Il avait trop subi en aussi peu de temps. C'était la semaine la plus longue qu'il avait passé de toute sa vie, les émotions se superposant comme une toile qui n'avait pas le temps de sécher. On ne l'avait pas laissé respirer, comme suffoquant sans s'arrêter, la tête à peine hors de l'eau. Son seul soutien dans le brouillard, ç'avait été Will. Will qui lui avait offert son épaule, qui l'avait laissé déverser sa peine alors que le deuil se faisait ressentir dans tout son corps en pleine santé, l'âme meurtrie. Parfois, il entendait les murmures des Oubliés, à propos de la cérémonie, à propos des Transcendés. Il n'en avait encore pas vu, mais était bien conscient que le danger était partout. Était systématique. Et si le conseil était de ne jamais être seul, il ne pouvait souffrir la présence d'un.e autre à ses côtés trop longtemps sans avoir l'impression de déborder. Il préférait encore mourir face à l'un de ces monstres parce que trop faible que de devoir s’apitoyer sur son sort à haute voix. C'était ce qu'il avait pensé. Jusqu'à recevoir le message d'Orion.

Faible lumière au bout du couloir, il n'en avait pas cru ses yeux. Et s'il avait promis à Laoise de venir lui rendre visite, il s'était excusé auprès d'elle pour pouvoir venir plus tard. Parce qu'Orion était en vie. Parce qu'il ne pouvait le croire avant de l'avoir vu réellement, bien en chair, le cœur vibrant. Il n'arrivait pas à se faire à cette nouvelle réalité qu'il n'espérait plus. Il s'était déjà fait une raison, le regret pinçant son cœur jusqu'au plus profond de ses maux, la peine, aussi, d'avoir perdu un ami qui lui était cher, qu'il n'avait plus honte de nommer ainsi. Et comme une malédiction interminable, le bonheur ne pouvait lui être permit. S'il avait voulu revoir sa mère, peut-être aurait-il amèrement regretté d'avoir quitté les êtres qu'il avait rencontré sur Althéa. Orion, aussi. Orion et ses sourires soleils. Orion et ses paroles sans fin. Orion et son rire chamboulant. Orion et la flamme de sa vie, qui s'était éteinte par la seconde chute. Mais qui, finalement, n'était pas mort. Il vivait. Il vivait encore.

Le regard se perdant sur les couloirs sans fins, sur le personnel débordé, il sentait la boule dans son ventre se serrer plus encore, sa gorge s'assécher alors qu'il demandait le numéro de chambre de son ami. Et il avait encore l'impression d'halluciner, lorsqu'on lui confirma la présence du jeune homme, au troisième étage. Le voyage jusqu'à la chambre lui sembla si court qu'il n'avait pas eu le temps de reprendre son souffle avant que l'infirmière n'ouvre la porte, qu'elle le laisse entrer avant de les laisser seuls. Regard perdu sur le corps meurtri d'Orion, il ne su quoi dire, lorsqu'il prononça son prénom. Il était bien là. Il n'était pas mort. Il était toujours en vie. Et il aurait pu pleurer, encore, il aurait pu laisser son appréhension s'évacuer. Mais rien ne vint. Il resta un peu bêtement sur le pas de la porte, le regard planté dans celui de son ami, avant de finalement s'approcher, d'un pas prudent, analysant le blessé, cherchant des réponses à toutes ses questions d'un simple regard et le bras tenant un bouquet de fleurs blanches pendant le long de son corps. Il rapprocha une chaise du lit aux draps blancs, il se pencha un peu, toujours sans dire un mot. Et la seule preuve de son état fut ses prochains gestes : il posa une main sur l'épaule valide du blond, avant de glisser sa paume jusqu'à sa main. Avant de serrer ses doigts doucement entre les siens. Et comme si la réalisation le frappait soudain, il prit une grande inspiration, un peu tremblante, nerveuse, à deux doigts d'avouer ses peurs. Au lieu de ça, il replongea son regard dans celui d'Orion, prononçant son prénom à voix basse. Comme s'il avait peur de briser ce moment. "Orion." Il serra ses doigts un peu plus fort. Il fronça un peu les sourcils, la frustration prenant le dessus. Pourquoi n'avait-il pas pu savoir qu'il était là depuis une semaine? Pourquoi n'avait-il pas cherché directement là-bas? Pourquoi avait-il assumé si vite sa perte? Il se sentait honteux, soulagé, heureux et si triste à la fois. Et il ne prononça que quelques paroles, parce que c'était tout ce qui lui venait. "Je suis si heureux que tu sois là." Peut-être était-ce assez.

