Il y a trois ans...

L'aurore pointe le bout de son nez, avec un claquement sec la porte d'entrée se referme. Sous son lourd manteau de coton elle tremble, il est pourtant bien rembourré. Il lui faudrait quelque chose en fourrure mais ça coûte cher et elle n'a pas l'argent. Ses petites mains gantés ne ferme pas derrière elle à clé, à quoi bon, au village on se fait confiance. Même si elle n'est pas arrivé ici depuis longtemps elle a compris que les gens d'ici était les bons, ceux avec qui elle avait envie de construire quelque chose de long. Le temps de remonter à la surface évidemment. Même si cette idée commençait à avoir un goût amer en fond de bouche. Elle préfère ne pas trop y penser pour l'instant. Ses pieds bien emmitouflés s'enfonce au delà du perron, dans la neige fraiche. Sa craque sous ses pas, d'un bruit très satisfaisant, rond et doux, comme ce matin. Il fait frais oui mais il n'y a pas de vent. Mariette fini de mettre un foulard autour de ses cheveux, le nouant sous la gorge. Quelques flocons tombe de ci de là en pluie fine. Quelques chats viennent lui dire bonjour, elle les a déjà servit ce matin mais il fallait croire qu'iels voulaient un second service.

Ouste ouste, sapristi, vous avez déjà mangé petit chenapan ! pas de deuxième portion, allez chasser !

Et elle tape du pied, reine de ce petit monde de félidé, iels déguerpissent en tout sens, la queue en cloche, amusés et excités elleux aussi, par l'air frais. Elle a un grand sourire sur son visage en les regardant s'échapper ainsi, une bien rare expression qu'elle ne montre que quand elle est confiance, et là seule dans la rue enneigée, elle se sent dans son élément. Elle commence à remonter le chemin, sous son bras, un petit colis particulier, tout entouré de papier kraft et de ficelles, il fait un bruit de cliquetis sous sa cadence.

Elle a rendez-vous, c'est un rendez-vous secret, la personne rencontrée elle-même n'est pas au courant de celui-ci, tout est tenu au secret dans la tête de Mariette, c'est elle qui tire les ficelles. Elle s'en va le long du chemin, déterminée. Depuis qu'elle est arrivée au village, bien qu'elle a eut une maison facilement, se ravitailler est une autre histoire, elle passe ses journées à récolter des baies d'hiver, elle ne mange quasi pas, elle est épuisée, sa boutique qu'elle a ouverte dans sa maison est balbutiante, elle n'a encore pas beaucoup de commande, de ce fait, quasiment pas de rentré d'argent. Elle a gardé une petite économie de lorsqu'elle vivait à la rue à Polaris, factrice de son état (elle aurait pu vivre quelque part mais avait toujours refusé). Mais celle-ci c'est bien amaigrie à présent, il lui faut rapidement trouver un autre moyens de s'approvisionner. Elle a essayé de confectionner des pièges, mais ils ne sont pas très efficace, elle n'attrape rien, se demande quel est le soucis. Tout serait plus facile si elle savait ce qu'elle faisait. Ce qui n'est clairement pas le cas.

Ainsi, une idée à germé.
Il y a bien dans cette contré Oh un grand chasseur
Il a les cheveux noir mi-long,
un regard tout aussi sombre
Oh c'est le chasseur de ces lieux, qu'on ne connait que par ce nom.

Elle dégluti, voilà plusieurs minute qu'elle marche et la voilà arrivé à destination. Elle, qui l'a suivi lors de la fin du précédent marché pour reconnaitre sa demeure. Maintenant elle est devant, maintenant elle se doit d'être décidé. Alors d'un poing ganté, elle frappe fortement trois coups et attend patiemment, une boule nouée dans le ventre.
Pourtant lorsque celle-ci s'ouvre, de porte, elle fait le lion, comme si tout est sous contrôle et dû à sa cher tête blonde.

Apprenez moi à chasser s'il vous plait !

Et c'est d'un ton triomphant, pas suppliant qu'elle s'adresse à la figure dans l'encadrée. Ses yeux sont pleins d'étoiles elles aussi, sombre comme un puits qui ne demande qu'à avaler toutes tes connaissances, voyez-vous, vous avez déjà un point en commun.

