Cette sécurité dont parlait Sasha, c’était peut-être la seule raison pour laquelle elle était vivante en ce jour. Qu’elles pouvaient se revoir, se tomber dans les bras. Sans ce château aux murs épais, Lucrèce aurait été une âme égarée. Une vagabonde comme ceux qui venaient frapper à leurs portes, et qui finissaient déchirés par les transcendés, refusés de la forteresse. Et même avec cette sécurité… même avec ce château, Lucrèce avait vu la mort approcher bien trop souvent. Le monde était devenu ce champs de ruine, ce royaume du chaos, dans lequel personne n’en ressortait indemne.

Les récents tombés avait tous en eux quelque chose de brisé.
Quelque chose que tous semblaient vouloir oublier.

Alors, Lucrèce cacha la vérité à Sasha, sur ce monde de là-haut. Peut-être qu’elle la lui révélerait, lorsque le temps s’y prêterait.  Pour l’instant, elle préférait rire. Retrouver cette innocence de l’enfance. Retrouver cette amie bien trop longtemps égarée. Lui montrer ce que ce nouveau monde lui avait offert ; le pouvoir d’une artiste.  

Lucrèce fermait les yeux, concentrée sur cette terre à transformer. Elle avait tenté l’expériences quelques fois depuis son arrivé. Pendant dix minutes, elle s’enfermait dans son esprit, imaginant les contours de la statue qui devait prendre forme. Elle s’imaginait mimant ses mouvements de sculptrice. Ceux qu’elle avait mis une vie à acquérir, et qu’elle pouvait maintenant apprivoiser en une dizaine de minute.

La magie enveloppa la terre.
Sous ses doigts de fées, une statue fut créée.  

Un visage d’homme se détacha du reste de la terre. Bien que manquant encore de finesse, Lucrèce était fière de cette œuvre. Comme de toute œuvre qu’elle créait. Le visage semblait flotter au-dessus du vide, reposant uniquement sur la main dans laquelle il reposait. Si ses statues de pierre étaient beaucoup plus belles que cette statue de terre, Lucrèce ne pouvait s’empêcher de s’émerveiller sur ce pouvoir qui lui avait été donné.  
Elle se releva, un peu tremblante, un peu vidée d’énergie.

« N’est-il pas ? Bientôt mes statues resplendiront dans tout Althea. »

Bien plus qu’une déclaration, c’était une promesse. La promesse de devenir cette vedette qu’elle voulait tant être. D’avoir son art sur ce nouveau continent. D’obtenir sa place.

« Qu’as-tu obtenu Darling ? »

Se détournant de cette œuvre nouvellement créée, déjà abandonnée, Lucrèce était revenue auprès de Sasha. Elle était curieuse. Est-ce que les cristaux révélaient l’âme de leurs possesseurs, comme il lui avait été donné avec le sien ?


[C’est plus ou moins ça pour la sculpture mais en moins précis : www]

Le rire de la fille du sud vint se mêler à celui de son amie du nord. Une artiste en devenir, Lucrèce le serait sûrement si elle ne l’était pas déjà. C’était son but. D’apposer sa marque sur ce nouveau monde. De devenir cette vedette si appréciée. Si admirée. Rien ne l’arrêterait pour atteindre cette grandeur. Elle forgerait son propre chemin pour créer sa légende. Son empire. Des fans, elle en aurait. Mais aucun n’égalerait jamais cette admiration de la part de Sasha. Après tous, elles étaient depuis toujours deux étoiles qui flottaient côte à côte. Lorsque l’une brillait plus haut, l’autre s’élevait à son tour pour la rejoindre.

« Tu n’en auras pas besoin, puisque tous admirons ta beauté figée dans le temps ».

Pavaner, Sacha n’en aura pas besoin. Ce sera autours d’elle que les autres tourbillonneront. Devant son élégance suspendue dans la roche qu’ils allaient s’incliner. La russe était le meilleur modèle que Lucrèce pouvait espérer. Qu'elle allait capturer dans ses œuvres. Une beauté de glace qu’elle connaissait mieux que personnes.

Si Lucrèce allait traverser les âges de par son art, Sacha allait devenir un emblème. Le visage d’Althea et des tombés.
Ainsi, leurs destins à jamais seraient liés.

Une main élégante au-dessus d’elle, Sasha se concentra. Lucrèce entendit un petit bruit, comme un déclic. Alors, elle se retourna, regarda derrière elle. Sa statut auparavant clouée au sol se mit à voltiger de quelques dizaine de centimètres. Une expression de surprise passa furtivement sur le visage de l’italienne. Les pouvoirs d’Althea étaient si mystérieux et surprenants. Lucrèce goûtait à chacune de ces démonstrations avec grand plaisir. Elle s’émerveillait devant les pouvoirs de son amie.

Quand la statut atteignit le sol, Lucrèce applaudit. Si ces applaudissement étaient souvent moqueurs, ceux-là ne l’étaient nullement. Elle était impressionnée par le pouvoir de Sasha. Impressionnée par cette magie omniprésente et fascinante.

« Ton don est magnifique. »

Une magie aussi simple arrivait à l’émouvoir. Ce monde était remplie de merveilles que Lucrèce désirait au plus vite découvrir.

« Et si pratique. »

Cette remarque là était plus réaliste. Elle s’imaginait déjà faire appel à ce don pour nombre d’actions. Et jouer des tours à ces fêtes où elles s’ennuyait parfois trop.  

Lucrèce frissonna un instant. Dans toute cette allégresse, elle n’avait pas vu la nuit arriver, et ses habits étaient devenus bien trop légers. L’une de ses mains vint saisir celle du Sasha; à l’image de deux enfants qui se tiennent la main innocemment.

« Que dirais-tu de venir dans mes appartements pour y passer la nuit ? »

Elle prend des grands airs sur le mot « appartement », alors qu’elle n’a qu’un modeste logement.

« J’ai une merveilleuse bouteille de champagne qui n’attend que toi. »

Et elle sourit. Lucrèce connait ses armes. Ce point faible de Sasha, capable de lui faire faire des folies. Devait-elle seulement douter de la réponse de cette amie retrouvée ?