Ses doigts étaient gelés. Il ne fit pas le commentaire, mais cette réflexion envenima son cerveau. Orion n'était que soleil, flammes déferlantes sans s'arrêter. Était-ce pour cette raison qu'il lui faisait si peur? Ou était-ce qu'il avait peur pour lui? Les sentiments confus, la tête vibrante de pensées, il avait cette impression étrange que le feu était devenu glace, que les rayons de soleil s'étaient éteints. Et tout était froid. Ces doigts, les murs, les fenêtres, les yeux d'Orion. Ses yeux si vivants, d'habitude, ses yeux vibrants aux couleurs de ses bijoux. Ils étaient à demi vides, ils étaient surpris, ils étaient toutes ces émotions qu'il ne lui connaissait pas. Mais n'était-ce pas normal? N'était-ce pas logique? Mais ce froid, cette sensation qu'il laissait contre sa peau lui rappelait une chose, qu'il ne cessait de tourner dans tous les sens de ses pensées : Orion est vivant. Il est vivant. Et il l'éprouva, lorsqu'il s'écroula sur lui, lorsqu'il passa ses bras autour de sa figure, lorsqu'il sentit son cœur battre tout contre le sien, lorsque ses cheveux vinrent chatouiller son épiderme. Et ce murmure, mais quoi? Oui, il voulait remonter. Mais n'était-ce pas un acte lâche, n'était-ce pas preuve de sa propre naïveté? Il savait. Il avait toujours su, qu'il était inutile d'espérer. Et il savait aussi que, la terre infestée, elle avait abandonné ce monde. Elle n'était pas assez forte, maman. Elle n'était pas assez courageuse.

Il a envie de s'excuser, lui aussi. Il a envie de lui rappeler qu'il n'avait pas été celui qui, égoïstement, lui avait tourné le dos, l'agacement seule raison valable, au fond. Mais l'était-elle vraiment? Cette frustration de se sentir comme un moins que rien? Comme un simple souvenir au fond des mémoires? Il avait été si idiot (si con). Il avait tellement regretté. Et maintenant qu'il enroulait ses bras autour d'Orion, maintenant qu'il les passait dans son dos comme s'il était prêt à se briser, il avait le sentiment de revivre, malgré le deuil, malgré les regrets, malgré les peines. "J'ai voulu remonter." Il ne pouvait mentir. Il n'avait aucune raison de le faire. Mais Orion devait bien savoir, maintenant, ce qui les avait attendus là-haut. Il avait vu les monstres. Il avait vu ces hommes se jeter au bas des escaliers, cherchant un échappatoire, raclant le sable, comme bêtes, eux-même. Pourquoi était-il désolé? Il avait envie de lui demander, mais ne savait comment le formuler. Il posa sa main contre sa nuque, il sentit la légère chaleur présente sous ses cheveux blonds, et il serra les dents. Il ne voulait avouer qu'il l'avait cru mort. Ou peut-être Orion avait-il compris? "J'avais quelqu'un à revoir, là-haut." Mais il était trop tard. L'avait toujours été, au fil des années. Il souffla un peu, comprenant soudainement son excuse. Il secoua légèrement la tête, vibration entre leurs deux corps. "Mais je sais que ce n'était pas possible." Et il se rendit compte qu'en voulant revoir un seul visage, il en avait négligé tant d'autres.

