Il n’avait que de vagues souvenirs
(comme des choses fugace)
Des alentours de Requiem
et
D’une quelconque marchandise -un tableau peut être ?-
D’un vendeur
D’une ombre derrière lui
D’un liquide chaud sur sa tempe.
D’une douleur dans son plexus, là au milieu des côtes.
Des ombres lui tendant les bras pour une fuite malhabile
Des ombres pendues à son cou comme d’avides amantes

Il avait peut être marché une fois dans la ville.
(ou pas ?)
ou alors il s’était effondré.
(vraiment ?)

Pour ainsi dire Orazio ne savait plus, et la conscience est une chose vacillante une fois qu’on la perd.

C’est un éveil difficile, douloureux à la respiration.
Il avait ici de nouvelles ombres ayant pris place derrière ses paupières lourdes.
La lumière de requiem n’agresse jamais les yeux, sa qualité artificielle ne la rend que plus douce. Battant des cils pâles sur le brillant de ses yeux pers il ne distingue rien que des touches floues
Comme les impressions d’un Monet au soleil levant
Des points colorés et frémissants comme les fleurs à Giverny.

Tournant la tête dans un effort qui vient lui scinder la tempe, ses yeux se posent sur une toute nouvelle impression.

Dans la lueur blême de Requiem se découpe un profil entouré d’un halo comme une gloire
Comme un sequin précieux où l’on vient frapper le profil des saints. Et ses yeux qui viennent de succomber à l’éveil ne peuvent se détacher de cette image.
La silhouette hyaline au cheveux comme une mantille délicate
Le galbe parfait des courbes qui viennent joindre le cou et la mâchoire
Le chatoiement de ce contre jour presque hiémal et de la posture indolente comme une statue aux accents marmoréens.

Après tout peur être était-il mort ?
La bouche entrouverte comme un enfant fasciné
Il a presque peur de fermer les yeux : comme si un simple mouvement de paupières pouvait balayer d’un souffle cette image superbe.

Sur la tempe une chaleur sourde et au front des cheveux chamaillés. Ceux là épars parfois collés au derme prennent un accent plus sombre contre son humidité.
C’était une fièvre
Peut être banale
Lui, brûlait d’une toute autre
Une fièvre qui s’attrape par la caresse des yeux qui, dans leur sillage brumeux, s’étaient accrochés à ce si joli profil

Quel.le seraphin.e venait donc le cueillir ainsi parmi les fleurs ? Mais qu’iel le coupe donc du bout de sa serre, qu’iel le fasse fleur et lui arrache un à un ses pétales en quête de réponse à des amours déchirantes,
comme les jeunes adolescentes qui chantent leur feux pour de vilains garçons, en effeuillant les marguerites.
Orazio n’avait jamais songé aux fleurs ainsi, il aimait leur langage et leurs mots parfois doux, parfois durs.
(car il avait appris ce langage dans les bras d’un amant, et s’était retrouvés congédié par quelques ancolies.)

Quelques bouquets venaient naître dans son esprit vaporeux et échauffé.
Alors, battant des cils il borde cette silhouette de quelques fleurs
pour la faire belle comme une vanité

Marguerites rouges, Roses bordeaux, des incarnats les plus profonds au teintes violacées des acanthes

Beauté inconnue, inconsciente, art tant rêvé.

Il lui semble que la scène de cette épiphanie change quelque peu, que son corps bouge sans qu’il ne le régisse, il pourrait presque sentir la caresse de l’ange ou son parfum florissant.
Oh, mais qu’iel le laisse ainsi gésir à ses pieds, qu’iel le laisse là au sol !  Il aurait trop peur de lae tacher de son sang.

Il ne peut que dans un mouvement effréné attraper la courbe si délicate de ce poignet albâtre, qui semble si petit et froid dans sa main fiévreuse.
Mais ce mouvement n’est qu’un désespoir,
Ange, Ange, après tout es-tu bien réel.le ?
Quelle est ton essence ?
Es-tu taillé.e dans la chair ?
Ou dans l’ambroisie ?

« Q-Quel ange es-tu ? Je ne pensais pas en voir de si beau aux portes de la mort. » Il avait imaginé sa mort un bon nombre de fois
Jamais, au grand jamais il n’avait rêvé d’anges
Mais il devait être mort pour contempler ainsi ce chef d'oeuvre parfait.

Et sa main glisse, appesantie, le long du poignet, le long de la veine comme le long d’une statue de marbre
contre la courbe intérieur de la paume, contre les doigts
puis elle chute inerte à ses cotés.
Et ses yeux glauques et délavés roulent dans son crâne, comme deux billes froides.