La porte s'ouvre sur le visage intimidant, mais Mariette est décidée, elle n'aura pas peur du chasseur.
Elle regarde par dessous son bras, et, tandis qu'il demande pourquoi, elle se faufile à l'intérieur sans être invitée, ses pas enneigés trainent dans le hall d'entré, elle se tourne vers lui et descend son foulard sur ses épaules, laisse ses cheveux fou s'échapper.

Pourquoi ?
Oui c'est vrai ça, pourquoi Mariette ? Pourquoi vouloir te salir les doigts.
Mariette est une baroudeuse dans l'âme, une enfant de la vie sauvage, et de sauvagerie elle vit alors elle ne comprend pas ce pourquoi, c'est une évidence dans son cœur : elle est faite nymphe chasseresse. Il lui manque juste les cordes à son arc et Athéna elle deviendra, comme maman l'aurait aimé.
Comme maman...qui aurait été si fier...voir sa fille voler à douze ans à peine de ses propres ailes.
Ooh oui elle veut s'envoler

Pourquoi pas ?

Réponse d'enfant, elle se frotte les mains entre elles puis retire ses gants, les range dans ses profondes poches. Elle regarde autour d'elle, elle n'aurait pas imaginé l'intérieur autrement, rustique pour sûr, ça lui plait, un petit sourire nait sur ses lèvres tandis que son regard parcourt la pièce, puis ses iris reviennent se poser sur la figure imposante dans l'encadré.

J'ai faim...et j'ai froid... elle se frotte les bras en haussant les épaules, son paquet toujours sous le bras, et puis j'aimerais savoir faire.

Apprend moi à tuer avec respect, de ce sacré que l'on accorde à la nature lors des quelques secondes avant de tirer, ce calme plat, ce retenu de la respiration, ce moment divin entre la vie et la mort où l'on observe juste la beauté pour mieux l'achever. Elle veut connaitre ça, elle veut revêtir la peau des louves, se faire aussi agile qu'un faon. Pouvoir marcher dans la forêt en compagnie des félins norvégiens. Retrouver dans ce froid sa suède tant chéri, y habiter tout entière, jusque sous les ongles, les mains poisseuse de son sang battant.

Elle s'assoit dans le hall d'entrée, et déballe son paquet, c'est en bois : un piège rudimentaire.

J'arrive pas à le faire marcher...Elle se gratte les cheveux avant de soupirer, les sourcils froncés, elle ne comprend pas où est le soucis, la trappe ne s'active pas correctement lorsqu'on appuie à l'intérieur, elle essaie encore de l'enclencher sans succès comme si l'homme n'existait plus, elle est toute concentrée sur son œuvre, elle essaie de faire tomber à nouveau la trappe et égratigne l'intérieur sans faire exprès, l'objet prend vie, et commence à se déplacer loin d'elle dans un bruit de ramequins entrechoqués.

AH non reviens ici !! elle se met sur les genou et le rattrape entre ses doigts avant que la boîte ne puisse s'éloigner et elle la maintient contre elle se rasseyant, son ouvrage contre elle, se calme doucement. Ses yeux toujours rivés sur l'objet qu'elle tient elle dit d'une voix boudeuse :

vous êtes le mieux placé....

et elle renifle, jouant avec la porte de sa trappe.

Alors qu'elle joue tu lui tend une main, sans un mot elle l'accepte se relevant tout en douceur, tenant toujours son maigre trésor contre elle. Il ne marche pas oui, mais c'est tout de même elle qui l'a fait, alors elle le porte avec ce soin tout particulier qu'on accorde aux objets que l'on aime. A pas de loup, elle te suit dans la cuisine et s'installe sur la chaise que tu lui tire, sans rien dire.

On pourrait dire que ça avait été beaucoup plus facile que prévu, mais Mariette n'avait pas prévu une quelconque difficulté, dans son regard d'enfant, tu ne pouvais pas dire non, tu lui devais pitance et chaleur, tu lui devais toutes ces choses en plus de l'enseignement car elle est une enfant, et en tant qu'enfant elle ne fait que prendre sans jamais donner autre chose que des sourires peut-être...si tu es un adulte sage, et même quelques rires qui volent haut et résonne contre le plafond, si tu deviens un adulte aimé.