Il ne su vraiment quoi répondre à ce merci. Merci d'être heureux? Merci d'être venu? Merci de ne pas l'avoir abandonné? Merci de ne pas l'avoir quitté? Il a envie de lui répondre qu'il se sent affreusement mal, de n'avoir plus réfléchi à ses actions, de n'avoir pensé qu'à lui. Et Orion? Et Will? Trop de gens qu'il avait négligé. Mais il était là, maintenant. Il était là, et il avait envie de le faire savoir. Il avait envie qu'Orion sache qu'il ne partirait plus, aussi étrange que cela puisse paraître. "J'ai cru que je ne saurai jamais me faire pardonner de mon comportement." Comprendrait-il? Saurait-il lire entre les lignes? "Je suis désolé de t'avoir laissé." Il avait songé à dire "vous", mais c'était faux. Sur l'instant, il ne songeait qu'à ce corps froid contre lui, qui se réchauffait pourtant entre ses bras. Il avait cette étrange sensation au creux de la poitrine, comme s'il n'aurait su se pardonner d'avoir véritablement quitté Althéa sans un regard en arrière. Sa vie serait à jamais ici. Il n'était plus temps pour les regrets. Il n'était plus temps pour les "et si". Il était pourtant temps, pour Mars, pour Orion, de se revoir malgré les espoirs brisés et les portes claquées, les escaliers écroulés. "Mais si je ne la revois jamais, d'autres seront toujours là, après tout." Orion sera là. Il l'espère.

Orion, Orion, l'esprit si pur, si peu bouleversé. Ne vois-tu pas dans ces yeux-là que le remord le traverse de tout son long? Mais il a le nez enfoui tout contre sa peau, Mars le sent, son souffle tout chaud. Alors il se contente de garder sa main contre sa nuque, se contente de jouer avec ces petits cheveux qui effleurent le bout de ses doigts. Il écoute, il est attentif, il a presque envie d'imprimer chaque parole qui lui parvient, comme si cela l'apaiserait, rien qu'un peu, comme s'il oublierait ses précédentes peur. Il se concentre un peu, aussi, parce sa voix est si faible, si basse, qu'il a l'impression qu'elle n'est que souffle contre son épiderme. Et puis, partir à jamais, ça sonne affreusement faux. Il avait envie de lui dire que ce n'était pas lui, qui avait failli disparaître à cause de l'énorme main d'un monstre. Mais peut-être que, ça aussi, cette peur d'avoir perdu Orion et ses flammes, il l'emmènerait avec lui dans sa tombe. "Alors laisse moi au moins me faire pardonner d'avoir claqué ta propre porte au nez."

Ne plus le sentir contre lui créa soudainement une sensation de vide inconnue, encore. Il battit plusieurs fois des cils pour accompagner du regard les mouvements d'Orion, sa propre main glissant contre son cou, puis sur son bras valide, encore. Il avait la sensation que, s'il le lâchait maintenant, il allait peut-être disparaître. Et puis, le souvenir des cicatrices, des petits ronds sur la peau opaline, tanguant, sous les rayons du soleil fatigué lui revinrent. Peut-être était-ce égoïste de sa part, finalement, d'affirmer vouloir retrouver une personne, là-haut, quand Orion ne voulait que les oublier. Mais cela faisait bien longtemps que Mars s'était habitué à être égoïste. Car tout n'est pas tout rose, dans le désert. Pas toujours, en tout cas. Mais il ne voulait pas lui rappeler de mauvais souvenirs, pas maintenant, sur ce lit d'hôpital, alors qu'il vient tout juste de se réveiller d'un sommeil difficile. "Tu avais peut-être raison de ne pas y penser, finalement. Ce n'est plus rien que de mauvais souvenirs." Mais il fallait croire qu'ici, ce n'était pas lui qui offrait du réconfort. C'était encore, encore Orion. Orion qui posait sa main réchauffée contre sa joue, qui le surprenait, encore. Mais cette main, il ne la repoussa pas, fronça pourtant légèrement les sourcils. Oh, il avait envie de lui dire qu'il avait espéré, oui, qu'il avait espéré jusqu'au bout que ce géant ne l'avait pas achevé. Mais ce ne serait que ramassis de mensonges. Alors, à la place, le voilà qui pose sa propre main sur celle qui, déjà, cajole sa peau. "C'est vrai. Il faut bien plus que ça." Il pourrait pleurer, encore, comme il l'avait fait sur les épaules accueillantes de Will. Mais ne s'était-il pas assez vidé? Orion ne mérite-t-il pas de penser à autre chose qu'à cette catastrophe? Et le sourire qui luit dans ses yeux est de nouveau rayonnant, il l'illumine, là, de plus belle. Alors il oublie sa mère. Parce qu'Orion est là, au moins. Et pour l'instant, c'est tout ce qui compte. Donc il tente un sourire, un peu cassé, mais le plus beau qui puisse orner ses lèvres aujourd'hui. Et peut-être que ses yeux à lui brillent, aussi.

