Elle aurait voulu que rien ne change, qu’égoïstement le monde reste tel quel. Sans porte de sortie, sans choix impossible. N’aime pas les adieux. Déchirants, elle n’ose pleurer, supplier. Se contente de sourire et de blaguer malgré la triste situation, ne sait faire autrement. Sait pertinemment qu’elle ne devrait pas essayer de le retenir ; l’a elle-même abandonné il y a longtemps. Et pourtant, ne pourra jamais s’en empêcher. D’essayer encore un peu, de le garder auprès d’elle. Trop égoïste, ne pense qu’à ses souvenirs perdues et les rires anciens. Ne regrette rien, ne sait juste pas dire adieu correctement.
Elle restera et il partira, comme si c’était écrit.
Ses paroles la font sourire, comme d’habitude. A toujours eu les bons mots pour la faire éclater de rire. Et la brune le voit bien, que l’aigle n’est pas entièrement heureux de quitter cette terre. Se retient de sourire à son petit manège : ne pas la regarder en face n’empêchera pas la détective de lire ses pensées sur son visage expressif. Le connaît trop bien pour ça.

« Je pense plutôt que je deviendrai grosse et que tu seras obligé de revenir me forcer à manger mes carottes. »

Essaye d’alléger la tristesse qu’elle voit pointer dans ses yeux. Mais consoler, elle n’a jamais été très forte à ça. Elle-même n’est plus trop d’humeur aux blagues. Elle soupire et vient s’agiter sur ses pieds comme la pile électrique qu’elle a toujours été.

« Tu vas me manquer aussi… »

Et la cubaine n’en dit pas plus. Délivrer ses sentiments, ce n’est pas son truc. Préfère de loin rire et éloigner les mauvaises ondes. Pourtant ce jour là, la moitié du contient sera étincelant de joie ; l’autre en deuil.
Altagracia espère ne pas pleurer, lorsqu’ils partiront tous loin d’elle sans se retourner.

« Tu sais que tu n’auras plus personne à sauver, une fois remonté ? »

Espère encore pouvoir le faire changer d’avis bien qu’elle pense l’initiative vaine. C’est elle finalement, qu’il faudrait sauver.

Elle ne comprenait que trop bien son envie d'aider, de sauver. Car si la jeune femme avait autrefois décidé d'élucider des affaires pour le simple défis du mystère et de l'inattendu, elle avouait aujourd'hui aimer se rendre utile. Aider les personnes dans le besoin malgré son côté quelque peu égocentrique et sa cupidité.
Altagracia était pourtant certaine qu'Althea aurait bien plus besoin de lui ici que là-haut. Sur Terre. Car ici leur continent n'était pas une utopie malgré les dires de certains dirigeants. Rien n'était parfait.
Le forçant à éloigner sa main d'une petite tape grincheuse et capricieuse, elle s'insurge.

« Oh non Al' n'essaye pas de te trouver les enfants pour excuse, tu sais que je déteste ça. »

Les enfants, pas ses excuses. Si certains voyaient en eux une douce aura angélique, la cubaine elle ne percevait que leur âme de démon. Prêt à tous les dévorer. Un point sur lequel ils n'avaient jamais été d'accord. Mais Aloïs semblait voir le bon en chacun, attitude qu'elle avait toujours trouvé touchante.
Malheureusement la détective n'était pas si ouverte d'esprit.

Elle sourit de voir ainsi les magnifiques ailes d'aigle les recouvrir. Les isoler d'un monde qu'il veut quitter ; qu'elle veut garder. Et pourtant, s'énerve de ne pouvoir lui faire entendre raison.

« Qu'est-ce que tu crois que j'essaye de faire ? Je te sauve de cet affreux monde qui t'attend là haut ! Qui te dis qu'il y a encore quelque chose d'ailleurs ? Des cadavres, des rats ou peut-être juste un foutu trou noir ! »

Elle s'emporte, juste un peu, fronce ses sourcils. Avant de porter ses doigts aux douces plumes qui la recouvrent. Une infime caresse, ce plumage lui a manqué. N'est pas sûr d'un jour revoir ces grandes ailes noirs, protectrices ; alors elle en profite. Probablement leur dernière discussion.

Elle lève les yeux au ciel, évidemment qu'ils ont besoin de lui. Le monde entier méritait Aloïs comme ange gardien. Avait apprit il y a des années à partager, à laisser l'aigle s'envoler. Résignée, il aurait toujours quelqu'un à sauver et ce ne sera malheureusement pas elle. Trop fière et indépendante, elle ne l'aurait de toute façon pas laissé faire.