Là pourtant elle ne montre pas son côté adorable elle pense, elle croit montrer son côté grande, comme elle se débrouille bien, elle se relève bien vite de sa chaise et pose le piètre piège au sol, le laissant vaquer à ses occupations d'objet animé, qui dodeline contre le parquet.

Je mange de tout.

Regardes-là faire le tour de l'îlot et ouvrir les placard à l'unisson avec toi, chercher les assiettes et les verres ainsi que les couverts, qu'elle pose sur la table, comme si elle est chez elle. Bah quoi ? elle n'aime pas rester sans rien faire, ça mère ne l'a pas élevée comme ça.

Donne moi les légumes, je t'aide.

Ça sonne sans appel, elle ne lui laissera pas dire non, Mariette est de ces enfants qui n'accepte pas ce mot là dans le vocabulaire d'autrui, que dans le sien. Oui elle est de ses enfants égoïste des mots. Elle en tient en otage certain, et celui-ci en fait parti. Et dans son égoïsme qu'elle chérie, elle te laisse une petite place, une place à prendre, une place qu'elle n'a jamais voulu donner à Thaddeus, par fierté. Mais sachant tes mains ensanglantées par la vie, elle te regarde avec respect, tu lui sembles de ces hommes qui cachent leurs mots entre deux mains bourrues par la vie et c'est quelque chose, oui, quelque chose qui lui fait envie. Mieux que les mains chaudes de ceux qui aiment sans retour, elle préfère celles caleuses de ceux qui prennent sans rien dire, elle préfère leur revêtement rêche dans lequel elle se reconnait. Enfant des forêts, prend la avec toi, elle veut hurler dans les bois à tes côtés, silencieusement, le loup entre les mains, rivés sur les habitants de ses boisés.

Ce qu'elle veut ? c'est ta guidance, tes mains le long des siennes sur le canon, ce qu'elle veut, qu'elle drôle de question alors qu'elle se déplace vers le panier à légumes et que tu lui ébouriffe les cheveux, ses joues se colorient sans qu'elle ne dise rien. Ce qu'elle veut...ça la fait réfléchir, elle devient pour le coup timide, tes mains contre sa chevelure l'ont rendue interdite, elle ne s'attendait pas à cette chaleur, elle ne s'attendait pas à t'attendrir, bien qu'elle l'eut espéré, bien qu'elle l'espère toujours. Un petit sourire de bonheur nait sur ses lèvres alors qu'elle te tourne le dos, elle prend quelques tomates dans le panier et les pose sur le comptoir, puis va voir dans le frigo ce qu'il contient. Elle en sortira du concombre, des courgettes, des cornichons, des olives, et ce qui semble être de la feta ? Elle ne sait pas mais c'est suffisant. Elle pose le tout sur la table et retourne s'asseoir, en face d'elle tu déposes des tasses chaudes, elle s'empresse de prendre la sienne et de boire un coup, le liquide réchauffe tout ses jeunes os. Elle s’ébouriffe sous la chaleur, plissant son nez et son regard. Son visage disparait derrière la voluptueuse fumée qui s'en échappe, elle aime boire brûlant alors elle ne se prive pas et en prend encore une gorgée.

Elle ne te dis pas merci mais le pense, de chacun de ses doigts épris de la chaleur de la tasse. Elle pianote contre, te regarde faire tel un chat curieux, éplucher les concombres et les courgettes. Elle laisse à contre-cœur la chaleur de sa tasse pour attraper un couteau. Et commence à couper en tranche les tomates sur une planche à bois. Les réponses mûrissent au fur et à mesure du temps que vous passez ensemble, elle aussi à mille et une question, mais tu es plus rapide qu'elle pour prendre la parole.

Ainsi tu souhaite savoir comment l'appeler, cette chatte sauvage, cette enfant des forêts, tu souhaites apprivoiser son nom, apprendre à marcher dans ses petits pas. Pour la première fois depuis longtemps elle ne se fait pas revêche, pour un autre que toi, oui, mais toi...Ce qu'elle veut hein....peut-être qu'elle ne veut que toi, que tes mains le long de ses cheveux, que ton souffle batte sur le sien, dans une harmonie que l'on nomme famille. Est-ce étrange ? Elle qui a si longtemps refusé le couvert d'autre (oh désolé Thaddeus), voilà qu'elle se ferait tout miel ? Mais qui es-tu donc pour la rendre aussi sage, si pleine d'espoir envers ces images rêvées, d'une famille créée.