"Je t'ai pris des fleurs. Mais je me rends compte que j'aurai pu faire un peu plus coloré." Mais elles avaient semblé si jolies, comme une lueur d'espoir en plein centre de la boutique. Il les posa sur la table de chevet de l'Astre, sans le déloger, sans l'éloigner de lui. Était-ce si flagrant, qu'il ne souhaitait plus le quitter, maintenant? S'en rendait-il seulement compte? Il retrouva sa position initiale, glissant son regard des pétales claires aux yeux lumineux et songea que, même si les couleurs n'étaient pas au rendez-vous, il saurait retrouver un peu de Mars en elles, n'est-ce pas?

Et Orion n'est pas mort, alors il n'est plus nécessaire de parler des maux qui avaient vibré en son sein. Il les enfermerait en lui jusqu'au bout, pour le revoir sourire.

Ces fleurs à moitié fanées, celles encore vibrantes, elles ont l'odeur des morts, des regrets mais aussi du bonheur. Elles ont cette sensation d'être éveillé quand tout semble rêve. C'est peut-être ce qui rappelle à Mars qu'il n'a plus tant à s'inquiéter, maintenant (pour les autres). Leur parfum envoûtant éveillent les sens. Et il tend le doigt pour redresser la figure de l'une d'elle, comme on le ferait sur le bord du menton, comme il le ferait sur le visage d'Orion, s'il était abattu encore de ce jour-là. Il souffle un peu, se vide la tête. C'est cette sensation que tout ne doit être dit sur ce lit, et qui, pourtant, est presque tangible qui le fait réfléchir. Il a besoin de ce temps pour (enfin) retrouver le visage de son ami. Il a le souvenir de la chaleur de la paume sur sa joue qui ne le quittera de si tôt, il y a l'arôme des fleurs. Il y a Orion qui ne l'a pas lâché, Orion qui cherche encore son contact, Orion qui le regarde lui, plus que les fleurs. C'est étrange. Ça tire un peu son cœur (ça démange quelque chose, ne sait pas quoi). Il y a ces doigts qui ne se quittent pas, il y a ces bras qui se frôlent toujours, qui se pressent l'un contre l'autre. C'est plus fort que lui (qu'eux). C'est cette nouvelle nécessité qu'il n'aurait jamais soupçonné. Ce n'est que (pour) Orion.

"Pas de quoi."

Ce sont encore les doigts qui se suivent, la main de Mars qui retrouve celle logée sur sa jambe, le regard qui cherche celui de son ami (éveillé). Il le regarde comme s'il s'attendait à ce qu'il lui annonce une vérité improbable. C'est peut-être bien ce qu'il fait, finalement, quand il lu dit sortir bientôt, quand il y a l'espoir dans le fond de sa gorge, l'inquiétude, aussi. Et Mars serre un peu sa main dans la sienne, serre ses doigts entre chaque phalange. C'est vrai. Le désert n'est pas lieu de sûreté. Il a croisé des malades, n'a pas (encore) vu de Transcendé. Mais n'espère pas en rencontrer. Il aurait probablement dû rentrer, mais comme l'abandonner maintenant? Il peut le suivre, oui, il peut le rassurer, lui dire qu'il restera évidemment avec lui, mais comprend que ce n'est là la seule question. "Es-tu en sécurité?" Sous-entendu, il ne saurait quelle réponse offrir alors, il réfléchit en observant le profil de l'homme, en songeant. Il devrait le rassurer, mais comment faire? Lui-même n'était pas bien conscient du danger, encore.

"Je pourrai te rejoindre à ta sortie. Si tu n'as pas déjà quelque chose de prévu."

Il peut bien rester pour Orion. Il peut bien rester pour lui, aussi. Il faudrait bien. Parce que ça les rassurerait tous les deux, de se retrouver au coin du feu. Il joue avec les doigts, il baisse aussi le regard, le menton, vers cette paume tendue vers son visage.

"Je t'avoue ne pas savoir exactement, non plus. Mais il y a des rumeurs. A propos d'autres monstres, dans les dunes."

Il ne se voyait pas lui mentir à ce propos. Et puis, il pouvait bien se permettre d'avouer la vérité. C'était bien Orion, et il tenait à se tenir informé malgré son absence des derniers jours. Alors serre cette main, il faut s'y accrocher comme à sa vie, Mars.