Ce n’est pas un sommeil, tout au plus une dérive lente entre deux berges. Chahuté comme une barque par l’eau brulante sous le soleil. Peut être reste-t-il ainsi dix minutes. Peut être est-ce des heures.
Battant des cils achromes une seconde fois, sa vision est plus claire
La tempe bat encore, mais tout vibre en concert.
La chair du torse est encore attendrie des coups et s’il venait à soulever sa chemise
il y verrait quelques fleurs embrasser sa peau
des ecchymoses violettes comme les colchiques.

Mais redressant le cou il ne cherche qu’une chose :
ce profil si doux

« Ah, tu étais bien réel.le ? »
Et les lèvres gercées craquent en un sourire, peut être y reste t-il encore le gout de la fièvre ?

L’eau semble bénite
c’est qu’elle lui roule dans la gorge éveillant sa soif
et tirailles ses lèvres gercées.
La voix de l’ange est comme un rêve ou un livre de conte qui parle sa langue oubliée avec un accent qui chante les poussières.

«  C’est vrai, je ne suis pas encore mort. J’avais l’esprit troublé. » a la fin des phrases le souffle est court, presque haletant, il semble presque timide.
Il avait entendu tonner l’hallali au milieu de la fièvre, acculé et endormi comme au val entre quelques amarantes.
Il devait avoir l’air d’un drôle de dormeur sans plaie coulante à son flanc.
Mais il ne méritait pas tant de poèmes.

Alors, il s’était échoué dans l’alcôve secrète de ce jardin fleuri ? c’est qu’il y'avait pires endroits pour tomber en déraison
Et pire éveils que d’ouvrir ses yeux vagues sur un profil angélique
et quelques pas de danses en pointes silencieuses.
Était-il certain après tout de respirer encore ?  

le vouvoiement revient bien vite, un peu penaud. C’est que l’éveil avait désorienté ses sens.
« Je suis navré, vous voilà obligé•e de cueillir les mauvaises herbes. »
Il avait le derme semblable aux orties
tantôt piquant
tantôt doux
sans qu’on sache comment le prendre.

« J’espère que rien en votre éden n’a flétri sous mes pas. »

Reposant le verre vide, il essaie de se redresser, l’entreprise est difficile et encore essoufflée. Pourtant, il peut se hisser sur contre le dos du lit, reposant sa tête contre la surface plane. Il n’est pas grièvement blessé pourtant le corps semble encore endormi et sensible. La tête frappée à la tempe tourne un peu avec ce changement de posture et le poumon s’éraille contre les cotes attendries.

Ses doigts engourdis encore viennent défaire avec gaucheries les premiers boutons de sa chemise, pour laisser sa main glisser sous le tissu, essayant d’attester des dégâts.

Il observe la morsure des hématomes, colchiques entre ses côtes tièdes
la chair est encore attendries de coup
mais bientôt ces vilaines fleurs jauniront et faneront, comme toute les choses.
Pour l’instant elles sertissent son buste comme un tableau seyant,
un ornement dentelé de derme pâle et de quelques coup violets, contre lesquels repose l’argent clair de sa médaille frappée d’une triste vierge.

Il a un air négligé qu’il se permet rarement. Et cela l’afflige.
Orazio passe cette main dans ses cheveux blonds, essayant peut être de leur redonner leur apparat habituel,
Eux n’en ont rien à faire et préfèrent s’adonner aux ondulations friponnes et aux boucles paresseuses contre son front, comme un halo indiscipliné.

Toujours affairé à ses boutons de chemises capricieux qu’il souhaite refermer et ses doigts vilains qui ne coopèrent pas, il tend pourtant un oeil voilé par ses cils pâles.
Un oeil qui ne se détache pas de cette silhouette hyaline qui solivague en tourbillonnant au creux des efflorescences.
« Aiment-elles cela, vos fleurs, quand vous dansez pour elles ? »

C’était un pas démiurge qui ne frappe le sol que de vie.
Une arabesque claire qui porte en son sillage le vent et quelque chose de chaud. Un mouvement plein vie en périphérie de la peau, qui se perd et s’égraine dans l’air.
Qui glisse sur les surfaces pour révéler leur arborescence cachée dans cette saltation nimbée de lumière -celle, artificielle et douce qui filtre entre les feuilles luxuriantes, ces dernières gardant voilé la pureté de cet.te ange qui est leur créateur.ice-

Puis, dans une révérence qu’on adresse à la foule au coeur du proscenium, voila que l’ange se mets à genoux comme dans la plus douce prière.
Peut être un secret au bout de la langue pour annoncer une mort qui est surement la sienne, pour lui dicter une parole qu’il suivrait aveuglement. Oh, il a la tête qui bourdonne encore et se trouve happé par la contemplation de ces quelques mèches pâles retenues derrière une oreille. Leur capillarité est singulière, hyaline.
Et il laisse les doigts gracieux le parcourir
Retient un souffle contre ses lèvres et sa bouche fermée pour garder à lui un soupir endolori. La chair est tendre et crie sous la caresse des doigts.
Mais Orazio a une passivité qui ressemble à celle des plantes, il ne croît que vers les chatoiements du soleil,
et les astres froids de l’hiver. (comme celui à son chevet)
Il se laisse cueillir sans rien dire,
au fond ça lui fait plaisir
Il courbe l’échine et la tête contre les paumes des mains, il connait les contorsions et les postures douloureuses des genoux au sol.
Mais il ne dit jamais rien, garde pour lui les soupirs. Hausse les épaules dans une lassitude ancrées dans sa chair même.

