avec autant d’impatience, cinq ans plus tard. - Et toi ? Tu fais attention ? Tu n’abuses pas dans tes entraînements ? Tu fronces un peu les sourcils, lui adressant un regard soucieux. Elle n’était pas blessée tout de même ? T’as pas oublié qu’elle avait rejoint l’armée. T’as surtout pas oublié à quel point tu détestais ça. Mais bon. Ça non plus, tu ne voulais pas lui reprocher. T’es juste un peu inquiète. Parce que tu l’aimes. C’est évident.

YOU'RE MY DATE TONIGHT

Tu pourras la visiter. C’est bien la seule chose qui importe à présent. Tu n’avais pas envie de mettre les pieds à Polaris, tu détestais toujours autant cette ville. Et pourtant, tu le ferais pour passer un peu plus de temps avec elle. Ça ne taie pas tes envies de vengeance ou même la rancoeur qui t’a empoisonné pendant toutes ces années, mais pour ce soir elles ne comptent pas. Pas même lorsqu’elle revient sur son adresse, sur cet appartement que tu as visité, mais dans lequel tu n’es pas restée plus que la nuit. T’es reconnaissante qu’elle ne s’étende pas davantage sur la question. Déjà parce que tu sais que ça l’a blessée, mais aussi parce que tu n’as pas envie que le sentiment de honte qui t’a pris au réveil ne revienne. Quoi que la situation a changé, même si ce n’est que légèrement. Après tout, tu sais à présent la vérité, tu sais que ce n’est pas qu’elle se joue de toi. Qu’elle t’aime toujours autant. Et ça a enlevé un poids de sur tes épaules. Tu n’as pas à te dire que tu t’es fait avoir, tu peux juste te dire que t’as enfin une chance d’être avec la femme que tu aimes.

C’est pour ça que tu ne fais rien de plus qu’hocher la tête quand à la mention de son adresse. Ça ne vaut pas la peine de t’attarder là-dessus, puis, t’en as pas vraiment le temps non plus. Ton attention est captée par sa main qui vient trouver la tienne. T’esquisses un nouveau sourire. C’est fou à quel point ça t’avait manqué de pouvoir être avec elle, comme ça, tout simplement. Oh bien sur ça ne règle pas votre situation, mais c’est un pas dans la bonne direction. Un pas qui sera même plus grand que tu ne l’aurais cru. T’es surprise par ce qu’elle te dit alors, mais au fond, c’est juste une autre bonne nouvelle. T’aurais mille et une questions à lui poser, mais tu supposes que ce n’est pas le moment. Elle ne baisserait pas le ton sinon, même qu’elle aurait probablement amené la surprise dont elle parlait (un cristal peut-être ? Le même que le sien ?). « Vivement que tu reviennes dans ce cas. » Mais pour ce soir, tu te plairait à passer ta soirée plus simplement, de façon officielle en prime. C’est un vent de changement qui s’installe (enfin) dans votre relation, parce que vous allez pouvoir partager votre quotidien, retrouver un semblant de normalité. C’est plus que ça même, vous alliez enfin pouvoir rattraper l’éloignement des dernières années.

Et tu ouvres le bal en lui posant des questions sur son travail. C’est aussi parce que, au fond, tu ne sais pas trop ce qu’il en est de sa vie. Tu ne sais pas quels sujets sont trop sensibles pour être abordé ce soir. Puis bon, au-delà de tes opinions sur son travail et le fait que ça l’occupait beaucoup trop, tu sais que c’est important pour elle. Tu n’es donc pas particulièrement surprise par sa réponse. Elle y passe beaucoup de temps, comme c’est étonnant. Tu évites de rebondir sur la question de l’objectif, jugeant que c’était juste une bien mauvaise idée d’aborder le sujet. « Tu ne fais pas que travailler j’espère ? » Ce n’est pas un reproche, mais plutôt une pointe d’inquiétude qui se manifeste. Tu ne devrais pas être si étonnée, elle n’est pas particulièrement sociable. Mais ça t’inquiètes quand même, parce que ça ne peut pas lui faire de bien d’être uniquement concentrée sur son travail.  