Mariette, et toi, monsieur le chasseur ? demande-t-elle la bouche en cœur.

Ce qu'elle veut ; toutes les tomates sont à présent coupées, elle attrape la feta et en fait de gros carrés, y rejoins bientôt les olives qu'elle dénoyaute. Puis elle attrape le concombre que tu as épluché pour le couper lui aussi en tranche et mettre le tout dans un grand saladier.

Est-ce que tu as du thym et du romarin ? On peut en mettre avec les courgettes cuites, ou alors si tu as de la crème on peut les faire en gratin à la béchamel, tu aimes quoi toi ?

Et de ses grands yeux sombre elle t'interroge d'un regard. Oui ce qu'elle veut elle pense l'avoir trouvé ici, une autre maison que la sienne, pleine de chaleur et de candeur, une maison à sa hauteur, proche de la vie, et qui n'a pourtant pas peur d'aller courir par les bois pour y retrouver son chemin, c'est son destin elle s'imagine. Tuer et donner la vie, la vie à ton foyer.

Mariette n'a aucune idée de tes terreurs, de tes erreurs, de l'homme que tu as pu être. Tout ce qui compte pour elle se trouve devant ses yeux, un homme dans la trentaine le cœur sur la main, les doigts sur la gâchette, un tueur pour une enfant sauvage, vise son cœur. Il ne faut pas grand chose pour que cette chasse prenne fin, vois, elle ne cherche pas à s'éloigner du canon. Elle reste patiente, attend ton tir, elle est là pour s'endormir et laisser tes doigts filer dans sa pelure platine. Elle ne se fera ni ours ni louve, elle ne se fera pas plus dame renard, sous tes doigts elle restera proie puisque Oh chasseur, celle-la est venu pour s'endormir contre tes doigts.
Tir bien, vise loin, jusqu'au fin fond de son regard noir elle se laissera vaciller et prendre au filet. Oh chasseur, Oh chasseur, fais en ta fille d'une balle, amène la au bal, ou tout les animaux danse et hurlent le long des forêt de pins suédois, oh ramène la danser là-bas.
tu ne fais que la retrouver
elle qui se croyait perdue à jamais.

Elle tire sur un tiroir et bingo les ciseaux repose au fond du lot. Elle va ensuite chercher les herbes, couper quelques brins de ci de là, faisant attention de ne pas trop abimer le lot. Soit, ça sera à la poêle puisqu'il ne répond pas. Elle pose les herbes au passage et profite de ses mains libre pour ouvrir un énième placard, en sortir une grande poêle et de l'huile, elle laisse un filet s'écouler dedans et la pose sur le gaz en allumant ce dernier. Ensuite vite vite, elle se dépêche pour retourner à sa place et couper en petit dés les courgettes toutes juste pelées. Bien vite elle va les déposer au fond de la poêle et y met un couvercle dessus. Ta voix s'élève, Ludde ça sera, elle trouve que c'est un joli prénom, Ludde. Elle se glace même un instant...se pourrait-il...? Elle entrouvre les lèvres mais tu n'as pas fini de parler, et lors de ta question, elle referme les siennes, te restant le dos tourné.

Oui elle vie seule
depuis tellement d'années
comme un dernier renfort qui venait de tomber ses épaules tremblent mais elle ne pleure pas.
Elle est si, si seule, et personne à l'orphelinat n'avait réussit à combler ce vide béant en elle, il y avait trop de miel dans leur voix pour atteindre cette enfant des bois.

Oui, j'ai la petite maison la plus proche de la forêt. C'est vraiment ludde ton prénom ou c'est ludvig ? Tu es suédois ? je suis suédoise.

Et tout en parlant elle continue de suivre la cuisson, ce noie dedans pour éviter de devoir te faire face, quel tragique destin de perdre sa famille pour en retrouver une autre qui parcourt les mêmes chemins. Ça serait vraiment un coup du sort si toi aussi, toi aussi comme elle, avait jadis habité dans ce beau pays où la neige comme ici, est une reine dans laquelle on s'éteint transit.