Orazio préfère observer le profil de l’ange cruel.le
-comme tous les enfants le sont-
qui égare ses doigts curieux
-comme tous les enfants le sont-
qui pourrait salir ses mains pâle. (Les ange ne devraient pas toucher les pécheurs comme lui, iel pourrait bruler sa paume contre sa tiédeur).
Mais c’est lui l’enfant peut être, quand il se laisse rhabiller, ses mains inutiles posées paumes ouvertes contre ses cuisses.

Puis quand l’ange se relève, une de ses mains lae suit.
Pour venir recoiffer derrière une oreille, dans ce mouvement vertical, une mèche débraillée et, glisser à peine le bout d’un indexe contre le relief de la joue.

« Excusez-moi. » Mais il n’est aucunement désolé. Il ramène sa main vilaine contre son torse, la recouvrant de l’autre. Il relève la tête « Je n’ai nul part où aller. Pourrais-je, pour ce soir seulement, abuser de votre hospitalité ? Je repartirai pour Caer Hrid tôt demain. »

Puis il offre un sourire -ce genre d’arc plat qui n’atteint jamais ses yeux et dévoile à peine le bout de ses dents-  et ses yeux à demis-clos qui se perdent sur le sol dans les pétales qui le jonchent, comme des coups de pinceaux dans un tableau de Monet.
Et il pourrait rire en pensant être tombé dans les nymphéas
« Je saurais vous dédommager, demandez moi ce que vous voulez. »

Il est drôlement tombé en défloraison, dans le jardin d’un.e séraphine.
Lui, mauvaise herbes aux feuilles urticantes,
se retrouve choyé comme comme les roses d’Halfeti
par un.e ange aux mains froides qu’iel laisse glisser à loisir, mais il se ferait passif sous la main engourdie de poisson des digitales
au bout des ongles violacés de colchique comme au milieu de ses côtes.

L’autre préfère lui offrir son dos en réponse, alors qu’il (s’)offre sans discernement en remerciement à sa•on sauveur•se  
(Il n’a pas de vanité et peut bien offrir ce qu’il veut, il s’est toujours amusé de la propriété comme d’une blague, que ce soit celle des autres ou de sa propre chair.)
Mais ce dos charmant ne désire rien que la charité des saints, laissant grande leurs portes ouvertes aux oiseaux en errance qui viennent leur picoter le coeur.

« Je pensais vous importuner, mais vous soulez que je revienne ? » Pas de désir, réellement ? Oh, Orazio connait bien les fausses bienséances et les mots que l’ont ne dit pas : on veut toujours quelque chose, bien souvent on ne sait pas quoi.
Pourtant, face à l’ange il pourrait douter tout autant : les plus belles choses ne sont pas humaines leurs traits façonnés par dieu même, bien loin de la fange des pécheurs comme lui,
qui devraient admirer sans toucher cette orfèvrerie.
Alors il contemple comme un enfant sage, les mains dociles et indolentes ramenées contre lui, tandis que la silhouette déjà s’éloigne et va-et-vient dans cette drôle d’herboristerie :
Il détaille les courbes discrètes et le drapé des habits, les contour du profil lorsqu’il s’offre lui. Il a l’oeil qui se balade sur la peau, les cheveux
il admire comme au musée les coups de pinceaux soyeux
qui a coup sûr d’une main de maître
ont dessiné cet.te angelot.
Orazio prend l’assiette des mains délicate, avec la mesure d’un repentant.


« Oh, se sont des mains bien vilaines. » Quel divin hasard, le voilà bien cerné. Mais ses mains ont peint pour de biens vils dessins, elles sont tachées :
Des acrylique ensanglantés
De l’huile aux pigments dorés comme le vice
Se sont des mains qui ont su s’infiltrer et violer les serments des tombes et autres saint sacrements.
Des mains sales assurément «  Mais vous avez vu juste, je suis un peintre bien malheureux. »

il regarde l’assiette de terre cuite, lourde entre ses doigts, puis relève les yeux

« Je me croyais boudé des muses mais, » Oh mais il fuirait aussi les questions pour des histoires jolies, de demies-vérités à semer au vent, comme des graines dans les champs. Pour faire pousser des roses où se piquer les doigts. « Ma chance à peut être tourné »
Et le sourire aux lèvres :
c’est qu’à force d’être fuit par les muses,
c’est avec un.e qu’il tombe nez à nez.