À sa question, t’hoches distraitement la tête. Ça se passe bien, tu fais attention, c’est tout ce que tu devrais répondre. Mais de bonne humeur - pour une rare fois - tu préfères plaisanter avec une légèreté que tu aurais cru perdue depuis le temps : « Il me semble que c’est ta spécialité non ? Abuser dans les entrainements. » Tu vois bien son regard soucieux. Tu te doutes qu’elle s’inquiète, tu le sais, même, depuis que tu lui as annoncé ton choix de profession, ta conversion vers la pleine vie militaire. Tu lui adresses un sourire, t’essaies de te montrer rassurante à son égard. « Je fais attention, tu n’as pas à t’inquiéter. » Oh, tu sais, qu’elle le ferait dans tous les cas, mais tu n’en as pas envie de lui donner des raisons de le faire. Finalement, il semblerait que ta visite chez le médecin ait été d’une plus grande utilité que tu ne l’aurais cru. La majorité des blessures que tu t’étais infligées en t’entrainant sans prudence ont été traité par son don. Même les points restants guérissaient bien, il n’y avait donc aucune inquiétude à avoir, ce que t’essaies de lui faire comprendre. 

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C’est un couteau à double tranchant, tu penses. Parce que tu as toujours aimé parler de ton travail, ça a toujours été quelque chose qui t’a passionné. Toutefois, tu as le sentiment que de t’étendre sur tes objectifs, sur ce que tu veux, n’est peut-être pas une bonne idée. Pas ce soir. Parce que s’il y a une partie de toi qui te dit qu’il s’agissait d’une erreur, qu’elle ne pouvait pas vraiment être à Caer Hrid, tu ne peux pas t’empêcher de te montrer plus rationnelle, de te dire qu’elle voulait peut-être effectivement vivre ici et ne pas remonter. Chose que tu chasses rapidement, parce que tu ne veux pas y croire, tu ne peux pas comprendre comment votre vie pourrait être ici. C’est donc pour ça que tu ne t’attardes pas sur le sujet, que tu ne fais qu’évoquer que tu travailles beaucoup, sans doute trop d’après certaines. Et c’est pour ça que tu ne peux que soupirer légèrement à sa question avant de lui offrir un sourire rassurant. - Je vais aussi régulièrement au gym. Et je prends le métro. Ça compte, non ? Le tout sur un ton léger, tout ça pour qu’elle ne s’inquiète pas trop, alors qu’il était évident que tu faisais presque exclusivement travailler. Ça t’occupait l’esprit. Ça te permettait de ne pas trop penser à ta situation déplorable et cette relation que tu avais cru avoir perdu.

Lui renvoyant la question, tu ne peux pas t’empêcher d’être inquiète. Tu l’es depuis que tu as appris qu’elle avait rejoint l’armée de Caer Hrid, qu’elle était encore militaire. Ça t’embête, en fait. T’aimes pas ça. Mais tu ne sais pas trop ce qui t’embête le plus dans toute cette situation. Qu’elle soit encore militaire ou que tu l’ais appris que cinq ans plus tard ? Sans doute un peu des deux. Mais sûrement plus la deuxième option. Tu n’aimes pas l’idée de ne pas faire partie de sa vie. - Oui, en effet, c’était ma spécialité… Ça ne manque pas de te faire rire. Tu as toujours été celle à en faire trop, celle qui se retrouvait blessée parce que tu ne faisais pas assez attention, parce que tu n’as jamais su quand t’arrêter, convaincue que tu pouvais outrepasser tes limites à chaque fois. - Ce n’est pas une raison pour faire comme moi. Parce que tu ne voulais pas la savoir blessée, pas alors que tu étais trop loin pour prendre soin d’elle.

Le serveur revenant vers la table, tu observes les assiettes posées devant vous, prenant une gorgée du vin servi. Ça te fait du bien d’être ici. D’être ici avec elle. D’avoir un semblant de relation normale, ce que tu n’as pas pu avoir ces cinq dernières années. - J’espère que la cuisine de Caer Hrid en vaut la peine. Tu n’en doutes pas. Ça en vaut la peine d’être ici parce que tu es avec elle, parce que c’est tout ce qui t’importes en ce moment. Que la cuisine soit bonne ou pas, c’est du détail. Elle est là. Vous avez un vrai rendez-vous. C’est tout ce dont tu avais besoin, tout ce que tu avais demandé ces dernières années. Ce que tu n’avais pas pu avoir, lui ayant posé un lapin à chaque rendez-vous proposé. C’est pour ça que tu veux en profiter. En profiter d’être avec elle. Elle t’a manqué. Elle t’a cruellement manqué. Tu as juste envie de lui parler de tout et de rien, de sujets légers, de ne pas t’attarder sur quoi que ce soit qui pourrait la contrarier. Ce qu’elle fait, ses entraînements, ton assiduité au gym, tout ça… Tu veux juste apprendre à la connaître, apprendre à connaître celle qu’elle est devenue depuis la chute. Celle que tu as toujours autant envie d’épouser, malgré la distance et l’absence des dernières années.