"Je t'ai dit que je n'étais pas que de passage, après tout."

Le désert, c'était le choix d'un adolescent perdu, à qui les décisions faisaient peur, à qui on avait donné une idée de pays qui semblait si bancale et terrifiante. Oh, il aurait dû accepter, vraiment. Il aurait dû suivre Cassandra sous le ciel de nuit éternelle. Mais il était trop tard, maintenant. Maintenant, il vivait à la chaleur du jour, au froid de la nuit, désert impitoyable. Cela aurait de quoi l'inquiéter jours et nuits, maintenant, plus que les hyènes : les Transcendés. Mais cela allait qu'ils n'étaient jamais vraiment seuls, au camp des nomades, dans sa tente souvent abandonnées. Mais ils n'étaient que pâtures pour les monstres, aujourd'hui, proies si faciles à qui on avait fermé tout accès à une meilleure vie (c'était bien pour cela, qu'il se battait aux côtés des Révolutionnaires). Il ne savait s'il en voulait aux autres pays pour cela, probablement, finalement. Mais il fallait bien se redresser (encore).

Il espère bien, qu'Orion n'avait prévu aucune folie. Il sait aussi que, si jamais il tentait même d'en faire une, il le retiendrait. Aussi trouva-t-il un certain réconfort à le sentir ainsi enlacer ses doigts avec tant de force. Le voilà qui lie leurs mains, les entrelace un peu en les observant, sans trop de mots. Et puis ses paroles lui font relever la tête. Il est si sérieux, Orion. Il y a dans ces yeux-là quelque chose qu'il ne peut ignorer, qui le rend si (faible) conscient qu'il n'est définitivement plus si seul que ça, à Althea. Il y a un certain léger sourire qui tangue sur ses lèvres, il y a aussi le sentiment qu'il est plus en sécurité entre les bras de cet homme blessé qu'ailleurs.

"Ça me ferait plaisir, à moi aussi."

Car si Orion s'ouvre tant, il lui prouverait qu'il n'était pas le seul à percevoir ces sentiments envoyés. Même s'il n'était pas sûr de pouvoir rester tout du long, jusque... Jusque quand? Jusque jamais, peut-être. Il ferait des allers-retours, si cela ferait plaisir à Orion. Et puis, finalement, il y a cette révélation qui n'est pas véritablement une surprise, cette révélation qui laisse sous-entendre tellement de chose. Qu'il ne veut pas le voir disparaître sans prévenir, qu'il serait son refuge s'il le fallait. Ça mettait du baume au cœur, ça donnait envie de le plaquer contre sa poitrine pour le remercier. Au lieu de ça, sourire plus vrai, plus étiré.

"Je devrai tout de même rentrer, à un moment donné. Il y a d'autres personnes qui ont besoin de moi."

Mais pour l'instant, c'était Orion, sa priorité. On toque à la porte, ça le surprend, il serre la main plus fort. On annonce la fin des visites, avant de disparaître. Il allait falloir qu'il le laisse dans cette chambre toute froide, toute blanche. Il allait falloir qu'il pense à lui toute la nuit, évidemment, tout inquiet de le voir disparaître pendant celle-ci. De ne le retrouver le lendemain, à l'entrée. Mais il fallait cacher tous ces sentiments, alors le voilà qui se relève, sans vraiment lâcher sa main, avant d'enfiler ses quelques affaires. Il doit bien s'en défaire, lâche les doigts presque à regret. Et puis il le regarde un peu, lui tapote gentiment le crâne (c'est étrange, c'est amusant, ça réchauffe le cœur). Il remet un peu quelques mèches blondes en ordre, il laisse ses doigts effleurer la joue et puis, il faut bien se séparer.

"À demain, alors. Préviens moi par holokit, pour tes horaires."

Mais il arriverait bien trop tôt, évidemment. Regard appuyé, il y a le mal à partir, l'envie de rester. C'est comme le temps suspendu, l'hésitation, et puis le voilà qui fait demi-tour. Le voilà qui disparaît derrière la porte. Ce n'est pas un adieu, mais ça sonne tellement comme tel. La poitrine déjà lourde d'ainsi l'abandonner, il faudra bien rentrer.