Trouvait sa façon de vouloir protéger chaque être humain à la fois irritante et adorable. Ne comptait plus le nombre de fois où elle avait râlé par le passé. Aujourd'hui, elle ne l'aurait pas imaginé prendre autre décision que celle de remonter avec ceux qu'il désirait tant protéger.
Et ses bras vinrent la serrer contre lui tandis qu'elle se laissait faire, portée par l'instant. Submergée par cette douce affection qu'elle ne demandait plus ; aurait voulu ne plus le lâcher. Rester ainsi pour l'éternité. Elle le sent faiblir ; se sent faiblir. Oserait-elle le repousser une seconde fois ? Ses bras viennent l'entourer dans une solide étreinte. Aimerait arracher la tristesse dans la voix du jeune homme. Peut-être également se libérer de la sienne. Elle reprit alors d'une petite voix, peur de briser le moment.

« Je ne peux pas... ma vie est ici maintenant. J'ai oublié la Terre il y a des années contrairement à toi. »

La cubaine enfouit son visage dans le t-shirt du blond en le serrant contre elle. N'ose pas le regarder. Lui présenter le doute et le regret dans ses yeux. Car la voilà qui l'abandonne, encore une fois. Et pourtant, hésite quelques secondes. S'imagine là-haut, à ses côtés. À reprendre sa vie ou en commencer une autre. Mais non, jamais elle ne partira. Jamais ne quittera sa Vallée aux milles étoiles, et tant pis si elle doit vivre sans lui. Leur chemin se sépare ; peut-être qu'elle pleurera, finalement.

« Si tu as des gens à sauver là-bas, moi j'en ai à aider ici. »

Sa voix tremble peut-être un peu. Pourtant, la brune reprend déjà contenance. S'écarte de quelques centimètres pour le regarder enfin dans les yeux du haut de sa petite taille. Pour lui sourire un peu et lui tirer la joue, comme il avait pu le faire l'instant d'avant.

« Je crois qu'on restera toujours aussi têtu l'un que l'autre malheureusement. Toi à jouer les super-héros, moi à vouloir révéler tous les mystères d'Althea. »

Elle rit un peu, consciente de la situation irrécupérable. De leurs idéaux incompatibles. Espère pourtant encore que Tatsuya et sa bande ne remonteront pas. Après tout, qui savait de quoi son fameux plan était fait ?

Peut-être qu’ils s’accrochaient juste un peu trop tous les deux. L’un à l’autre comme à la dernière bouée de sauvetage. Mais Altagracia savait qu’au final, elle le laisserait partir. Et tous les mystères de leur monde nouvellement retrouvé ne la ferait pas changer d’avis. Il y avait tant à faire ici, des endroits inexplorés qu’elle rêvait d’arpenter. La-haut, elle ne se sentirait plus chez elle. Aloïs pouvait bien lui promettre toutes les pâtisseries du monde, la jeune femme ne pouvait abandonner tout ce qu’elle avait accompli ici. Son travail acharné pour ouvrir son agence de détective et avoir ses premières enquêtes -qui il fallait bien l’avouer, avaient été un vrai fiasco. Non, ne pouvait délaisser tout ça pour une terre qui ne lui avait jamais rien donné ; qu’elle n’avait jamais apprécié.

Et ses lèvres contre les siennes la firent douter ; un peu surprise. Parce qu’elle le savait, l’aigle faisait partie de ces personnes qu’elle aimerait toute sa vie. Peut-être aurait-elle du se retirer, mais la détective n’en fit rien. S’abandonna un instant, lui devait bien ce moment. Leur baiser d’adieu, aurait pu rire de cet aspect trop romantique pour eux deux.
Simple et doux, ils n’avaient besoin de rien de plus. Aussi la brune sourit lorsqu’il s’écarta, prenant cet adorable action pour ce qu’elle était : un dernier geste affectueux.

« Ne t’inquiète pas je résoudrai les meilleures enquêtes ici, pendant que tu déprimeras en haut à manger tes pâtisseries. »

Elle rit, parce que ça a toujours était comme ça entre eux ; des sourires et des rires. Un brun de joie dans ce monde qui pouvait parfois être si triste. Et sentit l’émotion la gagner lorsqu’une plume vient se nicher au creux de ses mains, que la cubaine caressa délicatement ; comme un trésor. Triste présent, qui ne pourrait que lui faire penser au jeune homme aussi longtemps qu’elle la regarderait. Et il veillera sur elle, n’en avait jamais douté.

« Je sais. » Se sentit triste, à observer ce doux cadeau, relevant son regard vers Aloïs. « Tu n’auras peut-être plus d’ailes là-haut, qui sait comment nos cristaux régiront ? » Car elle savait à quel point cela pouvait compter pour lui. Ne pu s’empêcher de tenter de le retenir une dernière fois. De se serrer à nouveau contre lui en l’entourant de ses bras. Un peu égoïstement peut-être, mais n’avait jamais prétendu être autre chose que cela.

« Tu es sûr de ne pas vouloir rester ici avec moi ? »