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S’il n’y a rien d’étonnant dans la réponse que Lexie t’offre, tu ne peux pas dire qu’il y a quoi que ce soit de rassurant. Le gym et le métro, ce n’est pas exactement le genre d’occupation que tu voudrais qu’elle ait dans le meilleur des mondes, parce que ça veut dire qu’elle passe presque la totalité de son temps à travailler. Ce n’est pas surprenant, t’aurais du t’y attendre, mais ça te dérange quand même. Est-ce qu’il aurait été préférable qu’elle te parle des amis qu’elle a pu se faire à Polaris ? Oui et non. Tu ne peux pas garantir que tu aurais bien réagis, mais au moins t’aurais pu avoir la certitude qu’elle était bien entourée. Au moins tu connais Eirin, bien que les circonstances derrière votre rencontre n’étaient pas idéales. Tu ne sais pas si tu devais en toucher un mot à Lexie, lui dire que t’as, peut-être, pas été la plus agréable envers son amie. Tu doutes que ce soit la bonne chose à faire, surtout ce soir, mais peut-être qu’il faudrait que tu amènes le sujet un de ces jours.

Pour ce qui est de son travail, t’es surement pas très bien placée pour lui faire la morale. « Ça compte si mes entrainements comptent comme autre chose que du travail. » Oh, tu sais que ce n’est pas pareil. Après tout, ses entrainements se font dans un gymnase sans grand danger, toi ils se font avec des épées qui pourraient aisément causer une catastrophe. T’arrives généralement à éviter le pire, mais qui sait si tu pourras le faire à long terme. Peut-être que ça airait mieux maintenant que tu n’as plus à t’entrainer jusqu’à ce que la fatigue te permette d’oublier ce que tu ressens. Peut-être que d’avoir une véritable relation - ou quelque chose s’en approchant - avec la femme que tu aimes te ramènera à tes habitudes plus prudentes. « Je ne joue pas encore avec des explosifs, ça devrait aller. » Et tu ne jouerais probablement jamais avec des explosifs considérant l’équipement que vous avez à Caer Hrid. T’essaie de rester légère, de tout faire pour ne pas qu’elle s’inquiète. Ça implique aussi de passer outre les commentaires désagréables qui pourraient être passés, comme le fait qu’elle n’est pas ton contact en cas d’urgence. « Je suis prudente, ne t’en fais pas. » Tu répètes globalement la même chose, consciente que tes mots ne sont sans doute pas suffisants pour la rassurer.

Mais vous pouvez au moins vous distraire avec la nourriture et le vin qui arrive. Tu remercies le serveur avant de reporter ton regard vers Lexie avec un sourire. « Ça n’accote pas mes talents culinaires, mais ça vaut le détour. » Tu plaisantes sur la question, déjà parce que tu ne cuisines pas si bien, mais surtout parce que ça fait une éternité que tu ne t’es pas vraiment mise derrière les fourneaux. Faut dire que cuisiner pour toi-même n’est pas aussi plaisant que lorsque tu pouvais cuisiner pour vous deux. Peut-être que tu auras l’occasion à l’avenir. Pour l’instant, t’as surtout l’opportunité de rattraper le temps perdu, d’apprendre à connaitre celle qui se trouve devant toi, de profiter du temps que vous avez ensemble pour une fois. Tu fais attention d’éviter certains sujets plus sensibles, t’essaies de ne pas montrer les mauvais côtés de ta personne qui tu t’es découverts pendant les dernières années.

Ça vous permet de passer un bon moment, retrouver la relation que vous aviez dans le passé. Lorsque vous terminez de manger, tu t’occupes de régler l’addition avant de l’entrainer avec toi à l’extérieure. « T’as envie de visiter un peu ou tu préfères rentrer directement ? » Et par rentrer tu veux dire chez toi, l’option que tu préfères entre les deux. Tu comptes bien profiter des heures que vous avez ensemble et si elle veut voir un peu plus de la ville où tu habites, tu peux bien servir de guide. Sinon tu profiterais de sa présence d’une façon un peu plus douce, d’une façon qui t’a manqué pendant les dernières années.